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Les relations d'échanges entre les bibliothèques d'Afrique francophone et la bibliothèque nationale de Paris

1986

    Les relations d'échanges entre les bibliothèques d'Afrique francophone et la bibliothèque nationale de Paris

    S.E.I., Service des Echanges internationaux

    Par Anne ZUNDEL BEN KHEMIS, conservateur Service des Echanges internationaux Bibliothèque nationale

    A L'occasion du Congrès de l'IFLA en Afrique, (Nairobi, 1984), le Service des échanges internationaux a lancé une enquête auprès de 61 bibliothèques sises dans 24 pays francophones et hispanophones d'Afrique et de l'Océan Indien pour mieux connaître leurs critiques sur les relations d'échanges, avec le S.E.I. (B.N. Paris) et leurs désirs. Il y a eu 9 bibliothèques nationales, 20 bibliothèques universitaires ou assimilées qui ont répondu. Nous n'avons aucune information en provenance du Came-roun, du Tchad, du Zaïre. Dans l'ensemble, les échanges actuels sont considérés comme un mode d'acquisition tout à fait secondaire, peu fiable et surtout subi. Toutes les bibliothèques responsables de la conservation du patrimoine national demandent que leur soient attribués, en "ordre permanent d'échange", les documents publiés en France et se rapportant à leurs pays, en original ou en (micro)copie et souhaitent passer une convention avec la Bibliothèque nationale de Paris, définissant la valeur de nos échanges à terme et les modalités de copie des collections anciennes conservées en France les intéressant.

    Les relations d'échanges entre les bibliothèques du monde entier et la France se font, soit directement de bibliothèque en bibliothèque, comme cela se pratique dans beaucoup de pays européens, aux Etats-Unis ou en Union soviétique, soit par l'intermédiaire du Service des échanges internationaux. Ce dernier est un service ancien rattaché en 1963 à la Bibliothèque nationale de Paris, dont il assure le échanges, mais il est chargé d'aider les bibliothèques françaises pour les leurs, car il peut fournir les documents nécessaires pour établir ou maintenir ceux-ci. Héritier de services divers, puisqu'il assume en outre la fonction de retransmission des publications savantes de France vers l'étranger et de l'étranger vers la France et celle de diffuser certaines publications françaises ayant reçu les subventions d'Etat, il est depuis 1977 "Centre de coopération", confié en régie à la Bibliothèque nationale. Il dispose chaque année d'environ 14 000 séries de périodiques et de 90 000 volumes de monographies, produits courants de l'édition française, auxquels s'ajoutent les documents isolés ou parfois des collections entières de documents français et étrangers, comme cela se faisait à la British Lending Library jusqu'au 1er janvier 1982 ou se pratique encore au Danemark, chez IDE.

    Si quelques bibliothèques africanistes, donc spécialisées, françaises entretiennent, grâce aux chercheurs qui les ont constituées, des relations d'échanges directes avec certaines bibliothèques africaines, il semble qu'une part importante du flux des échanges de documents entre l'Afrique francophone et la France se fasse à travers le S.E.I., essentiellement au profit de la Bibliothèque nationale de Paris et de quelques bibliothèques universitaires ou de recherche possédant des fonds importants sur l'Afrique, comme la Bibliothèque de l'Ecole nationale des langues orientales vivantes ou celle du Musée de l'Homme.

    Avec les bibliothèques fondées avant l'indépendance dans les pays rattachés à l'Afrique occidentale française et à l'Afrique équatoriale française, comme à Madagascar, la Bibliothèque nationale, chargée du dépôt légal en France, a des relations qui sont anciennes: en effet la France y avait exporté ses propres lois de dépôt légal des publications, qui y sont restées en vigueur parfois tardivement, du moins longtemps après l'indépendance. En général elles ont été remplacées par de nouvelles lois de dépôt légal. Il ne semble pas qu'un seul des pays touchés par cette pratique l'ait abandonnée. Le dépôt des publications se faisait auprès d'une administration française, la bibliothèque générale quand elle existait qui en gardait un exemplaire et en envoyait un deuxième à la Bibliothèque nationale de Paris. Par accumulation se sont "sédimentés" des fonds africains "anciens", qui ont subi peu de déprédations, sinon d'origine naturelle (autolyse ou brûlure des papiers mal stabilisés, ruptures des coutures et/ou des reliures, etc.), car dispersés selon leur sujet, dans les collections de la Bibliothèque nationale, ces documents ne pouvaient être repérés et donc consultés que par l'intermédiaire de catalogues, qui furent long à paraître dans la plupart des cas.

