(1) C'est en 1878 que fut créé, à l'initiative d'Ernest Hamy, le Musée d'Ethnographie du Trocadéro. Le nouveau musée, dont les collections étaient à l'origine essentiellement exotiques, prit place dans une partie des locaux du Palais du Trocadéro construit par les architectes Davioud et Bourdais pour l'Exposition universelle.
Cependant « un assistant de Hamy, Landrin, conçoit alors le projet de rassembler dans une section unique les objets provenant des régions françaises qui se trouvaient épars au milieu des collections d'ethnographie générale» (2) . Ainsi existera-t-il jusqu'en 1928, au sein du Musée d'Ethnographie, une petite salle de 130 m2 consacrée spécifiquement à l'ethnographie française, appelée Salle de France, dont la série bretonne constitue le noyau le plus riche.
Réorganisé par le Dr Paul Rivet, l'ancien Musée d'Ethnographie du Trocadéro doit pourtant fermer ses portes en 1935. Le Palais du Trocadéro est alors démoli et fait place deux ans plus tard, pour l'Exposition Universelle de 1937, à l'actuel Palais de Chaillot qui abrite les collections du nouveau Musée de l'Homme consacrées à l'univers des cultures, France exceptée. Dans les niveaux inférieurs de l'aile gauche du Palais de Chaillot s'installe le département des arts et traditions populaires créé, sous l'impulsion de Georges-Henri Rivière, par décret du 1er mai 1937 ; son fonds initial est constitué par les quelques 7300 numéros de la Salle de France de l'ancien Musée du Trocadéro.
C'est G.H. Rivière, premier conservateur en chef du nouveau musée, qui choisit d'appeler la nouvelle institution : Musée national des Arts et Traditions populaires. Dès 1937, une chaire des arts et traditions populaires est créée à l'Ecole du Louvre, un congrès international de folklore est réuni, les premières enquêtes sur le terrain sont lancées. Parallèlement la même année voit la création, dans le cadre du nouveau musée, d'une bibliothèque et d'archives scientifiques et documentaires. En 1947, le Musée des A.T.P. participe à la création de la Société d'ethnographie française (3) , dont il abrite le siège.
L'importance des collections, l'extension des services et des sections de recherche vont nécessiter quelque vingt ans plus tard la construction d'un bâtiment moderne et fonctionnel (fig.l) doté d'installations techniques perfectionnées. G.H. Rivière choisit d'élever le futur musée dans le Bois de Boulogne, à l'emplacement de l'ancien Palmarium du Jardin d'Acclimatation. Les nouveaux locaux de l'avenue du Mahatma Gandhi, où s'installe le Musée dès 1969, comprennent : 2 auditoriums (dont un de 332 places), des salles de réunion, des locaux techniques, des réserves situées en sous-sol, un laboratoire de restauration des objets ethnologiques, une bibliothèque, une photothèque et des archives scientifiques, une phonothèque, une iconothèque, des salles de consultation spécialisée, une galerie d'étude située en sous-sol réservée aux chercheurs et muséologues, une galerie culturelle au rez-de-chaussée restituant des objets dans leur espace culturel ancien (buron de l'Aubrac, atelier du tourneur sur bois ou du forgeron, mobilier d'un intérieur de Basse-Bretagne, etc.), une salle elle aussi située au rez-de-chaussée pour les expositions temporaires. Dirigé depuis 1968 par Jean Cuisenier, directeur de recherches au C.N.R.S, le Musée national des Arts et Traditions populaires a le statut d'un musée national dépendant de la Direction des Musées de France (Ministère de la Culture), doté depuis 1966 d'un laboratoire associé au Centre national de la recherche scientifique (Ministère de la Recherche et de la Technologie) sous le nom de Centre d'ethnologie française (Unité mixte 38 0018), dont le directeur est depuis 1986 Martine Segalen, directeur de recherches au C.N.R.S. Musée par ses locaux, ses collections, ses moyens de fonctionnement, mais aussi Laboratoire par ses chercheurs, son équipement scientifique, ses programmes, l'établissement est consacré à l'étude de la société française et des peuples de culture française (4) .
