Index des revues

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    La préservation des journaux par le microfilmage

    Rôle de la bibliothèque nationale

    Par Françoise PERRAUD, Chef du Service des dons et acquisitions. Plan de sauvegarde Département des périodiques de la Bibliothèque nationale

    Le Département des Périodiques de la Bibliothèque nationale conserve tous les journaux quotidiens à partir de 1800 et toutes les publications périodiques , cotées dans les magasins à Paris, à partir de 1960. Les quotidiens parus au 18e siècle et les autres publications périodiques jusqu'en 1959 se trouvent au Département des Imprimés. La presse régionale, professionnelle ou de loisir quelle que soit sa date de parution est conservée à l'Annexe de la Bibliothèque nationale à Versailles. Une salle de lecture permet la consultation de ces périodiques sur place.

    Le Département des Périodiques très préoccupé par les problèmes spécifiques de conservation, de stockage et de communication posés par les journaux quotidiens avait envisagé la solution du microfilmage dès les années cinquante. Faute de crédits et de locaux, et par manque de personnel, le service photographique de la Bibliothèque nationale ne pouvait, alors, entreprendre une opération d'une telle envergure. Le Directeur du Département des Périodiques, Jean Prinet, fut à l'origine de la création en 1958 d'une association privée pour la préservation et le microfilmage de la presse française, l'A.C.R.P.P. (Association pour la conservation et la reproduction photographique de la presse, B .P. 21 Marne la Vallée Cédex 2. Tél. (1) 60.17.68.10)

    Le Président de l'A.C.R.P.P. est traditionnellement l'Administrateur général de la Bibliothèque nationale, son secrétaire général un conservateur de la Bibliothèque et un directeur assure la gestion administrative et financière.

    Les membres du Conseil d'administration de cette association sont, outre la Bibliothèque nationale, des représentants des différents syndicats de la presse nationale et régionale, du C.N.R.S., de la Documentation française etc. Le but de l'A.C.R.P.P. est d'établir des microfilms aussi complets que possible et de bonne qualité de la presse française en accord avec les normes françaises et internationales concernant les microfilms d'archivage. Les microfilms sont réalisés d'après les collections de la Bibliothèque nationale et, en cas de lacunes, avec l'apport de collections empruntées par l'A.C.R.P.P.

    L'Association commercialise les microfilms et publie un catalogue. Le dernier, paru en 1985, recense quelque 3000 titres. De 1958, date de sa fondation, à 1986 l'A.C.R.P.P. a établi environ 38.300.000 images originales négatives dont 26.000.000 sont des images de journaux anciens.

    La production annuelle d'images négatives originales s'élève à environ 1.800.000 images dont la moitié est actuellement représentée par des images de la presse courante. Environ 15.000.000 d'images de duplication sont tirées chaque année.

    En 1986, le Département des Périodiques a fait l'acquisition auprès de 1 ' A.CR.P.P. de 1.400.000 nouvelles images. Le Plan de sauvegarde des collections de la Bibliothèque nationale élaboré de 1978 à 1980 et pour lequel le gouvernement français a octroyé des fonds importants (10.000.000 de francs par an à partir de 198 1) a permis à cette date de doubler les crédits d'acquisition des microfilms, d'embaucher une vacataire pour contrôler les films et d'acheter du matériel de lecture de qualité. Il faut noter que jusqu'à présent le microfilm reste le moyen technique le plus approprié pour la reproduction de la presse en attendant que progressent les nouveaux supports utilisant la numérisation.

    La priorité de la politique de microfilmage du Département a d'abord été et reste encore la sauvegarde des collections de quotidiens nationaux des 19e et 20e siècles conservés à Paris. Sur les 1.800 quotidiens parisiens recensés dans les fichiers, 308 titres parmi les plus importants de la presse française ont été entièrement microfilmés. Ce qui représente environ 10.700 volumes transférés à Provins pour y être conservés dans des conditions optimales de sécurité: à plat et enveloppés dans du papier neutre lorsque les volumes ont été déreliés avant le microfilmage. Tout journal microfilmé n'est plus communicable, seul le microfilm est proposé aux lecteurs.