    Après l'indépendance, ces relations furent souvent maintenues, avec plus ou moins de rigueur, essentiellement pour les publications en série. Il nous a semblé utile de les entériner par des conventions d'échanges avec les bibliothèques concernées, ce qui est maintenant chose faite avec le Maroc et la Tunisie et le sera, sans doute, prochainement avec l'Algérie et la Côte d'Ivoire. Dans ce contexte, faire une enquête sur l'état des relations du SEI avec les bibliothèques des Etats francophones d'Afrique et la place des échanges dans leur politique d'acquisition, paraissait d'autant plus intéressant que, 25 ans après leur indépendance, nombre d'Etats avaient créé de nouvelles bibliothèques et permis le développement de structures éditoriales parfois puissantes.

    Toutes les bibliothèques qui ont répondu se considèrent comme des bibliothèques chargées de conservation, mais aussi de communication, à l'exception de 6 d'entre elles, qui relèvent du système universitaire. Elles sont ouvertes tant aux chercheurs qu'aux enseignants, qu'aux étudiants mais seulement 16 se donnent le rôle de centre de recherche bibliographique (Burundi BU, Comores CNDRS, Côte d'Ivoire BN, Gabon BN, Madagascar BN et BU, Sénégal BU Dakar, bibliothèques du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie) sur leurs fonds propres, éventuellement les fonds d'intérêt national. Cinq bibliothèques disposent d'un catalogue collectif (Burundi BU, Gabon BN, Ruanda BU, Madagascar BU, Tunis BU médecine), une en a un en projet (Sénégal BU Dakar). Pratiquement toutes ces bibliothèques possèdent des collections spécialisées qui portent d'abord sur l'histoire locale, la(les) culture(s) de la région (Africana, documents sur l'A.O.F., l'A.E.F., le Maghreb, ou plus précisément sur le pays, ivoiriensia, togoliensia, tunisiana, etc., islamica) ou bien correspondent à un type de document (cartes à la BU de Lomé au Togo, journaux locaux à la BN du Congo, publications officielles internationales d'organismes auxquels participe le pays).

    Nous désirions profiter de l'enquête pour mieux connaître l'état récent de l'édition de chaque pays, que les bibliothèques locales ont le moyen de pouvoir bien repérer., Seuls trois pays ont une structure éditoriale centralisée (Bénin, Togo, Maurétanie) chargée de l'édition et de la distribution. En Algérie, la S.N.E.D. possède le monopole de la diffusion. Cinq Etats n'ont pas d'éditeurs privés (République Centrafricaine, Comores, Ruanda, Seychelles, Guinée équatoriale), ni de dépositaires de maisons d'édition étrangères, qui n'existent pas non plus au Burundi, au Sénégal, en Algérie, en Maurétanie et en Tunisie.

    Il semble que chaque Etat, à l'exception de la République Centrafricaine et de la Guinée équatoriale, ait organisé un système d'édition pour ses publications officielles. Le Gabon connaît 5 services éditeurs, le Ruanda 4, le Congo 3, et la Côte d'Ivoire, comme Madagascar, 2. Le Maroc et la Tunisie signalent l'existence d'une Imprimerie officielle et d'un grand nombre de centres de publication, rattachés aux administrations et entreprises publiques. Plusieurs bibliothèques peuvent utiliser la production du service éditeur qui leur est lié directement ou indirectement: c'est le cas du CNDRS des Comores, de la BN de Côte d'Ivoire, de la BU d'Abidjan, de la BN d'Egypte, de la BU et la BN de Tananarive, de la BN du Mali, de la BN de Victoria aux Seychelles, de la BU de Lomé au Togo, et de l'ENS de Nouakchott. Pratiquement toutes les bibliothèques du Maghreb disposent de leurs propres publications pour les échanges et peuvent obtenir des publications officielles. En Europe une part importante des échanges se fait sur la base de publications savantes produites par des groupes, associations ou institutions académiques ou savantes et par des laboratoires de recherche. C'est pourquoi nous demandions à chaque bibliothèque de nous signaler les institutions de ce type qu'elle connaissait, en nous en fournissant noms et adresses:

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    Ces chiffres recouvrent nécessairement une réalité partielle, car il est parfois difficile de dénombrer exactement les laboratoires de recherche qui sont intégrés dans une administration dont ils sont une activité, plus ou moins individualisée par ses publications. Les statistiques bibliographiques, dont on sait combien elles sont susceptibles d'erreur, quand les éditeurs ne voient aucun intérêt à déposer ou à faire connaître leurs publications, nous ont été fournies par quelques bibliothèques nationales (Côte d'Ivoire, Egypte, Madagascar, Algérie et Tunisie de façon très détaillée; le Bénin, les Comores, le Congo, le Gabon, les Seychelles). La production éditoriale est constituée pour l'essentiel d'ouvrages et de périodiques: six pays éditent des microformes (Côte d'Ivoire, Gabon, Madagascar, Sénégal, Maroc, Tunisie), six des cassettes (Bénin, Comores, Côte d'Ivoire, Ruanda, Algérie, Tunisie), sans qu'il soit possible de déterminer exactement ce qu'il en est pour le Gabon, le Sénégal, les Seychelles, le Togo et le Maroc. Il y a édition de disques au Bénin, en Centrafricaine, aux Comores, au Congo, en Côte d'Ivoire, à Madagascar, au Togo, en Algérie, c'est à dire dans plus de pays que pour les cassettes, dont la production est pourtant beaucoup plus facile. Ceci expliquant peut-être cela: les bibliothèques chargées de recueillir la production locale contrôlent d'autant plus mal celle-ci qu'elle est plus diffuse dans des ateliers petits, mobibles, instables. Il semble n'y avoir d'édition de bandes vidéo qu'au Bénin et en Côte d'Ivoire. Le dépôt légal des publications a été institué dans tous les pays qui ont répondu à l'enquête, sauf en République Centrafricaine, et au Ruanda et aux Seychelles, qui n'ont jamais connu les règles administratives françaises: il concerne aussi bien les publications commerciales ou non que les publications officielles.

    Quinze pays possèdent une bibliographie nationale, plus ou moins courante, le Togo en prépare une, mais la bibliothèque nationale ne signale les publications officielles qu'au Bénin, en Centrafrique, au Congo, en Côte d'Ivoire, en Egypte, au Ruanda, en Algérie et en Tunisie. Au Maroc, le Centre national de documentation publie une bibliographie des publications officielles du royaume, et bientôt des collectivités locales. nationales, paraissant avec plus ou moins de régularité, la plupart des bibliothèques avouent ne pas recevoir assez d'informations sur les produits de l'édition locale, mises à part la BN du Congo, la BU de Dakar, la BN des Seychelles, les BU de lettres et de médecine de Tunis et de Sfax. Les échanges d'informations bibliographiques sont peu développés sauf dans les bibliothèques d'enseignement supérieur du Maghreb, du Burundi et du Ruanda, à la BN de Côte d'Ivoire et celle de Tananarive, qui communiquent avec d'autres institutions de la région ou de leur pays. A la BN du Caire, 6 personnes sont employées à ce travail.

    Si le dépôt légal (plus ou moins volontaire) existe pratiquement dans tous les pays observés, il ne sert aux acquisitions que pour les bibliothèques nationales ou assimilées (ENS de Nouakchott, BU du Bénin au Togo). La majeure partie des acquisitions est faite d'achats auprès de libraires, de dépositaires quand ils existent ou d'éditeurs, avec la possibilité d'utiliser des groupements d'achats dans certains pays (Burundi, Ruanda, Seychelles, Maroc, Maurétanie, Tunisie).

