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    Bibliothèque nationale

    Les nouveaux aménagements Vivienne

    Par Marie-Thérèse VARLAMOFF, Conservateur, attachée de presse

    Le 19 décembre 1985, le Premier Ministre, Laurent Fabius, inaugurait l'annexe Vivienne de la Bibliothèque Nationale. Cette cérémonie clôturait une aventure de dix années et insufflait à la "vieille dame" de la rue Richelieu une nouvelle jeunesse.

    Le quadrilatère Vivienne (compris entre la rue des Petits-Champs, la galerie Vivienne et la rue Vivienne) fut acheté en 1975. Six ans de démarches administratives et trois ans de travaux nécessaires pour mener à bien cette entreprise de réhabilitation qui permit à la Bibliothèque Nationale de s'agrandir de quelque 17.000 m2.

    Répartis sur onze niveaux, les nouveaux locaux abritent des services techniques, auparavant implantés dans le quadrilatère Richelieu, la chaîne du livre et le service informatique. Le rez-de-chaussée, de part et d'autre de la Galerie Colbert, constitue comme une vitrine de la Bibliothèque Nationale avec l'aménagement de deux nouveaux musées, de salles d'expositions temporaires, d'une boutique et d'un café.

    La reconstitution de la Galerie Colbert et du Grand Café du même nom représente une véritable prouesse. La Galerie et les immeubles qui l'entouraient avaient été inscrits à l'inventaire complémentaire des Monuments Historiques en juillet 1974. Force était donc de respecter les lieux et de conserver les façades. Quant à la Galerie proprement dite, son état de délabrement était tel que toute restauration s'avérait impossible. Après que furent pris des moulages des chapiteaux en stuc, photographiés les motifs peints et recherchées dans les fonds du Département des Estampes les gravures datant de la construction en 1826, la Galerie fut entièrement détruite et reconstruite à l'identique. On put conserver les murs du café avant de les restaurer et lui rendre sa décoration picturale initiale.

    1) Le transfert à Vivienne des services techniques :

    Construite pour désengorger la Bibliothèque Nationale, l'annexe Vivienne abrite les services de traitement du livre et du périodique depuis leur arrivée à la Bibliothèque jusqu'à leur mise à la disposition du lecteur. C'est toute la "chaîne du livre" qui a été regroupée ici.

    Les services du Dépôt Légal Livres et du Dépôt Légal Périodiques.

    Le dépôt légal des livres occupe les locaux du rez-de-chaussée et du deuxième étage situés à l'angle de la rue Vivienne et de la rue des Petits-Champs, le dépôt légal des périodiques ceux du premier étage. Un accès commode, un accueil spacieux et une signalisation extérieure claire caractérisent dorénavant ce service, vital pour la constitution des collections. Une fois entrés par dépôt légal à la Bibliothèque Nationale, les ouvrages sont catalogués (auteurs et matières) par le Service des Entrées Françaises qui s'occupe également de collecter et de traiter toutes les publications officielles.

    Mais les collections de la Bibliothèque Nationale ne sont pas uniquement constituées à l'aide du dépôt légal. Achats, dons, échanges représentent, du moins en ce qui concerne le livre, un nombre de titres à peu près équivalent à celui entré par dépôt légal (environ 80.000 au total et par an). C'est le Service des Entrées Etrangères qui gère les achats de livres étrangers, recueille les dons et catalogue ces ouvrages ainsi que ceux parvenus à la bibliothèque par le truchement du Service des Echanges Internationaux.

    Les différents services responsables de l'entrée à la Bibliothèque des livres de provenances diverses se trouvent réunis à Vivienne, pour un court transit, le temps que les ouvrages y soient catalogués, cotés, rondés avant d'être envoyés dans les magasins de la rue Richelieu et de pouvoir être consultables dans les salles de lecture. Tout ce travail de base, long et minutieux va aboutir à la construction d'une base de données bibliographiques et à la publication de la Bibliographie de la France.

    Les nouveaux locaux de la rue Vivienne abritent également des services créés récemment : le Centre Informatique et le Centre de Coordination Bibliographique et Technique. Ce dernier a pour mission d'assurer la cohérence de la base de données en harmonisant le travail des divers services de catalogage ; et il est l'intermédiaire entre ces services et le Centre Informatique. Dans un avenir très proche la base sera accessible par des terminaux situés dans la Bibliothèque Nationale mais également dans d'autres bibliothèques. Il est prévu également une possibilité d'interrogation par minitel.

    2) Vivienne, une vitrine-musée pour la Bibliothèque Nationale

    Si les étages abritent des services techniques traditionnels dans une bibliothèque, les espaces du rez-de-chaussée, mis à part celui dévolu par commodité au dépôt légal, ont été consacrés à des activités tournées vers le public en général et non plus seulement vers le lecteur.

    La galerie Colbert, superbe et majestueuse, est devenue le centre de ces activités. Il était important pour la Bibliothèque Nationale de profiter des espaces situés de part et d'autre de la galerie pour montrer une partie de ses richesses, que seule une minorité d'utilisateurs pouvait jusqu'alors deviner.

