Les bibliothèques d'art poursuivent rondement, en matière de rencontres et d'échanges, leur bonhomme de chemin.
Réunis à Saint-Etienne les 20 et 21 octobre 1989 à l'initiative de la Sous-Section de l'ABF, aux confins de la «fureur de lire» stéphanoise et dans la blancheur splendide du Musée d'Art Moderne, plus d'une centaine de collègues venus de toute la France (et même de Suisse) ont ainsi dressé l'état du réseau et défini plusieurs lignes d'action.
Le nombre et surtout la diversité des institutions représentées apportèrent une confirmation concrète et vigoureuse du rôle fédérateur, «transversal», que peut et doit jouer l'outil associatif.
La première demi-journée, qui put paraître formaliste, s'en est aussi trouvée justifiée : il s'agissaiten effet, par une information réciproque, de permettre aux différentes administrations concernées, à la fois de présenter leurs compétences et leurs orientations, et de mieux appréhender la réalité des bibliothèques d'Art: diversité des établissements (de leurs tutelles, de leurs tailles, de leurs publics), richesse des collections, complexité des missions.
Les représentants des ministères ont donc offert une information détaillée sur 1 ' action des différentes directions :
L'occasion est aussi donnée de faire le point avec Dominique Jamet sur l'avancement du projet Bibliothèque de France et de souligner l'effet d' entraînement que peuvent en attendre les bibliothèques d'art, notamment grâce à la réflexion menée sur deux aspects : la notion de réseau, et les innovations bibliothéconomiques, organisationnelles ou technologiques. L'essentiel de la réunion de Saint-Etienne est ensuite consacré aux problèmes de coopération et à la présentation d'outils collectifs intéressant les bibliothèques d'art.
Le point est fait, par Maryse Bidault (CNRS), sur la fusion entre le R.AA. (Répertoire d'art et d'archéologie) et le RILA (Répertoire international de la littérature d'art), opération franco-américaine complexe : le «Yalta de l'histoire de l'art», qui aboutit enfin, en 1990, à la création d ' un outil bilingue couvrant toute l'histoire de l'art: le BHA. (Bibliographie d'histoire de l'art).
Il a également semblé utile de demander à Chantai Freschart de présenter le CCN, encore sous-utilisé dans les bibliothèques d'art, et à Jean-François Depelsenaire de rendre compte du projet «Videomuseum Art du XXe siècle» dont la philosophie apporte à la réflexion en cours sur les catalogues collectifs une approche pragmatique et complémentaire.
Les objectifs définis dans ce domaine sont les suivants : analyse détaillée des outils existant dans le domaine de l'art (bases de données, bibliographies, etc) en terme de qualité, d'exhaustivité et d'accessibilité ; état des lacunes constatées, notamment dans les domaines francophones et contemporains ; publication des résultats (sous forme de manuel de bibliographie) ; information sur les points de consultation de ces outils ; contact avec les organismes concernés afin d'obtenir que les lacunes soient couvertes ; organisation éventuelle d'un partage à l'échelon national des dépouillements non assurés.
Le groupe de travail, présidé par Nicole Picot (BPI), s'est mis en place dès septembre 89. L'étude est en cours, grâce au concours du Centre Pompidou (qui la finance) et de la Bibliothèque Publique d'Information (qui prévoit de la publier au sein de sa collection «dossiers techniques»). Les premiers résultats, concernant l'art moderne et contemporain, sont attendus pour le printemps 1990.
Le groupe de travail n'est pas, à ce jour constitué mais les orientations en ont été tracées à Saint-Etienne : Mise en place d'une politique concertée de microfilmage des titres les plus rares ou les plus menacés, trop souvent consultés, en de trop rares endroits ; négociation avec les prestataires, tels que l'ACRPP, en vue de la réalisation et de la diffusion des microfilms ; établissement d'un catalogue spécialisé, à l'instar de ceux produits par le Centre national de coopération des bibliothèques publiques pour la presse régionale, ou projetés par les bibliothèques d'art américaines.
Les débats de Saint-Etienne ont permis de faire le point sur les différents thesauri employés dans les bibliothèques d'art : RAMEAU (présenté par Chantai Freschart), ; AAT (Art and architecture thesaurus, utilisé par le BHA, présenté par Maryse Bidault); les thesauri «maison», tel que celui du Musée national d'art moderne pour l'art du XXe siècle (présenté par Francine Delaigle).