    Il arrive qu'il soit utile de remplacer les acquisitions définitives par un emprunt (temporaire), dans le cadre du prêt interbibliothèques, ce qui permet de fournir la documentation demandée par les utilisateurs sans frais importants. Or le prêt interbibliothèques, qui existe communément dans les bibliothèques maghrébines, n'a que 6 adeptes en Afrique noire (BU Burundi, BN Côte d'Ivoire, BU de Dakar au Sénégal, BN et BU de Tananarive, BU du Bénin au Togo). Il se pratique d'abord au profit des usagers directs de la bibliothèque mais quelques unes acceptent d'en faire profiter des lecteurs dispersés (BU du Bénin, ENS de Maurétanie, BU de Tananarive, BU droit de Rabat, BN de Tunis, BU de médecine de Tunis et de Sfax). Partout cette opération est présentée comme de peu d'importance (quelques unités reçues ou envoyées par an).

    Toutes les bibliothèques reconnaissent que le prêt international devrait leur permettre de compléter temporairement leurs fonds touchant à l'information scientifique et technique et parfois ceux qui relèvent du patrimoine culturel (BU Burundi, BU Centrafricaine, BN du Congo et de Côte d'Ivoire, d'Algérie, de Tunisie, BU du Ruanda, du Sénégal, du Togo). La BN de Tananarive reconnait ne jamais demander de documents mais en envoyer régulièrement en divers pays. Très peu de bibliothèques se servent du prêt interbibliothèques pour compléter leur information bibliographique.

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    Tableau des échanges par pays

    Les échanges

    Dans l'état actuel des choses, les échanges fonctionnent selon une convention internationale (convention de Paris, signée à l'UNESCO, 1958), où les objectifs sont fort clairement définis. Il faut se rendre à l'évidence que peu de services d'échanges les appliquent effectivement pour diverses raisons, qui tiennent de la lourdeur des opérations, de la difficulté de tenir des balances à jour, de disposer du matériel d'échange et souvent d'avoir du personnel compétent quand ne manquent pas en sus les crédits pour obtenir les emballages ou payer les timbres poste. D'autre part, si les bibliothèques nationales ont des obligations précises, encore faut-il qu'elles existent; les autres bibliothèques sont laissées libres d'agir comme il leur convient. Or pour établir un flux d'échanges intéressants, il faut que chaque partie y trouve son compte et qu'elles se connaissent bien l'une l'autre, ce qui est finalement assez rare.

    Un pays comme la France a signé d'autre part, une dizaine d'accords d'échanges de publications officielles (P.O.), dont la gestion est confiée à la Bibliothèque nationale. Il est tout à fait possible d'envisager d'en signer d'autres avec tel pays dont la Bibliothèque nationale possède des séries de P.O. importantes pour la période coloniale et les années qui ont suivi l'indépendance. Il apparait en fait que la plupart des opérations faites ces dernières années sont plutôt des échanges "à bien plaire", comme on fait des ventes "à bien plaire", au coup par coup. La réunion de Nairobi devait permettre de voir dans quelle mesure les bibliothécaires africains sont intéressés par la mise en place d'une politique vraiment cohérente d'échanges entre leurs bibliothèques et les bibliothèques françaises.

    Dans l'ensemble les échanges sont considérés comme un mode d'acquisition sans grande importance, tant en qualité, qu'en quantité, et pourtant... (voir tableau).

    Les bibliothèques qui nous ont fourni des chiffres relativement importants laissent apparaître que la fonction d'échange pourrait être plus considérable partout ailleurs s'ils étaient mieux organisés et plus sûrs en qualité et en quantité.

