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Problèmes documentaires des instituts universitaires de technologie

1985

    Problèmes documentaires des instituts universitaires de technologie

    Par Jean Saide, Directeur I.U.T. de Nice

    Quelques caractéristiques des instituts universitaires de technologie

    Pour saisir la spécificité des problèmes documentaires des I.U.T., il est nécessaire de rappeler les caractéristiques de ces établissements dans la mesure où elles ne sont pas étrangères à cette spécificité.

    Les I.U.T. sont de création récente puisque leur acte officiel de naissance remonte à 1966. Ils n'ont pas vingt ans, c'est dire leur jeunesse au regard de nos vénérables institutions universitaires françaises. Les I.U.T. aujourd'hui, c'est 59000 étudiants répartis entre 18 spécialités dans 66 établissements.

    Les I.U.T. forment en 2 ans après le baccalauréat des techniciens supérieurs ou cadres moyens. La finalité professionnelle des I.U.T. est leur première caractéristique, la plus fondamentale. La formation débouche pour la grande majorité des étudiants sur la vie active où le diplômé va être rapidement opérationnel. Les études sont donc spécialisées et visent à donner une compétence dans un domaine : comptabilité, automatique, informatique de gestion, agronomie, génie thermique, techniques de commercialisation, etc.

    Une autre caractéristique des I.U.T. tient au fait qu'il s'agit d'études courtes intensives. La durée hebdomadaire de l'enseignement est de 27 à 35 h. Ajouté au travail de préparation et de révision, cela laisse peu de place à la recherche documentaire.

    Il est aussi nécessaire de dire un mot du cadre institutionnel : instituts au sein des universités, les I.U.T. ont une autonomie très large consacrée par la loi sur l'enseignement supérieur du 26 janvier 1984 (art. 33), ils sont organisés en départements (1) correspondant à des spécialités. Ces départements sont des unités pédagogiques mais ils peuvent avoir, lorsque l'établissement a une structure très décentralisée, une autonomie de fait qui dépasse le seul cadre pédagogique. Cela n'est pas sans impact comme nous allons le voir sur l'organisation des bibliothèques en I.U.T.

    Enfin, il faut préciser que les I.U.T. sont le plus souvent géographiquement isolés du reste de l'Université et notamment des bibliothèques universitaires.

    Si on ajoute à cet éloignement géographique, le faible temps disponible des étudiants et les besoins d'une documentation spécialisée dans des domaines souvent ignorés des bibliothèques universitaires, on comprendra que la création des bibliothèques d'I.U.T., prévue dans les plans mêmes de construction de tous les I.U.T., n'était pas un luxe mais une nécessité.

    Les bibliothèques d'I.U.T.

    Comment se présentent ces bibliothèques d'I.U.T., que possèdent-elles, que consacrent-elles à leurs acquisitions, de quel personnel disposent-elles? Autant de questions auxquelles on pourrait répondre facilement à partir de statistiques nationales fiables. Or, les derniers documents disponibles dans ce domaine (2) , publiés par le Ministère de l'Education Nationale en 1983, sont très difficilement exploitables en raison du nombre d'erreurs grossières et de lacunes qu'ils contiennent. Qu'on en juge sur quelques exemples: l'I.U.T. du Havre posséderait 60 090 livres qui représenteraient 142 mètres, l'I.U.T. de Rouen possède 450 livres représentant 0 mètre, l'I.U.T. de Saint-Etienne n'a acquis aucun document divers mais a dépensé pour cela 3 642 francs, l'I.U.T. de Paris a acquis 416 volumes et s'est abonné à 68 périodiques sans dépenser un centime, l'I.U.T. de Saint-Denis n'a acquis aucun livre bien qu'en possédant 8 000, l'I.U.T. de Nice s'est abonné à 45 périodiques pour une somme de 43 620 francs, l'I.U.T. de Villetaneuse est présenté comme ayant deux départements alors qu'il en a quatre, ce qui donne 20 abonnements à des périodiques pour l'ensemble de l'I.U.T., etc. Les exemples sont innombrables (3) , et nous avons dû passer tous les chiffres au crible, procédant à des regroupements, à des enquêtes et éliminant les chiffres manifestement erronés, quitte à ne retenir qu'un échantillon au lieu de travailler sur l'ensemble de la population. Même ainsi, nous ne pourrons souvent citer que des chiffres approximatifs, disons des ordres de grandeur.

