Pour les spécialistes du spectacle, le nom d'Auguste Rondel est internationalement connu. Bien peu de chercheurs cependant sauraient dire pourquoi et comment ils doivent à ce nom devenu "magique" la.découverte de documents ou de renseignements leur apportant la réponse attendue.
Qui était Auguste Rondel ? Il naquit en 1858, le 1 er janvier, à Marseille et nombre de ses contemporains le connurent et l'apprécièrent comme condisciple à l'Ecole polytechnique ou comme homme d'affaires lié au milieu de la haute finance, étant lui-même directeur d'une banque privée et agent général de puissantes compagnies d'assurances. Mais, de plus, Auguste Rondel avait la passion du théâtre: l'étudiant sautait le mur pour aller au spectacle et profitait de son ascendance familiale pour s'introduire dans les milieux mondains où le théâtre de société était à l'honneur. Dès 1887, il se lia d'amitié avec André Antoine, devint membre actif des "Escholiers", société littéraire et dramatique (dont il devait être président de 1913 à 1927), tandis qu'à Marseille il s'occupa du Théâtre des Variétés dont - apôtre de la décentralisation théâtrale avant l'heure - il fit une "véritable petite Comédie-Française" au dire des critiques de l'époque.
Aujourd'hui, le nom d'Auguste Rondel reste particulièrement attaché à la prestigieuse collection qu'il réussit à constituer à partir de 1890 et dont il fit don à l'Etat en 1920, après y avoir consacré une grande partie de sa fortune : sept millions or en 1914 déjà, factures à l'appui, sans compter ce qu'il y ajouta jusqu'à sa mort en 1934. Mais l'estimation de cette collection repose aussi sur bien d'autres valeurs. Doué d'une puissance de travail exceptionnelle, d'une prodigieuse mémoire, d'une intelligence prospective doublée d'un esprit de méthode, d'organisation et de scrupuleuse exactitude, Auguste Rondel met toutes ses qualités intellectuelles à constituer de façon rationnelle et logique une collection qui se veut au départ inspirée de la Bibliothèque dramatique de Soleinne (malheureusement dispersée en 1844). En fait, chez Rondel, l'érudition du bibliophile se mêle intimement à la prescience du documentaliste avisé, à la sensibilité d'un homme de coeur, à une connaissance profonde du spectacle. Ses contacts quotidiens avec les gens de théâtre dont il est tout à tour l'ami, le mécène, le conseiller l'aident à recueillir les documents, à saisir le phénomène du spectacle dans sa complexité quotidienne ; la coopération de correspondants et de libraires étrangers de Florence, de Londres, de Barcelone, de Madrid, de Bruxelles lui permet de recevoir une étonnante moisson de princeps et d'éditions rares d'auteurs français et étrangers.
Avant même que sa collection quitte son hôtel de la place Saint-Ferréol à Marseille pour venir à Paris, les témoignages abondent louant, l'un son classement autour du Cid (depuis l'édition princeps de 1637 jusqu'aux opéras, pamphlets inspirés par l'oeuvre en passant par les sources espagnoles), l'autre la documentation groupée autour d'Hernani; Joseph Bédier appréciant, quant à lui, ce qu'il y a "d'unique" dans cette bibliothèque et par conséquent pour lui de plus "désirable", à savoir les recueils factices d'articles et de feuilletons.
Dès 1912, Auguste Rondel est sollicité par la Sorbonne pour exposer dans une conférence sa conception personnelle d'une bibliothèque dramatique: la conférence qu'il prononce le 4 décembre est publiée en 1913 dans le Bulletin de la Société de l'histoire du théâtre. Le 9 Juin 1918, il est admis à l'Académie des sciences, lettres et beaux-arts de Marseille et son discours de réception s'intitule "Origines et développement du théâtre en Europe du xve au xvne siècle d'après les textes imprimés. Promenade à travers une bibliothèque dramatique". En 1926, il donne à la Sorbonne pour l'Association des bibliothécaires français et la Société des amis de la Bibliothèque nationale une conférence intitulée "Fêtes de cours et cérémonies publiques" (Bibliofilia vol. XXVIII et XXIX). En 1932, il faisait oeuvre de synthèse bibliographique en publiant chez Berger-Levrault le "Catalogue analytique sommaire de la collection théâtrale Rondel". En 1933, il réanime la Société d'histoire du théâtre - dont les activités avaient cessé en 1922 - et en assure la présidence jusqu'à sa mort en 1934.
