Index des revues

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    Handicapés visuels et lecture

    L'expérience de trois bibliothèques publiques

    Par Marie-Cécile ROBIN, Conservateur à la bibliothèque publique d'information
    Par Germaine FRIGOT, Conservateur en chef Ville de Paris.

    L e droit de tous à la lecture figure en préambule des diverses lois sur les Bibliothèques publiques, l'IFLA compte au nombre de ses objectifs prioritaires, l'Accès universel aux publications (AUP). Cependant, les exclus demeurent nombreux. Face à la possibilité de lire, "certains sont plus égaux que d'autres". L'illétrisme pose de graves problèmes, les divers handicaps mentaux et physiques en posent d'autres. Le propos de cet article n'est pas de les examiner tous mais de montrer quelques solutions proposées par des Bibliothèques Publiques françaises dans le domaine de la lecture des aveugles et des mal voyants. Alors que dans beaucoup de pays étrangers (U.S.A., Japon...), il est courant de trouver, dans une bibliothèque de quelque importance, un service pour les mal-voyants, ceux-ci demeurent dans notre pays l'exception et sauf, peut-être la B.M. de Toulouse, les efforts réalisés en faveur de ce type de public sont assez récents. Il est vrai que, parallèlement au secteur institutionnel, existent d'importantes bibliothèques privées qui ont cette vocation. Citons, pour -mémoire, celle de l'Association Valentin Hauy et celle du Groupement des intellectuels aveugles et amblyopes. Est-ce néanmoins une raison pour que les bibliothèques publiques renoncent à jouer un rôle auprès des lecteurs potentiels défavorisés ? Non répondent, entre autres (1) , la B.P.I., les B.M. d'Antony et de Caen.

    CAEN

    Responsable de la bibliothèque sonore de Caen, Marie-José Poitevin a publié, dans les mélanges Bleton un compte-rendu très détaillé de son activité (2) . Pour permettre la comparaison, nous en ferons ici un bref résumé qui ne doit pas dispenser de la lecture intégrale de son texte. C'est en 1977 qu'à l'initiative d'un club de Soroptimiste une bibliothèque sonore sur cassette s'est créée à Caen. Elle était et reste entièrement à la charge de la municipalité qui a même recruté à cette occasion un employé mal voyant. Une grande partie du travail est néanmoins effectuée par des bénévoles, donneurs de voix, qui, à eux seuls, ont enregistré les trois-quart des livres cassettes du fonds. Celui-ci comptait 4000 titres en 1986 et il s'accroît de 400 titres par an. La Bibliothèque fait une distinction entre cassettes commerciales et cassettes enregistrées, pour ses besoins personnels, par les donneurs de voix. Les premières sont assez largement prêtées, les secondes réservées aux aveugles, ceci, bien entendu, pour des raisons juridiques mais il est permis d'espérer qu'une convention signée entre le Ministère de la Culture et les éditeurs assouplira prochainement les rigueurs de la loi dans ce domaine. Marie-José Poitevin précise qu'à Caen, les documents ne sont pas expédiés par la poste et qu'aucun service à domicile n'est organisé. La raison essentielle en est le désir affirmé de ne pas marginaliser davantage les aveugles. Qu'ils puissent fréquenter le lieu bibliothèque au même titre que les autres usagers lui parît important. A Caen, où 350 aveugles et mal voyants sont inscrits et ont emprunté 5000 titres, ils disposent maintenant d'une salle de 80 m2 en libre accès avec signalisation et équipement des cassettes en braille. Outre une cabine d'enregistrement, un petit salon a été aménagé pour permettre les rencontrées. Toutefois notre collègue estime que si, évidemment, un local approprié est hautement souhaitable, il ne faut pas en faire la condition nécessaire à la création du fonds. Ceci lui semble une excuse un peu facile de même que le refus d'investir (à l'heure où les bibliothèques s'informatisent et disposent d'appareils de plus en plus sophistiqués) dans l'acquisition de certains matériels qui faciliteraient la lecture des mal voyants et permettraient celle des aveugles.