    Parallèlement à cet effort pour la sauvegarde de la presse ancienne nationale, le Département dans une action préventive achète à l'A.C.R.P.P. les microfilms de 10 titres de la presse courante nationale ; La Croix, le Figaro, l'Humanité, Libération , et à Research Publications celui du journal Le Monde produit par cette firme.

    Le microfilm a également apporté une solution satisfaisante au problème posé par la conservation des éditions locales des quotidiens régionaux. En effet, faute de place et de personnel, seule l'édition principale des quotidiens régionaux à éditions multiples était conservée à la Bibliothèque nationale. A partir de 1975, une politique systématique de microfilmage et d'acquisition des microfilms des quotidiens régionaux à éditions multiples a été poursuivie par le Département pour couvrir l'intégralité des éditions locales publiées en France.

    L'A.C.R.P.P. microfilme 30 quotidiens régionaux, dont 23 à la demande de la Bibliothèque nationale. Le microfilmage de ces 23 quotidiens régionaux publiant 121 éditions locales est effectué dans les ateliers de l'A.C.R.P.P. installés dans les locaux de la Bibliothèque à Provins.

    Seules les pages propres à chaque édition locale sont reproduites à la suite de l'édition principale. La confection de ces "cahiers" regroupant pour chaque jour l'édition principale et les pages différentes des éditions locales, suivant une grille très stricte est assurée par le personnel de la Bibliothèque à Provins. Neuf personnes sont actuellement occupées à cette tâche et ont ainsi confectionné, en 1986, 6.221 cahiers.

    Treize quotidiens régionaux établissent leur microfilm ou font microfilmer leurs différentes éditions par des façonniers locaux. La Bibliothèque nationale achète des copies négatives de ces microfilms à onze journaux et emprunte à deux autres leurs négatifs originaux pour les faire dupliquer par l'A.C.R.P.P.

    Ces copies négatives, argentiques et parfois diazoïques, sont considérées par le Département comme des microfilms d'archivage. 5.230 bobines sont ainsi stockées à Provins à une température de 14° C et une humidité relative de 35 %. Un tirage positif de ces microfilms sera fait à Provins par l'A.C.R.P.P. à l'usage des lecteurs.

    Des négociations vont être poursuivies avec deux quotidiens régionaux dont il n'apas été encore possible d'acquérir une copie de leurs microfilms. Nous espérons ainsi atteindre notre objectif qui est de conserver toutes les éditions locales sur microfilm. Il faut ajouter cependant que les microfilms vendus par les journaux sont d'une qualité variable et que la façon dont les éditions sont filmées est tout aussi variable.

    Le microfilm, pour ce cas particulier des éditions locales, n'est plus considéré comme un moyen de protéger les collections originales de toutes manipulations afin de mieux les conserver mais comme un substitut au document lui-même.

    Peu de titres de la presse régionale ancienne conservée à Versailles, en revanche, avaient été microfilmés malgré le mauvais état ou la rareté de certains journaux locaux. Aussi la Bibliothèque nationale a-t-elle décidé de participer aux actions de sauvegarde des journaux régionaux anciens conservés dans les bibliothèques municipales, menées par la Direction du livre et de la lecture. Cette intervention a pris à partir de 1982 plusieurs formes :

    • attribution de subventions pour l'implantation d'ateliers dans des bibliothèques municipales ou auprès des associations régionales de coopération entre bibliothèques, et pour la conclusion de marchés avec des façonniers privés.
    • prise en charge du microfilmage dans le cadre du marché conclu entre la D.L.L. et l'A.C.R.P.P. en 1983.

    La Bibliothèque nationale ne participe directement qu'aux opérations de microfilmage confiées à l'A.C.R.P.P.

    Elle a acquis dans ce cadre des journaux originaires de 6 départements français : Aube, Charente-Maritime, Cher, Gironde, Puy-de-Dôme, Saône-et-Loire. Le microfilmage des collections des bibliothèques municipales concernées est effectué à Provins. L'A.C.R.P.P. emprunte à la Bibliothèque nationale les numéros manquants ou en trop mauvais état pour être microfilmés. En 1986 l'Annexe de Versailles a ainsi prêté 24.414 numéros et 50 volumes de journaux. L'atelier de Provins a restauré 17.829 feuilles de ces journaux avant leur microfilmage. La Bibliothèque nationale a acheté de 1983 à 1986,2.522 bobine de 30 m représentant 130 titres de journaux régionaux anciens.

