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La communication interne à la Bibliothèque nationale

1989

    La communication interne à la Bibliothèque nationale

    Par Anne ZALI, chargée de mission Direction de la Valorisation et de la Communication.

    Deux jardiniers vivaient en frères, échangeant confidences et conseils, éprouvant même joie à contempler les fleurs bien ouvertes. Eloignés l'un de l'autre par les hasards de l'existence, séparés par les guerres entre les empires, repoussés de jardin en jardin, ils parvinrent à deux extrémités opposées du monde. Or voici qu'après des années, l'un des deux jardiniers reçut de son ami une lettre qu'il lut comme un poème : «ce matin j'ai taillé mes rosiers». Et il chercha fébrilement jour et nuit la réponse. Et les arbres en souffrirent un peu car il chercha pendant longtemps comment «se transporter tout entier dans sa vérité chez son ami». Et voici qu'un matin il trouva quelques mots qui franchirent les montagnes : «Ce matin, moi aussi j'ai taillé les rosiers». C'est ainsi avec des mots simples, que, d'après Saint-Exupéry, se rejoignent par delà les montagnes les amoureux des roses. C'est sans doute dans cette rigueur passionnée de parole, visant comme une règle d'or, l'ajustement absolu à son destinataire, que se joue l'essentiel de la communication interne. Quant à savoir ce que ce terme, de création relativement récente, recouvre ou suggère, il ne faut point compter sur les fichiers matière de la B.N pour y parvenir : ils l'ignorent superbement... La notion elle-même semble bien partager avec la manne biblique le caractère définitivement interrogatif («Man Hou» signifiant en hébreu «qu'est-ce que c'est ?») propre aux vérités nomades. Son identité ne s'invente que dans le mouvement. Elle consiste à trouver en marchant, laréponse juste aune situation bloquée, le plus souvent sous la pression d'une urgence extérieure dont le rôle déclencheur est incontestable.

    C'est en septembre 1988 qu'a été crée le poste de chargé de mission pour la communication interne à la B.N, rattaché d'abord directement à l'administrateur général, puis à la Direction de la Valorisation et de la Communication au 1er février 1989. L'objectif proposé était d'assurerune circulation normale de l'information à l'intérieur d'un établissement souffrant, depuis toujours , du cloisonnement des services et d'une parcellisation abusive des tâches liées à une inépuisable complexité des structures, des bâtiments (n'ayant jamais fait l'objet d'une reconstruction d'ensemble), des collections. Il n'est que de relire le savoureux rapport rédigé par Prosper Mérimée en 1858 sur la Bibliothèque Impériale : «chacun ayant sa spécialité, croit bien faire en s'y renfermant».

    Le chargé de mission reconnaissait trois buts prioritaires :

    • permettre au personnel d'être informé avant l'extérieur et d'être sensibilisé aux enjeux de l'établissement
    • laisser la possibilité à chacun de s'exprimer et ouvrir des espaces à «l'information remontante»
    • contribuer à plus long terme à une «mobilisation des énergies» de l'ensemble du personnel dont la première étape serait une meileure connaissance réciproque des services et une plus vive reconnaissance du travail de chacun.

    Le travail à accomplir s'inscrivait en partie dans une continuité : il s'agissait de reprendre la «Lettre d'Information» de la B.N. dont le premier numéro, trimestriel, avait paru en mars 1979.

    Pour une autre part, il était inédit, puis-qu'il devait mener une réflexion. sur les moyens à mettre en oeuvre pour assurer l'élaboration et la diffusion de l'information à destination du personnel (les utilisateurs de la B.N., visiteurs ou lecteurs, ne relevant pas, au sens strict, de la communication interne).

    La «Lettre d'Information» tirée chaque mois à 1500 exemplaires par les soins de l'Atelier de Multigraphie de la B.N, offrait, sans conteste, un point d'appui privilégié, mais largement insuffisant :

    • élaboration entravée par les difficultés de collecte des informations, fragmentaires, dispersées, tardives.
    • rédaction bousculée, trop hâtive.
    • présentation insuffisamment attractive, en l'absence de tout moyen technique de mise en page.
    • retard pris au moment du tirage, rendant souvent caduques un certain nombre d'informations ponctuelles.

    Il semble toutefois possible d'envisager une amélioration à court terme de la «Lettre» grâce à :

    • La mise en place d'un réseau effectif de correspondants l'alimentation régulière d'un dispositif d'information téléphonée
    • la création d'une «boîte à idées»
    • l'implantation d'une chaîne de PAO
    • l'élaboration d'une nouvelle maquette plus séduisante de la «Lettre» qui devrait être le point de départ d'une série de modifications : choix d'un titre (au moyen d'un concours organisé auprès de l'ensemble du personnel), redéfinition des rubriques et ouverture de nouveaux espaces consacrés à une meilleure connaissance des services et du personnel (interviews, courrier des lecteurs, dossiers thématiques élaborés avec le service du personnel...)

    Par ailleurs le réaménagement du Hall de la B.N. prévu pour 1990 devrait permettre l'implantation de bornes interactives et par là-même la diffusion rapide de données d'information en direction des utilisateurs de la B.N. certes, mais aussi du personnel sans dispenser toutefois d'une installation spécifique à destination du personnel seul (dans le hall de la cantine par exemple) dont le but serait la diffusion des informations ponctuelles internes.

    La mise en place d'un service des visites plus étoffé, s'appuyant sur une nouvelle documentation présentant les différents départements de la B.N devrait être l'occasion d'une meilleure connaissance en profondeur du travail des services.

    La création d'un centre de documentation professionnelle mettant à disposition de chacun les revues spécialisées, ouvrages, articles de presse, permettant une meilleure compréhension de l'établissement, irait dans le même sens. L'élaboration d'un document audiovisuel de présentation de la B.N serait une base excellente de discussions et de débat à l'intérieur de l'ensemble de l'institution. Enfin l'accueil des nouveaux arrivants, chaque automne, devrait donner lieu à des festivités de bon aloi : réception, bal ou autre.

    Il semble bien en être de la communication interne comme de cet étrange jeu chinois dont la forme est une boule d'ivoire sculptée comme de la dentelle, à travers les trous de laquelle on peut apercevoir une infinité de boules ciselées s'emboîtant finement les unes dans les autres. Tout l'art du jeu consiste, «en tournant, à retrouver l'ordre originel par lequel les trous en s'emboîtant les uns dans les autres, permettent à la lumière d'irradier librement entre intérieur et extérieur.»

    Tout «le risque du jeu c'est de fausser cet univers fragile par sa volonté propre : un effort trop intense, la dentelle craque et le germe ne verra jamais le jour, un effort trop faible, il ne se passe rien et le germe pourrit...» »

    Le bonheur du jeu c'est l'accès à cette connaissance qui permet de sentir JUSTE, au moment opportun en toute circonstance, et de trouver dans cette respiration commune la force de soulever des montagnes...

    Bibliographie :

    Antoine de Saint-Exupéry: «Citadelle». Paris, Gallimard, 1948.

    Chantai de Dianous : «le Grand jeu du Taiji : la boule de Canton». Paris, 1989.