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    Les bibliothèques danoises

    Responsabilité et loi normative par consensus

    Par Claude LAUDE, Bibliothèque municipale de Neuilly-sur-Seine
    Par Christian ROGEL, Bibliothèque centrale de prêt du Val-d'Oise

    Du 13 au 18 novembre 1984, à l'initiative de la Direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, le Groupe Ilede-France (GIF) de l'ABF a organisé un voyage au Danemark pour faire connaître aux élus territoriaux responsables et à quelques professionnels l'organisation des bibliothèques publiques danoises tant au niveau local que départemental et national (1) .

    La mise sur pied du voyage a été pour une part l'oeuvre de l'Institut Culturel Danois (basé à Rouen) et de son directeur, M. Bent Joergensen, qui accompagna les participants, les faisant profiter de sa connaissance intime des institutions et de la mentalité danoises, ainsi que de ses talents d'interprète.

    Les bibliothèques publiques danoises sont un véritable réseau dont le financement revient presque uniquement depuis 1983 aux 276 communes réparties en 14 départements (« amt »).

    50 % de la population fréquente les bibliothèques, mais il s'agit d'une estimation par sondage, puisque les lecteurs ne sont pas inscrits et n'existent vis-à-vis des bibliothèques que par le prêt, (la carte du lecteur lui est remise et aucun double ou trace n'est gardé par respect pour l'anonymat des choix de lecture).

    Les adultes empruntent en moyenne 20 livres par an, et les enfants 94 (cela n'inclut pas les prêts des bibliothèques scolaires).

    Les bibliothèques municipales visitées ont été celles de Roskilde (50000 habitants), Lyngby (50000 habitants), Ballerup (17000 habitants), 0sted-Lejre (8000 habitants), Copenhague (700 000 habitants).

    Par ailleurs, nous avons vu la bibliothèque de l'hôpital départemental d'Herlev, qui est une section de la bibliothèque municipale, et nous avons été reçus à la Centrale des Bibliothèques, société d'économie mixte au service des bibliothèques, ainsi qu'au Ministère de la Culture.

    La première réception et la plus agréablement pédagogique a pris place au très beau siège des Services du département de Roskilde.

    I. L'organisation départementale danoise

    Chaque département a un Conseil départemental élu pour quatre ans au scrutin proportionnel. Il y a quatre secteurs d'action : hôpitaux, hygiène et handicapés, services techniques et voiries, services culturels. Chacun des secteurs était présenté dans un montage audio-visuel avec commentaire en français.

    En 1983, 30 % des ressources fiscales de l'Etat a été attribué par dotations globales aux collectivités territoriales. Il existe des impôts départementaux sur le revenu, des impôts communaux et des impôts d'Etat. L'ensemble peut atteindre 60 % du revenu et au-delà. Cependant, le système fiscal pousse à emprunter, car les remboursements permettent d'obtenir des déductions. 30 % des impôts d'Etat sont reversés aux départements sous forme de dotation globale.

    II. Exemples de bibliothèques

    1. Bibliothèque de Roskilde

    Nous avons visité la Bibliothèque municipale de Roskilde, qui est aussi une bibliothèque centrale pour son département.

    Pour desservir la ville de Roskilde, il y a deux annexes et un bibliobus très spacieux. Mais la bibliothèque dessert à domicile 200 personnes âgées et effectue 165 dépôts dans des établissements tels que les maisons de retraite, les jardins d'enfants, la caserne, la prison, l'hôpital, etc.

    Chaque jour, elle envoie des livres dans les bibliothèques des communes du département et reçoit pour cette activité de Bibliothèque Centrale une subvention départementale équivalent à 7 % de son budget.

    Chaque année, elle effectue 1 600000 prêts (!!!), et chaque semaine, 1 800 personnes y passent, 55 % des habitants la fréquentent.

    La section musicale possède 30 000 disques, cassettes ou partitions (160000 disques prêtés chaque année et 140000 cassettes).