Cet état des lieux demande à être approfondi, avant d'aboutir à une proposition nationale d'harmonisation des méthodes et des vocabulaires. Un groupe de travail national, élargi à des chercheurs non-bibliothécaires, doit se mettre en place et se pencher également sur les implications informatiques d'un tel projet. Il semble que le débat soit ouvert entre l'adoption d'un système national encyclopédique (RAMEAU) ou d'un thesaurus spécialisé international (AAT) malheureusement encore insuffisamment «francisé». Un appel est lancé à toutes les personnes prêtes à travailler sur ces problèmes.
Prévue sous forme de groupe de travail, la réflexion sur les catalogues d'exposition a évolué vers l'organisation d'un stage et la rédaction d'un manuel, tous deux confiés à Francine Delaigle (M.N.A.M.).
L'importance des besoins en formation (exprimés avec force à Saint-Etienne), la complexité des documents traités, et les nouvelles données introduites par l'informatisation ont en effet conduit à mettre au clair un certain nombre de règles et de conseils relatifs au catalogage des catalogues d'exposition et à sa transposition dans le format UNIMARC. Le stage, organisé du 23 au 26 janvier en co-production avec le CNCBP à Massy, a connu un grand succès et devra sans doute faire l'objet d'une réédition. Le manuel sera publié au printemps.
Dresser un bilan des expériences connues en matière de catalogue collectif peut sembler une gageure mais le moment semble bien venu de définir de nouvelles orientations dans ce domaine.
Six bibliothèques d'art ont participé tant bien que mal depuis 2 ou 3 ans au réseau bibliographique national, mais la plupart d'entre elles ont suivi d'assez loin les projets nationaux, ou vu d'un oeil méfiant se mettre en place des projets locaux.
Après un large tour d'horizon : réseau bibliographique national, projet de la Bibliothèque de France, réseau SIBIL, PANCATALOGUE, bases régionales etc, les bibliothèques d'art ont admis plusieurs principes :
Sur ces bases, la sous-section se propose de rédiger un projet de pré-cahier des charges sur les besoins en matière de catalogue collectif des bibliothèques d'art, en liaison avec les réseaux locaux et surtout avec le projet de la Bibliothèque de France. Il faut encore évoquer rapidement quelques axes de travail de la soussection : la diffusion d'un bulletin d'information ; la coopération internationale, participation aux travaux de l'IFLA (lancement, notamment, du questionnaire destiné au prochain répertoire des bibliothèques d'art), réunions européennes...
N.B. : une petite délégation française s'est rendue à New York en février au congrès des bibliothèques d'art américaines (ARLIS/NA) qui traitait notamment de la coopération transatlantique.
Enfin, le projet de grande bibliothèque d'art, fréquemment évoqué à Saint-Etienne, a fait l'objet d'une motion dont voici le texte :
Les bibliothécaires d'art, réunis à Saint-Etienne le 21 octobre 1989, à l'initiative de la sous-section des bibliothèques-d'art de l'Association des bibliothécaires français, se réjouissent de la création d'une grande bibliothèque d'art annoncée par le Ministre de la Culture, de la Communication, des grands Travaux et du Bicentenaire.
S'ils peuvent s'étonner que le projet du Grand Louvre, le «plus grand musée du monde», n'ait pas donné lieu à la mise en place d'une bibliothèque à la mesure des ambitions affichées, ils se félicitent néanmoins du projet de doter la France d'un outil de dimension internationale pour la recherche en histoire de l'art et la création artistique.
Les bibliothécaires souhaitent que le projet tienne compte des besoins et des spécificités de tous les publics concernés par l'histoire de l'art : le grand public ; les étudiants ; les chercheurs ; les conservateurs ; les professionnels (créateurs, industriels, experts, marchands, critiques, etc).
L'organisation interne de cette bibliothèque devra donc répondre de façon différenciée à chacun de ces publics permettant ainsi de satisfaire la demande de chacun sans nuire au travail des autres.
Le projet doit utiliser et mettre en valeur le potentiel documentaire et professionnel, souvent de niveau international, dont disposent les collectivités de Paris et de province. Par conséquent, cette bibliothèque a vocation à coordonner et piloter un réseau national de toutes les ressources en histoire de l'art.
Bibliothèque-expert, elle devra notamment assurer un rôle scientifique prépondérant en matière de catalogage, et mener toutes les expériences propres à contribuer au rayonnement scientifique du patrimoine français dans le domaine de l'art.
Ce grand projet doit, comme celui de la Bibliothèque de France, s'accompagner d'une politique générale de développement des bibliothèques d'art en France.
Enfin, les bibliothèques souhaitent que, compte tenu des autres grands projets de l'Etat, l'emplacement de cette bibliothèque d'art soit aussi symbolique que prestigieux, qu'il offre les plus larges possibilités de service et qu'il permette un accroissement des collections sur une très longue durée.