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Activités commerciales et sources de revenus des bibliothèques nationales

1988

    Activités commerciales et sources de revenus des bibliothèques nationales

    Par Maurice LINE, Harrogate (Royaume-Uni
    Par Peter S SCOTT, National Library of New Zealand, Wellington
    Nous publions ici le texte d'une communication présentée à Sydney au congrès de l'IFLA d'août 1988. Le même texte sera publié en anglais dans IFLA Journal:

    I ntroduction :

    Ce document considère les activités commerciales et les sources de revenus des bibliothèques nationales du point de vue des principes et de la pratique. Un tel document aurait été presque inconcevable il y a quinze ans. L'ambiance dans laquelle les bibliothèques nationales travaillent a changé de fond en comble, en une courte période, et le rythme de changement semble s'accélérer au lieu de ralentir.

    Il est certain que les bibliothèques nationales se sont par le passé procuré des revenus. Beaucoup d'entre elles ont produit des publications pour la vente, certaines ont vendu leurs notices catalographiques à d'autres bibliothèques et quelques-unes ont fourni des photocopies d'articles contre paiement. Cependant, très peu de ces activités peuvent être appelées commerciales.

    Une grande partie des coûts étaient cachés ; les ouvrages étaient souvent préparés par le personnel, comme part de leurs obligations professionnelles, et les coûts à la source, sans compter le coût global, incluant les frais généraux tels que le logement et l'administration, étaient rarement comptabilisés. Dans le cas des notices catalographiques, le coût de rédaction lui-même était rarement pris en compte même si les coûts de la production physique et de la distribution l'étaient, à l'exception des frais généraux. Dans le cas de fournitures de documents, les collections étaient considérées comme un «bien public», et la plupart des coûts directs, en excluant aussi les frais généraux, étaient comptabilisés. L'objectif du paiement, dans presque tous les cas, était de permettre la prestation de service ou d'empêcher les abus. Sans le paiement des coûts marginaux, la fourniture de ce service quel qu'il fût était impossible. Mais les politiques de prix n'étaient pas clairement définies et le concept du «coût en plus» n'était possible que parce qu'il n'y avait de référence ni au marché, ni à la position de monopole que les services des bibliothèques nationales peuvent occuper dans le milieu des bibliothèques.

    L'ambiance de changement : les raisons de la facturation des services.

    Les bibliothèques nationales ont été confrontées à un environnement de changements politiques et sociaux, ainsi que de modes de gestion, qui exigent une réorientation et une capacité de réponse. En particulier, dans les pays capitalistes développés, l'accent mis sur la libéralisation du marché, et la mise en cause du rôle de l'Etat ont contribué à ce changement.

    La connaissance du marché est aussi nécessaire pour les bibliothèques nationales que pour les autres bibliothèques. Il est inutile de continuer à rendre des services qui ne sont plus demandés par les clients, surtout si cela bloque le développement d'autres services plus importants. Cela implique une connaissance du marché lui-même : les besoins de nos usagers, l'étendue des services d'information qui sont généralement disponibles, et aussi une idée des développements probables dans ce domaine. Le marché d'une bibliothèque nationale peut être étendu, éloigné et à long terme, le marché pour une collection préservée provenant du dépôt légal des publications nationales, par exemple, est la nation elle-même, et plus particulièrement les futurs historiens.

    Dans le passé, il a été très facile pour les bibliothèques de développer des services qui semblaient attrayants mais qui, en réalité, ont très peu d'usage, alors qu'il existe des besoins réels qui n'ont pas été identifiés, et qui restent par conséquent non satisfaits. Une bibliothèque doit avoir une méthode sûre permettant d'évaluer dans quelle mesure elle rend ses services aux personnes adéquates, dans les délais les meilleurs et de la meilleure façon. L'établissement d'un paiement est le moyen de mesurer ces facteurs, de découvrir ce qu'est le marché, et d'évaluer une activité particulière.

    Dans les pays capitalistes développés, deux autres facteurs de changement d ' importance égale peuvent être soulignés : la politique de l'Etat et le besoin de compenser la diminution des subventions publiques. Ces deux facteurs sont intimement liés, car il y a eu dans plusieurs pays une politique délibérée des gouvernements visant à réduire les dépenses publiques, non pas obligatoirement par nécessité économique, mais en fonction du principe selon lequel le secteur public devait être réduit et le secteur privé encouragé.