    C'est ainsi que le Département des Arts du Spectacle dont les collections sont actuellement disséminées entre l'Arsenal, la rue Richelieu et Versail-les, a maintenant "pignon sur rue" avec deux grandes vitrines dont la présentation se renouvelle tous les deux mois environ. Costumes, maquettes, affiches, photos, masques ou marionnettes attestent la richesse et la variété des collections de ce département souvent connu des seuls spécialistes. Les thèmes des présentations collent à l'actualité tout en permettant de remonter le temps : la reprise d'une pièce lors de la saison théâtrale est l'occasion d'exposer les maquettes de mises en scène précédentes ou les costumes portés par les créateurs de tel ou tel rôle. Invitation au voyage pour d'autres expositions, comme celle sur "la Commedia dell' Arte et ses correspondances orienta-les" qui montrait parallèlement aux masques de la comédie italienne des masques venus de différents pays d'Asie.

    Le Département de la Phonothèque et de l'Audiovisuel, le dernier-né de nos départements, devait aussi bénéficier de Vivienne puisqu'il s'est vu attribuer deux espaces relativement vastes (300 m2 au total) pour installer ses collections de phonographes. Actuellement en cours d'aménagement, le Musée Charles Cros s'adressera à tous les publics, de l'ingénieur curieux de l'évolution des techniques aux enfants en passant par l'amateur de curiosités.

    Une présentation permanente retracera l'histoire du phonographe et des expositions temporaires, liées à l'actualité ou à l'étude d'un type d'appareil, permettront une rotation des collections.

    Le visiteur pourra voir mais aussi entendre : la Phonothèque a bien l'intention de profiter de ce musée pour permettre l'audition de ses archives sonores, musique ou parole : Sarah Bernard, Dreyfus, Caruso ressuscités le temps d'une visite, voilà qui en étonnera ou ravira plus d'un ! Traditionnellement la Bibliothèque Nationale propose des expositions et, tradition exige, elles ont presque toujours pour cadre les superbes galeries Mansart et Mazarine. Mais la Bibliothèque Nationale intimide, le public doit passer le porche, traverser la cour, parfois même emprunter l'escalier monumental. Par ailleurs, ces galeries s'accomodent mal d'expositions de petite dimension.

    Deux salles se trouvaient disponibles à Vivienne, l'une donnant sur la Rotonde et l'autre située entre les vitrines des Arts du Spectacle et le Musée Charles Cros. C'était l'occasion rêvée pour présenter au passant, non plus des expositions axées sur le livre, mais plutôt un éventail des richesses iconographiques de la maison. Le Département des Estampes et de la Photographie nourrit la plupart de ces expositions, plus spécialement orientées vers l'art contemporain. Photographies, affiches, estampes ou gravures animent tour à tour les cimaises et attirent le regard du promeneur. Picasso, Paul Colin, Jean Fautrier et Christophe Bart furent parmi les premiers occupants de ces nouveaux espaces.

    3) La Bibliothèque Nationale tient boutique :

    Les catalogues en tous genres font partie des publications traditionnelles de la Bibliothèque Nationale. Les cartes postales, les affiches d'exposition, les cartes à jouer sont parmi les reproductions que l'on peut acheter dans le hall de la bibliothèque ou au magasin de vente de la rue Richelieu. Mais, depuis quelques mois, la Bibliothèque Nationale poursuit une politique commerciale qu'elle cherche à développer en lançant de nouveaux produits : reproduction d'objets appartenant au Département des Monnaies et Médailles, disques réalisés à partir des documents sonores de la Phonothèque, ligne de papeterie, puzzles en bois, posters etc. Les idées ne manquent pas et la matière est inépuisable. Encore faut-il pouvoir montrer ce que l'on propose et le montrer agréablement, séduire le client. La Boutique Colbert a ouvert ses portes sur la rue des Petits-Champs. Une boutique modeste pour un début, mais dont l'aménagement résolument moderne rajeunit un peu l'idée que l'on se fait de la vieille dame tout en lui conservant élégance et sérieux.

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    Plan de quartier

    Il convient de souligner qu'un effort particulier a été consenti afin de permettre une ouverture sans interruption de 10 heures à 18 heures tous les jours de la semaine.

    4) Les aménagements sociaux

    Pour tout le personnel, même celui qui ne déménageait pas, Vivienne était attendu depuis des années car sa construction a permis d'y installer une cantine vaste, claire et fonctionnelle, ainsi que des cuisines modernes qui contrastent agréablement avec les installations vétustes des anciens locaux exigus de la rue Colbert. Vivienne c'est aussi, derrière le Musée Charles Cros, un espace réservé à l'accueil des enfants du personnel le mercredi et pendant les petites vacances. Les petits entre 4 et 12 ans pourront y venir pour lire, dessiner ou jouer ce qui devrait résoudre pour beaucoup de mères de famille le problème des gardes lors de congés scolaires.