    D'un avis commun, ils devraient servir à l'amélioration des collections, tout en permettant de réaliser des économies à l'achat. Toutes les bibliothèques pensent qu'ils sont le moyen de récupérer leurs produits culturels, édités à l'étranger, sous quelque forme que ce soit, quand il existe un système de dépôt légal. Autres objectifs reconnus: compenser les impossibilités d'acheter sur place, permettre l'acquisition de documents non commercialisés. Au niveau des principes, il semble possible de mettre sur pied un système d'échanges avantageux tant pour nos correspondants africains que pour les bibliothèques françaises qui ont souvent du mal à obtenir les publications africaines qu'elles aimeraient conserver.

    Selon les réponses à l'enquête, les bibliothèques qui entretiennent des échanges ne disposent pas de réseaux complexes à l'exception de la Bibliothèque nationale de Côte d'Ivoire, de celle d'Egypte, de la Bibliothèque nationale d'Alger, de celle de Tunis et des Bibliothèques universitaires de lettres de Rabat (Maroc) et de Tunis. On constate une forte orientation vers les pays voisins, ou culturellement proches (pays arabes), et quelques pays européens de l'Est (URSS, Roumanie, RDA) et de l'Ouest (France, Grande-Bretagne, Belgique, RFA, Suède) auxquels s'ajoutent quelques pays anglo-saxons hors de l'Europe (USA, Canada, Australie). L'Amérique du sud (sauf Cuba), l'Extrême-Orient (sauf le Vietnam) ne sont pas signalés, comme d'ailleurs les pays méditérranéens autres que la France et les pays du Maghreb. Une exception la BN du Caire entretien en outre des relations d'échanges avec la Yougoslavie, l'Albanie, l'Inde, le Pakistan, Sri Lanka et la Turquie.

    Les accords d'échanges d'Etat à Etat sont rares mais ils existent au Bénin, en Côte d'Ivoire, aux Seychelles, en Guinée équatoriale, en Algérie et en Tunisie, au profit de leur bibliothèque nationale. Les accords de bibliothèque à bibliothèque semblent plus nombreux puisqu'il s'en trouve à la BN du Gabon, à Madagascar tant à la BN qu'à la BU, à la BU de Butare au Ruanda, à la BN du Togo, à celles de Tunis et d'Alger comme auprès des BU de droit de Tunis et de Rabat et celle de lettres de Tunis.

    Ce sont surtout les publications en série qui font l'objet d'échanges mais deux ou trois bibliothèques mises à part, les monographies en font très normalement partie. Par contre les cartes et plans, les supports audiovisuels, les microformes et autres supports d'information en sont exclus sauf cas exceptionnel.

    Le potentiel d'échange est rarement constitué d'achats isolés (Burundi BU, BU de Butaré Ruanda, Seychelles BN, Togo BU, BU/L et Droit de Tunis, BU droit Rabat) ou même en masse (BN de Tananarive, d'Alger et de Tunis). Si le dépôt légal fournit une partie de la matière des échanges pour quelques bibliothèques nationales (Bénin, Congo, Côte d'Ivoire, Egypte, Gabon, Algérie), les subventions d'Etat représentent davantage en particulier pour certaines bibliothèques universitaires (Burundi, Ruanda, Sénégal) et quelques bibliothèques nationales (Alger, Tunis, Guinée équatoriale). En général chaque bibliothèque souhaite recevoir non seulement des imprimés mais aussi des documents iconographiqes (cartes et plans, affiches, photos) et même sonores à l'exception de bibliothèques universitaires, bien qu'elles reconnaissent ne pas avoir le moyen de fournir de contrepartie pour ces types de documents.

    Plusieurs bibliothèques demandent que leur soient fournies les thèses universitaires de tout niveau, qui sont susceptibles d'intéresser leurs lecteurs ou qui touchent aux thèmes dont elles assument la couverture documentaire, que l'information soit portée sur un support original ou sur microforme. Cette question, qui relève des échanges universitaires devrait être posée sous forme de recommandation à l'UNESCO.