    Une façon d'envisager le problème est de discerner quelles sont les fonctions exclusives d'une institution subventionnée par l'Etat et celles qui peuvent être réalisées par des agents du secteur privé. Cette approche oblige une bibliothèque nationale à examiner de très près son propre rôle et la base de financement qui lui correspond.

    Un autre facteur influent est celui de la vaste etrapide croissance du secteur privé de l'information dans les pays capitalistes.

    Si les organisations privées vendent leurs informations, pour quelle raison une bibliothèque nationale les fournirait-elle gratuitement, ou bien à un prix réduit grâce aux subsides ? Les bibliothèques nationales ne peuvent plus considérer les services qu'elles ont fourni dans le passé, probablement en exclusivité, comme une chasse gardée.

    Pour faire face à ces pressions, directes ou indirectes, une bibliothèque nationale peut, soit attendre jusqu'à ce qu'elle soit obligée de faire quelque chose, soit essayer d'anticiper les pressions, en développant des mesures d'avant-garde.

    La réaction aussi bien que l'anticipation présentent des dangers : d'abord parce que l'action peut être prise à la hâte et sans la réflexion nécessaire, ou être en désaccord avec les principaux objectifs et idéaux d'une bibliothèque nationale ; ensuite parce qu'on ne peut jamais être sûr de la nécessité de l'action, et la politique une fois adoptée peut être irréversible. Néanmoins, dans beaucoup de cas, il est préférable que la bibliothèque nationale montre à l'Etat quelle agit positivement et qu'elle veut prendre des mesures raisonnables, et il est sûr qu'il vaut toujours mieux planifier à l'avance, en prenant des précautions.

    Comme nous l'avons dit plus haut, la réduction des fonds est ressentie par tous. Une des raisons pour lesquelles les gouvernements réduisent les subventions qu'ils accordent aux bibliothèques nationales est qu'une réduction des fonds publics devrait encourager l'économie et l'efficacité. Bien que la première réaction de presque toutes les bibliothèques à la réduction du budget soit de se plaindre énergiquement et de dire qu'il est impossible de faire plus d'économies, il y a très peu de bibliothèques (ou d'institutions d'autre type) qui ne puissent améliorer leur efficacité, et beaucoup de bibliothèques nationales l'ont fait. Les bibliothèques nationales n'ont jamais été administrées, ni de près ni de loin, d'une façon commerciale, pas plus qu'elles n'ont eu la conscience ou la connaissance du vrai coût des opérations et des services ; il est assez surprenant de voir à quel point la productivité peut être améliorée sous la pression - jusqu'à un certain point, bien entendu. Mais une autre raison est que les gouvernements peuvent espérer que les bibliothèques nationales pourront équilibrer leurs économies déficitaires en gagnant de 1 ' argent par elles-mêmes. Il y a ici un piège, car les gouvernements s'attendent bien plus à voir qu'une bibliothèque, qui gagne déjà de l'argent, puisse gagner davantage que de voir une autre qui ne gagne rien commencer à le faire.

    La politique gouvernementale reflète, autant qu'elle influence, des tendances plus larges. La croissance du secteur privé de l'information fait partie de la tendance générale qui considère que l'information est un produit vendable, comme d'autres biens et services. Les bibliothécaires sont tellement familiarisés avec la conception de liberté d'accès à l'information que l'idée d'information comme produit n'a été acceptée, quand elle l'a été, que par degrés, et avec réticence. En fait, la liberté d'accès ne signifie pas nécessairement un accès gratuit. La liberté d'accès est liée à l'acceptation d'une politique sociale qui, implicitement ou explicitement, reconnaît le rôle social des bibliothèques en permettant l'accès à leurs fonds : sur ce principe, les bibliothèques nationales contribuent à l'amélioration de l'éducation, de la culture et du rôle social du citoyen. Ceux qui ne sont pas d'accord avec ces idées, soutiennent que c'est une erreur d'obtenir gratuitement quoi que ce soit, même si l'on a pensé jusqu'à présent que cela était normal de la part d'une entreprise publique. Ceux qui veulent que l'entrée dans les musées d'Etat continue à être gratuite, doivent maintenant expliquer bien clairement pourquoi ces entrées doivent continuer à l'être, alors que les musées privés sont payants, spécialement dans les. cas où seulement une minorité de la population les visite. Si les gens ne veulent pas payer, comme l'affirment les partisans du marché, cela peut vouloir dire que le service en question n'est pas vraiment demandé. Cet argument, dans sa forme la plus stricte, ignore complètement les impacts sociaux et ne peut pas être appliqué à une bibliothèque nationale. Mais le seul fait que l'on y pense a tout de même ses effets.

