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Les bibliothèques des établissements pénitentiaires en Norvège, une responsabilité pour les bibliothèques publiques

1986

    Les bibliothèques des établissements pénitentiaires en Norvège, une responsabilité pour les bibliothèques publiques

    Communication présentée à la 51e conférence de l'IFLA, Chicago, 18-24 août 1985

    Par Bjorg HEIE, Sous-Directeur à la Direction Norvégienne Bibliothèques Publiques et scolaires, Oslo

    Les services des bibliothèques publiques sont gratuits et accessibles à tous, dans la mesure du possible. Ce sont les principes fondamentaux qui sont prescrits dans la législation relative aux bibliothèques norvégiennes : "Les bibliothèques doivent être accessibles à tous. Cependant, il est nécessaire de déterminer les responsabilités pour les associations qui peuvent être facilement isolées des services des bibliothèques. Le développement des services de prêt et l'acquisition des fournitures adéquates pour ceux qui ont des besoins particuliers dépendent des bibliothèques municipales".

    Il y a peu de chance pour qu'une plus grande attention soit réservée aux bibliothèques des établissements pénitentiaires dans la nouvelle législation. Toutefois, il est indiqué dans la réglementation que l'Etat est responsable et qu'il doit veiller à ce qu'elles fonctionnent en collaboration avec les bibliothèques publiques.

    Quelques éléments d'informations concernant la Norvège.

    Afin de donner une meilleure image du développement des bibliothèques dans les établissements pénitentiaires norvégiens, j'aimerais présenter quelques éléments relatifs au pays et aux structures administratives des bibliothèques publiques et des bibliothèques des prisons.

    Comparée à la Grande-Bretagne dont la superficie est d'environ 244000 km! et dont la population se compose de 55 millions d'habitants, la Norvège, avec une superficie d'environ 324000 km2et une population d'environ 4 millions d'habitants semble avoir une population plutôt dispersée. La Norvège est divisée en 453 municipalités. Ce sont des unités autonomes du point de vue administratif, mais la loi les oblige à ouvrir une bibliothèque pour leurs habitants. Nous avons 19 régions qui doivent toutes posséder une bibliothèque régionale. Ces bibliothèques doivent fournir les bibliothèques municipales en même temps qu'elles reçoivent le public. Il existe une Direction des bibliothèques publiques et scolaires. Cette direction est annexée au département de la Culture et des Sciences.

    En Norvège, il y a 30 établissements pénitentiaires qui regroupent une moyenne de 2000 détenus. 3 % de cette population représentent la population féminine. Trois de ces établissements sont des prisons nationales, 25 sont des prisons de comté et 1 sont des prisons "auxiliaires". Les prisons nationales regroupent les condamnés à moins de six mois. Dans les grandes prisons régionales, on trouve des condamnés à plus de 18 mois, tandis que 6 mois est le maximum pour les petits établissements. Tous les établissements pénitentiaires sont gérés par l'Etat. Les établissements régionaux abritent aussi les prévenus jusqu'à ce qu'ils passent en jugement. Ces personnes n'ont pas l'autorisation de recevoir du courrier ou de recevoir des visites pendant de longues périodes.

    Du point de vue administratif, les prisons sont divisées en 4 régions, qui son dirigées par l'Administration Pénitentiaire du Ministère de la Justice.

    Les bibliothèques des prisons avant 1980.

    L'idée de proposer de la lecture et des activités récréatives dans les prisons n'est pas nouvelle. Aussi, les bibliothèques dans les prisons ont une longue tradition. Elles ont d'abord été utilisée; à des fins thérapeutiques, puis à des fins purement récréatives par de nombreux détenus. La tradition voulait que ce soit un prêtre ou un détenu qui soil responsable de la bibliothèque. Les établissements disposaient de très petits budgets pour acheter des livres, aussi les bibliothèques étaient-elles constituées de quelques livres usagés ou de dons. C'est la raison pour laquelle, dans les années 50-60, les bibliothèques publiques commencèrent de plus en plus à approvisionner les prisons, et même à leur fournir un bibliothécaire tous les quinze jours.

    Cependant, le résultat de ces initiatives dépendait de la bonne volonté des municipalités envers les établissements pénitentiaires et de la façon dont le service de prêt de la bibliothèque publique était développé.

    Introduction des services des bibliothèques publiques dans les établissements pénitentiaires.