    L'obtention ou la "récupération" de l'information scientifique et technique concernant leur pays touche l'ensemble des bibliothèques puisque toutes demandent à recevoir la documentation en rapport avec leur pays, leur environnement géographique, culturel, politique, c'est-à-dire les "africana", et fournissent quantité de précisions, manifestant ainsi l'intérêt considérable qu'elles portent à cette question. Quelques bibliothèques nationales aimeraient recevoir en outre, dans le cadre de leurs échanges, des ouvrages et documents de valeur générale ou même encyclopédique. Les bibliothèques universitaires, elles, se cantonnent aux spécialités enseignées sur place, pour lesquelles elles désirent développer des collections cohérentes. Il existe cependant des limites à ces acquisitions: les documents doivent être dans une langue nationale (arabe, kinya, swahili ou bantou), ou bien dans une des langues occidentales suivantes, français et anglais, éventuellement en espagnol ou en allemand (5 cas); une seule bibliothèque semble être en état d'utiliser des ouvrages en russie (BU Lettres de Rabat).

    Les propositions d'échange se font de différentes manières, mais le plus souvent par des listes de notices bibliographiques qui supposent le stockage des documents pendant toute la durée de la rédaction, l'expédition et le retour de celles-ci. Les listes sont, de l'avis de tous nos correspondants, au moins utiles, sinon indispensables. Cependant les envois d'office sont acceptés en général sous réserve de rester conformes aux objectifs (domaines couverts) de la bibliothèque. Cette méthode d'attribution "à la source" (équivalent à un "ordre permanent d'échange") a le mérite de la simplicité, parce qu'il élimine les problèmes de stockage, réduit les écritures, et permet la fourniture très rapide des objets de l'échange aux intéressés.

    Toutes les bibliothèques nationales, certaines bibliothèques universitaires aussi, aimeraient passer une convention d'échange, avec la Bibliothèque nationale de Paris, pour définir les quantités de documents envoyées et reçues de part et d'autre, tant publications officielles que documentation générale ou spécialisée, institutionalisant les ordres permanents d'échanges.

    Cependant aucune ne tient à tenir de service national d'échange ni à retransmettre des documents à d'autres bibliothèques de leur pays.

    Toute procédure d'échange suppose l'établissement de balances, ou état des comptes, au vu desquelles chaque service est amené à fournir davantage ou à refuser d'envoyer plus de documents: les bibliothèques du Maghreb veulent des balances grosso modo égales (au moins en valeur intellectuelle), en répondant aux désirs ou aux besoins de chaque partie.

    Dans les autres pays du continent africain, les bibliothèques considèrent que les publications faites localement sont peu nombreuses et que la Bibliothèque nationale de Paris doit envoyer plus de documents (en quantité et en valeur) qu'elle ne peut espérer recevoir de chaque pays. Comme leurs crédits d'acquisition sont souvent faibles, que le dépôt légal se fait avec plus ou moins de rigueur, elles n'ont pas les moyens de constituer des réserves importantes pour leurs échanges.

    Les transports sont une source de dépenses pour tout service d'échange: il faut disposer d'emballages corrects, donc coûteux, éventuellement de machines de conditionnement. Les paquets postaux emportent l'assentiment de tous, car ils sont livrés à la bibliothèque même, sans intervention des douanes locales. De même, tous nos correspondants souhaitent que ces envois se fassent sous couvert du conseiller culturel français, à l'exception d'une seule bibliothèque. Par contre l'expédition via leur ambassade à Paris n'intéresse que la BU de Bénin à Lomé et la Bibliothèque nationale d'Alger. De leur côté nombre de bibliothèques ont des problèmes matériels pour faire leurs envois: (sur)coût des transports, des emballages, pas de local, pour préparer les paquets, pas de budget pour ce type de d'activités, comme à la Bibliothèque nationale de Côte d'Ivoire, ou plus simplement des difficultés pour collecter les documents. Comme les échanges sont une fonction peu importante, donc peu consommatrice de main d'oeuvre, seules quelques bibliothèques signalent qu'il existe dans ce domaine des problèmes de personnel (temps, formation).