    ANTONY

    Bien différents sont souvent les propos tenus par Françoise FROISSART qui dirige la Bibliothèque d'Antony et qui a ouvert, en 1975, un atelier Braille au sein de son établissement. Contrairement à ce que l'on aurait pu penser, ce n'est pas la demande d'un groupe ou d'une association qui se trouve à l'origine de son initiative. En fait, lors du transfert de la Bibliothèque à son actuel emplacement, elle a reçu un certain nombre de propositions de la part de personnes inactives désireuses d'apporter une aide bénévole au nouvel équipement. En bonne professionnelle, Françoise FROISSART a préféré inciter la municipalité à créér les postes qu'elle jugeait nécessaires mais n'a pas voulu pour autant décourager les bonnes volontés qui se manifestaient si spontanément.

    Elle a alors cherché (et trouvé) un secteur d'activité qui n'aurait pas été prévu au départ, n'exigeait pas un trop long apprentissage et n'était pas déjà implanté dans les environs : ce fut la lecture des aveugles qui, à Antony, ne donna pas naissance à un cassettothèque mais à une véritable bibliothèque en Braille. L'aspect anachronique de cette entreprise n'a pas échappé à ses fondateurs. Une brochure, éditée à l'occasion du lOème anniversaire de l'atelier, le souligne, mais fait également ressortir des arguments non négligeables. Les aveugles aussi ont droit au contact direct avec le livre-objet qui constitue une grande partie du plaisir de la lecture. Celui-ci s'atténue lorsqu'un interprète sert de truchement entre l'auteur et son public. Quant à l'ordinateur, il est, certes appelé à jouer un grand rôle mais l'appareillage permettant de lire un texte grâce à une caméra spéciale (Optacon ou Delta) demeure trop coûteux. On aurait aussi pu objecter qu'Antony se trouve en région parisienne, c'est-à-dire à proximité des grands centres évoqués plus haut, mais il semblerait qu'il n'y ait pas entre ces organismes concurrence mais complémentarité. Valentin Hauy possède un fonds très classique pour les Intellectuels aveugles et amblyopes, des ouvrages d'études alors qu'à Antony on reste fidèle à la lettre et à l'esprit de la lecture publique en mettant à la disposition des lecteurs les livres qu'ils demandent : best-sellers, guides de voyages... Beaucoup de transcriptions sont des commandes. Ceci, peut-être , au détriment d'une certaine cohérence mais pour la plus grande satisfaction des usagers puisque la bibliothèque enregistre 15000 sorties par an dans ce secteur.

    Fonctionnement de l'Atelier :

    Cinq volontaires se sont présentés en 1975, ils sont maintenant une quinzaine qui, naturellement, ont dû s'initier au Braille sous la direction de deux aveugles. Cet apprentissage est simple car il s'agit d'un système de signes parfaitement logique, trois mois suffisent pour devenir opérationnel. Des machines à écrire Perkins et des tablettes pour perforer sont mises à disposition par la bibliothèque. Les outils de perforation peuvent être emportés à domicile par les transcripteurs qui préfèrent oeuvrer chez eux et manuellement. Le rythme de travail s'établit aux alentours de un volume et demi par semaine, soit six par mois. Les épreuves sont corrigées par trois ou quatre aveugles qui perçoivent une petite rétribution (somme prélevée sur une subvention que la D.L.L. a bien voulu accorder pour cet effort particulier). Si le matériel de base est peu onéreux, environ 12000 F pour le papier et 300 F de fournitures diverses, seule la subvention a autorisé l'acquisition d'un appareil Thermo-form, d'origine américaine, qui permet la reproduction en exemplaires multiples sur films plastiques (l'original servant de matrice). Les livres sont transcrits soit en Braille intégral, soit en Braille abrégé. Généralement, un lecteur aveugle possède l'une ou l'autre de ces techniques rarement les deux.

    Les copistes rédigent aussi le catalogue des ouvrages de fonds, 134 titres en septembre 1986. Tirés en noir et en braille en 150 exemplaires, ces catalogues sont envoyés à travers toute la France car une particularité du service est le prêt gratuit par correpondance consenti aux associations comme aux particuliers.

    Présent et avenir :

    A l'heure actuelle, une pièce de dimension moyenne abrite à la fois l'atelier de travail et le fonds. En raison de son encombrement, celui-ci posera sans doute doute des problèmes de rayonnages. En effet, un roman de dimension moyenne comme la Billebaude de Henri Vincenot se présente sous la forme de quinze cahiers relativement épais et sept sont nécessaires pour la transcription d'un recueil de poèmes de Ponge. Toutefois, nulle inquiétude ne se profile de ce côté puisque la Bibliothèque Municipale d'Antony se prépare à un nouveau déménagement dans de vastes locaux spécialement construits pour elle.

