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    L'évolution des normes de catalogage

    Communication faite lors de la journée d'étude "Normalisation et documentation" organisée à l'ENSB le 17 novembre 1988

    Par Françoise Leresche

    Dans la profession, on entend souvent formuler le reproche que les normes ne cessent de changer, que tous les cinq ou dix ans, il paraît une nouvelle norme qui bouleverse les habitudes de catalogage... et que l'on aimerait bien voir tout cela se stabiliser un peu.

    Je voudrais montrer que cette mise à jour régulière n'est pas gratuite et que ces changements -parfois importants- dans les règles de catalogage ne sont pas le fait d'une «maniaquerie» pointilleuse de la part des commissions de normalisation mais correspondent à des exigences économiques réelles, liées au développement de l'informatique dans le domaine documentaire et aux contraintes qu'elle impose pour la définition et la structure des données bibliographiques. Contraintes qu'il faut prendre en compte si l'on veut parvenir à des échanges de données qui soient réellement utilisables par les différents partenaires et permettre ainsi une économie de travail de part et d'autre.

    Je vais développer ces lignes générales à travers un cas précis : la publication en 1987 par l'IFLA de l'ISBD (M) révisé et, par voie de conséquence, la révision de la norme française Z 44-050 sur la description bibliographique des monographies, qui est en cours.

    Cette révision introduit d'importants changements dans la zone de la collection d'une part, et dans le traitement des monographies en plusieurs volumes d'autre part.

    Avant d'entrer dans le détail, un rappel des principes qui ont présidé à la révision des différents ISBD me semble nécessaire.

    Lorsqu'en 1981 l'IFLA a entrepris la révision de l'ensemble des ISBD, la commission de catalogage a décidé de faire porter son effort sur les points suivants :

    • Rendre compatible les ISBD avec les autres réseaux documentaires existants sur le plan international, notamment le réseau de l'ISDS pour les publications en série. Ceci afin de faciliter l'interconnexion de deux systèmes largement utilisés mais existant pour ainsi dire parallèlement, l'un étant surtout en usage dans le monde des bibliothèques et l'autre dans celui de la documentation.
    • Définir des règles de description pour les monographies en plusieurs volumes qui permettent un traitement informatique plus simple que la description à niveaux, qui pose notamment des problèmes pour les échanges.
    • Harmoniser les prescriptions et le vocabulaire entre les ISBD spécialisés, autant que le permet la spécificité des différentes catégories de documents.
    • Prendre en compte les problèmes spécifiques que posent les publications des pays orientaux et les écritures non latines.

    Arrêtons-nous un moment sur le premier principe. Le nouveau traitement des collections dans l'ISBD (M) en découle directement.

    La différence fondamentale entre une notice ISDS et une notice ISBD (S) est que la notice ISDS .a pour but d'identifier une publication en série et non de la décrire comme le fait l'ISBD (S) ; aussi l'attribution d'un titre-clé et d'un ISSN qui lui est associé constitue l'élément essentiel de la notice ISDS qui, par ailleurs, est très simplifiée par rapport à une notice de description bibliographique telle que la définit l'ISBD (S).

    Toutefois, les différents éléments de la notice ISDS se retrouvent dans le schéma de l'ISBD (S). Cette comptabilité a été renforcée par l'adoption par l'ISBD (S) des règles de l'ISDS pour le choix du titre propre (notamment dans le cas de publications en série comportant des sections ou des suppléments, de collections divisées en sous-collections, etc.).

    Par suite de l'harmonisation entre les différents ISBD, toute mention de publication en série dans une notice ISBD suit les prescriptions du «Manuel de l'ISBD». C'est en particulier le cas, dans l'ISBD (M), de la zone de la collection.