    Le bibliobus circule 23 heures par semaine et enregistre 120000 prêts annuels.

    Le système de prêt est comme presque partout au Danemark le « photo-charging » (la carte personnelle de l'emprunteur et la fiche du document sont photocopiés ensemble). Les lettres de relance sont dactylographiées par un pool de dactylos.

    Les bibliothécaires danois sont, dans leur majorité, réticents en ce qui concerne l'informatisation du prêt, d'abord en vertu de « l'éthique danoise qui n'admet pas le danger d'une immixtion dans la vie privée et donc d'un « espionnage » des lectures et également à cause des coûts induits, alors que l'effort financier des municipalités est déjà très important dans un contexte de crise.

    A la Bibliothèque de Roskilde, 140 personnes travaillent avec des horaires plus ou moins complets, ce qui représente 95 « pleins temps » dont un tiers de professionnels.

    Les horaires d'ouverture sont de 10 heures à 20 heures du lundi au vendredi et de 10 à 14 heures le samedi (54 heures !).

    Par ailleurs, la bibliothèque joue un rôle de centre culturel et abrite de nombreuses expositions et conférences.

    La deuxième bibliothèque publique visitée fut celle d'Osted qui est une section de la commune de Lejre (8000 habitants). Le chef-lieu de la commune comporte également une bibliothèque qui est une annexe, deux autres annexes existent à Gline et Sevening.

    A 0sted, la bibliothèque ouvre 26 heures par semaine, et elle prête 5600 documents par an (sur 95000 dans l'ensemble du réseau communal). Elle offre 4500 volumes et 1 100 cassettes. Il nous est précisé que la loi sur les bibliothèques n'oblige pas à créer une section audiovisuelle, où la commune accepte de débourser 50000 couronnes pour les cassettes et 15000 pour les livres sonores pour mal-voyants (1 couronne égale environ 1 franc).

    La bibliothécaire responsable nous a précisé que la dénomination était « Service de bibliothèque et d'information On y trouve donc tous les documents émis par le conseil municipal et tout ce qui concerne la région proche. De plus, une section, petite par la surface, mais assez riche en documents, regroupe les activités locales. On y trouve les registres paroissiaux (l'état-civil est toujours tenu par l'église luthérienne) et beaucoup de documents donnés par les habitants (plans, photos, etc.).

    La bibliothèque centrale de Roskilde envoie son véhicule 4 fois par semaine pour apporter des livres demandés par les lecteurs. Sept personnes composent l'équipe de la bibliothèque d'0sted : 1 bibliothécaire dite à temps partiel (non diplômée), 5 bibliothécaires non formées, 1 administrative. La commune est en infraction avec la loi pour ce qui concerne le personnel et les horaires, mais le maire est une personnalité influente du pays, ce qui apparemment lui donne droit à un sursis.

    2. Bibliothèques d'Osted

    Nous avons ensuite visité la médiathèque de l'école d'0sted qui était voisine.

    Toutes les écoles du Danemark ont une bibliothèque alimentée par des ressources en documents indépendantes des bibliothèques municipales.

    L'école d'0sted accueille 450 élèves de 6 à 17 ans (il y a 9 années d'enseignement obligatoires + 1 facultative). Deux maîtres sont responsables de la bibliothèque, tout en assurant des heures d'enseignement. Ils ont suivi des stages de formation. L'horaire d'ouverture est de 8 heures à 15 heures du lundi au vendredi.

    Le budget de la bibliothèque est de 130 000 couronnes pour les livres et les autres médias, et 41 000 couronnes pour les « séries". Le fonds se compose de 14 300 livres, 542 bandes magnétiques et 191 diapos ainsi que de 8151 livres en séries de 25. Les élèves participent eux-mêmes au contrôle du prêt et viennent quand ils le veulent, mais chaque semaine leur classe vient pendant une demi-heure pour le cours de lecture.

    En 1983, 2 900 prêts ont été effectués (sans compter les «séries »), et les deux tiers concernaient la fiction.