Après la donation qu'il fit à l'Etat, Rondel se réserva l'administration et la direction de sa collection (1) . Elle fut d'abord installée au Palais-Royal dans les salles de la Cour des comptes mises à la disposition de la Comédie-Française puis, à partir de 1925, dans les locaux de la Bibliothèque de l'Arsenal où Rondel reçut jusqu'à sa mort, les personnalités les plus illustres comme tous ceux qui de France et de l'étranger s'intéressaient au théâtre. Le souhait le plus cher de Rondel était que les amis du théâtre continuent et développent son entreprise: en fait, depuis 1945 de nombreuses collection sont venues enrichir tous les domaines déjà investis par la Collection Rondel qui fut le noyau et le ferment du Département des arts du spectacle de la Bibliothèque nationale, aujourd'hui riche de quelque trois millions de documents.
En l'année 1984, qui coïncidait avec le cinquantième anniversaire de la mort d'Auguste Rondel, il me fut tout particulièrement agréable, grâce au travail exécuté par l'atelier des microfiches de la Bibliothèque nationale, de présenter à un large public de spécialistes, chercheurs, étudiants, conservateurs de bibliothèques, documentalistes, les soixante-quinze volumes d'inventaire méthodique (plus de 20000 pages manuscrites) qui recensent les documents imprimés (environ 300000 volumes) contenus dans les "Archives dramatiques Auguste Rondel" plus communément désignées sous le vocable "Collection Rondel". L'inventaire systématique de cette collection reproduit strictement l'ordre de classement en rayons des documents. Etant donné l'ampleur et la richesse de cet ensemble, ce catalogue constitue, pour nombre des sections, un instrument bibliographique de première importance : c'est le cas en particulier pour ce qui concerne la littérature dramatique et l'histoire du théâtre français, mais bien d'autres sections pourraient être citées en exemple, telles celles relatives aux Fêtes, au Théâtre de la foire, au Théâtre de collège, aux débuts du cinéma: près de cinq kilomètres de rayonnages concernant l'ensemble des arts du spectacle.
Au nombre des documents recensés et catalogués dans cet inventaire figurent des ouvrages imprimés, des périodiques, des recueils factices de documentation et des programmes. A titre exceptionnel, les estampes concernant les fêtes et certains manuscrits y figurent : ils ont été inclus, pour ainsi dire par privilège, au cours des opérations de recensement du catalogage qui se sont étalées sur plus de trente ans (jusque dans les années 60) menées par Rondel lui-même, par ses collaborateurs immédiats ou les conservateurs qui ont travaillé à sa suite. L'importante masse documentaire que représentent les documents iconographiques (estampes, dessins, photographies), les affiches, les manuscrits (manuscrits autographes ou brochures d'acteurs), la correspondance appelle la rédaction et la publication d'autres catalogues...
Le catalogue systématique de cette collection (2) qui comprend plus de 150000 notices, reflète le classement matériel des documents appartenant aux domaines suivants :
Mais on trouve aussi dans la collection bien d'autres documents (sur l'histoire littéraire, sur l'architecture, sur le costume, sur les expositions...) dont la consultation est indispensable à tous ceux qui s'intéressent aux arts du spectacle. Pour ceux-ci professionnels et amateurs de spectacle, chercheurs et étudiants, bibliothécaires et documentalistes, ce catalogue, constitue un instrument bibliographique de première importance qui permet l'étude du spectacle depuis les origines jusqu'à 1936 environ.
L'édition en 470 microfiches est complétée d'un index alphabétique facilitant la consultation du catalogue (3) .