L'histoire du fonds arabe à la Bibliothèque Nationale reflète celle des relations multiformes et complexes (religieuses, politiques, commerciales, culturelles et idéologiques) entre l'Occident et l'Orient arabo-mu-sulmano-chrétien. Ce qui souligne d'emblée son importance.
En effet, la Bibliothèque Nationale conserve la collection des imprimés arabes publiés en Europe occidentale (l'Italie, la France, la Hollande, l'Allemagne, l'An-gleterre,...) au cours des XVIème, XVIIème et XVIIIème siècles.
Elle possède aussi un certain nombre des premiers imprimés arabes publiés en Europe orientale au cours du XVIIème siècle et quelques uns de ceux publiés au Levant par des chrétiens orientaux au XVIIème siècle, notamment à Alep, à Chouir, au Mont-Liban et à Constantinople. Elle conserve aussi un bon nombre d'ouvrages publiés par la deuxième génération des imprimeries installées en Orient au XIXème siècle, notamment celle de Boûlâq, et les oeuvres d'arabisants européens du XIXème siècle et de la première moitié du XXème siècle.
Ces imprimés constituent des témoins précieux de l'histoire des mouvements intellectuels en Occident et en Orient et de celle des relations multiples que ces deux mondes ont tissées entre eux au cours de cette longue période (XVIème - XXème siècles).
C'est en 1514 que la première semence fut jetée. C'était une prière, au nom de Dieu... C'est le fameux «Kitâb Salât as-Sawâh'î» (Livre de la prière des heures) publié à Fano, ville italienne au Sud de Venise qui joua un rôle précurseur dans la typographie orientale. La deuxième semence fut un psautier «Mazâmîr» polyglotte (hébreu, grec, arabe, chaldéen et latin), oecuménique...universel, édité à Venise en 1516 par le savant dominicain, humaniste etkabbaliste, connaisseur des langues orientales, Augustin Giustinia-ni, évêque de Nebbio (1470-1530). C'est encore au nom de Dieu...l'universel. Il est interessant de noter qu'il fut dédié à François 1er, fondateur du «Dépôt légal français».
Après Dieu, c'est la langue, supposée la clef de la «communication» et de la «connaissance», universelles elles aussi. Et c'est à Paris,en 1538, qu'un alphabet arabe, dont la graphie fascine encore aujourd'hui, paraît dans le «Linguarum duodecim characteribus differentium alphabetum» de Guillaume de Postel (1510-1581), «savant mystique, illuminé» et orientaliste «très renaissant». C'est lui aussi, devenu le premier professeur de la première chaire d'arabe créée à Paris au Collège de France en 1539, qui publie la «Grammatica arabica» à Paris en 1543.
Depuis, les imprimeries fondées dans les pays d'Europe occidentale impriment, outre les ouvrages religieux, les oeuvres médicales et philosophiques d'Avicenne, des livres de grammaire, de mathématiques, d'histoire, de géographie, de littérature, d'astronomie...
Ces imprimés furent cueillis par la Bibliothèque nationale et conservés dans sa chaude et bienveillante matrice (ces imprimés dits incunables sont en grande partie, conservés à la Réserve). Ils constituent une collection d'environ trois cents titres. Des observateurs curieux les ont recensés ou décrits (1) .
Ce fonds comporte aussi quelques uns des premiers imprimés arabes publiés au XVIIème siècle en Europe orientale et au Levant.
Ce fonds arabe ancien, dont on devine la richesse, représente un grand intérêt à divers titres : il permet de suivre l'histoire de la genèse et du développement de l'imprimerie et des études arabes en Europe, la naissance de l'Orientalisme, phénomènes, entre autres, liés à la Renaissance occidentale. Il permet aussi d'appréhender l'introduction de l'imprimerie en caractères arabes au Proche-Orient ( à Alep en 1706, à Istambul en 1726, au Chouir en 1734 et à Beyrouth en 1751) et son impact socio-culturel sur cette autre «Renaissance», laRenaissance arabe «an-Nahdah» au XIXème siècle, qui doit, en partie, sa genèse au développement de la presse et du livre imprimé.
L'aspect intellectuel du mouvement de la Renaissance arabe d'un côté - le développement de l'imprimerie, l'apprentissage des langues européennes, les missions d'étudiants en Europe, la pénétration européenne dans le monde arabe dès les premières décennies du XIXème siècle, l'implantation des écoles occidentales, l'établissement des instituts nationaux organisés sur un modèle européen, l'apparition des traducteurs- et le développement de l'Orientalisme, sous ses diverses formes, de l'autre, contribuent au développement, puis à l'essor de la production intellectuelle en langue arabe.
C'est ainsi que le fonds arabe ancien s'enrichit d'une partie des premiers imprimés de la célèbre imprimerie de Boûlâq au Caire -installée en 1821, par une équipe égyptienne formée à Milan et qui fonctionna à plein à partir de 1822 sous la direction de Nicolas al-Masabki (m. 1830), d'origine libanaise- dont des traductions d'ouvrages français de médecine, de chimie, de mathématiques, d'histoire...
Il s'enrichit aussi et surtout des travaux des orientalistes : les manuscrits édités de façon critique, traduits et commentés; les multiples instruments de travail qui furent confectionnés sur la base de ces sources (bibliographies, dictionnaires, grammaires, etc.) (2) .
A cela, il faut ajouter un certain nombre d'imprimés publiés en Algérie.
En l'absence de spécialistes et de services spécialisés, ces ouvrages furent catalogués au fur et à mesure de leur entrée d'une manière très sommaire. Recatalo-gués, ils figurent dans le Catalogue Général des Imprimés de la Bibliothèque Nationale.
Recatalogué après par le Service arabe, le fonds dit ancien fut publié dans un catalogue paru en 1986 (cf. Publications).
L'acte de naissance d'un service spécial pour les imprimés arabes à la Bibliothèque Nationale porte les marques de l'éminent savant Monsieur Maxime Rodin-son, Directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (3) .
Ce père fondateur nomme : Service arabe du Département des entrées Etrangères ; fixe des normes : translittération des caractères arabes en caractères latins : la Recommandation ISO/R 233 ; établit des lois : l'établissement de la vedette selon les normes de l'onomastique arabe ; crée un foyer pour les nouveaux-nés... et c'est tout un peuple : fichier d'autorité, fichier arabe indépendant. C'est ainsi que furent créées les structures de base du Service arabe tel qu'il existe aujourd'hui.
Des aînés, tels que le regretté Monsieur Ahmad Abd AI-Ghani Bioud et Monsieur Daniel Eustache ont consolidé son oeuvre et ont accompagné, par leur savoir et leur travail, la croissance et développement du service arabe.
Et à partir de 1960, le catalogue des ouvrages arabes constitue une tranche autonome du catalogue générale: la tranche décennale.
Au début des années 1970, le service arabe reçoit une impulsion nouvelle. Il double le chiffre de ses acquisitions, améliore la qualité de leur choix et de leur traitement, affine ses méthodes de travail. Il devient un outil de travail très apprécié par les chercheurs arabisants et arabophones.
Le fonds arabe des livres imprimés à la Bibliothèque Nationale s'élève à environ 22.000 titres (30.000 volumes).
Les ouvrages entrés entre 1514 et 1979 furent publiés en trois catalogues
La tranche 1980-1989 est en cours.
Il s'élève à environ 1.300 titres. Le fonds courant compte à peu près 400 titres dont 370 revues et une trentaine de quotidiens, essentiellement en arabe et en français. Il est géré en collaboration avec le Département des Périodiques (Services des Périodiques Etrangers).
Le Service arabe couvre la production éditoriale de l'ensemble des pays arabes: Algérie, Arabie Saoudite, Bahrein, Egypte, Emirats Arabes Unis, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Mauritanie, Oman, Qatar, Soudan, Syrie, Tunisie, Yémen Arabe du Nord, Yémen Démocratique du Sud.
Cette production oscille entre 8.000 et 9.500 monographies par an. Elle représente environ 1 % de la production mondiale du livre.
A défaut de statistiques précises, nous avons procédé par recoupement des informations dont nous disposions, pour établir le tableau suivant qui donne une idée approximative, mais très proche de la réalité, de la production du livre arabe et sa répartition d'après le classement de la CDU, selon une moyenne annuelle de 8.500 livres, chiffre établi sur la base de la production des deux dernières années: 1988-1989.
Le Service arabe est chargé de l'acquisition d'ouvrages en langues arabe et, depuis 1987, d'ouvrages en langues européennes (essentiellement en français et en anglais) publiés dans les pays arabes. A partir de documents bibliographiques divers on procède à une sélection serrée selon des critères qui tiennent compte à la fois du besoin des chercheurs, de la qualité des publications et du souci de suivre l'évolution socio-politico-économique du monde arabe, les courants idéologiques qui le traversent et le mouvement de la création littéraire. Nous prêtons une attention particulière aux textes inédits et aux ouvrages classiques.
L'effort d'acquisition porte sur les secteurs suivants :
Ouvrages de référence : encyclopédies, bibliographies, ouvrages biographiques. Sciences religieuses. Philosophie. Sciences sociales.
Philologie. Dictionnaires : généraux et spécialisés. Histoire des sciences arabes. Sciences arabes classiques (médecine, astronomie, mathématiques...) Histoire et critique littéraires. Les classiques de la littérature arabe. Un choix très serré de la création littéraire contemporaine. Histoire. Géographie historique. Les classiques des géographes arabes.
La moyenne annuelle des acquisitions se situe entre 850 et 1.000 ouvrages (environ 10% de la production arabe). Les acquisitions sont effectuées par achats, échanges et dons. Les ouvrages entrés par échange ou par don et non retenus par le Service arabe sont attribués à d'autres établissements.
A titre indicatif, les deux tableaux suivants donnent une idée précise des acquisitions du Service arabe au cours des deux dernières années, 1987-1988:
Les échanges jouent un rôle important. Ils entretiennent et développent les relations culturelles entre la France et le monde arabe. Ils constituent un moyen appréciable pour l'acquisition d'une partie des publications du monde arabe. Les acquisitions provenant des trois pays du Maghreb se font uniquement par échange.
La Bibliothèque Nationale est liée par des conventions d'échange avec la Syrie et les trois pays du Maghreb : l'Algérie, le Maroc et la Tunisie.
Elle entretient des échanges réguliers avec les principaux établissements suivants :
Le Service arabe collabore avec les divers Départements de la Bibliothèque Nationale et les Etablissements qui s'occupent de l'aire culturelle arabe.
Il existe en France de nombreuses Institutions qui gèrent des fonds en arabe ou sur le monde arabe.
On ne peut citer ici que les établissements les plus importants. Mais l'on peut consulter à ce sujet le répertoire publié par l'Institut du Monde Arabe intitulé : «Répertoire des bibliothèques et des Organismes de documentation sur le monde arabe» (RIMA).
L'IREMAM regroupe les centres suivants :
Le CRESM possède une base de données (la Base Maghreb) de caractère bibliographique concernant l'Afrique du Nord, dans les domaines des Sciences sociales, pour la période contemporaine. Elle comprend (au 1er mai 1988) 26.000 notices, et s'accroît d'environ 3.000 notices nouvelles par an. Elle est accessible soit sur place, à partir de la Bibliothèque de l'IREMAM (4) , soit à distance, par terminal classique (accès par modem via Transpac) ou par Minitel (3614), en se connectant au SUNIST (5) Code SUN
4. Pour ce faire, il suffit de demander à celui-ci l'ouverture d'un compte d'interrogation.
Il faut enfin noter que le CCOE (Catalogue Collectif des Ouvrages Etrangers) de la Bibliothèque Nationale a publié, avec la participation de l'Institut du Monde Arabe, un Catalogue des ouvrages en arabe acquis par environ 56 bibliothèques arabisantes en France, entre 1952 et 1983 :
Catalogue Collectif des ouvrages en langue arabe acquis par les Bibliothèques françaises 1952-1983. Paris ; München ; London ; New York : SAUR, 1984. - 4 volumes.