Peut-être faut-il commencer par rappeler en ouvrant ces journées sur la formatin moyenne que notre dispositif actuel peut afficher un bilan plutôt positif. Avec des moyens modestes, il a participé depuis une quinzaine d'années à l'expansion des bibliothèques publiques et a donné à des milliers de jeunes une qualification et bien souvent un emploi.
Son évolution est néanmoins inévitable pour plusieurs raisons: d'abord parce que la disparité entre les moyens et les objectifs est aujourd'hui trop criante, ensuite parce que les contenus doivent tenir compte de la modernisation des bibliothèques (informatique, télématique, audio-visuel) et des attitudes nouvelles des usagers, enfin parce que notre système centralisé de formation est devenu peu compatible avec l'évolution de notre société vers des structures plus régionales et plus autonomes.
Je ne sais s'il faut parler de "crise" à propos des centres régionaux de formation professionnelle (C.R.F.P.), mais il paraît certain que la question des moyens et des structures va se poser de manière très aiguë dans les deux prochaines années et c'est sur ces deux questions (moyens et structures) que nous voudrions centrer les interventions de ce matin. La réforme de l'Ecole nationale supérieure de Bibliothécaires prévoit en effet de décharger progressivement cette école de la formation moyenne. Dans le même temps, les bibliothèques universitaires intégrées à l'université sous la forme de services communs de la documentation voient leurs moyens en personnel diminuer, et ne peuvent supporter davantage le détournement de leurs moyens au profit de la formation des étudiants du certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire (C.A.F.B.). Il apparaît donc qu'un certain nombre de centres régionaux doivent chercher dès à présent d'autres sources de financement, et si possible se rapprocher des universités.
Quelques C.R.F.P. se sont depuis longtemps orientés dans cette voie: rapprochement avec les I.U.T. comme à Nancy, Dijon, Grenoble; avec le service de formation permanente (Antilles-Guyanne). Dans d'autres cas des U.E.R. assurent déjà avec la collaboration de professionnels des préparations au CAFB, c'est le cas par exemple de Paris III, Paris XII et Paris XIII. C'est donc assez naturellement vers ces collègues que l'A.B.F. s'est tournée pour leur demander comment dans la pratique la collaboration est possible.
Soulignons auparavant qu'aucune solution ne sera imposée au C.R.F.P. Il semble que toutes les idées seront les bienvenues, et qu'il y ait place pour des projets assez différents d'une région à l'autre, l'idée de base restant de "couper le cordon ombilical" qui relie l'E.N.S.B. et les actuels C.R.F.P.
La D.B.M.I.S.T. a avancé la possibilité d'un "appel d'offre" en direction des universités dès janvier 1986. Quant au contenu du cahier des charges, les suggestions sont bien accueillies. J'ajoute que notre réunion pourrait être le lieu d'en avancer, d'en discuter et d'en proposer.
Mais avant de passer la parole à notre collègue de Nancy, je voudrais pour lancer la discussion avancer un certain nombre d'idées et poser quelques questions aux intervenants.
Tout d'abord le nombre de structures envisageables pour les C.F.R.P. n'est pas illimité. Dans l'hypothèse où ni l'E.N.S.B., ni les bibliothèques universitaires n'en assumeraient plus la charge, j'en verrais principalement trois:
est corrélatif de la professionnalisation des filières universitaires. Elle peut se faire à plusieurs niveaux.
Bien des questions se posent alors:
N.B.: Beaucoup de projets au niveau des IUT actuellement (p. ex. Projet DUT "Télémédiatique" à Bordeaux III.)
Se posent au sujet de cette solution les mêmes questions qu'à propos des U.F.R., mais concernant les IUT, se pose en plus le problème de la continuité des filières.
Cependant, on ne doit pas méconnaître les AVANTAGES d'une ouverture sur l'université, en particulier :
On ne doit pas se cacher cependant, et cela ressortira peut-être du débat, que beaucoup de bibliothécaires souhaitent que la profession "ne se désaisisse" pas de la formation, et que les deux premières solutions évoquées leur donnent à ce point de vue des inquiétudes.
Si on laisse de côté un corporatisme qui n'est plus vraiment de mise, on peut regrouper les reproches adressés aux solutions de rattachement sous trois rubriques principales :
a) La perte de spécificité des centres de formation professionnelle. Ceux-ci sont en effet très polyvalents :
Que deviendra cette polyvalence dans des structures de formation initiale? Qui s'occupera de l'indispensable formation de la catégorie C?
b) La contractualisation des rapports entre les CRFP et les universités n'a pour le moment pas de support possible. Ceux-ci n'ont en effet aucune structure juridique propre: les CRFP ont une existence de fait, mais pas d'existence de droit.
On peut donc légitimement se demander si un rapprochement avec l'université ne suppose pas au préalable la constitution d'une structure juridique, mais laquelle?
c) La perte de l'autonomie financière de ressources propres (par exemple venant de la formation continue, etc..)
au sein d'une Agence Régionale de Coopération (proposition Midi Pyré-nées) ou constituant une Association de formation autonome.
Cette dernière solution ne pourrait être envisagée que sous la forme d'une association régie par la loi du 1 er juillet 1901, regroupant parmi ses membres et au sein de son conseil d'administration sous forme de collèges distincts :
La structure associative permettrait sans doute de conserver aux responsables régionaux la conduite de leur politique de formation et de collaborer avec les universités, comme avec d'autres partenaires. Cette formule rendrait possible l'autonomie financière des CRFP qui pourraient alors être co-financés par plusieurs sources, par exemple :
Mais comme toute solution associative, cette solution comporte des risques.
Quelle que soit la structure retenue, université, IUT, association collaborant avec une université ou un IUT, ne faut-il pas préserver les cohésions régionales et nationales à notre système de formation?
L'ENSB assure en effet non seulement la coordination des enseignants du CAFB, mais aussi organise les examens et délivre un diplôme national reconnu par la loi comme critère de recrutement.
Qu'en serait-il d'un système où il n'y aurait plus de diplôme unique (le CAFB) mais des D.U.T., des DEUST, voire des licences en tous genres?
Ne faudrait-il pas préserver un minimum de cohérence et d'harmonisation ne serait-ce qu'au niveau des habilitations? Ne faudrait-il pas substituer à l'ENSB une structure de coordination comme par exemple une commission pédagogique nationale dont le rôle serait d'aider la Direction des Enseignements supérieurs à organiser un certain équilibre dans le domaine des formations profession nelles (équilibre des niveaux, des disciplines, des filières)?
Bref, cette "coupure du cordon" n'est pas sans poser quelques questions auxquelles je demande à nos intervenants de nous aider à répondre.
Je voudrais conclure cette présentation, en rappelant que de nombreux rapports ont été publiés sur la formation professionnelle : rapport Caillet, colloque d'Henin-Beaumont, rapport Nar-bonne, rapport Pingaud-Barreau, rapport Desgraves, colloque sur les métiers du livre, rapport Seguin et d'autres qui sont peut-être en préparation. Il me semble que le temps n'est plus aux commissions d'étude et aux rapports. L'année 1985-1986 s'achèvera comme les autres années pour le CAFB, mais 1986-1987 devrait être différente et c'est dans la perspective de préparer des solutions concrètes et pratiques pour cet avenir très proche que je crois nous devrons travailler aujourd'hui en relevant les défis qui nous sont proposés.