    3. Bibliothèque intégrée de l'hôpital d'Herlev

    La visite de la bibliothèque de l'hôpital départemental d'Herlev fut l'occasion de voir un bâtiment particulièrement impressionnant par sa taille et sa conception d'ensemble, alors que pourtant il semblerait que les bibliothécaires se plaignent quelque peu de la faible superficie qui leur est allouée.

    La bibliothèque d'hôpital au Danemark a commencé à se développer en 1920, mais c'est en 1970 que l'équipement a été achevé. Il n'y a pas cependant d'obligation légale, et cela semble entraîner la réduction des budgets dans la période de crise actuelle.

    Le statut est celui d'une annexe de la bibliothèque municipale locale créée par une convention Département-Commune où l'hôpital fournit les locaux et une partie de la rémunération du personnel tandis que la commune finance les collections et affecte le personnel nécessaire.

    L'hôpital a 517 lits sur un total de 900 programmés (des locaux restent vides) et enregistre 20 000 admissions par an et autant de traitements à l'extérieur, 2400 personnes y travaillent sur 1 500 postes à temps complet.

    L'entrée est décorée d'un vitrail de Chagall, et des lithographies agrémentent les couloirs. Un service d'hôtellerie pour les proches des malades est intégré à l'établissement.

    La bibliothèque comporte en fait 3 sections différentes :

    • la bibliothèque des malades,
    • la bibliothèque du personnel médical et professionnel,
    • la bibliothèque de l'école d'infirmières.

    Nous avons visité surtout la bibliothèque des malades qui est conçue comme apportant une aide à la thérapeutique en contribuant à remettre les malades dans le circuit de la vie ordinaire. Il y a 3 jours d'ouverture pour les malades non alités et leurs proches, des chariots desservent les chambres, chaque service est visité 2 fois par semaine. Les livres demandés sont apportés le jour même. Le choix offert est très vaste: 12000 volumes, 1 000 cassettes, 700 livres sonores et 25 périodiques.

    Certains livres et périodiques sont disposés dans le couloir d'entrée et accessibles 24 heures sur 24. L'effectif se compose de 2 bibliothécaires à plein temps, d'une aide-bibliothécaire et d'un assistant bibliothécaire à mi-temps.

    La bibliothécaire scientifique fait des dépôts dans les services et offre 200 périodiques à la consultation. Les malades n'y ont pas accès parce que... ce n'est pas prévu (!). Il est à noter que le personnel de l'hôpital n'a pas accès non plus à la bibliothèque des malades. En effet, la notion de bibiothèque d'entreprise n'existe pas au Danemark, royaume des PME, et tous les besoins des habitants sont couverts par les réseaux municipal et scolaire qui sont omniprésents.

    4. La bibliothèque de Ballerup

    Nous sommes ensuite allés visiter la Bibliothèque municipale de Ballerup qui avait l'avantage d'être récemment construite, remarquablement intégrée au centre commercial et proche d'une Centrale des bibliothèques qui souhaitait que nous admirions ses équipements mobiliers.

    La ville compte 35000 habitants qui sont proches de Copenhague grâce au réseau ferré à desserte cadencée. La bibliothèque a été réalisée en 1982 grâce à la volonté du maire, et elle est intégrée dans un pôle commercial et culturel qui comporte aussi un musée et un théâtre. Elle comporte deux annexes. Cent personnes y travaillent selon des temps variables. Il y a 31 postes de bibliothécaires diplômés sur 78 postes (ramenés au plein temps). La moyenne de prêts aux habitants est de 20 livres par an.

    L'aménagement intérieur est remarquablement pensé au niveau du choix des couleurs et des accessoires destinés particulièrement à la section des jeunes.

    La salle de l'heure du conte est décorée par une grande peinture murale évoquant l'univers des contes d'Andersen. Un aquarium est offert à la contemplation et à la rêverie. Quelques jouets en bois sont mis à la disposition des plus jeunes.