    Outre l'obtention d'une subvention de 10 000 F demandée à la Région Ilede-France, Françoise FROISSART espère vivement que son établissement sera sélectionné par la D.L.L. comme centre expérimental du Braille éphémère.

    LA B.P.I.

    Motifs et contours de la démarche : C'est parce qu'elle était sensible à la question évoquée en préambule d'une accessibilité de tous les publics en même temps qu'à l'exemple donné par les pays étrangers que la B.P.I. a étudié les possibilités de lectures des handicapés visuels.

    L'étude des possibilités de lecture des handicapés visuels au sein de la B.P.I. est née d'un double constat : que la B.P.I. contrairement à sa vocation profonde n'était pas accessible à tous les publics puisqu'elle excluait de fait les handicapés visuels et qu'il était possible de surmonter ce handicap puisque les bibliothèques étrangères nous montraient l'exemple.

    De nombreux contacts avec des associations et des particuliers permirent de recenser les besoins des intéressés d'une part et les possibilités matérielles et techniques d'autre part. Savoir que 1/10e seulement de la production imprimée est accessible aux aveugles donne la mesure du chemin qu'il reste à parcourir.

    Le but poursuivi n'est pas de faire de la B.P.I. un centre supplémentaire pour aveugles, mais de permettre à tout handicapé visuel de bénéficier de tous les services offerts par cette médiathèque. La réalisation pratique de cet énoncé simple est complexe à cause de la nature propre du centre et des structures de la B.P.I.

    Dans un premier temps, un équipement classique a été mis en place pour répondre aux démarches traditionnelles du lecteur en Bibliothèque. Recherche de documentation, lecture proprement dite, prise de notes, possibilité d'emporter avec soi un double des documents sous forme de photocopies et apprentissage des langues, service spécifique à la B.P.I. La mise en oeuvre de technologies nouvelles est envisagée dans un avenir proche pour parfaire ce travail traditionnel, suivre le mouvement général d'acquisition par la B.P.I de nouveaux modes électroniques,de converser et d'apprendre, permettre aux handicapés visuels l'approche du meilleur de la recherche actuelle.

    Une animation spécifique vient égayer ce programme quelque peu austère et laisser à la voix humaine toute sa place. Des canaux de diffusion de l'information auprès des aveugles, des associations, des collègues qui en font la demande se mettent peu à peu en place.

    Equipement classique :

    La structure propre des espaces de la B.P.I. a nécessité la construction d'une petite salle isolée phonétiquement où trois boxes de travail permettent aux handicapés visuels et à leurs amis de travailler sans avoir le sentiment ni d'être regardé, ni de déranger qui que ce soit en parlant. Ces trois carrels de travail abritent une machine à taper le braille, un magnétophone et un vidéoscope grossissant.

    Leur usage est accessible sur rendez-vous. Une recherche documentaire est faite préalablement pour les handicapés visuels qui en ont exprimé la demande suffisamment tôt. La documentation trouvée est mise à la disposition du lecteur handicapé visuel au jour et à l'heure dites.

    Les deux premières machines nécessitent l'intermédiaire d'une voix humaine connue d'avance de l'intéressé ou de la B.P.I. La machine à taper le Braille Perkins permet de prendre des notes en Braille et d'emporter la feuille chez soi en guise de photocopie. Très simple et très robuste, elle fonctionne grâce à un système de 6 touches qui frappent les 6 points nécessaires et suffisants à l'alphabet Braille. Il peut lui être adjoint un système de transcription du Braille en "noir" qui permette la prise de notes à usage d'un voyant et le dialogue écrit, et donc pratique, entre un voyant et un handicapé visuel.

