Index des revues

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    Solidarité Bibliothèque

    Un défi à relever pour la francophonie

    Par Marie Delale
    A propos d'un stage de formation de personnel de bibliothèque qui eut lieu à Phnom Penh, Cambodge en juillet 1988.

    La Bibliothèque nationale ^ ^ de Phnom Penh

    Le stage s'est déroulé à la Bibliothèque nationale. C'est un bâtiment de l'époque coloniale situé près de la faculté de médecine, de l'école technique et des collèges. C'est un édifice d'environ 1200 m2. Le plus grand volume est occupé par une spacieuse salle de lecture et ses magasins. A droite et à gauche alternent bureaux et salles. Le fonds se compose d'à peu près 70 000 ouvrages. Il ne faut pas oublier que la Bibliothèque a énormément souffert sous Pol Pot, qu'elle a été transformée en porcherie après que son personnel ait été décimé, les livres et les fiches jetés à la rue... Beaucoup de livres ont été cachés ou récupérés malgré les interdictions des khmers rouges. Il y a aujourd'hui environ : 2500 ouvrages en khmer, 40000 ouvrages en français, 27500 ouvrages en vietnamien, russe, anglais, espagnol, laotien...

    Il est très difficile de parler de fonds khmer, et c'est véritablement dramatique. Les livres en khmer sont en effet en grande partie des dons de pays amis, imprimés à l'étranger dans les années 80. Il s'agit avant tout de livres de politique et d'économie politique, de quelques romans et de quelques contes. Le plus grave est que ces livres ne correspondent pas à la demande actuelle.

    Le fonds français comporte des livres datant de l'entre-deux guerres et une majorité d'ouvrages des années 50. Ils sont tous périmés et en très mauvais état.

    Le fonds international est neuf mais il y a trop souvent un même titre en plusieurs milliers d'exemplaires, exemple : «Les syndicats soviétiques». De plus ce genre de livre n'est jamais demandé, et les khmers ne lisent pas bien le russe. Ils ne demandent jamais de livres en vietnamien, mais ils demandent chaque jour des livres en français : dictionnaires, livres de médecine, manuels techniques, manuels scolaires, journaux... Le fonds précieux est remarquable, mais les très vieux manuscrits sur feuilles de latanier dorés sur tranches sont attaqués par la vermine. En effet, les ventilateurs ne marchent plus, et le Ministère de la Culture est trop pauvre pour les faire réparer. Le personnel est nombreux : vingt personnes, mais peu formé et peu cultivé.

    Dix personnes parlent bien français, mais trois seulement l'écrivent couramment.

    Les lecteurs viennent surtout étudier, ils trouvent du silence et de grandes tables confortables mais ils demandent tout le temps des livres que la bibliothèque ne possède pas. Plusieurs dizaines de personnes entrent chaque jour demander des ouvrages que la bibliothèque n'a pas et repartent désespérés. N'oubliez pas qu'il n'y a pas encore de librairies à Phnom Penh. Il y a quelques livres en vente sur les marchés à des prix inouïs.

    Le stage et les stagiaires

    Les stagiaires n'étaient pas, à deux exceptions près, des professionnels, mais des gens essayant de faire «leur possible» là où ils étaient. La majorité d'entre eux travaillait à la Bibliothèque nationale, à celle du ministère de l'Education, à celle du lycée, de la faculté des Sciences, du musée national.

    Je me suis mise à leur service. Nous avons fait ce dont ils avaient besoin : enregistrement, cotation, catalogage. Les travaux pratiques portaient alternativement sur des livres en khmer et en français. Nous avons travaillé trois semaines d'affilée. Il faisait extrêmement chaud mais les stagiaires étaient motivés.

    Nous avons abordé les statistiques de prêts mensuelles et parlé des inventaires. Toutefois sur les trente stagiaires, quinze seulement dominaient le français et peu l'écrit. Le rythme de travail était donc lent. N'oublions pas que les jeunes ont appris le français sans manuel ni professeur ... Si la solidarité internationale n'intervient pas, dans dix ans, plus personne ne parlera ni ne lira le français au Cambodge.

    Imaginez ce que peut être le métier de bibliothécaire sans budget, donc, sans acquisitions, ce qu'est géré un fonds de livres caduc, avec des jeunes qui viennent chaque jour vous demander des livres dont ils ont besoin et qui repartent sans espoir. L'Association pour le développement des relations avec le Cambodge prépare des envois de livres pour le Cambodge, vous pouvez l'aider en envoyant vos dons au : CCP PARIS ADRAC N° 132631V Si vous désirez faire des dons de livres, envoyez-nous la liste de ces ouvrages au préalable ; nous vous répondrons.