    Lorsqu'on veut présenter les bibliothèques d'I.U.T., il faut tout d'abord insiter sur le fait qu'il s'agit d'un ensemble non homogène. Qu'il s'agisse de l'organisation, des acquisitions, de la richesse des fonds documentaires, du personnel, les situations sont très diverses.

    Du point de vue organisation, par exemple, on touve en gros quatre cas de figure :

    • 1. Bibliothèque commune I.U.T. (50% environ des cas)
    • 2. Bibliothèque commune I.U.T. avec bibliothèque ou fonds documentaires particuliers dans
      • < tous les départements (un seul cas)
      • * certains départements (20% des cas environ)
    • 3. Pas de bibliothèque commune mais bibliothèque ou fonds documentaires dans
      • < tous les départements (4 cas)
      • * certains départements (15% des cas environ)
    • 4. Ni bibliothèque commune I.U.T., ni bibliothèque ou fonds documentaire de département (2 cas) (4) .

    Cette diversité de situation a trois origines. La première, la plus évidente, c'est la dispersion géographique dans l'implantation de certains I.U.T. Lorsque les départements d'un même I.U.T. sont dans plusieurs villes (par exemple Montpellier-Nî-mes, Nancy-Epinal ou Toulouse-Tarbes-Rodez) ou dans des lieux différents à l'intérieur de la ville (par exemple Poitiers), la structure numéro 2 ou 3 prévaut. Mais cette explication ne suffit pas : il y a des I.U.T. où même pour les départements regroupés dans un même lieu, il n'y a pas de bibliothèque commune (exemple : Toulouse ou Aix).

    La seconde origine tient à la structure de l'I.U.T. lui-même. Un I.U.T. peut être plus ou moins décentralisé : le premier cas de figure se rencontre surtout dans les I.U.T. qui ont une structure centralisée.

    Une troisième explication, moins évidente mais qui a une réalité indiscutable, tient à la personnalité des directeurs, chefs de département, et dans une moindre mesure des enseignants. Certains se sentent très concernés par les problèmes documentaires, estimant qu'ils sont une composante importante de la pédagogie. A l'opposé, et de façon caricaturale, disons que certains pensent que tout somme dépensée dans le domaine documentaire aurait été plus utile ailleurs. Cela a souvent été à l'origine de création de fonds documentaires distincts à l'intérieur d'un même I.U.T., et de leurs développements plus ou moins conséquents. Bien entendu, la structure adoptée au départ pèse ensuite très lourd : il n'est pas facile de créer une bibliothèque commune lorsqu'il en existe déjà une dans chaque département.

    Si la politique de chaque I.U.T., et surtout celle de leurs responsables, peut expliquer des structures différentes, elle n'est pas non plus étrangère aux différences de budget consacré aux bibliothèques et fonds documentaires. Sur un échantillon de 14 I.U.T., les dépenses documentaires moyennes sont d'environ 70000 francs pour 1981 mais elles peuvent varier d'un I.U.T. à un autre dans la proportion de 1 à 3. L'influence de la taille de l'I.U.T. (3 à 7 départements dans notre échantillon) est faible : à taille égale, l'écart reste à peu près le même. On aurait aussi pu penser que la composition de l'I.U.T. du point de vue spécialité aurait joué : toutes les spécialités n'ont pas a priori les mêmes besoins de documentation. C'est vrai jusqu'à un certain point : certains départements (Hygiène et Sécurité, Techniques de Commercialisation, Gestion des Entreprises, par exemple) sont plus gros consommateurs de documents que d'autres (Informatique, Génie électrique ou Génie mécanique). Mais on constate par ailleurs, que les écarts entre I.U.T. pour une même spécialité sont très grands, encore plus grands que ceux constatés entre I.U.T. C'est ainsi qu'entre deux départements de Techniques de Commercialisation, l'écart est de 1 à 7 ! Une autre explication des écarts de dépenses documentaires entre I.U.T. pourrait provenir des contraintes budgétaires. Dans la mesure où les dépenses documentaires entre I.U.T. n'ont pas de recettes pré-affectées, elles entrent en concurrence avec toutes les autres dépenses de l'I.U.T. et se heurtent aux habituelles restrictions budgétaires, les I.U.T. étant plus ou moins à l'aise dans la mesure où leurs ressources propres (taxe d'apprentissage, formation continue...) peuvent être très différentes. Cette explication ne me paraît pas plus que les précédentes fondamentale : les dépenses documentaires ne représentent qu'une part très faible du budget d'un I.U.T. (1 à 2% au maximum) et la marge de manoeuvre en la matière est importante.