    Une section audiovisuelle existe, alors qu'aucune obligation légale ne l'impose, mais il n'y a pas de prêt de cassettes vidéo, car cela coûterait trop cher pour être offert gratuitement (la gratuité est un principe intangible au Danemark). C'est la responsable de cette bibliothèque qui mentionnera les fortes réticences de ses collègues pour l'informatisation du prêt (voir plus haut).

    L'argument de la cherté de l'équipement informatique se comprend si l'on considère que la bibliothèque compte pour 1 million de couronnes dans le budget municipal.

    5. Bibliothèque et centre culturel de Lyngby

    L'étape de Lyngby avait été choisie non seulement en raison des caractéristiques de la bibliothèque située au centre de cette agglomération de 5 000 habitants, mais aussi pour permettre de visiter le centre culturel municipal de Sophienholm situé en pleine forêt au-dessus d'un grand lac et dont la programmation culturelle dépend précisément de la bibliothèque.

    Cette orientation culturelle haut de gamme (il y a une importante artothèque) est probablement due à la composition socialement supérieure de cette banlieue un peu « chic » de Copenhague. La bibliothèque existe depuis plus de 50 ans, mais elle a été reconstruite assez récemment de façon moderne et elle comporte une centrale et quatre annexes.

    La section « Archives et information locales » y semble très riche, ainsi que la section musicale qui comporte un fonds de musicologie important, ainsi que 3 000 disques et 3 000 cassettes.

    200 personnes y travaillent (cela inclut le centre culturel), ce qui équivaut à 120 personnes à temps complet dont 43 postes de bibliothécaires diplômés.

    6. Bibliothèque centrale de Copenhague

    Une poignée de participants au voyage a voulu ajouter aux bibliothèques programmées pour tous, une visite à la bibliothèque « centrale de Copenhague qui est aussi la « bibliothèque de dépôt du département ».

    Comme celle de Roskilde, cette bibliothèque est dénommée « centrale » en raison de son rôle extra-communal, pour lequel elle reçoit une subvention spéciale du département. Elle joue donc un rôle de super-bibliothèque pour toutes les autres bibliothèques publiques de la périphérie. Comme à Herlev, elle gère la bibliothèque de l'hôpital de Copenhague.

    La Centrale (au sens français du terme) est un bâtiment un peu ancien de conception comportant plusieurs niveaux. La richesse du fonds est impressionnante, par exemple en littérature étrangère et en sciences et techniques.

    Une des particularités de la bibliothèque est qu'elle organise des ateliers d'expressions artistiques diverses et, depuis peu, l'initiation à l'informatique.

    Les services de la bibliothèque emploient 600 personnes pouvant se ramener à 200 pleins temps. La bibliothécaire en chef met l'accent surtout sur un programme de coopération entre les écoles et la bibliothèque pour échanger des idées sur le choix des livres et aider à compléter la formation des instituteurs. Il existe aussi à Copenhague une bibliothèque de dépôt des bibliothèques publiques qui concentre les éliminations des bibliothèques publiques du département. Le fonds ainsi constitué est trié, et les livres excédentaires vont au pilon. Le reste est conservé pour le prêt interbibliothèque.

    III. Les organes de coopération et d'incitation

    1. La centrale des bibliothèques

    Cet organisme para-public a été fondé en 1939 en étroite association avec l'inspection générale des bibliothèques dont elle a été, jusqu'à il y a peu, le bras séculier. Elle apparaît, aux yeux des Français, comme un curieux mélange de service public et de service à finalités commerciales, puisqu'elle vend du matériel sous la marque B.C. qui commence à être connue dans notre pays.

    Une partie de son activité résulte d'un processus jugé nécessaire au Danemark et malheureusement inconnu en France : la rationalisation. Un comité de rationalisation a été créé en 1961 par l'Association des Bibliothécaires (du service public).