    Judicieusement appliqué, le paiement peut promouvoir plus de justice, si l'argent public n'est pas dépensé pour des services utilisés par quelques privilégiés, et s'il peut ainsi être considéré de plus en plus comme une activité pour le «bien public». En faisant payer pour quelques activités, la bibliothèque nationale peut en soutenir d'autres plus importantes. A la British Library par exemple, les services de fourniture de document gagnent substantiellement plus d'argent que leurs coûts directs, et l'excédent peut alors être utilisé pour aider d'autres activités, comme celle des collections (de laquelle, en tout cas, dépendent, en dernier lieu, les services de fourniture de documents).

    Le paiement des services peut permettre leur continuité, leur expansion, ou même de les faire démarrer là où ils n'existaient pas. Un exemple nous en est donné par le Service d'Information des Affaires de la British Library. Il y a trois ans, il commençait à poser un problème car il était fortement demandé et très apprécié, mais le personnel du service n'était pas suffisant pour répondre à la demande, et la moindre absence produisait un retard considérable, sinon une vraie rupture.

    Mis en face du choix de rogner entièrement sur le service, soit en le laissant réduit à une demi-efficacité, soit en ayant recours au personnel d'autres secteurs de la bibliothèque pour le faire marcher, une alternative fut choisie : poser le service sur une base de recouvrement des coûts. Les coûts marginaux sont maintenant récupérés.

    La British Library envisage aujourd'hui d'autres services, quelques-uns entièrement nouveaux, qui puissent fonctionner sur un principe similaire. La National Library de Nouvelle Zélande a dû faire face à la même situation et est arrivée à une solution semblable avec son agence d'information d'affaires : la SATIS. Ici les objectifs de récupération des coûts ont été accrus de 6 à 50 %, mais tous les coûts directs et indirects y sont compris.

    Le paiement des services encourage aussi, ou plutôt renforce, une plus grande conscience des coûts et une plus grande efficacité de la part de la bibliothèque. Le personnel qui fournit un service payant ne peut pas fournir un service médiocre, car dans ce cas le service s'effondre. Cela est surtout vrai si le service est en concurrence avec des services similaires d'autres organisations. Cependant, si la bibliothèque nationale se trouve dans un régime de monopole, tel que celui de posséder un réseau unique ou de fournir les notices bibliographiques nationale, cet effet peut être masqué.

    La bibliothèque nationale doit aussi connaître le coût réel de ses activités : l'identification des vrais coûts des activités peut aider l'allocation de ressources pour la bibliothèque. Aussi bien, le paiement des services a besoin du développement des attitudes et du savoir-faire commercial, qui peuvent être bénéfiques pour toute la bibliothèque, même pour les secteurs où les services sont gratuits.

    Finalement, un autre argument en faveur du paiement des services est de permettre à une bibliothèque nationale d'augmenter son indépendance par rapport à l'Etat. La British Library gagne actuellement plus de 25 % de ce qu'elle dépense, ce qui lui donne un plus haut degré de liberté. Le concept de «couverture des services» s'est révélé valable. Cela signifie qu'un service particulier réussit à couvrir tous ses frais, et avec cette «couverture» il est possible d'engager du personnel et d'acheter de l'équipement nouveau sans avoir besoin de passer par les procédures habituelles, souvent longues et difficiles. A une époque où il existe d'énormes pressions pour réduire le personnel, il est difficile d'imaginer comment des services tels que le «Document Supply Centre» auraient pu subsister, sans parler de son extension, s'il n'y avait pas eu cette «couverture des services».

    Conditions préalables pour le service payant :

    Avant de décider de faire payer des services ou des produits, il faut tenir compte de certaines conditions préalables. La première, est la solide garantie que la bibliothèque nationale puisse garder l'argent encaissé. Dans beaucoup de pays, tous les encaissements vont directement dans les coffres de l'Etat et la bibliothèque ne les voit pas du tout, même indirectement.

