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    Le marché des notices en France

    Stratégie de la Bibliothèque nationale et enjeux pour les bibliothèques en France

    Par Serge Salomon, responsable de la diffusion base BN-OPALE.

    L a récupération de notices bibliographiques auprès de sources alimentées par des producteurs de notices est actuellement une des questions majeures pour les bibliothèques. En effet, au moment où elles s'équipent de systèmes informatiques souvent coûteux et hétérogènes, elles souhaitent, d'une part, disposer sur leur propre matériel d'une base chargée dès le démarrage la plus importante possible et, d'autre part, éviter ou tout au moins réduire le travail de catalogage de leurs acquisitions courantes.

    La journée d'étude de l'ABF du 25 juin 1987 sur le marché des notices bibliographiques était à cet égard symptomatique. Je rappellerai les principales conclusions de la motion finale (voir l'article de Marcelle Beaudiquez dans le n0138) :

    • 1. Nécessité de la normalisation, de 1 ' adoption d'un format unique d'échange et du développement de fichiers d'autorités ;
    • 2. Demande d'une étude comparative des coûts réels d'utilisation de diverses sources pour le catalogage courant et la récupération rétrospective ;
    • 3. Nécessité de constituer un réservoir national donnant accès aux notices françaises et étrangères.

    Depuis, le paysage a continué d'évoluer et chacun est mieux à même de comparer les services fournis par les différentes sources et leur adéquation aux préoccupations légitimes des bibliothèques exprimées, entre autres, dans cette motion finale.

    Le rapport qualité/prix d'un système de gestion de bibliothèque ne se mesure pas seulement en terme de fonctionnalités bibliographiques et de puissance de l'ordinateur -le contenant-, mais aussi en terme de contenu, c'est-à-dire de qualité et d'exhaustivité de l'information bibliographique accessible aux professionnels et aux lecteurs de la bibliothèque. Ce rapport qualité/prix, une fois disparues les difficultés de la montée en charge, devrait pouvoir se mesurer dès la fin de la première année.

    Des exemples récents nous montrent les graves problèmes qu'ont rencontrés certaines bibliothèques pour reprendre un catalogue récupéré dans de mauvaises conditions.

    Il n'est pas sûr que les bibliothèques, et les services informatiques chargés de les conseiller, aient toujours bien mesuré qu'un système de gestion de bibliothèque est un ensemble (matériel, logiciel et données) qui doit être réalisé dans le cadre d'une prestation globale.

    Au moment où les bibliothèques s'apprêtent à choisir leur source principale pour constituer leur base de départ ou récupérer les notices de leurs acquisitions courantes, elles auraient en effet intérêt à se poser au préalable les questions suivantes :

    1. Exhaustivité ?

    Quelles sont les sources qui offrent les meilleures garanties d'exhaustivité ? A titre d'information, sur l'année 1988 par exemple, 5.500 éditeurs ont déposé 37.000 ouvrages à la Bibliothèque Nationale.

    2. Qualité ?

    Quelles sont les sources qui offrent les garanties de qualité de l'information en terme de normalisation des points d'accès (fichiers d'autorité auteurs et matières), d'utilisation d'un véritable format MARC et de contrôle bibliographique document en main ?

    3. Pérennité du service ?

    Quelles sont les sources qui ont vocation à perdurer parce que telle est leur mission et parce qu'elles possèdent les ressources nécessaires et des solutions informatiques durables ?

    4. Support et compétence ?

    Quelles sont les sources qui offrent aux bibliothèques le meilleur support en terme de compétence bibliographique et technique ?

    5. Normalisation ?

    Quelles sont les sources qui offrent des services d'échange aux normes internationales, gages de solutions informatiques moins coûteuses et ouvertes vers d'autres systèmes et réseaux ?

    Des expériences récentes montrent que malheureusement certaines bibliothèques ne se sont pas posé ce minimum de questions, privilégiant ce qu'elles ont cru être le plus approprié à court terme ou suivant les conseils intéressés de leur fournisseur de systèmes informatiques. Elles courent ainsi le risque de se retrouver face à de graves problèmes de reprise de fichiers ou de s'isoler à terme du réseau national qui devrait progressivement se constituer et dans lequel les données de la base BN Opale devraient constituer, pour la production française tout au moins, un pôle incontournable.

