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Compte-rendu de l'article "Université, la misère des bibliothèques", paru dans Le Monde de l'Education, octobre 1984

1985

    Compte-rendu de l'article "Université, la misère des bibliothèques", paru dans Le Monde de l'Education, octobre 1984

    Par Joëlle Gosselin, Conservateur Bibliothèque de l'Université de Paris 1

    Au moment où une politique globale de la documentation est définie au sein des universités, et à la veille de la mise en place des nouveaux services de la documentation, il est intéressant de signaler un article paru dans Le Monde de l'Education du mois d'octobre 1984, intitulé : « Université, la misère des bibliothèques ».

    Ce titre en lui-même résume parfaitement le constat pessimiste que fait Gérard Courtois, l'auteur de l'article, de la situation actuelle des bibliothèques universitaires dont il dresse un bilan alarmant, et d'où il ressort que le facteur déterminant de cet état de fait est l'absence d'une politique cohérente de la documentation universitaire.

    Les chiffres sont pourtant impressionnants : 60 B.U. (40 bibliothèques universitaires et 20 bibliothèques inter-universitaires) rassemblent près de 17 millions de livres, 25 millions de thèses et près de 100000 abonnements de périodiques, sans compter les bibliothèques de départements, d'instituts et de laboratoires. Au total, un public de 63 000 enseignants et 800 000 étudiants.

    Cependant, la crise est réelle. Elle tient d'abord à l'extrême disparité qui existe entre les B.U. : disproportion dans la taille (qu'y a-t-il de commun entre une grosse bibliothèque comme celle de Lyon qui gère 650000 volumes avec une équipe de 125 personnes, et une petite bibliothèque comme celle de. Chambéry qui possède 50000 ouvrages gérés par 15 personnes ?) ; dans les moyens financiers (les anciennes bibliothèques continuant à bénéficier des avantages acquis lors de leur création : subventions plus larges et moyens en personnel moins réduits) et dans l'organisation (plus ou moins rationnelle suivant leur date de création).

    D'autre part, si les centaines de bibliothèques d'U.E.R. ou d'instituts créés à l'initiative des enseignants peuvent constituer un atout pour la bibliothèque universitaire, en complétant ses collections, elles ne font bien souvent, faute de coordination avec celle-ci, qu'éparpiller les moyens financiers mis par l'université au service de la documentation. En l'absence de bonnes relations personnelles entre le président de l'université et la direction de la B.U., il semble que le règne du « chacun pour soi » tienne lieu le plus souvent de politique documentaire, d'autant qu'un réel malaise s'est instauré entre bibliothécaires et chercheurs, qui se reprochent mutuellement leur manque de coopération.

    Les choses se sont aggravées avec la crise budgétaire qui a amputé dangereusement le budget de fonctionnement des B.U., et les comparaisons internationales font apparaître un écart de plus en plus important, dans les dépenses documentaires entre la France et les autres pays, en particulier les Etats-Unis.

    Malgré le transfert des dépenses d'infrastructure de la B.U. aux universités, et une augmentation des crédits documentaires des bibliothèques, celles-ci parlent seulement de « survie dans un temps où la masse documentaire n'a fait que croître en même temps que le coût de la documentation. En 1970, les crédits du Ministère représentaient 23 francs par étudiant, ils ne représentent plus en francs constants, que 10 francs au-jourd'hui. Et cette baisse de pouvoir d'achat frappe de la même manière les bibliothèques d'U.E.R. et d'instituts. Conséquence immédiate : moins d'achats de livres, suppression de nombreux abonnements de périodiques ; à terme : remise en cause de la finalité des B.U., qui est la recherche, et l'exil de nombreux chercheurs.

    Conscientes de cet état de fait, les bibliothèques universitaires ont tenté depuis une dizaine d'années d'instaurer une coopération entre elles afin de rationaliser la politique documentaire. C'est ainsi que le prêt inter-bibliothèques s'est considérablement développé et simplifié grâce à la messagerie électronique. La création de C.A.D.I.S.T. chargé de rassembler dans une bibliothèque déjà spécialisée l'ensemble de la documentation dans un domaine déterminé évite des acquisitions redondantes.

    Enfin, depuis 1982, la D.B.M.I.S.T. joue la carte de l'automatisation à tout prix : catalogues collectifs, recherche documentaire automatisée, gestion du prêt et des catalogues par micro-ordinateur.

    Mais cette politique se heurte à des obstacles de tous genres : coûts des systèmes, habitude des usagers, intérêt du système informatisé seulement pour les grandes unités documentaires, et surtout, faute de moyens, elle paraît bien ambitieuse aux bibliothèques universitaires qui, au mot d'ordre de la D.B.M.I.S.T.: «Diffusez», répondent: «Parfait, mais encore faut-il avoir des fonds à communiquer! »

    L'article s'achève sur ce dialogue de sourds.

    Il est à espérer que les nouvelles structures mises en place par le décret d'application aux B.U. de la nouvelle loi d'orientation de l'enseignement supérieur, et qui s'inscrivent dans le cadre d'une politique documentaire cohérente et coordonnée, depuis le cadre scolaire jusqu'aux enseignements supérieurs, viennent remédier à cet état de choses. Mais là encore, les bibliothèques recevront-elles les moyens de leur politique?