    Le magnétophone robuste, facile d'emploi, très fiable, compatible avec les bandes à particules métalliques très sensibles à toutes les nuances d'enregistrement permet un excellent rendu de la voix que les handicapés visuels apprécient particulièrement. Un système réducteur de bruit qui diminue le souffle de bande inhérent aux enregistrements magnétiques équipe ce magnétophone. Un casque permet au locuteur d'entendre son propre enregistrement au fur et à mesure qu'il se déroule. Il serait aussi possible de pouvoir travailler à deux grâce à un amplificateur et à une enceinte. Il permet la photocopie orale de tout document écrit grâce aux cassettes que les aveugles ont apportées et remportées chez eux. Le vidéoscope grossissant est en quelque sorte un circuit fermé de télévision. Le capteur transmet un texte posé sur la table de lecture en un détail grossi sur l'écran. Les mouvements imprimés à cette tablette mobile par le lecteur font défiler les caractères à lire devant le capteur. Le bouton "loupe" permet de lire des écritures et des images très petites. Le grossissement obtenu peut alors atteindre 45 fois la taille initiale. Cet appareil ne s'adresse qu'aux handicapés visuels qui ont une vue résiduelle. Il permet de prendre des notes que l'on voit grossies sur l'écran. Une photocopie du document grossi peutêtre obtenue grâce à la photocopieuse agrandissante du premier étage. Pour tirer le maximum d'efficacité de cet appareil, le lecteur doit avoir la maîtrise de sa manipulation avant de venir travailler en bibliothèque.

    Il est à noter que trois jeux de dictionnaire ROBERT édités spécialement pour les mal-voyants et un fonds de livres imprimés en gros caractères ont été mis à la disposition des amblyopes dans les espaces communs.

    Technologies nouvelles :

    La B.P.I. sera dotée dans quelques mois d'appareils liés à l'informatique qui permettront la lecture des documents par les aveugles grâce à la synthèse de la parole.

    La Kurweill Reading Machine est la plus efficace d'entre eux et utilisée depuis plusieurs années par les bibliothèques américaines et anglaises. La B.M. de Manchester et ses annexes en possèdent quatre. C'est une véritable machine à lire les livres, qui convertit directement un imprimé en langue orale, sans que l'aveugle ait besoin de l'assistance d'un tiers. Il fonctionne par saisie optique des caractères opérée par un scanner ambulant qui suit les lignes du texte et permet la reconnaissance des syllabes, des mots, puis des phrases, et leur traduction en voix synthétisée. Les touches massives et très sensibles du tableau de bord répondent aux ordres de l'handicapé visuel qui peut localiser les paragraphes et lignes à lire dans le cadre physique de la page, augmenter ou diminuer le débit et le ton de la voix, connaître la ponctuation et le caractère minuscule ou majuscule des lettres, etc. Une mémorisation sur disquettes permet là aussi la "photocopie". De nombreux interfaçages possibles laissent espérer tout travail informatique périphérique.

    D'autres dispositifs électroniques de lecture de textes pour aveugles commencent à être commercialisés. En France, il s'agit de l'appareil Delta, conçu pour des particuliers. Mais la concurrence étrangère se fait jour.

    La lecture des caractères se fait par une petite caméra déplacée manuellement par l'utilisateur le long d'une ligne imprimée. Deux barrettes affichent en braille éphémère le texte lu. Une mémoire vive de 8000 caractères permet la duplication sur imprimante par exemple. La connexion avec un micro-ordinateur compatible P.C., est réalisable, ainsi que la production de disquettes. La B.M. de Caen a acquis cet appareil.

    La banalisation en cours du travail sur écran nécessite d'étudier la possibilité de la traduction orale du texte affiché.

    Plusieurs systèmes d'interrogation orale du Minitel sont en cours d'élaboration très avancée. Une machine à traitement de texte parlante a vu le jour.

    La B.P.I. demande à des spécialistes de traduire en oral l'interrogation en ligne de ses catalogues.

    L'animation spécifique :

    Elle procède de la nécessité de la transmission des textes par la chaleur et le timbre de la voix humaine et le contact physique avec l'écrivain ou l'artiste.

    Des "lectures publiques" ont été ainsi organisées en direction des adultes, des adolescents, des enfants. Plusieurs écrivains de premier plan sont venus lire des extraits de leur oeuvre propre et ont accepté un dialogue de grande qualité avec leur public qui remplit habituellement la salle Jean Renoir. Des conteurs ont ravis adolescents et enfants. Ces derniers ont pu aussi rencontrer l'auteur du "Joueur de plumes" et d'autres livres d'une collection publiée par L.O. Four destinée à mettre en dialogue enfants aveugles et voyants par le truchement d'une illustration en relief lisible à deux niveaux.

