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TOBIAS à la bibliothèque universitaire du Havre

1989

    TOBIAS à la bibliothèque universitaire du Havre

    Une expérience de collaboration

    Par Pauline LEVENT, conservateur chargée de la direction

    Créer une bibliothèque universitaire aujourd'hui tient un peu de la gageure et exige un pragmatisme poussé : à chaque pas, habitudes et principes doivent céder devant les exigences du moment. Naturellement celles-ci ne sont pas particulières au Havre, partout on connaît la pénurie de personnel, exiguïté des locaux. Disons qu'ici nous touchons au cas limite : 630 m2, c'est la plus petite surface de France ; 4 personnes obtenues à grand peine, c'est moins, semble-t-il, que le minimum ; 80 places pour 2.500 étudiants, c'est maigre aussi...! Bref, une micro-bibliothèque !Tâchons d'en tirer les conséquences, bonnes ou mauvaises. Et tout d'abord une évidence : il faut, à tout prix, décharger le personnel de tout ce qui peut être confié à des machines. Et nous voilà, tête première, plongés dans un projet d'informatisation, en accord d'ailleurs avec les instance de l'Université qui informatise d'emblée tous ses Services. Cette urgence nous est encore confirmée par le peu d'importance du "fonds ancien", hérité de l'ancien "Département des Affaires Internationales", aujourd'hui Faculté.

    C'est, en catalogage, un arriéré qu'il sera possible de résorber assez vite, avantage considérable : combien de nos majestueuses bibliothèques anciennes risquent de traîner longtemps un double catalogue : sur fiches (ou même sur registres !!) jusqu'à la date du..., informatisé ensuite. D'où notre ardeur à plonger sans attendre.

    Encore faut-il regarder où l'on plonge ! Au passage, un grand merci à tous les collègues, de Paris ou de province, qui nous ont aidés à éclairer notre religion balbutiante. Nous ne fatiguerons pas le lecteur en lui détaillant nos recherches et nos hésitations devant le maquis - relatif ! - des solutions possibles. Au départ, une certitude : la bibliothèque universitaire du Havre est, et restera, une petite bibliothèque universitaire. Rouen et Caen, toutes deux beaucoup plus importantes, sont tout proches. Le Havre n'a que deux facultés et un I.U.T., et probablement en restera là : les facultés de Lettres et de Médecine ne sont pas prévues. Par conséquent, il serait inutilement onéreux de prendre un système trop important et trop lourd financièrement. Nous sommes d'ailleurs confirmés dans cette optique par la position de la D.B.M.I.S.T. à qui il faut demander un financement spécial, l'installation informatique ne pouvant tenir dans notre modeste budget de fonctionnement. même avec la contribution de la Ville, nous ne pouvons viser trop haut. Nous ne pouvons notamment envisager la dépense d'une unité centrale indépendante, il nous faut à tout prix nous rattacher à un système existant déjà. Et là, nous avons été frappés par la performance du système adopté depuis plusieurs années par la toute proche bibliothèque municipale du Havre, qui d'ailleurs accueille depuis longtemps et continuera d'accueillir nos étudiants trop à l'étroit chez nous. Cette collaboration nous est précieuse. Déjà largement répandu en France, dans la Lecture publique, créé par des bibliothécaires pour des bibliothèques et parfaitement adapté à leurs besoins, le système TOBIAS non seulement donne satisfaction, mais continue à se perfectionner grâce aux efforts d'un club d'utilisateurs, dynamique et vigilant. Les principales fonctions effectivement en usage sont très performantes : catalogage précis, minutieux et tout à fait superposable aux normes dont nous avons l'habitude, avec possibilité de rectifications au fur et à mesure de la saisie, puis après coup. prêt par lecture optique très rapide, avec possibilité de réservations et de prolongations, réclamations automatiques, inscriptions des lecteurs très complètes et diversifiées, systèmes d'acquisitions correspondant tout à fait aux besoins d'une bibliothèque universitaire, statistiques multiples, etc..., le tout en français avec clavier AZERTY.