    La deuxième condition, est une connaissance précise des coûts. Jusqu'à il y a 5 ou 10 ans, peu de bibliothèques avaient fait une étude précise du coût de leurs activités. La prise de conscience des coûts doit précéder plutôt que suivre la politique de paiement des services, et doit être considérée comme valable en elle-même plutôt que comme sous-produit du paiement des services. Tout le personnel doit savoir qu'il fournit un service qui vaut de l'argent.

    Sans une notion précise des coûts, il est impossible de donner un prix aux services et produits : même si on a l'intention de les subventionner, il est tout de même conseillé de savoir quel est le montant de la subvention, car si on veut couvrir les frais, on doit, évidemment, les connaître. Il faut faire une distinction entre les coûts directs et les coûts globaux qui comprennent les frais généraux, ceux-ci étant normalement bien plus élevés. Il se peut, par exemple, que l'on veuille simplement couvrir les coûts marginaux pendant l'expansion d'un service, de façon à ce que chaque augmentation du service soit couverte par les recettes ; ou alors, il peut être décidé de couvrir tous les frais, y compris ceux des activités existantes, en excluant, ou en incluant, les frais généraux. Une autre approche qui a l'avantage d'être en rapport direct avec la décision politique sous-jacente, plutôt que d'être un choix plus arbitraire, basé sur l'incidence des coûts, est celle de calculer tous les coûts, et ensuite d'étudier, pour des raisons sociales, le principe d'un tarif réduit. Cela peut vouloir dire que seulement un certain pourcentage des coûts est couvert par les prix. Cette procédure permet encore d'examiner de près l'objectif de la prestation du service, et en particulier ses implications sociales, ainsi que la justification de l'appui gouvernemental.

    Les décisions de paiement et la politique des prix doivent être inscrites dans le cadre d'une structure bien définie, avec des révisions périodiques régulières en relation avec les pressions budgétaires. La bibliothèque doit d'abord définir des critères pour juger si tel service doit être gratuit, partiellement ou entièrement payant, ou fondé sur le profit. Ces critères seront variables selon la situation des différents pays, et dépendront des objectifs de chaque bibliothèque, en particulier de l'importance accordée à la réalisation d'objectifs sociaux qui bénéficient à l'ensemble de la population, des objectifs de la politique gouvernementale, de l'importance accordée à l'efficacité ainsi que du rôle d'autres institutions similaires, et des autres facteurs du marché.

    Il peut être décidé de faire payer plus aux usagers du secteur privé qu'à ceux du secteur public - probablement les coûts commerciaux globaux dans le premier cas, et les coûts directs dans le second. Ou bien les services payants peuvent être divisés en services de «routine», payant le coût, et les services «à valeur ajoutée» payant ce que le marché pourra consentir. Il y a beaucoup de possibilités et de permutations.

    Une troisième condition préalable est celle d'un système financier adéquat pour enregistrer les dépenses nécessaires et les recettes au fur et à mesure des entrées, avec des rapports réguliers et fréquents.

    La quatrième condition est la connaissance du marché.

    Des sondages sur les usagers ont été faits depuis plusieurs années, mais les sondages de marché ont besoin d'être plus ciblés et plus précis, surtout pour savoir combien d'usagers sont disposés àpayer. Les études de marché ont besoin d'une grande dose d'imagination et, en même temps, d'une approche commerciale assez dure.

    Une autre condition préalable également importante - peut-être la plus importante

    c'est la capacité de réponse. Un marché peut être identifié, et un service avoir démarré, mais pour arriver à la conclusion que les collections, l'argent, l'équipement et surtout le personnel sont insuffisants, le personnel doit être préparé dans le sens du commercial et du savoirfaire, et les services doivent, avant tout, être administrés efficacement, de la même façon qu'une entreprise industrielle ou commerciale gère ses activités.

    Finalement, étant donné que les bibliothèques nationales sont financées par l'Etat, il faut un accord politique avant de mettre en place des services payants. Cela ne doit pas être fait au moyen d'un dialogue ouvert entre la bibliothèque nationale et l'Etat. Il est préférable que la bibliothèque mette en ordre ses idées et son plan financier pour pouvoir présenter un dossier convaincant.

