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La coopération interbibliothèques sur la documentation africaine en France

1985

    La coopération interbibliothèques sur la documentation africaine en France

    Communication présentée au colloque "African Studies", Londres, 9-11 janvier 1985

    Par Paulette Lordereau,, Conservateur Bibliothèque nationale, service des acquisitions

    EN décembre 1967 avait lieu à Nairobi la Conférence Internationale sur la Bibliographie africaine. Plusieurs bibliothécaires ou documentalistes français y participaient, dont M. Meyriat, conservateur en chef de la Bibliothèque de la Fondation nationale des sciences politiques.

    A son retour, conscient qu'il était urgent de mettre en commun les ressources documentaires africanistes, importantes en France, mais peu connues et éparpillées dans plusieurs centres, il décida, avec Mme Honoré, alors conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de Paris, et M. Heller, de la Maison des sciences de l'homme, la création d'un organisme, le Comité interbibliothèques de documentation africaine qui devait fonctionner plus ou moins à l'image de la SCOLMA britannique (Standing Conference on Library Material on Africa).

    La spécialisation de chaque bibliothèque ne devait pas être fonction d'une aire géographique comme c'était le cas en Grande-Bretagne, mais portait sur différentes disciplines (ethnologie, linguistique, sciences sociales, etc.).

    La première tâche de ce comité fut la publication de bibliographies. Le premier projet était de publier une bibliographie annuelle des monographies éditées en France, concernant l'Afrique, et une bibliographie trimestrielle des articles de périodiques. Outre la Bibliothèque nationale, cinq bibliothèques importantes devaient collaborer à ce travail:

    • le CARDAN (Centre d'Analyse, de Recherche et de Documentation sur l'Afrique noire, devenu depuis Centre d'études africaines);
    • la FNSP (Fondation nationale des sciences politiques) ;
    • l'INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques);
    • le CEDAOM (Centre d'études et de documentation sur l'Afrique et l 'outre-mer);
    • le Musée de l'Homme.

    Malheureusement, cette bibliographie d'articles de périodiques ne vit jamais le jour et une formule intermédiaire fut trouvée : une bibliographie annuelle publiée par le CARDAN à qui revenait donc la plus grosse partie du travail.

    Le dépouillement des périodiques était accompli par la FNSP (elle continue de faire ce travail actuellement) qui, par ailleurs, envoyait à toutes les bibliothèques participant au comité ses fiches d'analyses d'articles de périodiques.

    Les articles concernant l'ethnologie, la psychologie, la linguistique ou d'autres domaines ne relevant pas de la FNSP étaient dépouillées par le CARDAN.

    Par ailleurs, la Bibliothèque nationale fournissait régulièrement les fiches des ouvrages entrés par le Dépôt légal, donc, en principe, de tout ce qui paraissait en France sur l'Afrique.

    La Bibliothèque du musée de l'Homme et celle de l'Institut des langues orientales (et africaines) envoyaient, elles aussi, au CARDAN leurs fiches d'ouvrages en français ce qui constituait le début d'un catalogue collectif africaniste.

    Si la bibliographie continue actuellement, de paraître, sous une forme élargie, grâce à Mme Yaranga, du Centre d'Etudes africaines, les projets de coopération du comité n'eurent guère de suite et le CARDAN lui-même qui, à l'époque, éditait de nombreuses publications a dû se limiter progressivement à deux parutions annuelles: l'inventaire des thèses africanistes françaises, et la Bibliographie des travaux en langue française sur l'Afrique au sud du Sahara (titre adopté en 1977).

    Cette dernière bénéficiant toujours de l'aide des bibliothèques citées plus haut et de celle de la Société des Africanistes et de institut des langues orientales.

    Depuis 1968, en effet, le statut de la plupart de ces bibliothèques a connue plusieurs modifications. La Direction commune dont ces organismes relevaient a vu ses attributions diminuer et il devint assez difficile d'adopter une politique de collaboration efficace entre bibliothèques dépendant soit du ministère des Universités, soit de celui de l'Education nationale, soit du ministère de la Culture, comme c'est le cas actuellement de la Bibliothèque nationale.

    Malgré tout, en 1980, sous l'impulsion de la Mission de la recherche du ministère des Universités, des réunions rassemblant les principales bibliothèques de Paris ayant des fonds africanistes reprirent périodiquement, animées par M. Aghassian (du Centre d'Etudes africaines de l'Ecole des hautes études en sciences sociales).

    Aux organismes créateurs du "défunt" comité, venaient s'ajouter des bibliothèques dont la spécialisation africaniste a des raisons historiques : la bibliothèque des Archives de la France d'outre-mer et la Bibliothèque de l'administration publique.

    La première possède un fonds ancien très important concernant les anciennes colonies françaises en Afrique. La seconde est l'héritière de la bibliothèque de l'Ecole coloniale et se trouve donc fort riche en documents administratifs et juridiques concernant les pays africains.

    Les publications administratives conservées par la BAFOM (Bibliothèque des archives de la France d'outre-mer) et par la Bibliothèque nationale ont été recensées dans: "Sources de l'Histoire de l'Afrique au Sud du Sahara", vol. 3, tome 1, publiées par le Conseil national des archives en 1971 .

