Index des revues

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    Par Jean-Claude GARRETA
    Marcelle BEAUDIQUEZ

    Guide de bibliographie générale

    Méthodologie et pratique

    Munich, New York, Londres, Paris, K.G. Saur, 1983. 280 p.

    Si, depuis des années, le Bulletin de l'A.B.F. a renoncé à tenir une chronique bibliographique - il suffirait d'une bonne volonté pour la reprendre -, il convient de la rouvrir pour commenter l'ouvrage d'un collègue qui fut pendant plusieurs années secrétaire générale de l'Association. L'importance de ce livre, en tout état de cause, nous faisait un devoir de le recommander.

    On pourrait, pour en rendre compte, utiliser la grille d'analyse que l'auteur propose elle-même. Reliure? Le cartonnage d'éditeur ne résistera peut-être pas à la manipulation d'un documentaire voué à un emploi soutenu. Dos lisible ? Certes. Typographie ? Très claire. Titre courant ? Avouons qu'à la place des rubriques numériques (je ne veux pas écrire « digitales ») nous aurions préféré le titre en clair du chapitre. Connaissance de l'auteur et de l'éditeur? On peut estimer que près de la moitié des bibliothécaires français en fonction ont suivi les cours de bibliographie de M. Beaudiquez à Paris ou à Lyon. Et toutes nos bibliothèques ont dans leurs usuels ces volumes aux couvertures colorées de l'éditeur allemand, fidèlement présent dans tous nos congrès internationaux. Introduction ? Dès la première ligne est exposé le but de l'auteur, qui offre aux futurs bibliothécaires un outil pédagogique. Table des matières détaillée ? Elle remplit onze pages pour décrire les cinq parties de l'ouvrage : bibliographie générale et recherche documentaire ; recherche de l'information ; recherche du document ; le livre, le périodique, les documents spéciaux, un Guide pratique constituant une sixième partie.

    Arrêtons-nous un instant pour observer la démarche concrète de l'auteur qui affronte tous les jours les questions aussi raffinées que variées des lecteurs en détresse dans la salle Julien Cain, au sous-sol des Imprimés de la Bibliothèque nationale. Sans cesse, M. Beaudiquez démontre sa conception active et engagée de la bibliographie en prise directe sur la réalité professionnelle. Son plan renouvelle donc avec bonheur l'ordre traditionnel légué par L.N. Malclès - à laquelle d'ailleurs est rendu un juste hommage. M. Beaudiquez marque soigneusement les étapes d'identification puis localisation, ce qui l'amène à disperser a Bibliographie de la France, par exemple, sur plusieurs chapitres des trois dernières parties. Abrévations ? Une page. Notes infrapaginales ? Réduites mais présentes à bon escient.

    Nous vérifions ainsi la cohérence de l'auteur qui a prêché d'exemple pour que ce guide réponde aux règles du genre. Certes, la préoccupation didactique amène M. Beaudiquez à aborder le sujet sans précipitation, ce qui peut impatienter quelque peu le lecteur connaissant déjà la question. Mais répéter que cet ouvrage ne lui est pas destiné ne revient pas à dire qu'il n'a rien à y apprendre : c'est tout le contraire, car au fil des pages on a la révélation de telle application récente de l'informatique dont la pénétration jusqu'en 1983 est parfaitement connue de l'auteur: elle a soigneusement indiqué les études les plus récentes sur tous les points évoqués, dans une bibliographie volontairement réduite.

    Est-ce à dire que nous n'aurions aucune amicale critique à lui adresser? Nous savons tous qu'un travail d'une telle ampleur ne peut pas plus éviter quelques coquilles que des erreurs de détail auxquelles il sera facile de remédier dans une réédition, ou plutôt... d'abord, ce terme même de réédition, employé p. 86 à propos des encyclopédies (un des meilleurs chapitres) : si un retirage ou une réimpression réutilise les mêmes formes, ou les mêmes typons pour publier à nouveau un même texte dans une même imposition, pour une réédition l'imprimeur fait une nouvelle composition du même texte, sans en changer un seul mot, tandis que la mise à jour nécessaire à une encyclopédie suppose une nouvelle édition.