    Une version 2 est attendue prochainement, qui comportera des améliorations et de nouvelles fonctionnalités : bulleti-nage des périodiques... Bref les exigences particulières d'une Bibliothèque Universitaire trouvent là leur réponse, bien que jusqu'à présent la Lecture publique soit seule représentée parmi les usagers. C'était donc, dans notre cas particulier, la solution la meilleure. Ajoutons l'avantage considérable de ne pas devoir établir un cahier des charges particulier puisque nous trouvons là un système parfaitement adapté et déjà expérimenté. Et nous sommes allés frapper à la porte de la bibliothèque municipale.il nous faut ici rendre hommage à l'esprit de compréhension et de collaboration que nous avons immédiatement rencontré chez nos collègues. En harmonie complète avec l'attitude de la Municipalité vis-à-vis de l'Université, qui réellement lui doit son existence, elles ont immédiatement perçu les aspects positifs de la collaboration que nous sollicitions : catalogue collectif, catalogue partagé, travail en réseau. Elles ont immédiatement et très activement attaqué l'aspect administratif du problème et l'année 1987 n'était pas finie que la convention qui autorise la bibliothèque universitaire à utiliser le système informatique de la bibliothèque municipale était signée. Ses points essentiels : pour une durée de 3 ans, renouvelable, nous sommes, au point de vue informatique, l'annexe 4 de la bibliothèque municipale, avec la possibilité de résiliation sous préavis de 6 mois de part et d'autre. La bibliothèque municipale reste l'administrateur du réseau. Nous avons acheté nos machines et payé les frais de raccordement à l'unité centrale de la bibliothèque municipale. Nous utilisons le système dans toutes ses fonctionnalités, dans l'optique d'un catalogue commun, en respectant la cohérence des fichiers auteurs et matières ; nous créons des notices et ajoutons notre localisation aux notices déjà faites. La coopération intellectuelle est facilement réalisée par un contact constant. La bibliothèque municipale assure la formation individuelle des agents de la bibliothèque universitaire (formation payante), elle veille elle-même au bon état de fonctionnement des réseaux et se charge des sauvegardes quotidiennes et hebdomadaires. La bibliothèque universitaire a versé un droit d'entrée unique, et participe aux frais de maintenance générale, au prorata du nombre des volumes de chaque établissement, soit 2 1/2 %. même proportion à prévoir si cette extension devait provoquer modification ou changement d'un gros appareil.Naturellement nous ne sommes pas indépendants ! Mais quel avantage, pour un bébé chancelant, d'avoir un guide et la protection de son ainée plus expérimentée ! Dans trois ans nous verrons si nous sommes adultes. Pour l'instant, pas de faux orgueil : la proportion de 2 1/2 % donne exactement le rapport de nos importances.

    Voilà comment nous avons démarré, au 1er janvier 1988. A la bibliothèque universitaire, trois terminaux et une imprimante, 6.000 volumes déjà catalogués sur fiches. Plutôt que de commencer tout à la fois, nous avons préféré porter d'abord notre effort sur la montée en charge du catalogue, puisqu'aussi bien il faut que tous les livres aient leur code-barre pour pouvoir être prêtés. Donc, conservant pour l'année universitaire le système de prêt manuel déjà en cours, nous avons affecté les trois terminaux au catalogage.

    L'unique bibliothécaire-adjoint a été couronné chef d'équipe, flanqué de deux puis trois saisonnières déjà formées, pour encadrer un petit bataillon de T.U.C. et monitrices, au total 12 personnes, qui sont toutes passées par la formation progressive assurée par la bibliothèque municipale. Nous avons expérimenté là combien un système bien conçu et très détaillé permet d'employer du personnel peu formé au ,départ. Naturellement sa surveillance était constante : le travail, fait le volume en main, consistait à recopier les fiches bristol préalablement vérifiées et rectifiées. Il était tiré le lendemain matin sur imprimante, puis corrigé aussitôt, besogne un peu fastidieuse, mais diminuant de jour en jour grâce à l'expérience grandissante de chacune. Au demeurant, des séances limitées à deux heures environ évitent une trop grande fatigue génératrice d'erreurs, et permettent d'utiliser à plein les trois terminaux. La cotation a été conçue selon une C.D.U limitée à six chiffres maximum : en effet TOBIAS a prévu sept espaces. D'ailleurs dans une bibliothèque de libre accès total, il est préférable de ne pas utiliser des cotes trop longues, qui provoquent des erreurs de rangement, et sont trop compliquées pour le lecteur moyen. Six chiffres en général peuvent suffire, et simplifient rangement et recherche. A ce niveau d'ailleurs, on pourrait parler de Dewey détaillée plutôt que de C.D.U. simplifiée ; les deux systèmes parfois se recouvrent et parfois se complètent.

    TOBIAS donne d'ailleurs la possibilité d'une 2ème cote, également de sept caractères, dont six chiffres, ce qui permet d'affiner la recherche. Naturellement nous recherchons toujours la cohérence entre le fichier-matières et le système de cotation.

    Pour les mots-matières, nous recherchons en priorité la cohérence avec la bibliothèque municipale, et les contacts sont constants à ce sujet. En cas de problème, RAMEAU est notre guide. Mais au niveau qui est encore le nôtre, nous n'en avons pas encore le besoin fréquent.

    Nous abordons maintenant, après cette première étape, une révision générale du thésaurus déjà constitué. Cela se fera avec la bibliothèque municipale et comportera surtout des rectifications de détail (majuscules, ponctuation...) et la mise au point de renvois généraux. Pour l'ensemble du thésaurus, TOBIAS permettant des vérifications au fur et à mesure du catalogage, il ne devrait pas y avoir de grosses surprises, mais seulement un "nettoyage" de détails. Le mois de juillet, qui fait les salles désertes et le personnel clairsemé, a été consacré au catalogage des ouvrages de la salle de lecture, et des exclus du prêt : dictionnaires, encyclopédies, etc. Ce travail était presque terminé à la fermeture. d'août. Le reliquat nous a menés environ à la Toussaint.Notons que parallèlement à cette saisie rétrospective, les achats courants de l'année étaient eux aussi saisis sur terminal, directement cette fois. Nous en sommes au total à 8.500 saisies en dix mois.