    Produits et Services qui peuvent être payants :

    A quelles activités peut-on appliquer l'encaissement de revenus ? Sûrement aux publications. Les coûts totaux des publications doivent être évalués pour que l'on puisse choisir celles qui doivent être payantes. Par exemple : les publications bibliographiques peuvent ne pas couvrir tous-leurs coûts, étant donné que les accès aux catalogues auraient été assrés de toute façon au bénéfice de la bibliothèque nationale elle-même, et parce qu'il s'agit de fonds non récupérables. La bibliographie doit être considérée comme une activité sans valeur commerciale. De la même façon quelques publications peuvent être produites pour des besoins de promotion, ou tout simplement pour guider l'utilisateur de la bibliothèque. Ces publications doivent normalement être gratuites.

    Les services bibliographiques constituent une catégorie de services qui doivent évidemment être payants, car ils apportent des avantages d'efficacité sous la forme d'une plus grande productivité pour les bibliothèques. Ils peuvent consister uniquement en des bibliographies nationales, accessibles en ligne ou bien, en la fourniture de notices bibliographiques aux bibliothèques, par déchargement ; ou encore, ils peuvent donner lieu à des recherches complètes en ligne qui permettent de considérer la valeur ajoutée. Ici encore il faut savoir décider si les coûts doivent être couverts dans leur totalité et, sinon, lesquels devront l'être.

    Une autre catégorie naturelle de services payants est celle de la fourniture de documents. Dans quelques pays, il y a une forte tendance en faveur de la gratuité du prêt entre bibliothèques, mais cette gratuité peut être mise en doute, même à une petite échelle, et impossible à maintenir sur une grande échelle, comme c'est le cas pour la British Library. Ici il faut choisir de faire payer soit les coûts directs, soit les coûts directs plus les frais généraux, soit encore les coûts directs avec frais généraux plus le coût d'achat et de maintien de la collection elle-même. La collection peut être envisagée comme un bien national dont l'accès payant ne serait pas de mise ; mais il peut être décidé, plus pragmatiquement que par principe, de faire payer plus que les coûts totaux directs pour la manutention des collections. Dans un système décentralisé où la bibliothèque nationale travaille avec d'autres bibliothèques, ayant des ressources financières variables, pour la formation d'une «ressource nationale», le recouvrement des coûts de quelques collections peut compenser l'utilisation des collections individuelles sur une base nationale.

    Les services payants les plus récents sont désignés comme des services d'information à valeur ajoutée. Dans ces cas, l'usager (individuel ou institutionnel) pourra choisir entre une recherche individuelle dans les collections afin de satisfaire des besoins d'information, ou bien établir un contrat avec la bibliothèque qui se chargera de ces recherches, de façon plus efficace probablement, et certainement plus rapide. L'usager payera en effet la bibliothèque pour qu'elle fasse ce qu'il ne veut ou ne sait pas faire lui-même. Les recherches simples faites en 5 ou 10 minutes par le personnel de la bibliothèque ne devraient pas être payantes, car ce serait une procédure non rentable. Mais toute recherche demandant plus de 15 minutes de travail devrait être payante. La difficulté réelle dans ces services est celle d'établir une division entre services de base et services à valeur ajoutée.

    Aussi bien à la British Library qu'à la National Library de Nouvelle Zélande les services d'information d'affaires sont payants, car on a identifié dans cette zone l'existence nette d'un marché et la volonté des usagers de payer.

    L'établissement de prix de revient pour les services d'information est particulièrement difficile car les zones qui peuvent être clairement délimitées dans les différents services sont très rares, en particulier pour les frais généraux et le coût des collections.

    Le recours aux institutions industrielles et charitables peut avoir un certain succès, bien que ce ne soit pas un moyen sûr pour compenser les insuffisances continues des subventions gouvernementales, car il ne faut pas s'attendre à des versements réguliers. Ces appels sont plus utiles pour le patronage d'activités spécifiques, tels par exemple que la conversion rétrospective d'un catalogue, ou l'édition d'un catalogue d'une collection spéciale.

    Pour forts que soient les arguments en faveur de l'obtention de revenus par tel ou tel moyen, il ne faut pas oublier que les grandes sommes d'argent n'arriveront pas avant quelques années, si elles arrivent.

