Index des revues

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    Le département de la Musique de la B.N.

    Situation et rayonnement

    Par François LESURE, ancien Directeur du Département de la Musique

    Le e Département de la musique aura cinquante ans en 1992. C'est peut-être un moment favorable pour tenter de faire le point et préparer cet anniversaire.

    Dès son origine, le Département fut constitué de trois sections : la centrale de la B.N. (au départ la sous-série Vm des Imprimés), les bibliothèques du Conservatoire national (créé en 1795) et de l'Opéra (ouverte au public en 1882). Ce rassemblement était largement justifié par la complémentarité des collections, la nécessité d'assurer un catalogage cohérent et la coordination à venir des acquisitions. Malgré les aléas des rattachements administratifs de ces deux derniers organismes et une relative lenteur pour rattraper le retard du catalogage, l'ensemble a fonctionné d'une manière satisfaisante. En 1964, à l'occasion de l'installation du Département rue de Louvois, les fonds les plus précieux du Conservatoire ont été réunis à ceux de la B.N. : l'essentiel du patrimoine musical français, issu des confiscations révolutionnaires et du Dépôt légal, se trouvait ainsi unifié, de par la volonté de Julien Cain et pour répondre aux voeux exprimés depuis longtemps par la communauté musicale.

    Le dernier acte administratif touchant l'organisation du Département interviendra en 1989: au moment où la Médiathèque du Conservatoire prend un nouveau départ dans le nouvel établissement de La Villette, les raisons qui avaient conduit à son rattachement à la B.N. disparaîtront. Le Département sera désormais constitué de deux sections : l'une, générale, au 2 et bientôt - espérons-le, au 4 rue de Louvois ; l'autre, spécialisée dans le théâtre lyrique et la danse : la Bibliothèque de l'Opéra, à laquelle est adjoint un musée, en passe d'être complètement rénové.

    La richesse des fonds du Département en a fait depuis de nombreuses années un centre très actif, à la fois sur la plan national et international. Dans un pays où les bibliothèques musicales sont encore très peu nombreuses, le Département joue un rôle irremplaçable, non seulement pour les chercheurs et les universitaires mais aussi bien les musiciens curieux de répertoire, les éditeurs graphiques et discographiques, les producteurs radiophoniques etc. Nombre d'expositions, organisées à la B.N. et à l'Opéra mais aussi au Musée d'art moderne et à la Villa Médicis, ont permis au grand public l'accès aux documents significatifs de thèmes d'actualité ou à ceux qui proviennent d'enrichissements récents. Dans le domaine de la recherche, il est le siège de la Société française de musicologie et apris l'initiative de mettre en place des équipes travaillant à l'édition critique de musique ancienne - comme celle de Marc-Antoine Charpentier et Jean-Philippe Rameau - ainsi qu'à la description scientifique des sources musicales manuscrites. Sur le plan professionnel, il a joué constamment un rôle de conseil pour la formation des catalogueurs et des bibliographes dans le cadre du CAFB et de l'Université, ou pour la constitution et le développement de bibliothèques provinciales.

    Dans le domaine international, le Département a joué un rôle déterminant dans la création (à Paris en 1951) et le développement de l'Association Internationale des Bibliothèques Musicales (AIBM). Un des membres du Département, Vladi-mir Fedorov, en a été successivement secrétaire et président et en fut surtout l'âme et le moteur constant, presque jusqu'à sa mort. Parmi les réalisations qui sont à mettre à l'actif de cet organisme, on retiendra la revue Fontes artis musicae (depuis 1954) et surtout le Répertoire International des Sources Musicales (RISM), dont le but est d'inventorier toutes les sources antérieures à 1800 conservées dans le monde. J'ai personnellement eu la charge du secrétariat central de 1953 à 1971 et suis aujourd'hui le vice-président de la commission qui dirige l'ensemble du RISM et dont le siège est depuis peu à Francfort. Le RISM se préoccupe maintenant de répertorier avec des moyens informatisés la grande série des manuscrits. Il faut malheureusement ajouter qu'après avoir été à la tête du mouvement, la France se trouve à l'heure actuelle en retard, du fait de l'ampleur de la tâche et de la faiblesse des moyens mis à la disposition du Département dans le cadre de l'accord B.N. - CNRS. Enfin, le Département assure depuis 1 ' origine la participation française au Répertoire International de Littérature Musicale (RILM), qui fournit depuis 1967 une bibliographie courante des publications consacrées à la musique.

    Au-delà de l'optimisme qui peut se dégager de ce bilan, l'avenir du Département se pose sérieusement à moyen terme, quel que soit le sort réservé aux grandes réformes récemment annoncées pour la B.N. Un premier problème concerne naturellement l'informatisation. En dehors du programme mis au point par Catherine Massip pour les manuscrits anciens destinés au RISM et dont la réalisation sera longue, rien n'a encore été fait, pas même pour la production courante de musique imprimée. Un second problème touche précisément à la conservation de cette production. La musique contemporaine fait de moins en moins 1 ' obj et d ' éditions graphiques traditionnelles et échappe ainsi au Dépôt légal. Les éditeurs se contentent souvent de tirer à la demande des photocopies du manuscrit de l'auteur. A la longue cette situation risque d'aboutir à un vide dans les collections nationales pour les oeuvres des générations actuelles, si l'on ne trouvait pas des solutions de remplacement. Il est possible qu'une entente avec le centre de musique contemporaine de la SACEM, en accord avec la Chambre syndicale des éditeurs de musique, permette un jour de compenser cette grave lacune.

    D'autres problèmes mériteraient évidemment d'être soulevés. Je retiendrai pour terminer celui de la formation des bibliothécaires. Comme toutes les sections spécialisées, le Département a besoin de conservateurs compétents dans son domaine propre. Entre 1 'ENSB et l'Ecole des Chartes, c ' est par hasard ou par chance que l'on arrive parfois à trouver des bibliothécaires possédant des connaissances musicales etmusicologiques. Depuis longtemps on attend la création d'un diplôme nettement supérieur au CAFB-option Musique. Il y a suffisamment de besoins dans les conservatoires nationaux et régionaux ainsi que dans quelques bibliothèques municipales possédant des fonds musicaux importants pour justifier cette création et trouver des débouchés à ce niveau.