    Ses recommandations ont pu souvent n'être mises en oeuvre que grâce à l'activité multiforme de la Centrale des bibliothèques dont le but est d'offrir les prestations les plus variées possibles à toutes les bibliothèques danoises. Ces prestations n'ont pas toutes une logique de profit en ce qui concerne l'activité bibliographique (la B.C. est l'agence bibliographique nationale) par exemple, mais les activités d'aménagement de bibliothèques doivent faire des bénéfices.

    Le secteur édition publie des fiches de catalogue utilisées par presque toutes les bibliothèques publiques, des bibliographies thématiques (littérature technique, jeunesse, nouveautés, etc.), des revues pour le grand public et pour les professionnels, la Classification décimale Dewey et les règles de catalogage.

    La section bibliographique édite la Bibliographie nationale du Danemark, l'Index des périodiques danois et l'Index des articles de journaux.

    Depuis 1976, la Bibliographie nationale est informatisée selon le format MacDanemark. Elle contient 400000 titres danois et étrangers, ainsi que des médias audio-visuels, bien qu'il n'existe pas de dépôt légal pour ces documents.

    Cette base bibliographique nationale peut être interrogée à distance par terminal.

    Le Comité directeur de la B.C. est composé de représentants de l'Association des bibliothèques et de l'inspection générale des bibliothèques. Les activités au titre de la bibliographie nationale sont subventionnées sur fonds publics.

    2. La centrale de reliure

    Cet établissement jumeau de la Centrale des bibliothèques est situé au même endroit sur la zone industrielle de Ballerup, mais possède une direction propre. Son existence découle directement de l'effort de rationalisation caractéristique de l'esprit qui s'est développé dans les bibliothèques danoises pendant les années 60.

    Les participants au voyage décrit ici ont d'ailleurs cru apercevoir des effets induits qui peuvent paraître surprenants à des gens peu familiers, comme nous l'étions, de la mentalité danoise.

    En principe, tout livre édité au Danemark est reçu par dépôt légal à la B.C. Il y est catalogué pour figurer à la Bibliographie nationale, puis transmis au Comité de sélection des livres pour les bibliothèques. Celui-ci est composé de bibliothécaires qui, pour chaque critique, reçoivent 400 couronnes. Différentes listes selon l'orientation et la taille de la bibliothèque sont proposées par abonnement.

    Il semble que presque la totalité des bibliothèques les reçoivent et les utilisent en priorité pour choisir leurs acquisitions.

    Elles ont la possibilité (ce n'est nullement une obligation) de commander les ouvrages sélectionnés à la Centrale de reliure qui peut les leur fournir avec les cotations inscrites par dorure à froid sur le dos.

    Pour respecter la loi danoise, qui prescrit le monopole des libraires sur la vente des livres, la Centrale de reliure s'adresse obligatoirement à une librairie située dans la commune où se trouve la bibliothèque.

    Il semble que ce système fonctionne, à l'entière satisfaction de ses usagers, car il décharge au maximum les bibliothécaires et assistants-bibliothécaires des tâches les plus monotones.

    Il a cependant deux effets qui nous ont étonnés : l'uniformité des reliures toilées, sans même la reprise de à-plats, donne un aspect terne aux rayonnages des bibliothèques les plus modernes et, par ailleurs, on peut se demander s'il n'y a pas un effet inattendu de feed-back.

    Au bout du compte, il semble que dans une aire linguistique aussi petite, la puissance d'achat des bibiothèques arrive à déterminer l'orientation de la production éditoriale . Aucun projet de livre ne pourrait être mené à bien sans l'espoir d'être sur les listes de la B.C., qui entraînent ensuite des demandes auprès de la Centrale de reliure. Parmi les critères de sélection, il nous a été cité le critère négatif d'élimination des ouvrages sur des sujets déjà rebattus, ce qui semble louable, mais nos collègues bibliothécaires danois détiennent, peut-être sans excès aucun, un pouvoir de fait assez sensible.

