Index des revues

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    Grandeur et servitude de l'accès libre

    Par Michel MELOT, Directeur Bibliothèque publique d'information du Centre Georges Pompidou

    Un bilan à l'occasion du 10eanniversaire de la B.P.I.

    Q uelques mois avant l'ouverture de la B.P.I., le parti pris de l'accès libre aux documents n'était pas si bien établi qu'on n'ait conservé en réserve, sur les plans, quelques magasins clos. Mais le jour de l'ouverture, ces magasins étaient vides et le pas fut franchi, de manière opportune, de les supprimer. On se souvient des résistances que naguère encore l'idée de l'accès libre excitaient chez les bibliothécaires, avant qu'elle ne s'impose aux lecteurs comme une merveilleuse évidence. Certains n'en sont pas encore revenus, ni chez les bibliothécaires ni chez les lecteurs. L'émerveillement n'a pas disparu : il fut le thème de la plupart des deux cents articles publiés en janvier par la grande presse à l'occasion du Xe anniversaire du Centre Georges Pompidou, et dans lesquels la B.P.I. recueille presque l'unanimité des suffrages. Les résistances non plus : mais elles proviennent moins aujourd'hui des bibliothécaires que des documents eux-mêmes ou des techniques. Il est peut-être utile dix ans après de faire le point non sur l'évidence que représente désormais l'accès libre aux documents dans une bibliothèque publique, mais sur quelques unes des conséquences tant heureuses que malheureuses qu'on doit en tirer.

    Le coût de l'accès libre :

    Je n'insisterai pas sur les faits bien connus. L'accès libre est coûteux en équipement (et d'abord en espace), économe en fonctionnement, ce qui est plutôt un gain financier global, si l'on inclut bien sûr le coût en personnel. Les armées de "vacataires" qui sont encore partout dans le monde le seul remède contre les déclassements, sont moins coûteuses que les équipes de "magasiniers" chargés du rangement et de la communication dans les bibliothèques de conservation. Au demeurant, les unes comme les autres sont toujours considérées comme insuffisantes. Le déclassement, maladie congénitale de l'accès libre, est donc le seul poste véritablement pesant en fonctionnement et par conséquent le plus difficile à faire évoluer en hausse (1) .

    La protection des documents n'est pas véritablement coûteuse en fonctionnement. La pose des bandes magnétiques nécessite un poste dans l'organigramme mais l'essentiel est fait mécaniquement, ou chez le relieur. D'ailleurs cette précaution, indispensable en libre accès, doit être prise aussi bien dans toutes les bibliothèques, où les vols, malgré les contrôles qu'on sait perméables, ne sont pas forcément moins nombreux (2) . Le principal investissement est donc là aussi en matériel et il est bien connu (3) . Enfin il existe certainement un poids de l'accès libre sur les documents eux-mêmes, beaucoup plus sollicités, malmenés, fatigués et, hélas, encrassés, que s'ils étaient enfermés dans des armoires. C'est peut-être là l'essentiel, mais doit-on compter ce coût au passif de la bibliothèque alors qu'il n'est que la conséquence de l'optimisation des collections, l'usage entraîne l'usure. Pour un bibliothécaire, un livre fatigué est un beau livre. Il n'empêche que le coût de la rotation des ouvrages en rayon augmente avec le nombre des lecteurs et qu'il faut le financer.

    Une véritable politique de l'accueil :

    Au premier rang des conséquences indirectes de l'accès libre, il faut compter l'évolution du rôle du bibliothécaire en "service public". On peut aussi la compter parmi les coûts, car la grande liberté laissée au lecteur doit pour certains être compensée par une assistance "off" renforcée. Ce dernier point est discutable et, en tous cas, modulable. On pourrait très bien risquer une assistance réduite à un extraordinaire minimum sans pour autant faire défaut au public. Mais il est vrai que les bureaux d'information attirent le chaland et, peuvent paraître eux aussi toujours insuffisants. Pour moi, je serais bien tenté de les renforcer, si j'en avais les moyens, mais à cause de la qualité de leur-travail beaucoup plus que de leur quantité.