Occupant la quasi totalité du 7ème niveau et une grande partie du 8ème niveau, ainsi qu'une surface de 120 m2 en sous-sol pour des magasins de périodiques, la Bibliothèque du Musée national des Arts et Traditions populaires émane de l'ancien office de documentation folklorique créé en 1937 dans le cadre du Musée. Elle estj rattachée depuis 1958 à la Bibliothèque de conservation du Musée du Louvre, et est dirigée depuis 1981 par un conservateur d'Etat mis à la disposition de la Direction des Musées de France par la Direction des Bibliothèques, des Musées et de l'information scientifique et technique ( Ministère de l'Education nationale).
Riche d'environ 70.000 volumes, dont 5.000 ouvrages anciens (datant essentiellement du XVIIIe siècle) et 2.500 titres de périodiques (deux tiers français et un tiers étranger) dont plus de 800 en cours, la Bibliothèque conserve également dans ses fonds: - une importante collection d'impressions populaires (plus de 2.000 pièces) publiées en France de la fin du XVIème siècle au début du XIXème siècle. Les principaux centres de la littérature de colportage y sont représentés (Paris, Troyes, Rouen, Lille, Limoges, Caen) et tous les thèmes chers aux petits livrets bleus y sont évoqués : des vies de saints (La Vie de Sainte-Anne, La Vie de Saint-Charles Borromée, La Vie de Saint-Ortaire,...) aux cantiques spirituels (Cantique spirituel sur le Jugement dernier, Cantique de Judith,...) et ouvrages de dévotion (Dévotion au Sacré Rosaire de Nostre-Dame, La Journée du chrétien sanctifiée par la prière et la méditation,...) ; des belles princesses (L'Histoire de la belle Hélaine de Constantinople, L'Innocence reconnue ou l'admirable vie de Ste Geneviève, comtesse de Brabant,...) et preux chevaliers (Histoire des quatre fils Aymon (fig.2), La Terrible et épouvantable vie de Robert le Diable, Histoire de Pierre de Provence et de la belle Maguelonne,...) aux voleurs et bandits au grand coeur (Histoire du fameux Louis-Dominique Cartouche, Histoire de Louis Mandrin (fig.3),...) ; des types célèbres aux héros vrais ou imaginaires (Grandes et inestimables chroniques du Grant et énorme Géant Gargantua, L'Histoire joyeuse et récréative de Tiel-Ulespiegle, Histoire nouvelle et divertissante du bon-homme Misère,...) ; de la méchanceté des femmes (L'Imperfection des femmes, La Malice des femmes,...) à la malice des hommes (Le Mari mécontent de safemme, Les Cinq maris et la pucelle, Sermon en faveur des cocus,...) ; des astrologues (Prophéties très-anciennes et très certaines de Thomas-Joseph Moult, Le Miroir d'astrologie ou le passe-temps de la jeunesse,...) aux textes bachiques (La Troupe des bons enfants assemblés à hôtel des Ragouts, La Grande Confrairie des saouls d'ouvrer et enragés de rien faire avec les statuts d'icelle, Sermon de Bacchus,...) ; des ouvrages de civilités (La Civilité honneste, La Civilité puérile et honnête,...) aux contes de fées (La Barbe bleue, La Belle aux cheveux d'or, le Prince Lutin,...).