    Cela n'empêche pas la plupart de nos correspondants de prévoir une augmentation des flux des échanges internationaux, selon des schémas très voisins de ceux qui sont déjà en place (pays voisins et/ou de culture proche, l'Europe occidentale et l'URSS, les USA, quelques organismes internationaux comme l'ALECSO, l'ISESCO, etc.). En général ils se déclarent prêts à commencer/développer une (des) col lection(s) spécialisée(s) avec l'aide du SEI.

    Toutes sortes d'institutions ou de personnes physiques proposent à la Bibliothèque nationale de Paris ou au Service des échanges internationaux des collections d'ouvrages ou de publications en série, qui sont en fait des doubles et que nous pouvons proposer à qui pourrait en avoir besoin. Cette idée agrée à toutes les bibliothèques qui ont répondu, non seulement pour combler les manques, mais aussi pour constituer de nouvelles collections. Des listes de doubles sont demandées, lesquelles sont longues à établir, il faut le rappeler, mais il semble possible d'obtenir de chaque bibliothèque des fiches de lacune, titre par titre, ce qui nous donne le moyen d'expédier vers des demandeurs connus les doubles, dès leur arrivée en magasin ou mieux dès qu'ils nous sont offerts, encore sur les rayons de la bibliothèque qui les met à notre disposition. Plus de la moitié des bibliothécaires accepterait même des envois d'office de doubles et certaines y poussent dans les domaines qu'elles signalent. Elles-mêmes possèdent des doubles de l'édition locale, plus rarement d'origine étrangère, qu'elles peuvent envoyer à la demande, mais plus rarement faire connaître sur liste. Si quelques-unes ont les moyens de produire des microformes, normalement les copies sont des photocopies. Les réenregistrements sonores sont possibles au CNDRS des Comores, aux bibliothèques nationales de Côte d'Ivoire, du Gabon et d'Algérie et à l'Ecole normale supérieure de Nouakchott en Maurétanie.

    Le patrimoine

    Grâce au développement récent des techniques de reproduction des documents, il est permis d'envisager la création de collections de textes, d'images ou d'enregistrements sonores, anciens ou non, dont l'intérêt documentaire demeure, mais qui sont difficiles à trouver sur le marché et que l'on peut reprendre sur d'autres supports dans la mesure où ils sont conservés dans des bibliothèques publiques. D'autre part comme chaque pays est amené à collecter pour sa (ses) bibliothèque(s) de conservation les documents ou copies de documents qui intéressent son histoire, son environnement naturel, culturel et technique, la Bibliothèque nationale en collaboration avec le Ministère des Relations extérieures, se propose de faire reproduire, tant en France (notamment à la B.N.) qu'en Afrique, les collections anciennes susceptibles d'intéresser les chercheurs des différents pays, dans le cadre d'accords de coopération. Généralement c'est la bibliothèque nationale qui assure localement le rôle de bibliothèque de conservation du "patrimoine national" enregistré, mais ce peut être une bibliothèque universitaire, en attendant la création d'une bibliothèque nationale (BU de Bujumbura au Burundi, BU du Ruanda, BU de Dakar au Sénégal, BU/Lettres de Fez), les Archives Nationales (République Centrafricaine, Sénégal, Maurétanie) ou même des bibliothèques de sociétés savantes (Académie malgache à Tananarive, Centre Ahmed Baba à Tombouctou). Elles se plaignent toutes de manquer de personnel, d'avoir trop peu de crédits et de n'avoir pas assez d'informations bibliographiques, ce qui explique sans doute que très peu d'entre elles soient capables d'identifier les collections françaises susceptibles de leur fournir des copies recherchées. Il existe des enquêtes bibliographiques ou des bibliographies rétrospectives donnant descriptions de ces collections au Burundi (datant de 1982, mais incomplète), au Gabon, aux Seychelles, au Togo (1971, 1979 et incomplète), en Côte d'Ivoire (fichier à la BU, prêt pour la publication), une liste des journaux tunisiens depuis l'origine. La Bibliothèque nationale d'Alger pense exploiter le catalogue de la Série L du fonds de la Bibliothèque nationale de Paris (Histoire de France, la sous-série Lk8 regroupant les documents sur l'Algérie). Les fonds africains de la Bibliothèque nationale étant désormais catalogués, grâce à Paulette Lordereau, qui est chargée de leur développement, les bibliothécaires africains disposeront sous peu d'un instrument de travail important puisque la majeure partie des fonds africains en France se trouvent là.