    Peut-être ne faut-il jamais oublier que les Danois ont la conscience de parler une langue très minoritaire, et c'est pourquoi le manque de rigueur qui caractérise certaines productions françaises semblerait, sans doute, gaspillage suicidaire au pays d'Andersen.

    3. Le ministère de la culture et l'inspection générale des bibliothèques

    Une réception était organisée du siège du Ministère de la Culture pendant laquelle les voyageurs purent écouter les exposés de quatre responsables de haut niveau et recevoir des réponses à leurs questions.

    Nos interlocuteurs précisèrent d'emblée qu'une loi de 1983 venait de modifier de façon profonde le rôle de l'Etat vis-à-vis des bibliothèques, puisqu'elle institutait une décentralisation très poussée. Les communes sont maintenant complètement dans les limites fixées par la loi sur les bibliothèques.

    La subvention de 20 % accordée par l'Etat pour aider à couvrir les frais de fonctionnnement a été convertie en dotation globale.

    A. La loi sur les bibliothèques

    La loi de 1983 est applicable pour une durée de 3 ans et prévoit la possibilité de moratoires. Elle est la dernière d'une suite de lois dont la plus ancienne remonte à 1920, laquelle entérinait le mouvement antérieur qui avait vu la création d'innombrables petites bibliothèques souvent sur des bases paroissiales et confessionnelles et dont les municipialités avaient pris peu à peu la responsabibité.

    On ne saurait sous-estimer le fait que le Danemark est un pays luthérien où la lecture de la Bible prescrite par l'Eglise officielle est une puissante pédagogie à la lecture profane.

    Quant à la loi dont on va voir l'aspect normatif, les responsables danois la présentent comme issue de discussions par consensus et comme reconnaissance de l'état moyen des bibliothèques à l'époque de son élaboration. D'où la nécessité de la modifier régulièrement, ce qui a été fait.

    Les principales obligations fixées aux municipalités par la loi sont: le prêt gratuit (sans abonnement), la sélection des livres avec des critères de qualité, de variété et de pluralisme, ainsi que d'actualité, la qualification des personnels.

    Toute commune doit avoir sa bibliothèque et le réseau d'annexes suffisant pour la desserte de toutes les fractions communales. Les communes peuvent s'unir entre elles, si elles le jugent nécessaire ou utile. La bibliothèque publique communale doit être dirigée par des bibliothécaires professionnels issus de l'Ecole nationale des bibliothécaires.

    Il existe encore une soixantaine de bibliothèques qui ne remplissent pas cette condition et ne peuvent ouvrir aussi longtemps que les autres. Elles sont dirigées par des bibliothécaires dits professionnels car ils ont seulement suivi des stages de formation.

    Le prêt des livres est accessible à tout citoyen qui peut prouver son domicile même en dehors de la commune. Tout livre édité au Danemark est disponible localement grâce au renfort de la Bibliothèque centrale départementale et de la Bibliothèque de dépôt.

    Les médias audiovisuels et les oeuvres d'art ne peuvent en général être prêtés qu'aux habitants de la commune car ils sont hors du champ d'application de la loi.

    B. Les organes centraux

    Au niveau ministériel, ils se répartissent en quatre départements : Droits d'auteurs internationaux, Direction des Musées, Inspection générale des bibliothèques, Direction des bibliothèques. Il existe de plus un Conseil national des bibliothèques.

    Le rôle de l'Etat ayant été réduit, l'Inspection générale des bibliothèques a été fortement diminuée dans ses effectifs et ses missions.

    La Direction des bibliothèques est principalement chargée de vérifier l'exécution de la loi. Par ailleurs, les bibliothèques installées sur les navires marchands dépendent directement d'elle ainsi que l'Ecole nationale des bibliothécaires qui accueille chaque année 7 à 800 élèves pour la lecture publique et 150 à 170 pour les bibliothèques scientifiques.

    Une collection centrale pour les livres destinés aux immigrés est aussi gérée par le ministère (il y a 800000 immigrés, soit 10 % de la population danoise).