    La coexistence de ce travail à la chaîne avec un libre accès total et un prêt aux lecteurs atteignant 150 par jour a parfois posé des problèmes, en général vite résolus, mais n'a jamais provoqué de blocages. La très grande bonne volonté des catalogueuses était fort fiée par leur double casquette : toutes alternaient catalogage et service public, la moitié étaient des étudiantes, donc à la fois usagères de la bibliothèque et employées comme monitrices. Elles étaient donc bien placées pour comprendre, et partager, les problèmes des étudiants attendant l'indispensable manuel en cours de saisie.

    Le plus gros était fait pour aborder, à la rentrée de septembre 1988, l'informatisation du prêt.

    A la même rentrée, l'université mettait en service l'informatisation des inscriptions étudiantes. On a donc mis au point l'articulation des deux systèmes, le passage à la bibliothèque terminant la chaîne suivie par chaque étudiant.

    Une bonne étude des diverses étapes a permis un rythme régulier, sans à-coups et sans trop de surprises. En six semaines, 1.500 inscriptions, soit la moitié environ du public (l'I.U.T., situé dans un autre quartier, a sa propre bibliothèque, ses étudiants viennent moins nombreux à la bibliothèque uni-versitaire).Parallèlement, au fur et à mesure, se mit en place le prêt informatisé. En cette saison (septembre), la rentrée des cours n'est pas encore faite. Cela reporta l'affluence à une date où les inscriptions sont presque terminées. A cette date, un 4ème terminal était mis en service, évitant l'embouteillage inscription-prêt sur le même appareil.

    Dès à présent nous avons le catalogue en ligne, ce qui vaut d'être signalé : tout fichier a disparu, on peut consulter le catalogue sur terminal, à la bibliothèque universitaire, à la bibliothèque municipale, et même sur Minitel. Naturellement cela n'a été possible aussi vite que pour un fonds de 8.500 ouvrages. Mais c'est une étape essentielle pour la bibliothèque. Chaque notice est accompagnée des localisations des divers exemplaires, bibliothèque universitaire, bibliothèque municipale centrale ou annexe de ville. Sur place, le libre accès total de la bibliothèque universitaire limite les consultations au seul public des enseignants et chercheurs, les thésards sont encore rares dans notre jeune université.

    Mais les enseignants attendaient avec impatience le catalogue sur Minitel. Notons que la bibliothèque municipale n'a pas encore commencé la saisie de son fonds d'étude, mettant en priorité le fonds de prêt public à la Centrale et dans les annexes. C'est donc essentiellement le travail de la bibliothèque universitaire qui constitue le catalogue coté actuellement consultable, et donc la base première du catalogage partagé. La bibliothèque universitaire n'est donc pas uniquement un "coucou" s'installant dans le nid d'autrui, elle participe très largement au travail commun. Nous attendons d'ailleurs avec impatience la possibilité d'utiliser les notices OPALE (bibliothèque nationale) qui permettront de réduire notablement la charge de cataloguage du personnel dans les deux établissements.

    Voilà donc où nous en sommes au bout de huit mois, bilan tout provisoire : catalogue collectif en ligne, prêt automatisé, inscriptions de lecteurs, statistiques. Notons au passage la rapidité d'entrée de tout le travail : dès le lendemain matin tous les classements sont en ligne. Les statistiques correspondantes sont aussitôt à jour et consultables à tout moment.

    D'autres fonctions vont être employées d'ici peu : acquisitions, regroupements de collection, statistiques budgétaires et, en 1989, périodiques. Projet immédiat pour 1989 : même travail pour la bibliothèque de l'Institut Universitaire de Technologie (5.000 volumes).

    La physionomie de la bibliothèque change rapidement : tout fichier à disparu, les terminaux fleurissent : le prêt est beaucoup plus rapide et efficace. Le personnel est très satisfait, déchargé de corvées matérielles fastidieuses : frappe de fiches, intercalation, vérifications. Chacun se sent "dans le coup".

    Mais si la charge de travail est différente, plus spécialisée, elle ne diminue pas. Il n'est pas question de pouvoir réduire le personnel (le rythme du travail est accéléré et les lecteurs plus nombreux vont l'augmenter encore). Après le coup de collier du démarrage, le rythme de croisière est désormais plus rapide, puisque le bateau est plus puissant. L'acrobatie quotidienne qui est notre lot depuis trop longtemps doit faire place à une structure plus solide et plus organisée.Et grâce à un équipage renforcé, vogue la galère!