Les bibliothèques universitaires ont une longue tradition d'animation dont la forme la plus courante est l'exposition. La réforme récente de leur statut conduit toutefois à envisager une diversification et une systématisation de l'animation.
La loi n° 84-52 du 26 février 1984 précise en effet : "Les-missions du service public de l'enseignement supérieur sont la formation initiale et continue; la recherche scientifique et technologique ainsi que la valorisation de ses résultats; la diffusion de la culture et de l'information scientifique et technique ". Plus net est le décret n° 85-694 du 4 juillet 1985 sur les services de la documentation des établissements d'enseignement supérieur qui précise (art. 1): "Le service commun de la documentation [...] a notamment pour fonction [...] de participer à l'intention des utilisateurs, à la recherche sur ces documents, à la production de l'information scientifique et technique, à sa diffusion ainsi qu'aux activités d'animation culturelle, scientifique et technique de l'établissement".
La Bibliothèque Interuniversitaire d'Aix-Marseille a su développer une politique d'animation diversifiée et s'efforce d'en mesurer tant les limites que la portée.
A. Les activités dites en lecture publique d'animation bibliothéconomique:
à côté desquelles nous pouvons faire une place à des actions de nature publicitaire:
B. Acquisitions d'ouvrages et de revues d'intérêt général mais aussi d'excellents ouvrages de vulgarisation, désormais disponibles.
C. Intéresser et attirer nos usagers par le traitement de certains sujets en fonction des enseignements et de nos fonds. Ainsi, à propos de conférences assurées par des universitaires, certaines sections de la B.I.U. d'Aix-Marseille exposent des ouvrages ou revues en rapport avec le thème abordé. Par exemple: "Les Biotechnologies", "La Résonance magnétique nucléaire", "La Région Provence-Alpes-Côte d'Azur".
D. Les expositions
Petites expositions que nous réalisons nous-mêmes dans nos locaux avec ou sans l'appui d'enseignants. A Aix : une exposition sur Ronsard en collaboration avec une enseignante de la Faculté des Lettres.
Expositions réalisées par des personnes extérieures à la B. U. et que nous accueillons. Ce sont des expositions en général d'importance moyenne. Ainsi avons-nous accueilli sans discontinuer et grâce aux contacts établis avec les associations propres à notre Faculté ou des organismes extérieurs, les expositions suivantes sur une année :
Ces expositions auxquelles nous n'avons pris aucune part, ont été toutes de grande qualité tant par le contenu que par la présentation qui ne souffrait d'aucune improvisation.
A cette occasion, nous n'avons eu qu'à fournir une aide ponctuelle d'un ou deux magasiniers pour le montage et, quelquefois seulement, en utilisant nos propres panneaux d'exposition. Disposées dans le grand hall d'entrée, ces expositions sont vues par quiconque entre dans nos locaux.
Expositions d'envergure auxquelles nous participons et qui se tiennent dans ou hors de notre établissement nécessitant une ou deux années de préparation. Depuis que nous participons à une action d'animation, nous n'avons réalisé qu'une seule exposition de ce type: "Les Botanistes à Marseille et en Provence du 16eau 19es." ouverte du 19 mars au 12 avril 1982.
Elle a été le fruit d'une collaboration entre : J.-P. Ferrari, Directeur des Jardins botaniques de la ville de Marseille, C. Aillaud, Maître-Assistant de botanique et l'auteur de l'article, à l'époque conservateur à la B.U. de Saint-Charles.
Le budget s'est élevé à 300000 F entièrement pris en charge par la Ville de Marseille, la B.U. offrant les documents (ouvrages anciens et précieux), la recherche bibliographique, le prêt-inter, un service de secrétariat et de photocopie. Le travail de recherche n'a empiété à aucun moment sur les responsabilités que j'assumais dans la section et l'effort a été soutenu par les directeurs successifs de la B.I.U.
En ce qui concerne l'effort budgétaire accompli par la B.I.U. à cette exposition d'envergure, nous avions précisé que nous ne pouvions proposer aucune aide. Nos interlocuteurs avaient accepté les termes de notre collaboration. Cependant en sera-t-il toujours ainsi?
Nous avons fait appel à un cabinet de communication visuelle pour la réalisation et le montage de l'exposition et à un graphiste pour la réalisation du catalogue de 150 pages pour lequel nous avions rédigé tous les textes et choisi toutes les illustrations. Nous souhaitions par ce catalogue, qu'il reste une trace de nos recherches une fois l'exposition démontée.
Cette exposition a été présentée sur 500 m2dans le grand hall du Palais de la Bourse à Marseille: plus de 7500 visiteurs, dont 228 scolaires, sont venus la voir; 56 visites commentées ont été assurées.
Des affiches sur lesquelles apparaissaient les trois organismes réalisateurs: B.I.U. d'Aix-Marseille, Direction des Jardins botaniques de la Ville de Marseille, Université de Provence, ont été diffusées à travers toute la ville, les organes de la presse écrite, parlée et télévisée se sont largement fait l'écho de cette manifestation. Les retombées pour la B.I.U. ont été :
A propos des expositions qui permettent la mise en valeur des fonds des bibliothèques, il faut se reporter à l'article particulièrement intéressant d'Annie Gachon, cité en référence.