    Malheureusement, l'insuffisance de statistiques fiables ne permet pas de mesurer l'incidence de l'organisation documentaire, suivant les quatre cas de figure que nous avons dégagés, sur le montant des dépenses documentaires. On peut émettre l'hypothèse qu'une structure décentralisée entraîne des dépenses documentaires plus élevées en raison 1 - des doubles emplois nombreux, 2 - d'une prise de conscience plus claire et d'un intérêt plus net des problèmes documentaires lorsqu'ils sont traités directement et individualisés au niveau des départements.

    Cette dernière hypothèse rejoint notre conviction qu'une grande part des différences dans les dépenses documentaires tient moins à des éléments objectifs (taille, spécialité, budget) qu'aux idées des responsables et des enseignants en matière documentaire et à leur volonté de faire aboutir ces idées, celles-ci étant bien entendu liées à leur conception de la pédagogie, aux méthodes pédagogiques qu'ils emploient.

    Les écarts entre I.U.T. ne concernent pas seulement les dépenses documentaires d'un exercice budgétaire, ils se retou-vent aussi bien entendu au niveau de l'importance des collections. Il n'y a aucune norme en la matière. Si certains I.U.T. dépassent largement les 10000 volumes (un I.U.T. en possédait 18000 en 1982), certains ont des fonds très pauvres, inférieurs à 1 000 volumes). De même si le nombre de titres de péridiques vivants dépasse 300 dans plusieurs I.U.T., il tombe entre 50 et 100 pour un nombre non négligeable d'établissements. On retrouve là tous les facteurs évoqués à propos des dépenses documentaires, plus l'âge des I.U.T., puisque les collections sont des accumulations dans le temps.

    Pour en terminer avec la présentation de la situation des I.U.T. en matière documentaire, il nous faut évoquer la question des personnels.

    En moyenne, il y a l'équivalent de deux emplois par I.U.T., équivalent car très souvent on trouve du personnel à temps partiel, deux personnes à mi-temps occupant un emploi par exemple. Plus de 40% des personnels à temps partiel sont à charge de l'établissement. Un calcul assez grossier donne en 1982 un emploi d'Etat pour 600 étudiants alors que pour l'ensemble des bibliothèques universitaires en 1980 l'encadrement est de 1 pour 270 étudiants (5) .

    Si la situation des I.U.T. sur le plan des personnels est franchement mauvaise du point de vue quantitatif, elle l'est encore plus du point de vue qualitatif. Il s'agit en majorité de personnel non spécialisé, n'ayant souvent suivi aucune formation, à qui la plus grande liberté est laissée en matière de gestion de la bibliothèque dans le cas, très fréquent, où il n'existe dans l'établissement aucune personne de niveau bibliothécaire adjoint au minimum. Cet état de fait ne peut être compensé par la bonne volonté d'enseignants à qui l'on confie parfois la responsabilité de fonds documentaire ou de bibliothèque et qui n'ont ni la qualification ni le temps pour encadrer efficacement un personnel insuffisant.

    Diversité des structures, fortes différences dans les collections et les acquisitions, insuffisance de personnel qualifié : telle est la situation de nos bibliothèques d'I.U.T.