Ce fonds, déjà riche, de livrets de colportage s'est accru début 1987 par l'achat de quelque 150 impressions populaires rouennaises (Lecrêne-Labbey, P. Seyer, Ch. Bloquel, Jean Oursel, Vve Trenchard-Béhourt) provenant des collections patiemment réunies par le Dr René Hélot. Geneviève Bollème a par ailleurs donné à la Bibliothèque, en janvier 1986, tous ses fichiers de travail (fichier de la Bibliothèque bleue de Troyes, fichiers par thèmes, etc). Enfin la rédaction du Catalogue raisonné des impressions populaires conservées à la Bibliothèque du Musée national des Arts et Traditions populaires est maintenant terminée. Son auteur, Marie-France Noël, ingénieur de recherche au Ministère de la Culture, met actuellement la dernière main à la présentation de ce premier volume en vue de sa publication, en 1988, par les éditions de la Réunion des musées nationaux,
Les fonds de la Bibliothèque des A.T.P. reflètent la double appartenance à la Direction des musées de France et au Centre national de la recherche scientifique du Musée-Laboratoire. Ses documents concernent les arts et traditions populaires, le folklore et l'ethnologie de la France, la muséologie, mais aussi l'ethnographie, l'anthropologie sociale et culturelle, la méthodologie des sciences sociales, la connaissance des sociétés européennes. L'accroissement des collections se fait par dons, échanges principalement pour les périodiques avec la revue Ethnologie française, acquisitions sur des crédits modestes alloués chaque année par la Bibliothèque centrale du Louvre et par le C.N.R.S. (dont la moitié sert à payer des abonnements de périodiques).
Des enrichissements exceptionnels viennent de temps à autre compléter harmonieusement ses collections :
La salle de lecture d'une superficie de 115m2(fig.5), située au 8ème niveau du bâtiment, peut accueillir 32 lecteurs. Avec ses larges baies vitrées dominant une partie du Bois de Boulogne et du Jardin d'Acclimatation, ses fauteuils confortables, son mobilier teinté acajou et ses tables blanc cassé, elle offre un lieu de travail agréable pour la consultation sur place. Ouverte du lundi au vendredi inclus (5) de 9h30 à 17h sans interruption (les communications sont toutefois suspendues entre 12h et 14h, et après 16h) la Bibliothèque du Musée-Laboratoire est utilisée par les conservateurs du Musée et par les chercheurs du Centre d'ethnologie française (80 personnes) qui ont droit au prêt des documents et à l'accès aux magasins de livres. Pour les lecteurs étrangers à l'établissement, elle est accessible aux universitaires et étudiants travaillant dans le domaine de l'ethnologie, aux élèves de l'Ecole du Louvre, aux membres de l'enseignement, aux membres des associations régionalistes et folkloriques, aux personnes autorisées justifiant de recherches nécessitant le recours à ses fonds spécialisés (artisans, costumiers, architectes, etc.).
N'ayant pas la vocation de bibliothèque de lecture publique, la Bibliothèque des A.T.P. ne peut en effet recevoir tout visiteur curieux de simple information sur les arts et traditions populaires ou le folklore. La bibliothèque de son lieu de résidence est parfaitement apte à lui communiquer les renseignements et documents utiles.
Les communications se font exclusivement sur place, par l'intermédiaire d'un bulletin de demande ; pas de libre accès, sauf pour des usuels disponibles sur les rayonnages de la salle de lecture (encyclopédies, manuels et dictionnaires divers) ainsi que le dernier numéro paru de quatre périodiques : Ethnologie française, Revue du Louvre, Terrain, Bulletin de la Société des amis du Musée national des Arts et Traditions populaires ; pas de prêt à domicile non plus des documents. En revanche la Bibliothèque participe au réseau du prêt interbibliothèques.
Les normes internationales de catalogage de l'ISBD(M) pour les monographies, et de l'ISBD(S) pour les périodiques sont suivies pour la rédaction des notices bibliographiques depuis quelques années. Divers catalogues sur fiches permettent de consulter les documents :
Comme beaucoup de bibliothèques spécialisées, la Bibliothèque du M.N.A.T.P. utilise une classification qui lui est spécifique. Le cadre de classement alphanumérique privilégie, chaque fois que cela est possible, la localisation géographique des ouvrages et des périodiques permettant ainsi le regroupement des documents sur les rayonnages par province ou par département pour la France, et par pays pour l'étranger ; par exemple :
1.1/5 Bretagne 1.1 1 Finistère - 1.2 Côtes du Nord - 1.3 Morbihan - 1.4 Loire Atlantique - 1.5 Ile et Vilaine.