    L'ISBD(M) spécifie que le titre propre de la collection ou de la souscollection, tel qu'il figure dans la zone de la collection (zone 6 de ÎTSBD(M)) doit correspondre au titre propre de la description bibliographique établie pour cette collection ou sous-collection conformément aux prescriptions de l'ISBD(S). En d'autres termes, le titre entré en zone 6 de ÎTSBD(M) doit avoir la même structure (sinon littéralement la même forme, que l'on songe aux variantes du titre) que le titre entré en zone 1 de l'ISBD(S).

    Cette prescription n'ad'autre but que de favoriser le lien entre les deux notices (notice de monographie et notice de collection) dans un système informatique.

    Par ailleurs, si la collection est divisée en sous-collections ou en sections, l'ISBD(M) prescrit désormais de ne mentionner en zone 6 que l'entité bibliographique la plus petite (c'est-à-dire la sous-collection), le rappel de la collection principale se faisant au besoin en note.

    Or, comme le titre propre entré en zone 1 de la notice bibliographique de la collection ou de la sous-collection, le titre de la collection ou de la sous-collection éditoriale tel qu'il est mentionné dans la zone 6 de la notice de monographie applique désormais les règles de l'ISDS pour le choix du titre propre.

    En pratique, cela signifie que, si une collection est divisée en sous-collections ayant un titre significatif et indépendant, celui-ci sera seul donné dans la zone de la collection de la notice de monographie, le titre de la collection principale étant mentionné en note. Si, par contre la collection est divisée en sections ou en souscollections n'ayant pas de titre significatif, le titre de la section ou de la sous-collection sera composé d'un titre commun (titre de la collection principale) et d'un titre dépendant (titre particulier de la section ou de la sous-collection).

    Seule l'entité la plus précise est signalée en zone 6, avons-nous dit. Par voie de conséquence, seul l'ISSN de la sous-collection ou de la section y seront donnés ; l'ISSN et la numérotation dans la collection principale sont signalés en note.

    Pour conclure sur ce premier point, les changements profonds intervenus dans la zone 6 de l'ISBD(M) sont le résultat de deux exigences pratiques:

    • harmoniser le traitement des publications en série afin de rendre compatibles deux systèmes documentaires ;
    • faciliter les liens informatiques entre les notices bibliographiques décrivant la collection comme une publication en série et les notices bibliographiques des monographies qui appartiennent à cette collection.

    En ce qui concerne le second point, à savoir le catalogage des monographies en plusieurs volumes, il était nécessaire de revoir la méthode du catalogage à niveaux. Cette méthode est fondée sur la répartition de l'information sur deux niveaux, le premier niveau contenant les informations communes à l'ensemble de la publication, et le second niveau contenant les informations propres au volume.

    Elle est tout-à-fait adaptée au catalogage manuel où elle permet une description à la fois rationnelle et économique pour le catalogueur (les informations n'étant pas répétées entre les différents niveaux).

    Dans le cadre d'un catalogage informatisé, par contre, cette méthode présente des inconvénients : elle nécessite des développements informatiques complexes (et de fait, bon nombre de progiciels de gestion de bibliothèque diffusés en France ignorent le catalogage à niveaux). Cette complexité est encore accrue lorsqu'il s'agit d'échanger les informations bibliographiques saisies de cette manière.

    C'est pour ces raisons que, lors de la révision de l'ISBD(M), de nouvelles méthodes de description des monographies en plusieurs volumes ont été définies.

    Ces méthodes qui s'inspirent directement des règles de catalogage anglo-américaines, permettent de traiter les monographies en plusieurs volumes sur un seul niveau :

    • soit en faisant une seule notice pour l'ensemble de la publication, et dans ce cas, les informations relatives aux différents volumes sont données dans une note de dépouillement ;
    • soit en établissant une notice par volume. Chaque volume est alors décrit isolément et la monographie en plusieurs volumes plus ou moins assimilée à une collection.