    5) Vivienne, point de rencontres :

    Si, lors de leurs acquisitions, les bâtiments durent être détruits du fait de leur vétusté, les murs du Grand Restaurant Colbert, qui ouvrait à la fois sur la galerie Colbert et sur la rue Vivienne purent être conservés. D'où l'idée de le restaurer, ce qui fut fait avec beaucoup de bonheur. La maladresse d'un ouvrier qui retirait les couches successives de papier peint permit de découvrir le ravissant décor pompéien d'origine qui, répété à l'identique tout autour de l'actuel café, lui donne son cachet.

    Café 1900 ou brasserie selon les heures de la journée, c'est l'endroit idéal pour rencontrer des amis, boire un verre, faire un léger repas ou se délasser après avoir visité les expositions. D'abord prévu uniquement pour le personnel, cet endroit superbe a, dès son ouverture, été mis en gérance afin de pouvoir être ouvert à la clientèle de la galerie. A l'instar de certains grands musées de France ou de l'étranger, la Bibliothèque Nationale offre à ses utilisateurs des nourritures terrestres aussi bien qu'intellectuelles !

    Notre inventaire de Vivienne serait incomplet si nous ne mentionnions la construction en sous-sol d'un auditorium de 200 places, équipé d'une cabine technique permettant la projection de films. Un studio d'enregistrement complète l'ensemble. Cet auditorium, que la Bibliothèque Nationale utilise pour son compte est mis à la disposition des entreprises ou des associations qui souhaitent le louer pour y organiser concerts, débats, conférences, projections ou autres manifestations.

    6) Une extension mais aussi une ouverture :

    Amélioration des conditions de travail

    Constater qu'une bibliothèque est toujours trop à l'étroit est un lieu commun. A peine sa construction-achevée, il faut déjà songer à pousser les murs. Dans le cas de la Nationale, les 17.000 m2 supplémentaires de Vivienne ont apporté un "bol d'air" rendu nécessaire par l'accroissement exponentiel des documents de toutes sortes qui entrent chaque année. Les services installés rue Richelieu dans des pièces surchargées et souvent vétustes quand elles n'étaient pas insalubres, ont pu déménager dans des locaux neufs, spacieux, clairs et fonctionnels. Le personnel et la qualité du travail y ont beaucoup gagné. La restructuration de la chaîne du livre a été rendue possible ainsi que l'automatisation de la base bibliographique, conduite en même temps que s'achevaient les travaux et que s'effectuait le déménagement. Ce regroupement en un même lieu, des communications aisées et rationnelles entre services apportent une amélioration notable à l'ensemble des opérations de traitement du livre.

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    Plan du quadrilatère Vivienne - 1

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    Plan du quadrilatère Vivienne - 2

    Une animation diversifiée

    Mis à part les nouveaux musées et les salles d'expositions temporaires, la galerie Colbert est, par son esthétique et les aménagements de l'auditorium, un lieu d'animation très recherché. Plusieurs manifestations s'y sont déroulées au cours de cette première année. Les Concerts de midi, donnés une fois par mois à l'heure du déjeuner, ont permis au Département de la Musique de présenter un répertoire classique, choisi parmi ses inédits et interprété par des artistes de renom. En mai dernier, dans le cadre de la Semaine de Jazz, organisée en hommage au collectionneur et généreux donateur Charles Delaunay, ont eu lieu deux récitals et une "James Ses-sion", ainsi que la projection de films montés par la Phonothèque pour retracer les étapes de l'histoire du jazz et ses interprètes les plus célèbres retrouvés avec émotion.

    Les projets d'animation sont nombreux : soirées littéraires avec des comédiens du Théâtre Français tout proche, colloques, séminaires ou tout simplement réunions amicales. La galerie est un beau lieu, il devient à la mode et les demandes de location affluent, d'autant plus que la possibilité d'utiliser l'auditorium et éventuellement les services du Café Colbert en font un endroit très recherché au centre de Paris.

    Grâce à la création de cette annexe, la Bibliothèque Nationale est en train de sortir de sa coquille. Les changements se font en profondeur pour ce qui est de l'organisation du travail et des conditions d'exécution de ce travail. La perception de la maison par les gens de l'extérieur est également en train de se modifier. Beaucoup sont surpris des richesses innombrables et tellement variées des collections. Mais ce qui surprend le plus, c'est le désir d'aller au devant du public, de se mettre à sa portée et de ne plus s'enfermer dans la moiteur des spéculations purement intellectuelles.

    De nouveaux accès

    Considérée par les non familiers comme une forteresse inaccessible dont la seule entrée se trouvait au 58 rue Richelieu, la Bibliothèque Nationale est devenue tout à coup, par le biais de la galerie Colbert, un passage public fréquenté par les gens du quartier, les employés des bureaux voisins, les touristes et les simples curieux. Volonté réelle d'ouverture vers l'extérieur, matérialisée par l'ouverture créée entre les galeries Colbert et Vivienne d'une part et par l'ouverture du jardin intérieur, côté rue Vivienne. Ainsi point n'est besoin de contourner le quadrilatère Richelieu pour se rendre de la "maison mère" à Vivienne. Il suffit de traverser le jardin qui, bientôt réaménagé, deviendra sans nul doute un espace vert précieux dans ce quartier d'affaires et de commerces.

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    Dates et chiffres