    Pour les opérations auxquelles la Bibliothèque nationale n'a pas participé, elle a, exceptionnellement, prêté des collections et répondu à toute question bibliographique ou demande de renseignements concernant le matériel de lecture et de reproduction. La Bibliothèque nationale a souligné l'importance de reproduire la presse des départements pour lesquels avait déjà été publié un des fascicules de la "Bibliographie de la presse française politique et d'information générale des origines à 1944". Tout programme de microfilmage doit être précédé d'une étude bibliographique approfondies localisation des différentes collections, état et lacunes des journaux à reproduire, vérification des microfilms déjà existants.

    D'autres opérations de microfilmage de la presse ont lieu actuellement grâce comme on l'a vu précédemment, à l'action de la D.L.L.

    Par exemple, les bibliothèques des Pays de la Loire, groupées en une association (A.R.C.O.B.) ont bénéficié de l'aide de la D.L.L. et du Conseil régional pour la mise en service d'un atelier installé dans les locaux de la Bibliothèque nationale à Sablé. Celle-ci recevra, en échange de l'hébergement fourni, des copies des microfilms.

    La masse des journaux à reproduire pour pouvoir être conservés, les collections souvent lacunaires, ainsi que le coût des opérations de microfilmage, ont obligé la Bibliothèque nationale et toutes les bibliothèques à collaborer entre elles, parfois avec des organismes de presse et aussi avec les archives départementales. Une politique de préservation de la presse ne peut être menée efficacement qu'à l'échelon national avec la collaboration des bibliothèques et des archives dépositaires de fonds de presse et des organismes de presse.

    Le Département des Périodiques répartit ses efforts entre presse ancienne et courante, presse régionale et nationale. Mais chaque jour le Dépôt légal reçoit environ 6.000 fascicules. Ces publications posent des problèmes de stockage immédiat (puisque les magasins de Paris et de Versailles sont pleins) et poseront à moyen terme les mêmes problèmes de conservation que les collections anciennes étant donné la qualité de leur papier. N'acheter les journaux étrangers que sur microfilm sera sans doute une des solutions adoptées pour gagner de la place. Mais nous ne sommes pas en mesure de faire désacidifier et microfilmer tous les journaux français reçus par Dépôt légal que nous avons l'obligation de conserver et de communiquer. Microfilmer certains journaux d'annonces et détruire les originaux pour gagner de la place, et parce que de "toutes façons ils ne pourront être conservés en bon état", n'est pour l'instant qu'une hypothèse. Nous n'avons pas les moyens de les faire microfilmer. Le développement des opérations de microfilmage de la presse régionale nous semble donc une bonne chose à condition bien sûr qu'il existe une coordination entre ces différents programmes et que les microfilms ainsi établis soient de bonne qualité. La Direction du Livre et de la Lecture joue avec succès ce rôle de coordination et de conseil auprès des bibliothèques municipales. La Bibliothèque nationale participera à certaines de ces opérations et pourra ainsi poursuivre son action de sauvegarde de la presse publiée à Paris et dans les anciens territoires d'Outre-Mer. Les autres aspects d'une politique de microfilmage sont la préservation du microfilm, sa qualité, le nombre de copies effectuées, la conservation des négatifs originaux et la communication des positifs. Les microfilms établis par l'A.C.R.P.P. obéissent aux spécifications techniques exigées par les normes AFNOR et ISO concernant les microfilms d'archivage. Ce sont des films gélatino-argentiques sur support en polyester, 35 mm, non perforés. L'A.C.R.P.P. est responsable de la qualité des microfilms qu'elle produit. Le Département des Périodiques effectue seulement un contrôle de lisibilité sur le tiers des bobines livrées par l'A.C.R.P.P. et sur l'intégralité des bobines achetées aux journaux régionaux. Ces dernières sont de plus contrôlées par le Service photographique de la Bibliothèque nationale. En 1986, 1.670 sur les 2.572 bobines positives reçues ont été visionnées.

