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Le traitement automatisé du dépôt légal et l'avenir de la Bibliographie de la France

1988

    Le traitement automatisé du dépôt légal et l'avenir de la Bibliographie de la France

    Par Annick BERNARD, directeur du Département des Entrées françaises et des Publications officielles.

    L'automatisation du Service du ...L Dépôt légal à la Bibliothèque nationale, effective depuis le 20 janvier 1988 répond à deux fins:

    • créer dès le dépôt du livre une notice bibliographique dans la base BN-Opale, notice immédiatement disponible pour tous les utilisateurs de la base et pouvant être reprise et enrichie dans la suite du traitement (1)
    • gérer les dépôts des éditeurs et des imprimeurs à l'aide d'un logiciel spécifique.

    Rappel :

    Est soumis au dépôt légal tout livre édité, diffusé ou imprimé en France. Nombre de dépôts d'éditeur par an : 38 000 à 42000, ce chiffre incluant 6000 publications officielles (2) . Ces dépôts arrivent directement à la Bibliothèque nationale.

    Le dépôt d'imprimeur est collecté par 20 bibliothèques : la Bibliothèque nationale pour Paris et la région parisienne ; 18 bibliothèques municipales et la Bibliothèque nationale et universitaire de Stras-bourg pour les imprimeurs de province.

    • *le double dépôt, éditeur et imprimeur, est à l'origine du contrôle croisé : tout livre déposé par l'imprimeur est réclamé à l'éditeur si le dépôt par celui-ci n'a pas encore été constaté.
    • *pour tout dépôt par l'éditeur d'un livre imprimé en province, si la Bibliothèque nationale n'a pas encore reçu l'exemplaire d'imprimeur, une information est envoyée à la bibliothèque habilitée pour lui permettre de réclamer (3) .

    L'exhaustivité du dépôt légal

    Bien qu'il soit par nature impossible de chiffrer ce qui échappe, on considère que la collecte couvre actuellement 95 à 97 % de la production.

    La contribution du dépôt d'imprimeur à l'exhaustivité de la collecte est importante puisqu'elle est à la source de 3/4 des réclamations envoyées aux éditeurs, soit 4000 en 1987. En cas de défaillance de l'éditeur, c ' est l'exemplaire d'imprimeur qui sera traité et conservé. En 1987, 1000 titres ont été annoncés à la Bibliographie de la France sur l'exemplaire d'imprimeur.

    Le logiciel de gestion :

    Réalisé par GEAC UK, le logiciel est constitué de modules actifs en temps réel et d'autres modules utilisés en temps différé.

    Il a été construit autour d'un principe d'économie consistant à saisir une seule fois, dans la base bibliographique, la description de l'ouvrage déposé et à basculer dans le système de gestion les informations utiles : zones de la notice bibliographique saisies en format et transférées en ISBD ; élément de la notice de données locales associée (numéro de DL et indice CDU).

    Le logiciel de «temps réel», qui permet la mise à jour en ligne de la base de gestion, présente un enchaînement automatique des écrans et repose sur un système de commandes (4) , et non de menus : ces deux caractéristiques, reprises du logiciel de la base bibliographique, constituent l'originalité de ce système de gestion et font gagner du temps.

    Les programmes de «temps différé» permettent d'obtenir éditions et statistiques :

    • registre de Dépôt légal ;
    • lettres de réclamation utilisant des modèles pré-enregistrés correspondant aux différents cas (une soixantaine compte tenu des relances possibles) ;
    • statistiques produites à la demande pour les divers types de dépôts.

    Il convient de souligner que le logiciel de gestion n'est qu'une première version. Des extensions sont envisageables pour faciliter la coopération entre la Bibliothèque nationale et les 19 bibliothèques gérant le dépôt d'imprimeur.

    La base de gestion est organisée en deux fichiers principaux, le fichier des dépôts et celui des déposants (éditeurs, imprimeurs et diffuseurs). Le lien entre les deux fichiers s'opère au moyen d'un abrégé, segment de l'ISBN propre à l'éditeur ou, à défaut, chaîne de caractères extraite de la raison sociale.

    L'ISBN en France (d'après le dépôt légal)

    Vers 1982, le Service du Dépôt légal estimait que 50% de la production portait un ISBN.

    Aujourd'hui la proportion de livres portant un ISBN atteint 85%.

    On ne peut pas dire, cependant, que 85% des éditeurs ont un ISBN : en effet, l'index des abrégés du fichier des déposants montre l'absence d'ISBN pour environ 1/4 des éditeurs. Cette statistique sera affinée en fin d'exercice pour déterminer la part qui revient aux éditeurs occasionnels et celle des petits éditeurs ou des réfractaires.