    La fin des années 70 montrait le commencement d'un effort envers l'approvisionnement des bibliothèques pour détenus. La censure n'y existait pas. C'est la Direction des bibliothèques publiques et scolaires, en collaboration avec les autorités pénitentiaires, qui s'occupait de l'organisation de ces services.

    En 1980, nous avions des fonds suffisants pour financer un tel projet dans 4 établissements pénitentiaires. Le projet a été établi pour deux ans, dans une prison nationale et dans trois prisons de comté. Le plus grand établissement compte 180 détenus et le plus petit 28. Deux des établissements, ILA (prison nationale) et BERG (prison de comté) sont des établissements pour longues peines.

    ILA possède des systèmes de sécurité, tandis que BERG est un établissement ouvert. Les détenus peuvent suivre des cours à l'extérieur et les portes d'entrée de l'établissement sont ouvertes toute la journée.

    Les fonds nécessaires au projet sont fournis par le budget national pour les bibliothèques, et sont utilisés par les bibliothèques publiques. Cette solution est un choix normal en Norvège où la plupart des maisons d'arrêt ont moins de 50 détenus et y développer des bibliothèques se révélerait dénué de sens et trop coûteux. Les autorités pénitentiaires se sont habituées à utiliser les services des autres organismes. Le Comité d'éducation des municipalités, par exemple, est responsable de l'éducation à l'intérieur des établissements pénitentiaires.

    Par l'achat des services des bibliothèques publiques, les établissements pénitentiaires peuvent accéder aux services des bibliothèques municipales mais aussi au service de prêt des bibliothèques qui se trouvent en dehors de la municipalité. Ainsi l'approvisionnement en livres dans les établissements pénitentiaires peut se faire aussi souvent que nécessaire.

    Mais pourquoi est-il nécessaire d'acheter les services des bibliothèques publiques ? Les services publics ne sont-ils pas supposés être accessibles à tout le monde ? Nous savons tous que le personnel des bibliothèques de prêt est plus actif que dans les autres services publics. Les prisons ne sont soit disant pas l'exception. Nous ne fournissons pas seulement des livres, nous sommes là aussi pour en assurer la publicité.

    Nous savions que la plupart des détenus avaient un niveau d'instruction très bas, que le pourcentage d'échecs scolaires, d'illettrés et de handicapés mentaux est plus élevé que par ailleurs. Nous savions aussi que la plupart d'entre eux ne sont pas habitués à lire, et qu'ils utilisent rarement la bibliothèque. Une bibliothèque est satisfaisante lorsqu'elle offre un grand choix de livres, et possède un personnel qualifié qui s'occupe des besoins de chaque détenu. Les ressources nécessaires sont si importantes que nous ne pouvons nous attendre à ce que les municipalités fournissent leurs services gratuitement à une institution de l'Etat. La solution a donc été d'établir des contrats entre les institutions et les bibliothèques publiques les plus proches, les responsabilités étant partagées. Les bibliothèques publiques étant responsables des questions financières devant le budget national des bibliothèques.

    La période d'essai du projet a duré deux ans. Mais, elle a été reconduite par périodes d'un an jusqu'à ce que la solution soit adoptée de façon définitive en 1984. Le projet avait eu un grand succès. Les résultats à l'issue de la première année étaient dix fois plus élevés que le résultat moyen des bibliothèques publiques.

    En 1984, le service est devenu permanent dans quatre établissements et a été étendu à une prison de comté. A partir de 1985, 2 établissements nationaux pourront disposer d'une bibliothèque: une maison d'arrêt pour hommes et une maison d'arrêt pour femmes. 65 % des détenus devraient bénéficier des bibliothèques en 1989. Les 35 % restant, sont des détenus purgeant des peines de courtes durées dans des établissements ouverts ou petites maisons d'arrêt. Nous avons l'intention d'étendre le service des bibliothèques à l'ensemble des établissements, mais moins l'établissement est grand et moindres sont les frais.

    Nombre des ouvrages, paiement de droit d'utilisation.