    Malgré la décentralisation, la Direction des bibliothèques dispose encore de quelques crédits pour la mise à niveau de certains réseaux municipaux et pour quelques opérations pilotes.

    La lecture publique représente budgétairement 100 millions de couronnes sur les 1 milliard 400 millions affectés au Ministère (0,8 % du budget de l'Etat).

    Le système de droit d'auteur sur les prêts des livres en bibliothèques entraîne l'Etat à verser annuellement 60 millions de couronnes (rappel : 1 Kr = 0,95 FF), mais seulement aux auteurs danois qui sont au nombre de 500000. Quelques-uns d'entre eux reçoivent jusqu'à 600 000 couronnes !

    Le Conseil national des bibliothèques comprend à part égale des représentants du Ministère, des élus et des bibliothécaires. Il a une fonction d'arbitrage et donne son avis pour les projets pilotes.

    Ce trop bref voyage a permis, certes, une approche très concrète de la réalité des bibliothèques danoises, mais beaucoup de questions restaient à poser sur les structures de la formation, l'organisation des deux associations qui jouent un rôle très important (celle des bibliothèques et celle des bibliothécaires), etc.

    Idéalement, tout voyage d'étude devrait comporter une possibilité plus grande pour des entretiens avec les professionnels et donc comporter plus de trois jours de visite, car il faut un temps d'adaptation assez long avant de savoir poser les bonnes questions.

    C'est d'ailleurs pourquoi il était fort judicieux d'avoir placé la réception au Ministère en fin de séjour. La richesse des informations à livrer nous oblige à abréger les autres aspects du déplacement : réception à l'Ambassade de France, visite du magnifique musée de Louisiane et du château d'Elseneur, etc.

    Si les professionnels ont certainement apprécié la diversité des organismes visités, il est difficile de savoir si les élus départementaux d'Ile-de-France en ont tiré profit autant que le souhaitaient les promoteurs du voyage. Lors de la réunion de bilan, ils paraissaient satisfaits et un peu surpris de voir les efforts faits par les Danois pour réaliser un système efficace et accessible à tous.

    1. Participaient au voyage : Au titre de l'organisation : M. Thierry Bondoux, Directeur régional des Affaires culturelles d'Ile-de-France, M. Gérald Grunberg, chargé de mission pour le livre auprès du Directeur régional, M. Bent Joergensen, Directeur de l'Institut culturel danois, M. Jean-Claude Stefani, Président du groupe Ile-de-France de l'A.B.F. brutalement décédé trois semaines après le voyage. Au titre des élus départementaux: M. Robert Piat, conseiller général de Seine-et-Marne, M. Daniel Lobry, conseiller général de l'Essone, M. Dany Mongeau, conseiller général de Seine-Saint-Denis, M. Louis Lequiller, conseiller général des Yvelines. M. Louis Bayeurte, conseiller général du Val-de-Marne et M. Jean-Phi-lippe Lachenaud, conseiller général du Val-d'Oise, ont eu des empêchements de dernière minute. Chacun de ces élus occupe des fonctions importantes dans les commissions départementales concernées par les bibliothèques. M. Jean-Paul Clément, conseiller en matière culturelle du Président Mi-chel Giraut, représentait la Région Ile-de-France. Au titre des professionnels, Mme Geneviève Dalbin, chargée de mission pour les bibliothèques auprès du conseil général du Val-de-Marne, Mme-Claude Laude, directrice de la Bibliothèque de Neuilly-sur-Seine, trésorière du G.I.F.-A.B.F., Mme Henriette Zoughebi, chargée de mission auprès du conseil général de Seine-Saint-Denis, et les directeurs des bibliothèques centrales de prêt d' Mme Annie Royer (Seine-et-Marne), Mme Aline Antoine (représentant Mme Gascuel, BCP des Yvelines), M. Gilles Lacroix (Essonne) et M. Christian Rogel (Val-d'Oise). retour au texte