    Un effort d'information est certainement à faire. La Bibliothèque nationale, pour sa part, fournira à l'AFNIL un état des éditeurs sans ISBN.

    Les déposants (éditeurs, imprimeurs et diffuseurs) :

    Le fichier des déposants a été initialisé par chargement et conversion d'une bande provenant du Cercle de la Librairie qui contenait environ 15 000 enregistrements.

    Pour faciliter la mise en place du traitement en ligne, les enregistrements relatifs aux éditeurs les plus importants (segment éditeur à 2, 3 et 4 chiffres) ont été revus, complétés, notamment par la création de l'abrégé (voir plus haut) et validé. Les autres le sont au fur et à mesure des besoins.

    A ce jour, le fichier des déposants contient entre 5 et 6000 enregistrements (5) .

    Ce chiffre inclut les imprimeurs de là région parisienne, qui déposent directement à la Bibliothèque nationale (près de 250).

    Le traitement des dépôts

    Le dépôt d'éditeur

    A l'arrivée du livre, la première opération consiste à s'assurer que le déposant est déjà recensé dans la base. S'il ne l'est pas, le responsable du fichier des déposants crée l'enregistrement.

    Après l'estampillage (affectation du numéro de DL), le livre passe au catalogage. Après création de la notice bibliographique et des données locales associées, une simple touche de fonction permet de basculer les informations utiles dans la base de gestion, et de les y récupérer. Sont alors ajoutés les éléments propres à la gestion : nombre d'exemplaires déposés, présence de la déclaration, état et affectation des exemplaires, éléments statistiques. A partir de cette saisie, est édité plusieurs fois par semaine le registre de dépôt.

    Cela fait, le livre est prêt à être transmis au Service de la Bibliographie de la France (départ tous les lundis).

    les réimpressions déposées par l'éditeur

    Soumises au dépôt légal en un exemplaire, les réimpressions sont enregistrées en utilisant la notice bibliographique qui en principe existe, pour créer dans la base de gestion les informations utiles. Le livre est alors transmis au Service des Echanges internationaux.

    Deux cas particuliers peuvent se produire :

    • il ne s'agit pas d'une réimpression mais d'une réédition (nombre de page augmenté, bibliographie ou illustration plus importante)
    • il n'y a pas eu de dépôt d'éditeur pour le tirage d'origine.

    Dans les deux cas, la réimpression est traitée comme le premier dépôt, les exemplaires supplémentaires sont réclamés et le livre passe à la Bibliographie de la France (300 cas par an en moyenne).

    le dépôt d'imprimeur

    dépôt légal imprimeur province :

    les 19 bibliothèques de province font parvenir au Service du Dépôt légal un exemplaire de tous les imprimés déposés accompagné d'un double du registre d'inventaire. Un pointage de conformité est effectué à l'ouverture des colis suivi pour les «non-livres» d'une ventilation par département destinataire (Périodiques, Cartes et plans, Estampes, etc). Le flux annuel représente plus de 100 000 documents. Les livres ainsi reçus servent au contrôle croisé.

    1er cas : le dépôt d'éditeur a déjà été effectué, l'ouvrage est alors attribué, en fonction de son contenu, à une bibliothèque parisienne ou aux échanges internationaux en conformité avec les dispositions du décret de 1925.

    2e cas : le dépôt d'éditeur n'a pas été effectué. On procède alors dans la base à un catalogage sommaire qui génère une réclamation. Le système permet l'édition successive de trois lettres dont le contenu varie graduellement. L'ouvrage est conservé en attente jusqu'au jour où l'éditeur obtempère ; il est alors attribué comme décrit dans le point précédent.

    dépôt légal imprimeur Paris :

    dans ce cas la Bibliothèque nationale tient un rôle similaire à celui d'une bibliothèque municipale classée et reçoit les deux exemplaires qui sont gérés directement dans la base. La suite du processus de traitement est entièrement similaire à celui des ouvrages en provenance des autres bibliothèques habilitées.

    Contenu de la notice «dépôt légal»

    C'est la notice moyenne, avec une seule vedette.

    Zone du titre et de la mention de responsabilité ;

    Zone de l'édition ;

    adresse bibliographique complète, y compris l'imprimeur qui est indispensable à la gestion ;

    collation ;

    collection ;

    ISBN, reliure et prix.

    Dans un souci de rapidité, aucun contrôle de la vedette par rapport au fichier d'autorité n'est effectué à ce stade. De même pour la collection on prend la forme titre propre sans rechercher le titre clé ni l'ISSN.

    La notice Bibliographie de la France

    C'est la notice complète avec tous ses points d'accès.