    Sans ces instruments, il serait impossible de reproduire les titres utiles. Toutes les bibliothèques sont prêtes à recevoir des copies (photocopies, microformes, réenregistrement), bien que certaines revendiquent des ouvrages sur papier, quand ils sont disponibles, parce que plus faciles à conserver.

    Quelques unes d'entre elles usent déjà du prêt interbibliothèques pour suppléer à leurs lacunes dans le domaine du patrimoine culturel (BU du Bujumbura, BN de Côte d'Ivoire, BU de Tananarive, de Dakar, du Bénin à Lomé, ENS de Nouakchott). Espérons que tous les pays arriveront à mettre sur pied les équipes nécessaires pour faire ce repérage bibliographique, qui sera publié pour le plus grand profit des chercheurs, ce qui signifie que chaque pays ait défini ce qui relève de son patrimoine culturel. Plusieurs bibliothèques se déclarent capables de recruter des vacataires et même des chercheurs pour établir des listes bibliographiques avec localisation des documents touchant à leur patrimoine (BU de Bujumbura, BU en République Centrafricaine, BN du Gabon, BU de Dakar, Lomé, BN d'Alger, ENS de Maurétanie).

    Enfin la Bibliothèque nationale de Paris pouvant disposer très rapidement, grâce au dépôt légal, des documents produits par l'édition française, nous nous proposons d'utiliser, comme base d'échange avec les bibliothèques qui sont, dans chaque pays, chargées de la conservation du patrimoine national, les monographies et publications en série s'y rapportant par le sujet ou l'auteur. Pour appliquer un tel "ordre permanent d'échange" il nous faut disposer d'une liste correcte des domaines considérés par chaque bibliothèque comme relevant de son patrimoine du point de vue culturel, géographique, ethnique, linguistique, technique, ainsi que la liste des auteurs nationaux anciens et contemporains. Cette liste peut nous être fournie pour le Burundi, la République Centrafricaine, la Côte d'Ivoire, le Gabon, Madagascar, le Sénégal, les Seychelles, l'Algérie et partiellement pour le Maroc et les Comores, mais aucune des bibliothèques interrogées, à l'exception des bibliothèques nationales de Côte d'Ivoire et du Gabon, ne peut nous donner une évaluation même approximative de la masse des documents parus en 1982 et 1983 en France, dont elles auraient souhaité l'attribution automatique.

    Plusieurs bibliothèques sont prêtes à mettre à notre disposition les instruments bibliographiques créés par leurs soins, tous en forme de fichiers ou de listes imprimées mais jamais informatisés.

    En conclusion, il apparaît que toutes les bibliothèques souhaitent accroître leurs échanges. Elles désirent obtenir plus de documents, mieux adaptés à leurs collections, gardant l'initiative du choix, en pointant sur des listes de propositions. D'autre part, elles reconnaissent que leurs moyens sont limités, que leurs échanges ne les ont guère satisfaites jusqu'à présent, ce qui devrait normalement les amener à se méfier des échanges internationaux et ne pas croire en leur possible développement.

    C'est pourquoi il semble raisonnable d'offrir la possiblité de rationaliser le choix des objets de l'échange et les procédures elles-mêmes afin de mieux satisfaire nos correspondants et de redonner aux échanges internationaux leur fonction ancienne, diffuser auprès des institutions de recherche les outils intellectuels produits dans un pays et utiles dans un autre. Toute offre suppose une réponse, c'était la raison de cette enquête: les bibliothèques africaines contactées ont exprimé un désir semblable. Il faut espérer que les échanges internationaux se développeront réellement ces prochaines années à la satisfaction de toutes les parties.