    Problèmes spécifiques

    Dans ce contexte, et compte tenu du cadre I.U.T., un certain nombre de problèmes peut se poser de façon différente que dans d'autres bibliothèques. Nous nous limiterons à trois problèmes spécifiques aux I.U.T. : la politique d'achat, la sousgestion, le comportement des utilisateurs.

    La politique d'achat dans un I.U.T. doit tenir compte de trois contraintes. L'interdisciplinarité, tout d'abord, qui caractérise les I.U.T., impose des achats dans des disciplines très variées. Le fait d'avoir plusieurs spécialités très différentes dans un même I.U.T. aboutit déjà à des besoins importants, plus importants que dans une U.E.R. de taille comparable. De plus, à l'intérieur d'une spécialité, il y a souvent un enseignement portant sur de très nombreuses disciplines : en Gestion des entreprises, par exemple, les matières enseignées relèvent aussi bien de la gestion que de la psychologie, du droit, de la fiscalité, des techniques d'expression, des mathématiques, de l'économie... La seconde contrainte tient au fait que les I.U.T. donnent une formation professionnelle spécialisée, dans des domaines où l'évolution technologique est rapide. Il faut donc réunir une documentation rare, en général non disponible dans d'autres bibliothèques notamment universitaires, et renouveler constamment cette documentation. D'où l'importance des périodiques dans les I.U.T. : près de 60% des dépenses documentaires et des collections relativement importantes parfois (333 périodiques vivants à Toulouse par exemple).

    Une dernière contrainte dans la politique d'achat tient à la situation jusqu'ici ambiguë de la recherche dans les I.U.T. Jus-qu'en 1983, la recherche n'était pas légalement reconnue dans les I.U.T. Cela ne signifiait pas que les enseignants ne faisaient pas de recherche mais ils devaient se rattacher à des laboratoires de recherche extérieurs, au sein de l'Université. Soit parce que les laboratoires de recherche manquaient de crédits documentaires, soit parce que certains enseignants chercheurs faisaient leur recherche sans rattachement à un laboratoire (notamment dans le tertiaire), les acquisitions pour la recherche ont été importantes, en particulier au niveau des fonds documentaires de département. C'est si vrai que dans certains I.U.T. coexistent une « bibliothèque étudiants », en général la bibliothèque commune, et des « bibliothèques enseignants » où la part de la recherche est prépondérante. La légalisation de la recherche en I.U.T., faute des moyens en rapport et compte tenu des habitudes prises, ne devrait pas fondamentalement modifier cette contrainte de la recherche.

    Interdisciplinarité, spécialisation, recherche : trois contraintes, trois déterminants objectifs d'une politique des achats sur laquelle pèsent par ailleurs, nous l'avons vu, les choix plus subjectifs issus des conceptions pédagogiques des responsables. Comment cette politique va être mise en oeuvre, par quelle procédure les I.U.T. décident leurs acquisitions, c'est une question qui pourrait être subalterne et qui, en fait, ne l'est pas. Elle l'est si peu dans certains cas qu'on en arrive, par des procédures contestables, à des achats dépourvus de toute rationalité et ne correspondant plus aux besoins réels de l'établissement ou du moins aux objectifs qu'il s'était fixé plus ou moins explicitement.

    Ces procédures d'achat sont très diverses. En schématisant, une décision d'achat peut être prise par une des parties suivantes ou après consultation entre elles :

    • le responsable de la bibliothèque (personnel administratif ou technique)
    • la commission de la bibliothèque
    • les enseignants
    • les chefs de département et/ou le Directeur

    Dans les I.U.T. où le responsable de la Bibliothèque décide seul, son pouvoir se limite en général à un petit budget propre à la bibliothèque, l'essentiel des achats étant financé sur le budget des départements et décidé par eux.

    La Commission de la bibliothèque, qui semble exister dans un I.U.T. sur deux, comprend ou ne comprend pas d'étudiants, se réunit plutôt rarement et n'a qu'exceptionnellement un pouvoir exclusif de décision.