    On constate en effet que le renseignement donné au lecteur est de plus en plus pointu et que la tendance générale isole de plus en plus deux types de questions. La question "de con-fort" qui doit être résolue mécaniquement (signalétique, catalogue plus accessible, distribution de documents d'information), et la question spécialisée qui fait du bibliothécaire un partenaire compétent du lecteur. C'est cela bien sûr qu'il faut assumer et développer et que l'accès libre, en déchargeant le bibliothécaire de toute une série de tâches de contrôle, développe effectivement. Dans la bibliothèque en accès libre idéale, où il serait également déchargé de multiples tâches techniques qui lui incombent encore (communiquer les microfiches, veiller aux photocopieurs, suppléer les insuffisances de la signalétique) le bibliothécaire ne serait qu'un véritable spécialiste de la bibliographie de la discipline qu'il aurait à servir. C'est sans doute en raison de ces nécessités que s'est "spontané ment" développé au sein de la B.P.I. un service de "l'Accueil-formation", responsable des bureaux d'information (séances de recyclage, formation des vacataires...) mais aussi de l'amélioration des compétences propres du lecteur, susceptible d'accroître encore son autonomie dans la bibliothèque et ses performances dans l'accès libre. Le problème des outils les plus aptes à cette tâche (séances à la carte, formation des formateurs, élaboration de documents d'initiation, coopération inter-bibliothèques) est loin d'avoir encore trouvé sa meilleure solution malgré des expériences multiples et soutenues (4) .

    Ce travail est difficile à cerner car il faut bien constater que, parmi toutes ses vertus, l'accès libre possède celle de multiplier les lecteurs. On sait qu'à la B.P.I. on en attendait 4000 par jour pour environ 1 700 places assises : il en vient entre 10 et 12 000 en moyenne depuis dix ans sans que le personnel ait été renforcé ni les espaces accrus. Une telle surcharge aurait été inimaginable dans une bibliothèque classique : il aurait tout simplement fallu multiplier par trois l'effectif des magasiniers, seul le "self-service" du lecteur peut la rendre possible. Mais cette extraordinaire souplesse a ses limites que le service de l'Accueil-formation a pour mission de reculer sans cesse, en facilitant l'orientation, l'installation et l'auto-formation des lecteurs novices.

    Un effort sur la signalétique :

    Un détour logique par lequel doit nécessairement passer l'accès libre est celui de la signalétique. Il a été considérablement sous-estimé et n'apparaît prioritaire à la B.P.I. que parce que l'on sait que 20 % seulement des lecteurs en consultent le catalogue. La grande majorité du public cherche le bon ouvrage le nez en l'air ou en parcourant le dos des reliures. Un "plan signalétique" a donc été élaboré qui se met progressivement en place. Il pose des questions intéressantes dont on ne peut donner ici les détails, qui montrent sa spécificité et sa complexité. L'agréable ici, c'est que des réponses spécifiques, parfois complexes mais souvent simples, peuvent être apportées. La signalétique de l'accès libre reste à inventer. On sait par exemple que la cote (ou plus exactement les 3 premiers signes de la cote exclusivement perçus par le lecteur) n'est utilisée que comme adresse (5) . Tirons-en les conclusions non pour le catalogage bien sûr mais pour la signalétique. On sait qu'il existe une forte demande d'ouvrages par niveaux (adolescents, grands débutants, étrangers, faibles lecteurs) n'est-ce pas un problème de signalétique puisque le catalogage ne prend pas en compte cette dimension essentielle ? La signalétique , à la B.P.I., pallie les carences de l'accès au contenu des périodiques en indiquant, sur le présentoir, non seulement l'état de la collection mais les outils dans lesquels le périodique est dépouillé ; renseignement que le catalogue ne donne généralement pas, etc. Il existe enfin aujourd'hui des moyens sophistiqués de signalétique interactive (type "Digiplan" qu'on peut voir à la gare de la Part-Dieu à Lyon, ou "Bornes RATP" dans certaines stations de métro parisiennes) ou éphémère (affichage lumineux ou électronique) qu'il faudra bien mettre en oeuvre et qui peuvent être des auxiliaires précieux de l'accès libre.