    De fait, si le titre particulier du volume est significatif et indépendant, c'est lui qui est donné en zone 1 comme titre propre et le titre d'ensemble de la monographie en plusieurs volumes est donné en zone 6 (ou «zone de la collection»), ainsi que la numérotation. Si par contre, le titre particulier du volume ne peut être dissocié du titre d'ensemble de la monographie en plusieurs volumes, le titre propre est composé d'un titre commun et d'un titre dépendant - on ne peut que souligner ici l'analogie avec le choix du titre propre des sous-collections dans l'ISBD(S). Dans ce cas, les informations relatives à la monographie en plusieurs volumes dans son ensemble figurant déjà en zone 1, elles ne sont pas répétées en zone 6. Désormais, la description à niveaux ne constitue plus qu'une des méthodes de description bibliographique des monographies en plusieurs volumes. Elle n'est d'ailleurs citée qu'en annexe dans l'ISBD(M) révisé.

    Si elle continue à être la meilleure solution dans le cas d'un traitement manuel, elle apparait désormais comme dépassée et à déconseiller dans le cas d'un traitement automatisé.

    Ainsi les ISBD et l'ISBD(M) en particulier, ont évolué pour permettre la compatibilité entre des systèmes différents, faciliter le traitement informatique des informations bibliographiques et, finalement, mieux répondre aux besoins des échanges. En France, c'est pour satisfaire aux mêmes objectifs que la Commission de normalisation CN 66 qui s'occupe du catalogage, a décidé de réviser la norme Z44-050 sur la description bibliographique des monographies pour la rendre conforme au schéma de l'ISBD(M) révisé et introduire en France les nouvelles pratiques recommandées au niveau international.

    Anticipant sur la révision de la norme française, la Bibliothèque nationale avait déjà décidé en septembre 1987 d'abandonner la technique de la description sur plusieurs niveaux. (1)

    Cette décision se fondait sur une prise en compte des tendances de la normalisation internationale, de la politique documentaire de la DBMIST et du projet Pancatalogue, et des exigences de la coopération internationale. En effet, ni la Bibliothèque du Congrès, ni la Bibliothèque nationale du Canada, ni d'autres systèmes fondés sur les règles de catalogage anglo-américaines (tels l'OCLC) n'acceptent de récupérer l'information du format UNIMARC et «rejettent toute notice de niveau inférieur nécessitant pour son traitement l'accès à une notice de niveau supérieur», ce qui représente une perte considérable d'informations. Dans le cadre des échanges documentaires, une exploitation optimale des notices établies par la Bibliothèque nationale imposait l'abandon rapide du catalogage à niveaux par celle-ci.

    Pour conclure, j'insisterai sur deux points :

    La normalisation des données bibliographiques dans leur contenu, leur ordre et leur présentation revêt un intérêt capital pour la structure de ces données dans les systèmes informatiques. Elle est donc amenée à évoluer pour prendre en compte ces systèmes, leur mise en oeuvre et leur évolution. L'uniformisation des règles de catalogage est un élément nécessaire à toute collaboration, au niveau national et international.

    Cette uniformisation ne signifie pas pour autant l'abandon des différences culturelles ou nationales. Si la description bibliographique est identique quel que soit le pays producteur de la notice, les accès (auteurs personnes physiques ou collectivités, indexation matières, etc.) obéissent aux règles nationales. Rappelons que dans le programme du CBU, chaque pays a la responsabilité d'établir le fichier d'autorité des noms des auteurs personnes physiques ou collectivités relevant de son territoire. Par ailleurs, chaque pays, chaque établissement peut privilégier l'accès à la forme qui lui convient (forme nationale ou internationale, forme savante ou courante), les notices d'autorités devant intégrer toutes ces formes possibles comme autant de formes parallèles ou rejetées, donnant lieu à des renvois automatiques.

    1. Voir l'article d'Annick Bernard, «Sur l'abandon du catalogage à niveaux par la BN» in Bulletin d'informations de l'ABF, n° 141, 4ème trimestre 1988. retour au texte