    Lorsque ce sont les enseignants qui prennent individuellement la décision d'achat, les commandes sont souvent passées jus-qu'à épuisement des crédits, épuisement qui peut intervenir à tout moment.

    Enfin, lorsque les décisions sont prises par les chefs de département ou le Directeur, il y a un risque réel de voir se développer le fonds documentaire relatif à telle ou telle discipline, généralement celle du décideur...

    La concertation, le filtrage, l'arbitrage sont théoriquement autant d'éléments constitutifs d'une bonne procédure d'achat dans les I.U.T. Mais une telle procédure est peu répandue parce qu'elle est trop lourde et retarde la satisfaction du besoin documentaire.

    Autre problème spécifique aux I.U.T., c'est la sous-gestion. Nous voulons dire par là qu'il y a une insuffisance générale de la gestion des bibliothèques d'I.U.T. Prenons quelques exemples.

    Les fichiers matière sont parfois inexistants (fonds documentaires de département) ou difficilement exploitables, soit parce qu'ils ont été conçus de façon peu scientifique au départ, soit parce que le personnel est incapable d'établir correctement les fiches. Le classement dans les rayonnages est un autre exemple : classements arbitraires, fantaisistes ou anarchiques ne sont pas rares dans les I.U.T.

    Autre exemple encore : la pauvreté en indicateurs de gestion. A part quelques chiffres sur le nombre de volumes acquis, le nombre d'abonnements ou le nombre de volumes perdus, on est dépourvu dans la plupart des I.U.T. d'indicateurs qui pourraient utilement prendre place dans le tableau de bord du directeur. Connaître le taux de sortie (consultation + prêt) des ouvrages par discipline et par département serait cependant une bonne chose car, complétée par d'autres indicateurs pertinents, cette information apporterait une aide à la décision en matière documentaire et permettrait un certain contrôle de la réalisation des objectifs.

    Prenons un dernier exemple, celui des doubles emplois. Faute d'une information adéquate et, en raison d'une absence de communication entre fonds documentaires, on aboutit à l'intérieur d'un même I.U.T. à un véritable gaspillage : tel ouvrage, très rarement consulté, existera en triple exemplaire (parce que acquis par trois départements), telle revue utile à cinq ou six enseignants d'économie fera l'objet de deux abonnements, etc. Certes, on pourrait avancer qu'il s'agit là d'un problème de structure et que l'existence de plusieurs fonds documentaires dans un même établissement entraîne ipso facto des doubles emplois. Ce n'est pas toujours évident. Un simple fichier central des abonnements dupliqué en autant d'exemplaires qu'il y a de centres de décision d'achat de périodiques aboutirait déjà à une réduction des doubles emplois inutiles (tout double emploi n'étant pas par définition inutile, bien évidemment).

    Trouver les causes de la sous-gestion n'est pas difficile. C'est principalement l'insuffisance du personnel en quantité et son manque de qualification qui sont à incriminer. Qu'on nous entende bien : le personnel des bibliothèques d'I.U.T. fait de son mieux et souvent est extrêmement motivé par son travail mais il est proprement dépassé par la tâche qui lui incombe. On a prévu des bibliothèques en I.U.T. mais on a oublié de les doter du personnel qualifié nécessaire !

    Certes, grâce à une formation du personnel, certains I.U.T ont amélioré leur gestion mais il ne faut pas se faire d'illusions : dans certains domaines, il est très difficile de revenir en arrière et de reprendre sur de nouvelles bases, par exemple, un fichier matière vieux de 10 ou 15 ans (6) , surtout lorsque l'effectif du personnel est déjà insuffisant.

    Le dernier problème spécifique aux I.U.T. qu'il nous paraît nécessaire d'évoquer, bien que ses contours ne soient pas faciles à cerner, c'est le comportement des usagers.

    Une bibliothèque, un fonds documentaire d'I.U.T. ont la particularité d'être... dans l'établissement ! Ils n'ont leur raison d'être que pour les usagers de l'établissement, ils sont leur chose, ils sont à leur service.