    Une autre façon de trouver :

    En ne soumettant plus le lecteur dans sa procédure de recherche au pouvoir exclusif du bibliothécaire et de son catalogue, l'accès libre a induit et développé des méthodes de recherche, certes moins scientifiques et rigoureuses, mais dont on a redécouvert les bienfaits. La recherche le nez en l'air et sur le dos des reliures, lorsqu'elles n'est pas entravée, peutêtre beaucoup plus efficace que ne pourrait vouloir le supposer un bibliographe orthodoxe. Disons, pour ne choquer aucun savant, que "la dérive" sur les rayons, si elle n'est pas forcément "efficace", est toujours "fructueuse" et ceci, à quelque niveau de spécialisation que se situe la recherche. Quel professeur au Collège de France n'a pas rêvé d'être admis à consulter "en dérivant", les rayonnages secrets de la B.N., et quel trésor inattendu n'y aurait-il pas inévitablement découvert qu'aucune bibliographie n'aurait songé à lui signaler par renvoi ? Toute recherche est inspirée et l'accès libre, c'est certain, stimule l'inspiration. Tous les bibliothécaires savent d'expérience qu'aucune notice ne remplacera jamais l'ouvrage lui-même, qu'aucun thésaurus ne rendra compte des liens subtils entre deux disciplines. Cela ne dispense nullement le thésiste de constituer aussi une bibliographie dite "exhaustive" à coup de dépouillements systématiques, mais il faut revaloriser la dérive ou du moins ne pas la mépriser même au niveau scientifique. Voilà pourquoi l'accès libre est si indispensable à la recherche, même de haut niveau. Mais cela donne au bibliothécaire une responsabilité totale : de la qualité de ses achats et d'elle seule dépend, en dernier ressort, le bonheur de la "trouvaille" comme dans ces librairies anciennes dont les fonds incohérents semblent des réservoirs inépuisables. Il n'empêche qu'à la B.P.I., on va mettre des renvois dans la signalétique des rayonnages. On ne peut pas toujours rêver.

    La politique d'acquisition mise à nu :

    Voilà donc les ouvrages sous les yeux et dans les mains du public. Cela ne pardonne pas : la politique d'acquisition de la bibliothèque est immédiatement sanctionnée. Si les collections sont bonnes, le public sera nombreux et acceptera les tracasseries du déclassement et de l'usure. Si les collections sont faibles, les lacunes sauteront aux yeux et il n'y aura pas de sursis. Il n'y a plus "d'appel" possible à un bibliothécaire ou un catalogue. D'où la nécessité plus forte qu'ailleurs pour une bibliothèque en accès libre de publier clairement sa politique d'acquisition. Certes ce souhait doit être exprimé pour toute bibliothèque, mais il ne s'agit plus seulement ici d'un souhait professionnel dont la réalisation facilitera la coopération entre les bibliothèques, c'est un devoir vis-à-vis du lecteur. La politique d'acquisition, son volume, ses forces et ses faiblesses, doivent être affichés, eux-aussi, en accès libre.

    C'est que l'accès libre a de furieuses exigences dont le public doit être informé : la B.P.I. n'achète qu'avec la plus grande réticence les plaquettes de peu de pages dont on sait qu'elles ne résistent pas au bouleversement quotidien des rayonnages. En revanche la tenue de ces publications à feuillets mobiles ou de ces jurisclasseurs fait le bonheur des gens du Palais de Justice tout proche. A l'autre extrême les livres trop luxueux ne font pas notre affaire et il ne faut pas encourager le public à les trouver à la B.P.I. ; en revanche nos collections d'annuaires et d'ouvrages de référence doivent être exemplaires : elles sont l'esprit même d'une bibliothèque "d'information" en accès libre. Ainsi l'accès libre a, bien évidemment, une répercussion "matérielle" sur la constitution des fonds mais aussi une répercussion intellectuelle car, de même que le lecteur y a trouvé "une nouvelle façon de chercher ",1e bibliothécaire y expérimente chaque jour "une nouvelle façon d'offrir" ce que cherche le lecteur, exclusivement.