E. Les Cycles de conférences pluridisciplinaires pour tout public organisées par la B.I.U. d'Aix-Marseille avec la complicité de la Faculté des Sciences économiques qui met à sa disposition une des salles du rez-de-chaussée de l'hôtel d'Espagnat sur le cours Mira-beau en plein centre d'Aix-en-Provence. Des universitaires de nos trois universités y présentent leurs ouvrages et leurs recherches. Dès lors la B.I.U. fait descendre sur la place publique le monde universitaire et se fait l'exact intermédiaire, le diffuseur de l'information originale produite dans l'université.
Voici quelques titres de ces rencontres sur les 17 organisées depuis mai 1983 au rythme d'une réunion par mois environ:
F. Informatique. La Bibliothèque Interuniversitaire a été présente en 1984 au premier Salon de l'Informatique de la Foire de Marseille, le SITEM, et cette année un stand de 24 m2lui permettra de présenter au public de la région, le fonctionnement de chacun de ses services de recherche documentaire informatisée et de faire la promotion des banques de données qu'elle élabore actuellement, en particulier la banque DCEM: fichier bibliographique pour la préparation de l'internat de médecine, par le C.H.U. Nord.
Il est important à notre avis de noter combien a été indispensable pour la B.I.U. le rôle de coordination et de relation publique qu'a eu notre directrice dans les rapports aussi bien avec le Ministère qu'avec les instances régionales et municipales. En effet, peut-on entreprendre en plus de tâches internes et externes multiples et variées de gestion et d'animation, tout un travail de relations à nouer, développer et entretenir à ces trois niveaux ?
Enfin, les nouvelles techniques permettent de diversifier cette animation et sont des pôles d'attraction qui peuvent amener à la B.U. des étudiants peu habitués à la fréquenter :
Toutes ces actions font de la bibliothèque un lieu vivant, attrayant et rayonnant. Notre travail et nos fonctions sont perçus de façon plus positive, non seulement par nos usagers, mais aussi par le personnel même de la bibliothèque.
En matière d'animation, l'imagination peut se donner libre cours pour autant qu'on accepte et qu'on veuille sortir de son bureau et aller à la rencontre des universitaires, des étudiants, du public potentiel, des responsables régionaux et des associations.
L'animation, c'est un tissu de relations établies avec les autres composantes de la création culturelle scientifique et technique de notre Université, des activités culturelles de notre ville, de notre région, mais aussi les autres composantes sociales : nombreuses sont les associations relais de la diffusion d'information scientifique et technique.
En ce qui concerne notre activité dans l'Université d'Aix-Marseille III et la Faculté des sciences et de droit de Saint-Jérôme, des groupes et associations dynamiques existent qui nous aident considérablement, ainsi en est-il de l'Association Universitaire pour la diffusion de l'information scientifique et technique (AUDISTE) dont le responsable, André Baretta, a pris spontanément contact avec nous, et une collaboration étroite et efficace s'est instaurée, nous permettant de diffuser des informations et de recevoir des expositions, de même en est-il avec le Comité d'action et d'entraide sociale du C.N.R.S.
Nous participons également à l'Association des Assises Régionales de la recherche et de la technologie qui diffuse un journal "Sciences pour tous". Nous faisons partie du comité de rédaction et rédigeons une revue de presse régulière des principaux journaux scientifiques d'intérêt général. Mais il faut savoir que même dans les actions de diffusion d'information scientifique et technique, on ne pense pas immédiatement aux bibliothèques, et il faut insister pour tenir notre place, ainsi en a-t-il été de la création d'un Centre de Diffusion d'information scientifique et technique à Marseille à l'initiative de la région. Notre Direction de la B.I.U. a établi les contacts nécessaires et nous avons ensuite pris notre part à toutes les discussions en répondant aussitôt à toute demande et en proposant même de faire des B.U. et B.P. les maillons naturels et préexistants du circuit de la diffusion de l'information scientifique et technique dans la région.
C'est par l'animation, par cette politique de présence que de fructueux contacts ont été établis avec le Conseil régional et diverses instances culturelles: Office culturel régional, organismes municipaux.
En fait, l'animation implique, conduit à une autre dimension de notre problématique. Celle-là même de notre fonction de conservateur ou de bibliothécaire. Cette fonction étant en pleine évolution, nous ne traiterons du problème que sous l'angle de l'animation, de ce nouvel aspect du rôle du bibliothécaire. Ce ne doit pas être une fonction nouvelle assumée par une seule personne, l'animation est une attitude d'esprit marquée à l'aune de mutations constantes, de la notion de pluridisciplinarité et pour employer un terme scientifique très à la mode d'interface. C'est une attitude qui devrait être partagée par tous, mais assumée ponctuellement par certains par souci de rationalisation et de réalisme.