    Pour tous les microfilms faits par l'A.C.R.P.P., la Bibliothèque nationale achète toujours le négatif original et 2 copies :

    • Le négatif de lère génération ou d'archivage n'est plus utilisé et reste conservé à Paris dans un magasin spécial.
    • Le négatif de 2e génération ou "master negative", payé par la Bibliothèque, est gardé par l'A.C.R.P.P. qui fournit des duplications à ses clients.
    • Le positif ou copie de communication est utilisé par les lecteurs.

    Pour les opérations de microfilmage faites avec la D.L.L., celle-ci est propriétaire, du négatif d'archivage, puisque c'est elle qui passe le marché, la bibliothèque municipale bénéficiaire reçoit deux copies : un "master négative" et une copie positive, la Bibliothèque nationale achète une copie positive et partage avec la D.L.L. le coût du "master negative", déposé à l'A.C.R.P.P.

    Lorsque la bibliothèque municipale ou l'association de coopération effectue le microfilmage, elle est propriétaire des 3 générations ; elle peut alors confier le négatif original à la D.L.L., qui en assure la conservation avec les siens aux Archives photographiques (Fort de Saint-Cyr).

    Pour regrouper toutes les informations concernant les microfilms financés par le Ministère, la Direction du Livre et de la Lecture a demandé au Centre national de Coopération des bibliothèques publiques de Massy d'élaborer un catalogue automatisé des journaux microfilmés permettant de localiser les "masters negatives" et les copies de communication. Ce catalogue sera publié à la fin de l'année 1987. Les cotes des microfilms devront figurer aussi dans les notices du C.C.N. (Catalogue collectif national).

    Un des problèmes les plus importants reste le stockage dans des conditions optimales de sécurité des négatifs d'archivage établis par la Bibliothèque nationale et les bibliothèques municipales. 500 galettes portant chacune 300 m de microfilm sont stockées provisoirement à Paris et ne peuvent être transférées à Provins où sont déjà conservées les collections originales. Le projet d'un Conservatoire national où seraient déposées les microformes originales faites par les bibliothèques en France devrait être repris dans les années à venir. La communication des microfilms a lieu dans la salle de lecture du Département des Périodiques. 27 appareils de lecture équipés d'objectifs 18 X sont à la disposition des lecteurs.

    Ce matériel a été choisi à cause de sa robustesse, des dimensions de son écran (457 x 609 mm) et de la position horizontale légèrement inclinée de celui-ci qui permettent la lecture d'une page de journal à son format réel et dans une attitude naturelle, indispensable pour des lecteurs faisant de longues recherches.

    Les tirages sur papier sont réalisés au moyen de deux lecteurs-reproducteurs et par les soins du personnel de la Bibliothèque. Des tirages plus soignés peuvent être exécutés par le Service photographique dans le respect de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique. L'A.C.R.P.P. commercialise les microfilms.

    Les appareils de lecture sont rangés côte à cote, abrités de la lumière par des petites cabines de toile ignifugée et cernés par un labyrinthe sans cesse croissant de classeurs à tiroirs contenant plus de 27.000 bobines positives.

    Aussi étant donné l'extension à moyen et même à court terme des collections microfilmées, nous souhaiterions voir la réalisation de ces deux projets :

    • Création d'un magasin central destiné à abriter les négatifs originaux.
    • Aménagement d'une salle de lecture pour la consultation des microfilms au Département des Périodiques.

    Ainsi pourrait être accomplie dans les meilleures conditions, la mission de conservation et de communication des microfilms.

    Bibliographie:

    A.C.R.P.P. - Catalogue de microfilms reproduisant des périodiques, n°13, 1984-1985. - A.C.R.P.P., B.P.21,Marnela-Vallée 77313 cedex 2. - Tél. : 60.17.68.10.

    AFNOR. - Recueil de normes françaises. Micrographie. 3e édition, 1985. - AFNOR, Tour Europe Cédex 7, 92080 Paris La Défense. - Tél. : 42.91.55.55.

    LE NAN (Danielle). - La Conservation des éditions locales des quotidiens régionaux au Département des Périodiques de la Bibliothèque nationale. - Association des bibliothécaires français. Bulletin d'informations., n° 117, 1982, pp 15-19.