    Les documents difficiles :

    La B.P.I. s'est donné pour mission, constatant le succès de l'accès libre, de le forcer jusqu'à ses plus extrêmes limites. Elles ont été poussées très loin : certains documents cependant font preuve d'une résistance qui vient conforter celle que pouvaient avoir naguère certains bibliothécaires. Les périodiques d'abord posent le problème le plus aigu, au point que dans nombre de bibliothèques américaines, ils sont en communication semi-directe, dans les bureaux d'information. Ce parti a été pris - à contre coeur - à la B.P.I. pour quelques titres très demandés. Le recours au microfilm, qui est certainement une autre conséquence logique de l'accès libre systématique, résoud le problème du déclassement perpétuel des numéros mais non celui de l'accès libre lui-même puisque, faute de pouvoir être magnétisés efficacement, les microfilms sont à leur tour repliés dans les bureaux d'information. Seul l'enregistrement sur Disque optique numérique (D.O.N.) offre en ce domaine une perspective plutôt exaltante puisque non seulement les périodiques enregistrés y sont indifféremment et perpétuellement disponibles sur des écrans à haute définition, mais de plus ils sont accessibles de façon interactive, cette interactivité (accès aux articles par date, auteur, sujets) n'ayant pour limite que la puissance de l'ordinateur qui la pilote et surtout la qualité de l'indexation qu'on aura pu atteindre. Ce jour même où j'écris cet article, j'apprends qu'un consortium japonais constitue une bibliothèque de 600 périodiques japonais entièrement enregistrés sur D.O.N. et communicables par télécopie. La B.P.I. qui participe à l'expérience "Transdoc" et qui vient de réaliser avec cinq B.M. une expérience de télécopie (6) a établi sur les possibilités du D.O.N. en lecture publique une étude approfondie (7) qui n'attend que les financements pour devenir réalité.

    Les documents réfractaires à l'accès libre :

    D'autres types de documents s'avèrent rebelles à l'accès libre. Les microfiches, plus encore que les microfilms, n'ont pas encore trouvé, malgré des recherches persistantes menées à la B.P.I., la machine souple, solide et universelle qui permettra au lecteur d'y avoir accès sans aller les demander contre une carte d'identité (à rencontre de tous les principes généreux qui animent la B.P.I.) au bibliothécaire de service (travail dont il se passerait bien !). Les machines à cassette à tiroir, à carrousel, à recherche automatique ont toutes rapidement succombé à l'usage intensif et impersonnel qu'impose une bibliothèque publique.

    Les cassettes sonores ont le même inconvénient de ne pouvoir être magnétisées avec une fiabilité suffisante : hors accès libre elles sont données au bureau ou manipulées par le bibliothécaire. Pis encore : le compact-disc, qui semble promis à un si bel avenir, n'a pas encore reçu le système de protection qui en permettra le libre usage. Cependant, en ce cas précis, et contrairement à celui des microdocuments, le marché de consommation est tel et le problème de cette protection contre le vol si vigoureusement posé aux distributeurs (15 à 20% de vol dans les grandes surfaces !) qu'on peut raisonnablement espérer une solution technique industrielle rapide, sans que pour autant aujourd'hui on puisse annoncer laquelle ni si elle sera compatible avec la pratique des bibliothèques publiques.

    Enfin re-mentionnbns ici pour mémoire le cas des documents en feuilles isolées : tracts, prospectus, programmes, qui ne peuvent être contrôlés mais seulement distribués au public, ce qui, à l'heure de leur prolifération et de leur intérêt documentaire croissant (catalogues, modes d'emplois, feuilles d'information, cartons d'invitation, affiches...) n'est pas sans ouvrir une brèche dans le matériel documentaire de la bibliothèque. Il faut se résoudre à les sacrifier à la consommation, rapide pour laquelle ils ont été conçus.