    Le nombre des ouvrages est calculé sur la base des normes fixées, en fonction des acquisitions annuelles de la.biblio-thèque publique ainsi que du type d'établissement pénitentiaire. Dans certains établissements il sera nécessaire d'organiser des visites aux détenus, et des passages de chariots d'ouvrages. Le nombre minimum d'ouvrages pour une bibliothèque publique est de 3000. Cependant, pour les établissements pénitentiaires le minimum autorisé est de 1000 volumes. Dans ces deux cas, le volume des acquisitions annuelles atteint 8 % des collections prescrites. Le nombre des ouvrages n'est pas fixé par rapport au nombre des détenus, mais par rapport à la fréquentation de la bibliothèque, ainsi le nombre des volumes peut augmenter. En général, les ouvrages ne restent pas à l'établissement pénitentiaire. La bibliothèque de l'établissement doit pouvoir accéder à la totalité des livres de la municipalité. Cependant, dans la pratique, un grand nombre d'ouvrages restent à l'établissement en permanence. Il s'agit des ouvrages de référence et de fiction. Il n'y a pas de paiement direct pour le droit d'accès. Il n'y a pas de réglementation qui indique le montant des sommes utilisées pour l'acquisition de livres pour la prison. Cependant, la somme payée pour les acquisitions est équivalente à 8 % des collections prescrites. Il y a eu aussi une subvention d'aménagement de 20 % pour les deux premières années.

    Les besoins en personnel.

    Le tableau suivant est utilisé pour calculer les besoins en personnel :

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    Ce tableau a été établi d'après les résultats reçus après l'expérience de la période d'essai dans le reste des pays Scandinaves.

    Ces horaires de travail devraient suffire pour l'ensemble des tâches, c'est-à-dire le travail dans l'établissement pénitentiaire, l'organisation et l'utilisation des services de la bibliothèque publique. Il n'y a pas de moyens pour connaître de façon précise le temps passé à l'intérieur des établissements pénitentiaires. Cependant le temps moyen se situe entre 70 et 80 % du temps de travail. Une analyse régulière montrerait probablement que les bibliothèques publiques passent plus de 20 à 30 % du temps de travail à des services communs, au détriment des bibliothèques des prisons.

    D'ailleurs, il n'y a aucune directive qui indique le nombre annuel de personnes qui doivent se rendre dans les établissements et celui des personnes qui travaillent aux services communs.

    Le travail dans la bibliothèque d'une prison.

    Les principaux objectifs et les responsabilités d'une bibliothèque à l'intérieur d'une prison sont donnés dans le règlement suivant:

    • 1. Le domaine des responsabilités et les questions financières sont établies dans le contrat de collaboration.
    • 2a. La bibliothèque devra apporter aux détenus des moyens de distraction et d'éducation. Les détenus auront le même pouvoir d'accéder à la totalité des ouvrages de la bibliothèque publique, que les autres membres de la communauté.
    • 2b. Le personnel de la bibliothèque est employé sur avis du chef d'établissement pénitentiaire. Ces employés devront être informés des habitudes de l'établissement, de la discrétion à observer, et des mesures de sécurité, et devront suivre ces consignes.
    • 2c. La bibliothèque devra s'occuper aussi des personnes qui ne peuvent y venir elles-mêmes.
    • 2d. La bibliothèque devra aussi essayer de fournir des ouvrages et autre matériel qui ne sont pas disponibles à la bibliothèque publique mais qui sont demandés par les emprunteurs.
    • 2e. La bibliothèque devra être disponible pour guider et informer ses usagers.

    Le règlement est pratiquement identique à celui des bibliothèques publiques norvégiennes. A l'exception du paragraphes 2b, aucune mention n'est faite des aspects du travail dans une bibliothèque d'établissement pénitentiaire. Ce point couvre les consignes de sécurité pour ceux qui sont employés à la bibliothèque de la prison. Les autorités pénitentiaires ont considéré ce point comme essentiel depuis le début. Je suis heureux de dire qu'il n'y a eu aucun incident de rupture de confiance envers le personnel de la bibliothèque. Les autorités pénitentiaires étaient très soucieuses au sujet de la contrebande possible de drogues mais il n'y a jamais rien eu à ce sujet.