    L'immense fonds de documents sonores de la B.P.I. est bien sûr accessible aux handicapés visuels qui peuvent les apprécier plus que les autres.

    Diffusion de l'information :

    L'information est diffusée aux particuliers et aux associations spécialisées grâce à un important fichier qui s'accroît chaque jour. Le morcellement des associations fait que l'information ne passe pas toujours bien et nombreux sont les aveugles qui se plaignent de mal connaître les activités de la B.P.I. Des exemplaires en braille de la brochure de présentation de la B.P.I. et de son catalogue de documents sonores ont été mis à la disposition d'importantes associations spécialisées.

    La salle Borges fait office de petit centre de documentation en braille sur les activités spécifiques ou non de la B.P.I., et d'autres bibliothèques comme celles d'Antony ou la bibliothèque anglaise pour les aveugles de Paris.

    La B.P.I. fonctionne un peu comme un S.V.P. permanent auprès de nombreux particuliers handicapés qui ne peuvent se déplacer et demandent des renseignements sur les bibliothèques spécialisées, les documents sonores, etc. Plusieurs collègues ont eu recours à ce même service.

    CONCLUSION

    Il a beaucoup été question de la lecture des aveugles, nettement moins de celle des amblyopes. C'est que, dans leur cas, les solutions pratiques à leurs problèmes se présentent d'emblée. Les livres en gros caractères (principalement ceux des éditions Laurence-Olivier Four) sont bien connus et présents dans les bibliothèques. Ceci d'autant plus facilement qu'ils s'adressent à des publics divers, personnes âgées mais également enfants ou adolescents ayant quelques difficultés à lire des ouvrages imprimés en caractères normaux. Le vidéoscope grossissant, décrit par Marie-Cécile Robin, tend aussi à se répandre et se trouve dans les trois bibliothèques choisies à titre d'exemples. Mais, pour les aveugles, il n'existe toujours pas de produits totalement satisfaisants. Entre partisans du Braille et partisans de la cassette, difficile de trancher. Marie-José Poitevin rappelle que parmi les 50 000 aveugles répartis sur le territoire français, 5 000 seulement pratiquent le Braille et encore faut-il distinguer ceux qui ont appris l'alphabet intégral et ceux qui ne connaissent que l'abrégé. De plus, les appareils sophistiqués autorisant la lecture en Braille éphémère ne sont fiables qu'à 60 % (ils ne transcrivent pas tous les types de caractères). Faut-il donc définitivement opter pour les cassettes ? Les objections de Françoise FROISSART sont très valables et le fait que nombre d'entre elles soient issues de lectures faites par des bénévoles n'arrange pas les choses. Il faut beaucoup de talent, de métier pour parvenir à faire passer correctement et sans fatigue pour l'auditeur le message contenu dans un livre. Finalement, les aveugles rencontrent les obstacles inhérents à toutes les minorités pour lesquelles il paraît mal aisé d'acquérir un fonds comparable quantitativement et qualitativement à celui proposé à la majorité de la population. Cependant, les progrès de la technologie, même s'ils sont lents parce que l'importance du marché n'est pas assez considérable aux yeux des fabricants, se laissent pressentir. Parallèlement, la production des cassettes parlées, enregistrées soit par les auteurs eux-mêmes, soit par des comédiens confirmés, ne cesse d'augmenter. C'est à une mode venue des Etats-Unis, que nous devons l'essor de ce support essentiellement destiné aux automobilistes. Ainsi, une des barrières qui sépare le monde des aveugles de celui des voyants est en train de tomber, ce qui est de bon augure. Il reste à souhaiter qu'au moins une grande Bibliothèque publique par région se dote d'un service pour handicapés visuels susceptible de combiner l'ensemble des possibilités déjà offertes tout en portant la plus grande attention à tous les perfectionnements à venir. Le dernier mot, en la matière n'a pas encore été dit.

    1. L'existence de la bibliothèque sonore de Saint-Brieux, par exemple, n'est pas ignorée mais son cas a paru se rapprocher beaucoup de celui de Caen pour lequel nous possédions déjà des éléments. retour au texte

    2. Mélanges Jean Bleton. Construction et aménagement des biblitothèques. -Paris : Cercle de la Libraire, 1986. retour au texte