    Les documents apprivoisés :

    Pour les images en revanche, le problème de l'accès libre a connu à la B.P.I. ces dernières années de grands progrès. La gestion des diapositives se faisait à travers d'insurmontables difficultés et sans que le public, pour une fois, ne ratifie le système d'accès libre (matériel trop fragile, programmes trop limités par les carrousels de 80 diapositives). Le vidéodisque en revanche, qui les présente par lots de 50 000 avec une entière maîtrise du lecteur quant à leur sélection et à leur défilement, remporte d'ores et déjà un succès considérable, alors même que toutes les possibilités d'interactivité ne sont pas encore exploitées. On peut bien augurer de ce succès lorsque, dans quelques semaines, les postes de consultation pilotés par microordinateur (la B.P.I. a choisi parmi d'autres qui peuvent aujourd'hui répondre à ce besoin, le système IVAO) permettront véritablement au lecteur de constituer librement son programme "égoïste". De même les magnétoscopes ont aujourd'hui une fiabilité suffisante pour être manipulés - moyennant une banalisation facile à réaliser et une signalétique claire du mode d'emploi - par les lecteurs. Par ailleurs les bandes video peuvent être protégées contre le vol.. Le libre accès n'est donc pas une utopie, ni même une imprudence, et rend à mon sens déjà caduques les lourds et ruineux systèmes de régie automatiques centralisés comme il en existait au Japon ou comme celui qui se met en place à la Villette.

    Les disques microsillons enfin se magnétisent correctement et peuvent être mis entre les mains du public, ce qui n'est hélas pas le cas des platines, objets très fragiles et dont on craint encore la détérioration. C'est donc encore vers un semi accès libre (mais inverse à celui des videos ou les documents sont encore souvent dans les bureaux d'information et les appareils à la libre disposition du public) que s'achemine la B.P.I. avec des disques en libre accès et des appareils de lecture manipulés par le bibliothécaire.

    Les écrans électroniques : le triomphe du libre accès :

    Il n'est même plus nécessaire de s'en convaincre, toutes les préfigurations l'ont montré : les lecteurs savent utiliser un micro-ordinateur ou du moins ceux qui savent sont suffisamment nombreux pour emplir une bibliothèque publique. Et comme il n'est pas de la vocation des bibliothécaires de se transformer en professeur de micro-informatique (les écoles et, à défaut, de nombreux clubs, associations ou maisons de formation le font suffisamment), il reste de leur devoir de communiquer - ni plus ni moins - les logiciels sur écrans librement utilisés par les lecteurs. En ce qui concerne la didacthèque, le problème de l'accès libre est beaucoup plus juridique que technique. Elle ne doit pas permettre le piratage. Le nano-réseau et, plus récemment, le nano-réseau professionnel (plus puissant et qui accueille une gamme beaucoup plus étendue et plus intéressante de didacticiels) sont donc les outils indispensables de la lecture publique en ce domaine, sauf à se contenter de micro-ordinateurs dédiés et verrouillés sur lesquels on n'aurait accès qu'à un seul logiciel à la fois, solution ponctuelle mais sans avenir.

    Ce que les études de préfiguration menées à la B.P.I. même ont montré c'est que la présence d'un "assistant" en de tels lieux était plus une gêne pour le public qu'une aide véritable. Ou bien l'assistant intervient et s'interpose entre l'écran et le lecteur de façon inopportune, ou bien il s'ennuie. Ces machines sont conçues pour l'intimité. Que demande le lecteur : qu'elle fonctionne (c'est alors une question de maintenance technique) et qu'elle lui indique elle-même clairement ce qu'il faut faire. D'où la nécessité d'un logiciel de libre accès, outil indispensable et complémentaire du réseau en bibliothèque publique, que la B.P.I. fait actuellement réaliser en préalable à l'ouverture de sa didacthèque, dont tous les autres éléments sont réunis. Le cas du C.D. ROM, dont l'essor n'est pas moins rigoureux que celui des didacticiels et qui les remplacera peut-être bientôt, est encore différent. Encore peu nombreux, il peut d'autant plus être implanté sur des configurations dédiées à un seul programme que les titres aujourd'hui disponibles (Books in print, Ulrich, Encyclopédies...) concernent très directement les bibliothèques et doivent figurer parmi les usuels. Mais sans doute le jour est proche où le nombre en sera tel qu'il faudra envisager la communication différée (puisqu'on retrouve ici le même cas de figure que celui du compact-disc audio) à moins que- ce que l'on annonce encore prudemment - des juke-box permettent de le gérer par séries.

