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L'informatisation de la médiathèque départementale de la Drôme

1989

    L'informatisation de la médiathèque départementale de la Drôme

    Par j Perret, Directeur de la médiathèque.

    L e 9 janvier 1989, la Médiathèque Départementale de la Drôme (ex BCP), effectuait sa première tournée de bibliobus avec 1 ' aide d'un système intégré de gestion informatisée de bibliothèque (système OPSYS, portables TEXON).

    S'il s'agit du premier département français à commencer ainsi la nouvelle année, d'autres vont le rejoindre rapidement (Ain, Vaucluse, Saône-et-Loire, Somme...). En effet, les manipulations de fiches dans les tournées de bibliobus, et au retour des tournées, s'apparentent au supplice de la goutte d'eau : obsédant, lancinant, c'est bon quand ça s'arrête ! Comment expliquer aux élus du Conseil Général qui, dans la Drôme, s'étaient beaucoup impliqués dans un plan départemental de développement de la lecture publique (le premier qu'un département ait signé avec le Ministère de la Culture dès 1982), qu'il faut différer la formation des bénévoles ou la restructuration du réseau, parce que les bibliothécaires ont trop de fiches à intercaler ? Et comment demander aux bibliothécaires de s'investir personnellement dans de nouvelles actions, tandis que l'on passe des heures à manipuler des fiches ?

    L'informatisation du prêt paraissait la première solution pour sortir des contradictions, assumer de nouvelles missions, tout en assurant la fonction de distribution. C'était le moyen de libérer, physiquement et psychologiquement les bibliothécaires, et de récupérer du temps de travail.

    Cette priorité a déterminé, dès 1985, le premier choix d'un système simplifié, type gestion de stock, mis en oeuvre rapidement, ne nécessitant pas de lourd investissement (achat d'un micro-ordinateur et deux portables), qui a permis de gérer informatiquement, de septembre 1985 à décembre 1988 plus de la moitié des tournées de bibliobus de la Drôme. Ce système simplifié aurarendu de grands services :

    • en supprimant toute manipulation de fiches à la centrale de Valence, il aura libéré du temps de travail immédiatement réinvesti :
      • pour accélérer la reprise des fonds : en décembre 1988, 140.000 documents sur le département, sont équipés et catalogués (grâce à la récupération de notices).
      • pour lancer un vaste programme, diversifié et centralisé, de formation des bénévoles (500 personnes touchées par les différents stages en 3 ans).
    • en permettant aux bibliothécaires de mesurer les difficultés, mais aussi les bénéfices de l'informatisation, il leur aura permis de trouver la motivation pour ce travail colossal et ingrat qu'est la reprise des fonds.
    • en impliquant, dès 1985, le Conseil Général, dans l'informatisation de laBCP, alors service de l'Etat, il l'aura préparé à prendre le relais, dès 1988, lorsque fut annoncée la «pause» dans le développement du programme informatique de la Direction du Livre.

    Il devenait en effet impossible d'attendre plus longtemps : le Département s'apprêtait à ouvrir au public deux nouveaux équipements de lecture publique qui avaient été conçus pour fonctionner avec l'aide de l'informatique (trois bibliothécaires pour ouvrir au public une médiathèque composée de trois sections et pour assurer la desserte en bibliobus d'une cinquantaine de communes). Ces deux médiathèques départementales étaient la concrétisation de l'une des grandes originalités du plan départemental de 1982.

    La gestion des prêts aux individus étant, dans ces équipements, au moins aussi importante que la gestion des prêts par bibliobus, rien ne justifiait d'attendre la naissance d'un hypothétique logiciel spécifique aux BCP. En février 1988, le département de la Drôme a donc fait le choix du système OPSYS pour équiper l'ensemble de ses sites : Valence, Die, Saint-Vallier, et Nyons en 1990. Le système OPSYS bénéficiait déjà d'une forte implantation dans les bibliothèques municipales de Rhône- Alpes, grâce au soutien spécifique que lui avait apporté la Région (gratuité du logiciel pour les communes), mais grâce aussi à la qualité du produit, qui bénéficie d'une excellente réputation auprès des utilisateurs et qui a fait la preuve de ses capacités à évoluer avec les besoins (échanges de fichiers, interfaces, catalogage multimédia...). Nous attendions de l'informatique une aide, pas la lune, nous avons eu l'aide...et le temps pour contempler la lune.

    La nuit, on récupère...

    Lorsque le souci de gagner du temps pour pouvoir faire autre chose, est dominant dans le processus d'informatisation, on est évidemment très attentif à ne pas devoir refaire un travail déjà fait. La récupération devient le nouveau fil conducteur.

    C'est la récupération des prêts, c'est-à-dire la capacité du nouveau système à lire les étiquettes collées précédemment et à récupérer les fichiers de transaction du système précédent.

    C'est surtout la récupération des notices de catalogue. La Drôme, équipée depuis 1985 de terminaux de catalogage, avait localisé, fin 1988, 120.000 exemplaires, correspondant à 35.000 notices, dans la base LIBRA Rhône-Alpes, gérée par l'ACORD. Ces notices devaient être et ont toutes été récupérées et reversées dans le système OPSYS.

    Il convient de souligner, qu'en développant les interfaces avec les systèmes locaux de gestion, l'ACORD fournit une aide considérable aux bibliothèques de Rhône-Alpes.

    Ainsi, en mars 1988, le Département de la Drôme ouvrait au public la médiathèque de Die sans avoir pu la doter d'un système de prêt automatisé. Aucun document n'y était ni équipé pour l'informatique, ni catalogué dans une base. Le système OPSYS a été livré le 25 juin 1988.

    Il était alors impensable de fermer, pour informatisation, une médiathèque que l'on venait d'inaugurer. Pourtant, le 15 septembre, 15.000 livres étaient disponibles au public et prêtés par crayon optique.

    Cela a nécessité une forte mobilisation, et toute la compétence des bibliothécaires et des renforts. Mais en développant la récupération, avec lecture optique du code-barre ISBN, des notices de la base Rhône- Alpes, l'ACORD n'a pas seulement apporté un précieux gain de temps.

    Elle a permis de dépasser une contradiction très difficile à gérer: c'est d'abord le gain de temps qui persuade les élus d'informatiser ; pour emporter la décision, il est donc préférable d'oublier d'insister sur lafermeture des équipements...Etpour ne pas se discréditer, il est vivement conseillé de ne pas fermer !

    Soit le théorème bibliothéconomique suivant : le crédit auprès des élus, croît avec le crédit dépensé pour la récupération de notices.

    Une fois le système installé, la récupération des notices des nouveautés sur la base ACORD se fait la nuit : tous bibliothécaires sous les couettes.

    Le jour, c'est réseau...

    Chaque site (Valence, Die, Saint-Vallier, puis Nyons en 1990) est équipé d'une unité centrale, de terminaux et de portables, lui assurant une totale autonomie de fonctionnement.

    Plusieurs raisons ont conduit à cette configuration :

    • l'autonomie de gestion de chaque site était déjà un choix d'organisation : budget distinct, acquisition et gestion en local...
    • l'étude des coûts sur cinq ans tend à montrer que la configuration centralisée n'est pas plus économique : investissement plus faible, mais frais annuels de transmission élevés.
    • les horaires et jours de fonctionnement ne sont pas identiques sur les trois services (ouverture le samedi à Die et à Saint-Vallier).
    • le Conseil Général voulait étaler la dépense sur plusieurs budgets et ne pas commencer par le site central.

    Cette configuration peut laisser à penser qu'il n'y a plus que des services isolés. Le réseau a été sacrifié, le coeur des bibliothécaires saigne.

    En réalité, chaque site est autonome pour ce qui relève de la gestion des prêts, qui est une affaire strictement locale, qu'il n'est ni utile, ni recommandé de rapatrier sur un site central. Mais chaque site est en mesure de se connecter et d'emprunter le réseau de communication le mieux approprié à son besoin du moment. S'agitil de récupérer des notices ? Nous l'avons vu, la base ACORD rend inutile un intermédiaire au plan départemental. S'agit-il d'alimenter un catalogue collectif ? Là encore, on se connecte à la base régionale. S'agit-il de localiser un livre qui n'est pas dans son fonds ? Pour une localisation de voisinage, le minitel donne accès aux autres bibliothèques du département (médiathèques départementales mais aussi médiathèques municipales de Valence et Romans). Pour une recherche plus large, la base ACORD est prochainement interrogeable par minitel. Mieux vaut partir des usages, et ne pas faire une autoroute là où la départementale suffit. Lorsque le trafic augmentera, nous élargirons les voies, et rectifierons les chicanes.

    Mais le réseau est aussi celui dont chaque site départemental est le centre, et qui est constitué de l'ensemble des bibliothèques communales ou relais du milieu rural. C'est là une fonction spécifique des BCP.

    Chaque médiathèque départementale a pour mission d'enrichir et de développer toutes les formes de communication possibles avec ces petites bibliothèques. Pour ce réseau, l'informatique est une aide précieuse.

    C'est, nous l'avons vu, la rapidité et la fiabilité dans la gestion des prêts à ces bibliothèques. C'est aussi une bien meilleure connaissance des flux d'échanges par des statistiques affinées. C'est surtout la possibilité pour les bibliothèques des communes rurales d'interroger par minitel le catalogue de la médiathèque départementale de leur secteur et donc de connaître rapidement l'existence et la disponibilité d'un document. Le sentiment d'isolement s'en trouve réduit, la notion de collections et de recherche de documents s'en trouve enrichie, 1 ' appartenance à un réseau prend tout son sens.

    L'informatisation n'est pas une fin en soi. Elle apporte rapidité et fiabilité dans la gestion. Elle permet surtout aux médiathèques départementales d'engager de nouvelles actions d'aide aux communes dans le développement d'un service de lecture publique de bon niveau : après les actions de formation, ce sera, en 1989, l'aide à l'animation des bibliothèques, l'intensification de la présence des bibliothécaires dans les communes, l'organisation de journées d'étude et de rencontre décentralisées, la relance d'un bulletin de liaison et d'information.