    Une telle situation est souvent bénéfique. Etre proche des usagers, attentif à leurs besoins, s'adapter aux contraintes liées à la pédagogie des I.U.T., autant de points positifs appréciés aussi bien par les étudiants que les enseignants. Mais la médaille a un revers : des enseignants (une minorité, heureusement) ont tendance à abuser de cette situation, et certains confondent bibliothèque d'I.U.T. et bibliothèque personnelle. Des revues disparaissent des départements sans laisser de trace (parce qu'elles ne sont pas même inventoriées), des ouvrages sont conservés pendant des années, des fiches de prêt sont incomplètes (quand elles existent), etc. : autant d'abus qu'une bibliothèque universitaire ne tolère pas mais qu'il n'est pas facile de sanctionner dans un I.U.T.

    Pour conclure...

    Pour conclure, on pourrait dire que le management public n'a pas beaucoup pénétré à ce jour dans les bibliothèques d'I.U.T. Les méthodes modernes de gestion sont peu employées, et l'ensemble du système donne un peu une impression d'inorganisation et de « bricolage ». Et pourtant, le système fonctionne à la satisfaction des usagers parce qu'il compense ses insuffisances par sa souplesse et son adaptation au milieu. Et pourtant, il y a tout lieu de penser que les bibliothèques d'I.U.T. sont plus susceptibles que d'autres d'améliorer leur efficacité.

    Ce dernier point est important. Les bibliothèques d'I.U.T. ne sont pas organisées suivant un modèle bureaucratique, et leur fonctionnement ne repose pas sur une rationalité de type juridique. Elles ne se placent pas « dans un univers parfaitement réglementé où rien n'est laissé au hasard ni à l'initiative individuelle, où toute rationalité se résume dans et se confond avec la raison juridique, où la règle finit par devenir l'unique horizon des agents » (7) . Pour cette raison, il leur sera plus facile d'adopter des méthodes modernes de gestion, et de gérer rationnellement leurs moyens pour obtenir leur meilleur rapport coût-objectifs.

    La force des bibliothèques d'I.U.T. aujourd'hui, c'est leur souplesse, leur adaptation aux problèmes pédagogiques des I.U.T., leur intégration totale à leur établissement. Leur faiblesse, c'est l'insuffisance de personnel qualifié. Leur avenir, c'est l'adoption de méthodes modernes de gestion qui passent par une informatisation que les I.U.T. sont à même de mener à bien.

    1. En général, un I.U.T. comprend quatre départements (50% des I.U.T. sont dans ce cas) mais on trouve des I.U.T. à deux départements et même un I.U.T. avec treize départements (Toulouse III). retour au texte

    2. Ministère de l'E.N., Rapport annuel d'activité des départements d'I.U.T., Situation des bibliothèques à la rentrée (Fascicule S 350390), Effectifs des personnels de bibliothèques (Fascicule S 350385), Dépenses documentaires, exercice budgétaire 1981 (Fascicule S 350400). retour au texte

    3. On peut s'interroger sur l'origine d'une telle situation : questionnaire mal fait, incompétence ou négligence des personnes qui répondent, erreur et absence de sens critique dans la saisie des données, présentation défectueuse des chiffres (l'absence de données et un chiffre nul sont représentés de la même manière par un zéro) etc., les sources d'erreurs sont sans doute multiples et malheureusement s'ajoutent. retour au texte

    4. Il s'agit de Toulon et Valenciennes. Cela s'explique par la présence de la bibliothèque universitaire dans les mêmes locaux que l'I.U.T. retour au texte

    5. Source : enquête statistique auprès des bibliothèques universitaires. Bulletin des bibliothèques de France, 1983. retour au texte

    6. Ce qui a pu être fait à l'I.U.T. de Nice grâce à une collaboration étroite et efficace avec la bibliothèque universitaire, mais il s'agit là d'une situation assez exceptionnelle. retour au texte

    7. J. Chevallier et D. Loschak, Rationalité juridique et rationalité ma-nagériale dans l'administration française, Revue d'Administration publique, oct.-déc. 1982, p. 61. retour au texte