    Les mesures de sécurité à l'intérieur de l'établissement pénitentiaire doivent être respectées et cela perturbe le service dans une certaine mesure. Le fait que les détenus de certains quartiers doivent être accompagnés par un surveillant signifie qu'ils ne peuvent pas venir à la bibliothèque aussi souvent qu'ils le voudraient, et qu'ils ne peuvent pas y rester aussi longtemps qu'ils en ont envie. Pour prévenir de telles circonstances, tous les efforts doivent être fournis pour intéresser le surveillant à la bibliothèque, ou raccourcir la visite à cause de l'impatience du surveillant. Le service fourni aux détenus dans les cellules ou dans des quartiers spéciaux varie selon les établissements. Dans certains, les détenus sont accompagnés à la bibliothèque, dans d'autres, c'est le bibliothécaire qui se déplace pour rendre visite aux détenus. Plusieurs établissements vétustes ne possèdent pas d'ascenseur et sont alors inacessibles aux passages des chariots de bibliothèque. Un panier d'ouvrages peut en être la seule alternative. Le service est plus efficace lorsque les détenus viennent eux-mêmes à la bibliothèque, c'est d'ailleurs le but que nous voulons atteindre. Les ouvrages de référence et de fiction devraient être placés dans les salles communes aussi bien que dans la bibliothèque. Ces ouvrages sont utilisés fréquemment et servent souvent d'introduction à la bibliothèque. Comme il a été mentionné plus haut, de nombreux usagers sont plus désavantagés que ceux de la bibliothèque publique. D'un autre côté, le bibliothécaire de l'établissement doit être capable de se mettre à la portée de tout individu. C'est la raison pour laquelle les bibliothèques des établissements pénitentiaires sont plus fréquentées que les autres bibliothèques publiques. Environ 80 % des détenus sont emprunteurs à comparer aux 27 % <?PIBLOC/?> <?PIBLOC/?> des emprunteurs de la bibliothèque publique. Les résultats obtenus par les détenus sont d'environ 55 livres empruntés par an, les résultats pour la bibliothèque publique sont de 4,3 livres par habitant. La plus haute fréquence de lecture a été trouvé chez les détenus des quartiers fermés.

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    Contrat : la répartition des responsabilités entre la prison et la bibliothèque

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    La composition des fonds des bibliothèques de prison n'est pas exactement semblable aux collections des bibliothèques publiques. Ainsi, les ouvrages en langues étrangères sont très demandés, ceci étant dû au fort taux de détenus étrangers. Les bibliothécaires maintiennent que les usagers ont un éventail de choix plus large comparé à celui des usagers des bibliothèques publiques. L'éventail s'étend de la littérature très spécialisée aux ouvrages simples et faciles à lire.

    Le bibliothécaire devient un apport supplémentaire pour l'établissement pénitentiaire et est employé à d'autres activités aussi bien qu'aux tâches traditionnelles de la bibliothèque. Par exemple, il ou elle doit collaborer avec les autres catégories de personnel, surtout avec celles qui s'occupent des activités culturelles et de l'enseignement. La bibliothèque organise aussi des manifestations culturelles, surtout des conférences et réunions avec des écrivains. Le but en est de faire connaître la bibliothèque à ceux qui ne l'utilisent pas.

    Conclusion.

    La bibliothèque est devenue très populaire et aussi l'activité la plus utilisée des établissements pénitentiaires. Les détenus l'apprécient pour sa neutralité et sa faculté de répondre à tous les besoins. L'administration et le personnel estiment que la bibliothèque a une influence positive et qu'elle a souvent encouragé au calme. Les établissements qui n'avaient pas encore de bibliothèque sont maintenant en train de suivre le mouvement. Cela est extrê-ment satisfaisant, même s'il y avait au début un grand pessimisme vis-à-vis de ce service. Le service de la bibliothèque est devenu une nécessité. Le succès est dû à l'effort important de collaboration entre l'établissement pénitentiaire et la bibliothèque, entre les autorités pénitentiaires et les dirigeants de la bibliothèque publique et enfin entre les bibliothécaires. Depuis que le projet a débuté, des réunions se sont tenues une fois par an. Les bibliothécaires se sont ainsi rassemblés pour discuter des nouveaux objectifs et de leurs problèmes.

    Dans quel domaine n'avons-nous pas eu de succès ? Malgré tous les règlements, le bibliothécaire est souvent seul avec les problèmes relatifs à la bibliothèque de la prison. A l'avenir nous devrons par conséquent consolider les relations des bibliothécaires avec la bibliothèque publique. Ce but sera peut-être atteint en distribuant les postes à tour de rôle ou en permettant le partage de ces postes entre plusieurs personnes. Nous devons trouver le moyen de maintenir l'enthousiasme des bibliothécaires pour leur travail.

    Le lecteur doit avoir le sentiment que nous avons surestimé les besoins en comparaison du petit effectif de détenus dans les établissements pénitentiaires. Cependant, nous ne partageons pas ce sentiment. Au contraire, ce plan de travail détaillé nous a permis de mettre en valeur les routines budgétaires et un service efficace de documentation centralisé.