    Peu de bibliothèques nationales sont en mesure de fournir une documentation ou des services bibliographiques sur une grande échelle, et pour les mêmes raisons, de produire beaucoup d'éditions rentables. Même dans le cas des bibliothèques nationales les plus développées, l'argent à gagner au moyen des services d'information ne sera certainement pas très considérable. Cela n'invalide pas, bien sûr, l'argument selon lequel l'obtention de revenus peut aider le fonctionnement des services déjà en place, ou permettre la création de nouveaux services, qui ne verraient pas le jour autrement. Cependant, toute bibliothèque nationale à qui le gouvernement demande d'obtenir des sommes considérables, doit à tout prix être très prudente dans sa réponse.

    Les recettes à la British Library, en 1987/ 88 étaient réparties, à peu près, comme suit : 10 millions de £ pour la vente des documents ; 4 millions de £ pour les éditions et 3 millions de £ pour les services bibliographiques. Les séminaires, les services d'information, etc, n'ont contribué que pour des sommes très négligeables.

    Problèmes et difficultés du service payant :

    Une question importante est celle de savoir qui doit payer pour les produits et services, la bibliothèque nationale doit être pleinement consciente de l'impact possible que les services payants peuvent avoir sur les usagers en bout de chaîne si les bibliothèques décident ou sont obligées de faire payer ces services par leurs propres clients. Une solution à ce problème est de faire une distinction entre fournisseurs de services et donneurs de fonds. Cette théorie du marché pour la fourniture des services publics doit en principe permettre une plus grande efficacité et un meilleur choix du client, lorsqu'elle est appliquée à certains domaines, comme celui de l'éducation. Pour donner un exemple, qui n'est pas loin de la réalité, les fonds normalement attribués par un gouvernement pour soutenir la fonction de fourniture de documents d'une bibliothèque nationale pourraient être distribués aux usagers du service, qui seraient alors libres soit de payer les services de fourniture documentaire, soit d'utiliser ces fonds pour des acquisitions, ou pour d'autres activités qui puissent mieux servir leurs besoins.

    Pour les publications, il n'y a pas de problème, car elles seront achetées soit par des bibliothèques, soit par des individus. Les services bibliographiques sont surtout utilisés par les bibliothèques pour leur propre bénéfice, mais ils peuvent aussi être utilisés, bien sûr, par des usagers individuels, et la bibliothèque locale doit alors décider si cela fait partie de son service normal et raisonnable, ou bien s'ils constituent, dans une certaine mesure, un service supplémentaire qui devrait être payant. La décision peut dépendre du type de bibliothèque et du type de besoins à servir. Par exemple : un chercheur industriel qui poursuit une recherche sur des bases de données bibliographiques ne sera sûrement pas obligé de payer la bibliothèque de son entreprise, alors qu'un historien amateur utilisant une bibliothèque publique, pour les mêmes raisons, pourrait bien l'être.

    En ce qui concerne la fourniture de documents dans certains pays la question de savoir si l'usager ou la bibliothèque doivent payer est aussi brûlante que celle de savoir si les bibliothèques doivent elles' mêmes payer au départ. Etant donné qu'une bibliothèque qui a fait payer ses usagers pour des documents qu'elle a obtenus ailleurs est, effectivement, en train de les pénaliser pour ses propres insuffisances de sélection et d'acquisition, il ne semble pas raisonnable de faire payer les documents, mais c'est là une décision à prendre par la bibliothèque locale plutôt que par la nationale.

    De semblables questions peuvent s'appliquer aux services d'information. Dans les domaines des affaires ou celui des sciences, la plus grande partie, ou presque, de l'utilisation sera institutionnelle, alors que pour les sciences humaines et sociales, elle sera plutôt individuelle. Ici, le principe raisonnable est de savoir si l'usager peut choisir ou non : si l'individu a une option réelle entre une recherche personnelle ou de payer la bibliothèque pour le faire à sa place, il n'y a pas de conflit de principes.