    Excellent chapitre, disais-je, (même si une encyclopédie ancienne n'est pas la même chose qu'une encyclopédie historique comme le sont les dictionnaires de Lalanne ou de Mourre) car elle rend enfin justice au Grand dictionnaire universel de P. Larousse (qu'il était jusqu'alors de bon ton de dénigrer) aux dépens de l'infortunée Encyclopédie française, que toute une génération a voulu porter aux nues, et même de la Grande encyclopédie de M. Berthelot chère aux historiens. L'Enciclope-dia universal illustrada pouvait, à mes yeux, mériter un petit développement malgré l'incommodité de sa kyrielle de suppléments, et j'ai rarement pour ma part trouvé judicieuse l'illustration de la Grande encyclopédie Larousse. Mais ce sont là des divergences d'appréciation.

    Sans prolonger cette querelle, j'ai néanmoins lieu de craindre que les copies'd'examen ne fassent encore longtemps état des suppléments de la Bibliographie de la France « créés en 19461948 ", car c'est dans le rappel chronologique de la page 148 que l'on apprend que les gravures, la musique, les cartes et les nouveaux périodiques sont pris en compte dès l'orig.ne de notre vénérable bibliographie nationale officielle. Quant à la bibliographie cumulative commerciale, moderne, ne faut-il pas faire remonter à 1930 le départ de fait de la Librairie française malgré le titre du « supplément au Catalogue des ouvrages en vente » ? Ayant décidé de ne parler que de Quérard et Lorenz, M. Beaudiquez ne veut mentionner que les deux premiers volumes de la Littérature française contemporaine: même si avec Lorenz nous prenons fait et cause pour le « martyr de la bibliographie il convient de dire que l'oeuvre de ses persécuteurs couvre la période 1827-1849. Autre date à rectifier p. 60 : le texte de 1925 a amené le dépôt légal des périodiques aux archives départementales, l'ensemble des exemplaires imprimeurs de province n'est reçu par les bibliothèques « régionales que depuis 1943.

    Encore un mot sur les définitions (car elles sont oarticulière-ment soignées) : en matière de classement, le terme méthodique n'est pas seulement plus ancien que systématique, il est aussi plus général et indifférencié. Organisé, tout classement original, de circonstance, peut être dit « méthodique », alors que « systématique doit se référer à un schéma consacré, comme la C.D.U. Et je pense que « sélectif » s'oppose plus nettement à «exhaustif»: une bibliographie exhaustive, comme le dit fort bien l'auteur, « rassemble dans un domaine donné, l'ensemble du matériel documentaire, sans aucune exclusion toute omission ne serait qu'involontaire de la part des rédacteurs». Partant de là, si une bibliographie sélective est choisie « d'après certains critères », ceux-ci ne peuvent être que qualificatifs d'une manière générale (et vague) et non chronologique, ou autre : si tous les titres trouvés ont été retenus, dans les limites (chronologiques, par exemple) fixées par le titre de la bibliographie, celle-ci est exhaustive, quelque restreint que soit le sujet. Sélectif implique un choix à l'intérieur du sujet annoncé.

    Une dernière remarque sur l'auteur de la citation mise en épigraphe de l'introduction : Armand Gaston Camus n'est pas un jurisconsulte (et non « juriste-consulte ») quelconque c'est encore moins « M. Camus », ingénument porté au dos du reprint de sa fondamentale bibliographie parue sous le titre de Lettres sur la profession d'avocat - c'est d'abord le premier garde général des archives nationales, c'est-à-dire le premier directeur général des archives de France : un bibliothécaire n'a pas le droit de l'oublier.

    En dépit de ces remarques, nous devons dire que l'auteur a excellemment rempli son programme : il faut savoir traverser patiemment les explications préliminaires (tous les professeurs de bibliographie savent bien avec quelles précautions ils doivent exposer cette discipline aux néophytes) et ne pas s'arrêter à une impression de piétinement pour se laisser porter ensuite en souplesse sur les pics les plus redoutables de la bibliographie générale qui ont nom Catalogue de la Bibliothèque nationale ou Bibliographie de la France. Nous avons dit que ce guide pourrait prétendre au titre de traité ; allons plus loin : la présence de ces fac-similés introduits après les « How to find out... » par Frasson-Cochet dans les manuels français, flatte le vieux rêve d'un enseignement de la bibliographie par correspondance. L'auteur m'en voudrait d'encourager cette illusion que la bibliographie peut s'apprendre loin des usuels d'une salle de lecture, car il est impensable de réaliser dans l'abstrait ce modèle achevé du bibliothécaire - pas seulement « de référence » - auquel nous ne pouvons qu'adhérer pleinement (p. 33) « le sens du service rendu au public, la rigueur et l'imagination, la logique et la persévérance, lebonsens et la perspicacité