    Selon le principe de l'enrichissement progressif de la notice au cours du Schéma directeur informatique de la Bibliothèque nationale (1981/1982), la notice créée au Dépôt légal est reprise et complétée.

    Les catalogueurs vont alors revoir les zones descriptives, les compléter s'il y a lieu en ajoutant les notes, le titre original pour les traductions etc. et les zones vedettes qui manquent, auteurs, titres et mots-matières.

    La partie la plus importante du travail à ce stade consiste à établir les liens :

    • chaînage de la notice de l'ouvrage à la notice de collection, ce qui produit le bulletinage ;
    • chaînage de la notice de volume à la notice générale de la suite ;
    • lien aux fichiers d'autorité noms de personne, collectivités, matières et tires uniformes.

    Plus de la moitié des titres déposés appartiennent à une collection : leur traitement consiste à lier l'ouvrage à la bonne collection ou sous-collection, à créer pour le CNEPS la notice des nouvelles collections (qui sera publiée dans le Supplément I), à résoudre les «cas» (en téléphonant à l'éditeur par exemple). En moyenne, 100 collections nouvelles sont enregistrées chaque mois.

    Les catalogueurs consacrent une très large part de leur temps au travail sur les vedettes et apportent une contribution importante à l'alimentation des fichiers d'autorité. Pour les noms de personnes, on compte aujourd'hui 133 vedettes pour 100 notices bibliographiques (6) .

    Les vedettes sont recherchées dans le fichier d'autorité correspondant : si elles y sont, le numéro système de la notice d'autorité sert à faire le lien ; si elles n'y sont pas, la vedette est créée, puis chaînée. Lorsque l'ouvrage porte des renseignements sur l'auteur, ceux-ci sont reportés dans la notice d'autorité.

    Les délais de production des notices

    Deux facteurs entrent en jeu : le délai de dépôt, qui est le fait de l'éditeur ;

    le délai de traitement.

    • le délai de dépôt :
      • le délai légal de 48 heures avant la mise en vente n'est respecté que par environ 10% des éditeurs ;
      • pour 40% de la production le dépôt est constaté dans la semaine de mise ne vente ;
      • dans le mois de mise en vente on atteint la proportion de 80% ;
      • pour les 20% restants, le dépôt, hors réclamation, intervient dans un délai variable de 1 à 6 mois.
    • le délai de traitement :

    L'automatisation, par les économies de gestion qu'elle représente, permet, une fois la situation stabilisée, d'alléger considérablement les délais.

    L'objectif primitif de mise à disposition de la notice dans son premier état au plus tard 8 à 10 jours après le dépôt ne sera vraisemblablement atteint qu'au bout d'un an de fonctionnement, soit en janvier 1989. C'est seulement alors que l'on pourra dire si les moyens du Service du Dépôt légal permettent de viser un objectif plus ambitieux.

    Quant au délai de dépôt par l'éditeur, il est très possible, la Bibliothèque nationale se montrant performante, qu'il s'améliore en raison des effets sur la vente (notamment à l'étranger). Un effort d'information et de sensibilisation sera fait sur ce plan.

    Pour la notice définitive, l'objectif est d'atteindre un délai d'un mois en moyenne avant le départ pour la publication dans la bibliographie de la France.

    L'avenir de la Bibliographie de la France

    L'apparition récente des nouveaux modes de diffusion des notices produites par la Bibliothèque nationale : bande magnétiques servies par abonnement, CD ROM à refonte périodique, amène parfois nos interlocuteurs à demander si l'on continuera à publier la bibliographie sur papier.

    Bien qu'il soit difficile aujourd'hui de préciser exactement, faute de recul suffisant, la part qui reviendra à chacun d'eux, nous considérons que les différents modes de diffusion sont complémentaires.

    *les bandes magnétiques mettent rapidement à la disposition des bibliothèques informatisées les dernières notices produites.

    *le CD ROM, qui paraîtra tous les trois ou six mois, servira de cumulatif à la Bibliographie de la France : les professionnels auront ainsi à portée de main dès 1989 un instrument commode permettant les recherches bibliographiques par de nombreuses clés aussi bien que la récupération des notices «à domicile» (7) . Peut-être rendra-t-il inutile de maintenir les coûteux index cumulatifs de l'édition papier, aujourd'hui servis sur microfiches (8) .

    *la bibliographie sur papier offre aux professionnels un instrument sans équivalent par la qualité des notices et l'exhaustivité des annonces.

    Forcément décalée dans le temps par rapport aux annonces commerciales, elle est la seule à signaler la totalité de la production française : elle contribue ainsi à faire connaître en France et dans le monde entier les publications universitaires, les livres publiés à compte d'auteur, les monographies régionales.

    Elle reste un instrument de référence irremplaçable pour les acquisitions courantes des bibliothèques encyclopédiques.