    Bien que non mentionnée parmi les conditions préalables, la question du «démarrage» est importante pour certains types de services. Lorsque, par exemple, un service d'information sur les affaires est créé, il faut investir dans les collections, l'équipement et le personnel, avant de pouvoir obtenir le moindre revenu, et deux ans peuvent passer avant que les frais ne soient recouvrés, sans parler des coûts de démarrage. Si les fonds sont insuffisants, comme c'est le cas la plupart du temps, il faudra des raisons bien solides pour monter ces services. Le seul moyen convaincant d'avoir ces raisons, est de préparer un plan d'affaires à moyen terme, c'est-à-dire quatre ou cinq ans, en détaillant les dépenses et recettes prévues pour chaque année.

    Les mécanismes de paiement eux aussi doivent être fixés. Beaucoup d'unités de services sont tellement petites que ce serait bien trop cher de récupérer individuellement les coûts. Les frais pour récupérer les coûts seraient certainement plus élevés que l'argent encaissé. C'est le cas de la fourniture de fichiers bibliographiques et de documentation.

    Il existe plusieurs moyens de résoudre ce problème : travailler avec des unités de 50 ou 100 au lieu d'une seule, faire des souscriptions annuelles d'où l'on retire la somme à mesure que l'on rend des services, et ainsi de suite. Il faut aussi décider si le paiement est fait à l'avance, comme c'est le cas du Document Supply Centre de la British Library, ou bien après avoir rendu le service.

    La bibliothèque nationale doit décider si elle s'occupera à elle seule des services demandés en particulier, ou bien si elle travaillera en coopération avec le secteur privé. Par exemple, il peut être raisonnable de travailler avec un éditeur commercial pour les publications, car il aura le savoir-faire de l'étude de marché et de la distribution, et autres facilités dont on ne dispose pas à la bibliothèque nationale. L'éditeur sera aussi en meilleure position pour placer des publications spéciales sur le marché. Les services bibliographiques peuvent être offerts à travers des serveurs de bases de données, qui pourront les commercialiser à leur tour.

    Le domaine le plus vaste pour la coopération avec le secteur privé est probablement celui des services d'information. Ceux-ci peuvent être rendus directement aux usagers, ou bien être assurés par des courtiers en information qui exploitent les collections de la bibliothèque nationale au bénéfice des clients. Etant donné que le courtier en informations doit faire son bénéfice pour survivre, il a plus de motivations pour développer le marché et promouvoir le service que la bibliothèque nationale et il possède une connaissance certainement plus précise d'un marché spécifique. Il existe un certain nombre d'options, y compris l'établissement de sociétés commerciales pour le recouvrement des frais. La bibliothèque nationale peut être propriétaire de la société commerciale, qui fonctionnerait selon des règles vraiment commerciales, y compris la liberté de payer des salaires et des honoraires appropriés, en dehors de la grille des échelons du service public. En alternative, on pourrait passer un contrat global pour un service, mais cette procédure diminuerait l'intervention et la responsabilité de la bibliothèque nationale, et elle ne permettrait pratiquement pas d'obtenir des fonds utilisables pour d'autres activités. Dans tous les cas, la bibliothèque nationale doit s'assurer de pouvoir négocier avec le secteur commercial sur un plan d'égalité.

    La bibliothèque ne doit pas seulement être commercialement compétente, mais aussi être libérée des contraintes bureaucratiques. Les structures et les attitudes bureaucratiques derrière lesquelles on se retranche depuis des années et qui sont destinées à contrôler fermement l'application du budget, ou à répartir les responsabilités, peuvent conduire à des conflits avec des méthodes plus libres et plus commerciales.

    Désavantages des services payants :

    Nous venons de mentionner un certain nombre de difficultés et de problèmes techniques. Il y a aussi plusieurs désavantages possibles auxquels nous devons faire face.

    Le premier d'entre eux est l'élément du risque. Dans le cas d'une vaste opération commerciale, la défaillance d'un produit n'a pas beaucoup d'importance, mais dans le cas d'une bibliothèque nationale aux ressources limitées, la moindre bévue peut être nocive, politiquement parlant, et pour le personnel concerné.