Dans un article paru en 1979 dans "Le Monde" et-intitulé "Si nous reparlions de pluridisciplinarité", Alfred KASTLER, Membre de l'Institut, prix Nobel de physique écrit:
"Tournons-nous maintenant du côté des étudiants, car c'est pour eux que la pluridisciplinarité devait être réalisée. Plus que jamais, ils sont confinés dans des études spécialisées, et leur spécialisation s'accentue au cours de leurs années d'études et n'est compensée par aucun enseignement général, leur ouvrant l'esprit sur les problèmes du monde moderne. Qu'un tel enseignement général puisse voir le jour dans nos universités françaises, c'était le voeu ardent du regretté Georges Friedmann et d'autres éminents collègues ayant réfléchi aux problèmes de notre jeunesse."
Les B.U. ne pourraient-elles contribuer à fournir les moyens de cet enseignement ? L'animation pourrait alors consister à promouvoir cette volonté de créer: fournir les documents, faire intervenir dans nos locaux ou ceux de l'Université des auteurs ayant travaillé dans ce domaine: E. MORIN par exemple. En référence, nous citerons les conférences de Dominique LECOUR dans notre Université à l'occasion du Centenaire de la naissance de BACHELARD.
Dans un entretien paru dans la revue "Sciences et Avenir'' (2) intitulé "La Culture, seul avenir de la science", à propos de son ouvrage "Le Passage du Nord-Ouest", Michel SERRES précise:
"Seule une très vaste culture permet de dépasser quelque peu l'horizon d'une spécialité, d'acquérir l'ampleur de vue nécessaire... Quand on atteint l'extrême pointe de l'invention scientifique, on découvre toujours un problème philosophique. Inversement, les hommes cultivés se réfugient souvent dans les musées ou l'interprétation, pour ignorer totalement le monde où ils vivent qui est façonné par la science. Cette séparation est grave... Je crois que les humanités, la culture en général peuvent être comparées à la forêt primitive et les sciences à l'agronomie... La culture favorise l'invention... c'est ce qui permet de résister à l'entraînement mimétique."
"Tout projet philosophique est un peu un voyage. Mais il est vrai que je voudrais aller plus loin. Essayer de mettre vraiment sur pied le projet ou le programme de l'honnête homme de demain, 1"'Uomo di cultura", l'homme qui ne sera pas boîteux comme nos instruits et nos cultivés d'aujourd'hui. Cet homme je l'appelle le Tiers-Instruit: le détenteur d'une sorte de troisième instruction, somme des deux premières. Lui seul pourra maîtriser la situation. Les problèmes me paraissent si graves que ce ne seront ni la politique, ni la pratique actuelle des sciences qui pourra les résoudre. Il faudra inventer."
N'est-ce pas un programme auquel les B.U. pourraient participer ? Ne sont-elles pas placées au coeur même de cette ambition ? Ne disposent-elles pas des moyens de produire et de véhiculer ce type de savoir ? Dès lors, comment les bibliothécaires interviendraient-ils ? La documentation permettant d'y accéder devrait faire partie de ces documents indispensables à acquérir. Un directeur d'I.U.T. nous a demandé de procéder à ce type d'acquisition qui est maintenant indispensable pour ses étudiants.
Ainsi écrivions-nous en guise de prise de position en avant-propos de notre catalogue sur les "Botanistes":
"Le mouvement culturel dans ses tendances actuelles trace les voies d'une collaboration entre des organismes différents, nationaux et régionaux et promeut les lignes d'une communication, d'un échange entre ceux qui créent, ceux qui transmettent et leur public.
La collaboration entre la Ville de Marseille, l'Université de Provence et la B.I.U. des sciences de Saint-Charles pour la réalisation de cette exposition le souci de lui donner un cadre et un retentissement tels que chacun puisse y trouver un enrichissement, s'inscrivent très exactement dans ce mouvement. Ils témoignent d'une volonté d'associer les divers moyens culturels disponibles dans une région pour mettre à la disposition de tous les richesses culturelles communes, en particulier, ici, celle se son passé scientifique."
Notre spécificité: celle-là même qu'exige notre époque est une volonté d'ouverture et une grande curiosité.
Mais nous ne méconnaissons pas les limites de cette animation dès lors que nous sommes conscients qu'elle demande du temps et des moyens.
Mais, et nous insistons fortement, l'animation devient un luxe si on n'a pas consacré plus d'argent à accroître notablement le fonds documentaire. Personne, à notre place, ne fournira les documents qui manquent, surtout aux étudiants.
Les stages décidés et pris en charge par le DBMIST témoignent que l'animation en B.U. est désormais reconnue comme nécessaire.
Nous ne prétendons pas faire de notre expérience un exemple. L'animation est le lieu de l'imagination, de la réflexion, de la conscience qu'il s'agit de bâtir dans le temps. C'est aussi et surtout le lieu de l'action patiente et persévérante.
Nous souhaitons rappeler que l'animation et la diffusion de l'information scientifique et technique sont étroitement liées: diffuser, c'est mettre les connaissances scientifiques et techniques les plus complètes et à jour à la disposition du plus grand nombre en permettant à chaque public de trouver réponse à ses recherches. La pierre d'achoppement et le critère de notre ouverture dépendront de notre capacité à résoudre les trois problèmes suivants: