Index des revues

• Calenge, Bertrand, Doubroff, Olivier
  Médiathèques Publiques, N° 71-72, Par Gascuel, Jacqueline p.55.
• Le crosnier, Hervé
  L'Edition électronique, Par Pansu, Alain p.55.

Nous rapprochons volontairement ces deux brochures multigraphiées, car elles nous paraissent nées d'un même constat : l'inégalité des droits de nos concitoyens en matière de lecture ! En effet, quel conservateur de BCP ne s'est-il pas un jour, au retour d'une tournée dans les zones profondes de son département, senti saisi du doute : "qu'est-ce que ces bibliothèques dérisoires, composées de quelques dizaines, au mieux quelques centaines de livres, dont le personnel n'est pas formé, ni même parfois motivé... apportent à la lecture publique ?" "qu'est-ce que ces bibliothèques dérisoires sans périodiques, ni ouvrages de références, ni documents audiovisuels ont à voir avec la médiathèque à laquelle nos concitoyens aspirent ?" "Ne sommes-nous pas en train de diffuser parmi une bonne moitié de la population française - et bon nombre d'élus - une image terriblement négative de la bibliothèque ?" ... Même s'il éprouve un réel plaisir à traverser la forêt à l'heure où le givre matinal se dissout en une brume légère, à faire le prêt en regardant passer les vaches ou en respirant l'odeur du foin fraîchement coupé, à mesurer le rythme des saisons à l'état des labours et des récoltes,... le conservateur de BCP se demande si ces plaisirs-là suffisent à justifier la présence d'un bibliothécaire.

A ce doute ontologique, dans les années 1968, certains ont cru trouver une réponse : la création de "Bibliothèques de Secteur", qui auraient la charge, à partir d'une bibliothèque centrale, d'alimenter en livres toute la population d'un secteur géographique, regroupant environ 100 000 habitants. Las, ce plan avait contre lui d'espérer des moyens sans commune mesure avec les maigres crédits dont disposait la Direction des bibliothèques et de la lecture publique - et de ne reposer sur aucune structure administrative existante dans un pays qui compte 35 800 communes de moins de 10 000 habitants ! L'échec était inévitable. Nostalgie, amertume ou agressivité s'expriment donc dans le dernier numéro de "Médiathèques Publiques" qui fut pendant quinze ans l'organe des défenseurs de ce projet utopique. Mais nous y trouvons aussi l'évocation de 20 années d'histoire de la lecture publique à laquelle l'ABF fut mêlée... pour le meilleur et pour le pire. Et seul le meilleur demeure : un extraordinaire développement des bibliothèques publiques et "l'irrésistible ascension des bibliothèques pour enfants".

La réponse que tente d'apporter la Bibliothèque centrale de prêt de Saône et Loire au problème de la lecture publique du monde rural n'est pas fondamentalement différente : "La logique de l'essaimage doit céder la place à la reconnaissance de pôles attractifs vers lesquels se déplace la population". Mais cette réponse s'inscrit dans un autre contexte : non pas celui de 1945 ou 1968, mais celui de la décentralisation qui est désormais un fait acquis. Et il faut se fonder sur les réalités administratives et socio-économiques pour essayer de rassembler les habitants des zones rurales autour d'une véritable bibliothèque dont l'aire de desserte idéale tournerait, aujourd'hui, autour de 10 000 ou 20 000 habitants plutôt que de 100 000. Il existe déjà une planification de l'implantation des pharmacies, tout comme il existe des regroupements scolaires ou des zones de recrutement des CES ; il faut étendre à la lecture publique l'idée d'associer plusieurs communes sur un même projet. Dans le cadre d'un DESS, Olivier Doubroff a étudié les fondements théoriques d'une telle association ou "intercommunalité" et a mené l'enquête auprès des usagers de la BCP de Saône - et - Loire. Bertrand Calenge, directeur du service, argumente un plan de développement de la lecture à l'échelle d'un département et nous invite à repenser les modes d'intervention : Où faire un prêt direct ? Comment transformer les bibliothèques relais en un maillage documentaire efficace ? Comment cibler l'intervention de la BCP ? Une masse de réflexions utiles et décapantes, même si elles ne sont pas toujours parfaitement cohérentes - et si les succès de "l'intercommunalité" restent encore bien modestes dans les faits.