    En parallèle avec le risque d'insuccès, il y a celui du succès exceptionnel. Un gouvernement qui croit que les activités commerciales doivent appartenir au secteur privé, peut très bien suggérer la privatisation totale d'une activité commercialement rentable menée par une bibliothèque nationale. Le problème est rarement résolu d'une façon nette, car tous les services sont le plus souvent basés sur les collections, dont les coûts seront rarement recouvrés. Mais le gouvernement peut encore suggérer que, même si les collections sont considérées comme un bien public, le service actuel soit commandé (ou même vendu) par le secteur privé. Le gouvernement peut ne pas être la seule organisation intéressée : le secteur privé peut très bien envisager avec grand intérêt une activité commercialement rentable et peut chercher à s'en emparer. Une offre semblable peut tenter une bibliothèque nationale qui est en manque de fonds, et plus encore un gouvernement, même si, à long terme, la bibliothèque nationale peut faire un bénéfice qui peut alimenter d'autres activités.

    Le succès peut aussi amener un gouvernement à obliger sa bibliothèque nationale à se concentrer dans des activités rentables au détriment des aspects non commerciaux.

    Il y a danger de déséquilibre et de distorsion à l'intérieur de la bibliothèque nationale : le personnel mis au service de certaines activités, comme la constitution des collections et la conservation, peut se sentir sous-estimé par rapport au personnel «commercial».

    Un autre péril est le démembrement de la bibliothèque nationale en deux parties tout à fait différentes : l'une consacrée aux services «de base» ; l'autre aux services «commerciaux». Le conflit d'éthiques entre les deux catégories peut être grave. D'un autre côté, si les choses sont bien gérées, non seulement les bénéfices des activités commerciales peuvent être utilisés pour subvenir aux activités «de base», mais encore les attitudes d'entreprise que le personnel commercial a besoin d'acquérir peuvent être partagées par le personnel non-commercial. Il est impossible d'être entreprenant sans être commercial.

    Problèmes plus larges :

    Tout ce qui a été dit montre que la bibliothèque nationale a besoin d'être tout à fait claire et nette sur ses fins et objectifs et sur l'équilibre entre ses activités commerciales et non-commerciales. Il se peut que des objectifs et des fonctions anciennes puissent être redéfinis pour produire des revenus, mais cela ne signifie pas que les fonctions séculaires de collecter et préserver le patrimoine soient moins valables qu'auparavant. Cela ne veut pas dire non plus que les chercheurs et les universitaires ne devraient pas avoir un accès direct et gratuit aux collections. La bibliothèque nationale doit cependant définir avec précision ce qui ne doit pas être payant, et pourquoi, et ce qui doit être payant.

    L'effet de demander un paiement aux autres bibliothèques ne saurait être ignoré. L'obtention de revenus, non seulement modifie l'appréciation de la bibliothèque nationale par les autres bibliothèques, par le secteur de l'information privée et par le public en général, mais cela peut affecter leurs actions. Les bibliothèques du Royaume-Uni ont été naturellement préoccupées par l'effet de l'augmentation du prix des services de la British Library sur leurs budgets ; mais plus récemment, les bibliothèques publiques étaient spécialement inquiètes de voir que l'établissement d'un paiement pour des activités comme les services d'information d'affaires pouvait servir de précédent pour les obliger à adopter la politique du service payant. Il est vrai qu'elles subissent une pression dans ce sens, mais non à cause de la British Library qui s'est uniquement limitée à devancer une tendance. Il est juste de dire que le comportement de la British Library est de plus en plus considéré avec un mélange d'admiration et de méfiance : de la méfiance, pour ce qui est du bien-fondé de la méthode, mais de l'admiration pour son audace.

    Toute bibliothèque nationale qui prend des mesures dans cette direction doit avant de prendre une décision précipitée, se soucier de mesurer leurs implications sur l'ensemble du système des bibliothèques du pays, et d'informer et consulter d'autres bibliothèques aussi rapidement et aussi largement que possible.

    Conclusion :

    Les bibliothécaires des bibliothèques nationales peuvent considérer que le fait d'obtenir des revenus est une nécessité douloureuse à laquelle on doit résister et qu'il faut ajourner le plus longtemps possible, bien une chose absolument table en elle-même, à laquelle doit s'attacher avec enthousiasme ; ou bien encore une évolution sirable, qui doit être gneusement, mais sans rejet. qui est clair, c'est que la recherche de revenus est en train de modifier fondamentalement les ques nationales sur le plan attitudes, leur image, leurs dures, leur savoir-faire, leur pendance, et leur «leadership» sur les bibliothèques du pays.