    La Bibliothèque Nationale, déjà sollicitée par plusieurs bibliothèques ou réseaux français et étrangers, considère en effet qu'il est de sa mission d'aider les bibliothèques françaises à constituer une base de données bibliographique la plus cohérente et la plus propre possible.

    Sur le marché des notices, principalement pour celles concernant la production imprimée nationale, la base BNOPALE gérée par la Bibliothèque Nationale présente les caractéristiques suivantes :

    • Elle contient la totalité des notices de la Bibliographie de la France depuis 1975 (d'ici un an, elle contiendra le catalogue complet de la BN depuis 1970) ; elle offre aussi, pour la production courante, les notices créées dès le Dépôt Légal avant leur enrichissement par la Bibliographie de la France.
    • Elle constitue la plus importante base bibliographique française : 680.000 notices aujourd'hui : 1,2 million de notices, d'ici un an.
    • Elle s ' accroît au grand rythme de 70.000 notices/an, essentiellement du Dépôt Légal (37.000 titres/an).
    • Depuis décembre 1987, y sont catalogués en ligne l'ensemble des ouvrages entrés à la BN par dépôt légal, achat, don, échange.
    • Le catalogage y est contrôlé par des fichiers d'autorité constamment nettoyés, vérifiés et mis à jour au fur et à mesure du catalogage des ouvrages (noms de personnes : 250.000 notices ; collectivités : 50.000 notices ; mots-matières RAMEAU: 110.000 notices).
    • Les formats d'échange utilisés sont les formats répondant aux normes internationales (UNIMARC, ISO 1001, ISO 2709, ISO 5426).
    • La fourniture de ses notices bibliographiques peut se faire sur bandes magnétiques à partir de bandes de requêtes (sur ISBN, numéro de bibliographie ou Au-teur/titre/éditeur/date) ou sur profil, permettant à une bibliothèque de constituer une base de départ.
    • La fourniture de ses notices bibliographiques courantes sur bandes magnétiques peut aussi donner lieu à abonnement annuel, aux notices du Dépôt Légal et/ou à celles de la Bibliographie de la France
    • Ces divers services de fournitures sont assurés à des prix très raisonnables (1,50 F à 3,70 F la notice).

    Ces services sont dès maintenant utilisés par des bibliothèques françaises équipées de systèmes GEAC, OPSYS et CLSI. Les interfaces nécessaires sont en cours de mise au point par DOBIS et l'Agence de Coopération de la Région Rhône-Alpes, de telle sorte que les bibliothèques équipées de ces systèmes pourront très prochainement bénéficier des services bibliographiques de la BN.

    Une nouvelle étape sera franchie prochainement. Dès la mi-mai 1989, le CDROM de la bibliographie française complète depuis 1975 sera commercialisé par la société Chadaryck-Healey France (400.000 notices tenant sur un seul disque pour un abonnement annuel de 6500 Francs ; parution semestrielle prévue en 1989 puis trimestrielle en 1990). Des services en ligne seront également proposés prochainement.

    Les difficultés de démarrage de l'informatisation du catalogage étant maintenant résolues, le service du Dépôt Légal a accompli un travail considérable de rattrapage de telle sorte que le traitement de la production bibliographique y est actuellement à jour. La Bibliothèque Nationale a par ailleurs mis en place les moyens pour tenir les délais de catalogage du Dépôt Légal à huit jours et étudie actuellement diverses mesures pour faire en sorte que certains éditeurs respectent mieux les délais légaux de dépôt. Si l'on sait que les notices du Dépôt Légal sont conformes à la norme moyenne, ces dispositions devraient répondre à l'attente des bibliothèques de lecture publique, pour une part moins intéressées par les notices complètes de la Bibliographie de la France».

    En conclusion, la Bibliothèque Nationale, consciente de sa mission, possédant un système informatique fiable et opérationnel depuis plus d'un an, s'est fixée pour stratégie en 1989-1990 d'offrir, de développer et d'ouvrir ses services bibliographiques à l'ensemble des bibliothèques françaises, quel que soit le système choisi par elles, afin que puissent se réaliser les conditions techniques d'un vaste réseau national permettant l'échange de notices et la gestion d'un catalogue collectif national.

    De leur côté, les bibliothèques françaises doivent faire effort pour prendre conscience des enjeux réels à long terme et apprendre à mieux se reconnaître à travers extrême confusion et la concurrence sans merci qui règnent sur la marché français entre les fournisseurs de systèmes et les différents réseaux ou sources qui proposent des services de fourniture de notices.