    Ces deux bibliothèques constituent avec la Bibliothèque nationale et le CEDAOM l'ensemble le plus important en ce qui concerne l'époque coloniale. La Bibliothèque nationale nécessiterait toutefois un développement particulier, puisque son fonds ancien, constitué dès le xviesiècle, grâce au dépôt légal, aux acquisitions et aux dons, comporte non seulement toute la production française concernant les pays africains, mais aussi la plupart des publications étrangères importantes dans le domaine des sciences humaines, en particulier une collection très fournie de récits de voyages et d'explorations ainsi que de documents linguistiques.

    A ces trois bibliothèques, d'autres institutions, de création plus récente se sont jointes, moins tributaires de leur fonds ancien et donc, peut-être plus susceptibles d'élargir et d'assouplir leur politique d'acquisitions en particulier à l'égard des pays non francophones d'Afrique.

    Citons la BDIC (Bibliothèque de documentation internationale contemporaine) qui a reçu en don le très important fonds du secrétariat aux Affaires africaines et malgaches et la BPI (Bibliothèque publique d'information) dont la collection d'usuels, d'ouvrages de références. concernant l'Afrique est importante et qui met à la disposition des étudiants des méthodes audiovisuelles d'études de plusieurs langues africaines.

    La bibliothèque du centre de documentation de Radio-France internationale occupe une place originale dans la mesure où elle s'est constitué un fonds littéraire très important conservant non seulement des publications de Radio-France (ex. : la collection du "Répertoire théâtral africain"), mais aussi des oeuvres de la plupart des écrivains africains francophones. Malheureusement la "Bibliographie des auteurs africains de langue française", qui en était à sa quatrième édition, n'aura sans doute pas de suite.

    A côté des grandes bibliothèques qui participent à ces réunions et qui sont conduites à enrichir un fonds africaniste né des liens historiques de la France et des pays africains, il existe de nombreux organismes aux moyens quelquefois plus modestes, aux statuts et fonctionnement fort différents, mais dont le fonds spécialisé est souvent très important. Ainsi les bibliothèques de sociétés savantes comme l'Académie des sciences d'outre-mer (15, rue la Pérouse) ou les bibliothèques d'organismes religieux qui ont constitué leur fonds à partir de missions installées en Afrique, comme le DEFAP (Département évangélique français d'action apostolique, ex.: Bibliothèque de la Société des missions évangéliques de Paris). Enfin, de nombreuses bibliothèques universitaires ont développé leur fonds africain en fonction des nouveaux enseignements qui se créaient au sein, de l'Université. Les cours de littérature africaine donnés à Paris XII (Créteil), à Paris III, Paris IV, à Rennes, Limoges ou Nice ont nécessité la création de bibliothèques spécialisées sur la littérature des pays d'Afrique. Jusqu'ici les bibliothèques de province n'ont pas été représentées aux réunions organisées par la Mission de recherche. Le groupe de documentation africaine ainsi constitué ne se compose que des bibliothèques parisiennes.

    Le but des réunions organisées par la Mission de la recherche du Ministère des Universités était la publication d'un guide des ressources de ces bibliothèques ainsi qu'un inventaire de leurs périodiques africains. Cet inventaire a été publié sous le titre "Répertoire des périodiques paraissant en Afrique, au Sud du Sahara", Paris, 1982. La réalisation du Guide des ressources africanistes, par contre, semblait devoir être reportée à plus lointaine échéance.

    Heureusement, en 1983, un projet d'ensemble, sous l'égide de quatre ministères (Coopération, Industrie et Recherche, Education nationale et Culture), fut mis sur pied afin d'harmoniser la politique d'acquisition des principales bibliothèques africanistes.

    Un questionnaire, rédigé par M. Aghassian, animateur du groupe de documentation africaine, et Mme Claudot, a été envoyé aux bibliothèques de Paris et de province. L'enquête sur place a été menée par Mme Claudot qui a systématiquement visité les organismes visés par le questionnaire.

    Le bilan de ce questionnaire sera sûrement très intéressant et on peut penser qu'il ouvrira la voie à une réelle coopération entre les bibliothèques intéressées par l'étude de l'Afrique.

    Le fait que l'initiative de ce projet provienne de chercheurs, d'universitaires en accord avec la Direction des bibliothèques est, lui aussi, encourageant, car nous avons vu auparavant que ce genre de projet a plus de chances d'aboutir lorsqu'il bénéficie du soutien des chercheurs. C'est aussi la collaboration entre chercheurs, professeurs et bibliothécaires qui a permis, grâce à la Recherche coopérative sur programme (Littératures africaines imprimées) du CNRS récemment créée à Bordeaux, d'inventorier les fonds littéraires de la Bibliothèque nationale et de publier en 1984 le guide: "Littératures africaines à la Bibliothèque nationale 1973-1983 Nous espérons pouvoir continuer ce travail pour la pédiode précédant 1973.

    C'est aussi à la demande du CNRS et du CEAN (Centre d'étude d'Afrique noire) de Bordeaux que la Bibliothèque nationale a commencé à collaborer avec ce centre, en envoyant régulièrement les fiches de ses ouvrages étrangers concernant l'Afrique.

    Malgré une lenteur souvent décourageante, l'intérêt pour la documentation africaine semble s'éveiller dans le monde des bibliothèques. Il est certain que la stimulation des chercheurs peut y aider.

    Les tentatives très localisées de collaboration entre bibliothèques et centres de recherches africanistes mériteraient d'être élargie et généralisées, et un guide, enfin à jour, des fonds déjà constitués permettrait d'élaborer une politique cohérente des acquisitions et de développer une meilleure information sur ces acquisitions.