    Le nombre d'abonnés limité (inférieur à 750, à comparer avec les 4100 abonnés de la British national bibliography) tient à plusieurs facteurs :

    le prix de l'abonnement :

    Pour 1988, il est de 1700 F pour la France et 1810 F pour l'étranger (2170 F par air cargo).

    Dans l'absolu, on ne peut pas dire qu'il soit excessif, d'autant qu'un effort notable pour le réduire a été fait en 1987. Il reste élevé eu égard aux moyens financiers des bibliothèques universitaires françaises qui devraient constituer, avec les bibliothèques municipales d'une certaine importance, sa principale clientèle.

    les délais d'annonce :

    La bibliographie française ne publiant que des notices définitives établies d'après l'ouvrage (9) , les délais de production de celles-ci étaient variables et il s'y ajoutait encore sept semaines de fabrication. Des gains notables sont attendus de l'automatisation.

    Il faut cependant compter un an (10) pour que l'amélioration des délais soit pleinement sensible, les effets secondaires de la montée en charge du Service du Dépôt légal, du Service de la Bibliographie de la France, et du système informatique de gestion de la base BN-OPALE, étant alors totalement «digérés».

    la situation historique de la Bibliographie de la France, autrefois Journal de la Librairie publiée par un éditeur qui a lui-même des périodiques concurrents et qui suffisent à la majorité des bibliothèques publiques pour leurs acquisitions. En Grande-Bretagne cependant, l'existence d'une publication commerciale ne semble pas gêner la diffusion de la BNB.

    la mauvaise diffusion de la culture française à l'étranger, comparée à l'an-glo-saxonne. La BNB a 1421 abonnés étrangers, la BgF 374.

    Jean-Louis Crémieux-Brillac montrait en son temps que la diffusion de la culture passait par la mise à disposition d'instruments bibliographiques puissants et performants.

    L'interaction réciproque des différents modes de diffusion des notices jouera - t-elle en faveur de la bibliographie courante ? On peut l'espérer. Un effort de promotion de la part des instances culturelles françaises à l'étranger serait le bienvenu.

    1. A l'inverse de la situation antérieure, où le catalogage «manuel» produit par le Service du Dépôt légal ne servait guère qu'à à sa propre gestion. retour au texte

    2. La production française est passée de 24 700 en 1970 à 38 653 en 1980. Depuis cette date, elle est assez stable, avec la variation constatée de 4000 unités. En Grande-Bretagne, la British Library relève un accroissement de 34% depuis 1981 et s'attend à ce que la production dépasse 90 000 dans la décennie 1990. retour au texte

    3. Information envoyée sur fiches jusqu'à 1985, puis à partir de 1989, sur liste produite par le système informatique. La Bibliographie de la France indique toujours l'imprimeur à l'adresse bibliographique. retour au texte

    4. Ces commandes sont les mêmes que celles utilisées dans la base bibliographique. retour au texte

    5. D'après une estimation, le nombre de déposants actifs au cours d'une période de 12 mois ne doit pas excéder 7000 à 7500. Le Répertoire des éditeurs, quant à lui, recense 3406 éditeurs en 1988. retour au texte

    6. La norme NF Z 44-059 permet aujourd'hui de limiter au nécessaire le nombre de points d'accès. Les statistiques fournies par le système informatique donnent (au 27/10/88), sur la totalité de la base, 576 500 notices de monographies, 237 243 notices de noms de personnes. retour au texte

    7. Voir le dossier de présentation du CD ROM expérimental BN/British Library établi par Serge SALOMON. Disponible sur demande. Voir aussi, du même auteur, «Les Services de fourniture de notices bibliographiques aux bibliothèques à partir de la base BN-OPALE», in Bulletin d'informations de l'ABF,n° 1 39, 2ème trimestre 1988, et son article dans le présent numéro, «le CD-ROM de la Bibliothèque nationale». retour au texte

    8. Seul l'index annuel est proposé sur papier en sus du prix de l'abonnement. Le coût informatique de constitution des index chez le façonnier reste élevé pour la BN. Il n'est pas directement répercuté sur le prix de l'abonnement. retour au texte

    9. La BNB, sur information des éditeurs et par accord avec un diffuseur de livres britanniques à l'étranger, annonce une partie de la production avant sa publication, soit en moyenne deux mois avant la mise en vente : en 1987, 22 566 notices CIP ont été créées en BNB MARC. retour au texte

    10. Le premier fascicule de la Bibliographie de la France issu de BN-OPALE a été le n° 19/20 paru le 11 mai 1988. Le délai de fabrication est aujourd'hui de 4 semaines (peut-être réductibles à 3). retour au texte