Lorsque l'ouvrage ou le périodique ne s'inscrit pas dans un cadre géograhique, le document se voit alors attribuer une cote thématique précédée, soit de la lettre B pour les matières relatives aux arts et traditions populaires, soit de la lettre C pour les autres domaines ; par exemple : B COS Costume, parure, bijoux - C AET Anthropologie, ethnologie - LEC Conte, légende - LIN Linguistique - MDP Médecine populaire - SCL Sociologie.
L'utilité d'un tel cadre de classement alphanumérique est évidente pour les chercheurs du Musée-Laboratoire qui, ayant accès aux magasins de livres, trouvent facilement tous les ouvrages de leur spécialité regroupés sur les rayonnages (des bulletins d'emprunt sont toujours remplis par les conservateurs comme par les chercheurs ; l'une des souches est mise dans les magasins, à la place de l'ouvrage sorti, par le personnel de la bibliothèque ; l'autre est classée dans le fichier du prêt).
Pour faciliter un certain nombre de recherches ponctuelles souvent demandées par les lecteurs, des dossiers contenant une bibliographie sommaire ainsi que des photocopies d'articles de périodiques, de brochures ou de pages d'ouvrages ont été constitués, d'une part sur la construction et l'historique du musée actuel, d'autre part sur les principales fêtes du calendrier : Epiphanie, Carnaval, Pâques, 1 avril, 1er mai, Saint-Jean, Sainte-Catherine, Saint-Nicolas, Noël, Saint-Sylvestre, etc.
Enfin la Bibliothèque dispose d'un petit atelier de reliure et de restauration d'une superficie de 44 M2-qui permet de protéger solidement quantité de brochures et d'ouvrages par un cartonnage toile, de laver les pages jaunies ou tachées des livres anciens, de restaurer les reliures en cuir déchirées, ou de monter sur onglets les pages ou les planches dont les fonds sont insuffisants. Mais, précisons-le, tout ce travail se fait de manière artisanale, entièrement à la main.
La Bibliothèque des A.T.P. est pourvue depuis quelques années seulement d'un personnel qualifié, titulaire des diplômes professionnels requis, mais largement insuffisant pour pouvoir à la fois faire face au traitement des entrées courantes et à l'accueil des lecteurs, et absorber les nombreuses collections anciennes d'ouvrages et de périodiques restées en attente de traitement. Pour ne citer qu'un seul exemple de cet état de fait, mais très significatif : les «fonds de récupération» de 1953 n 'étaient pas encore traités quand j'ai pris mes fonctions en juin 1985 ; ils ne le sont pas davantage deux ans plus tard, faute de moyens.
Par ailleurs, si la Bibliothèque adhère au réseau bibliographique du Catalogue collectif national informatisé des périodiques (CCN), elle n'est pas encore informatisée pour le moment. Mais ces questions sont à l'étude, et son informatisation devrait se mettre en place dans les années à venir à la faveur notamment de l'introduction prochaine des procédures informatiques à la Bibliothèque centrale de conservation du Louvre.
Cette présentation de la Bibliothèque des A.T.P. resterait toutefois incomplète s'il n'était pas fait allusion aux autres services documentaires du Musée :
Grâce à cet important ensemble documentaire, riche de quelque 800.000 objets et collections de types très divers, le Musée national des Arts et Traditions populaires (6) offre ainsi au chercheur un vaste champs d'investigations lui permettant - à partir d'ensembles ethnographiques variés, rassemblés dans une large perpective anthropologique - de réunir une documentation diversifiée sur quantité de thèmes relatifs à la société française et aux pays de culture française.