    Qui peut aujourd'hui douter que le bilan soit positif ou que la voie choisie soit la bonne ? Certainement pas les lecteurs. Ils le manifestent si bien, en faisant la queue parfois pendant une heure aux portes de la B.P.I. pour bénéficier de ses collections prodiguées, que le "libre accès" aux documents compromet le "libre accès" à la B.P.I. dans une curieuse ironie. Ce blocage des coursives, aujourd'hui presque quotidien, n'est pas pour nous réjouir : on en connaît les causes, on n'en aperçoit pas les remèdes, qui hélas ne dépendent plus ni de la B.P.I. ni du Centre Georges Pompidou. Il faut véritablement s'alarmer de ce qu'on soit si démuni devant ce succès, si impuissant à en tirer les leçons. Les dernières statistiques dont je dispose pour février 1987 font état d'un record absolu d'affluence à la B.P.I. depuis son ouverture avec une moyenne quotidienne de 16 300 lecteurs, et ceci malgré les files d'attente qui excluent le public "occasionnel" pour lequel le libre accès était supposé le plus attractif.

    Il est clair que le libre accès, considéré comme j'ai tenté de le faire sous ces différents aspects, non seulement techniques mais aussi intellectuels (autre façon de chercher, de constituer les collections, d'accueillir le public) et grâce à l'ouverture qu'il aménage vers l'accès aux nouvelles technologies, constitue véritablement la quatrième dimension des bibliothèques publiques.

    1. Il faut d'abord convaincre les autorités financières que ces "vacataires" ne sont pas, comme de coutume, un personnel occasionnel ou surnuméraire, toujours suspect aux yeux des contrôleurs, mais bel et bien une formule permanente et constitutive du fonctionnement de la bibliothèque, dont elle fait organiquement partie. Ce problème, comme celui des communications dans une bibliohè-que pourvue de magasins clos, de tapis roulants et de chariots brinquebalant les livres à travers des corridors et des ascenseurs, ne sera jamais suffisamment traité. La B.P.I qui occupe de vingt à trente vacataires pendant 3 heures chaque matin, plus une équipe légère de huit vacataires l'après-midi, doit procéder à un reclassement général effectué par les bibliothécaires eux-mêmes, une après-midi chaque mois. Nous avons obtenu des améliorations non négligeables en faisant des appels insistants, par voie d'affichage sur les tables et d'annonces sonores, à l'autodiscipline des lecteurs. Il n'empêche que l'équipe des vacataires de "pré-classement" qui oeuvre l'après-midi en présence des lecteurs devrait encore être étoffée, en particulier pour le rangement des périodiques. retour au texte

    2. Les vols, bien qu'ils constituent toujours un phénomène inquiétant, semblent bien endigués par les systèmes de contrôle. Un premier récolement à la B.P.I. avait recensé 3% d'ouvrages manquants. Quant au vandalisme, il est plus redoutable et nous trouve beaucoup plus désarmés. Une étude récente menée par Agnès Dumont-Fillon dans le cadre d'un diplôme de l'E.N.S.B. sur "Le volet la dégradation de livres en bibliothèques : l'exemple parisien de la Bibliothèque publique d'information du Centre Georges Pompidou", après avoir énuméré et analysé les types, hélas variés, de dégradation, conclut que "la situation de la B.P.I. n'est pas plus critique qu'ailleurs" p. 55. retour au texte

    3. Michel Gechoun. Vol et systèmes électroniques de détection dans les B. U., Villeurbanne, E.N.S.B., 1985, 110 p. retour au texte

    4. Voir par exemple l'article rédigé par les membres du service à propos de "L'accueil des adolescents en bibliothèque" dans "Bulletin des bibliothèques de France", n°1; 1986, pp. 90-95. retour au texte

    5. Consulter à ce sujet le diplôme de l'E.N.S.B. de Mme Anne Dujols. Le clair et l'obscur: perception et usages de la classification par le public de la B.P.I. retour au texte

    6. Le dossier faisant le bilan de cette expérience est disponible sur demande au service "Public-Info" de la B.P.I. retour au texte

    7. "Le Disque optique numérique au Centre Georges Pompidou" étude menée par Claire Stra et Anne Kupiec (B.P.I.). Consultable sur demande auprès du service "Public-Info". retour au texte