Fin 1986, nous avons été contactés par une association de retraités qui organisait un voyage de solidarité au Mali pour convoyer à la fois des médicaments et des livres collectés auprès des Angevins. Cette association, encadrée par le Centre Communal d'Action Sociale, nous demandait d'une part de l'aider à sélectionner parmi les livres collectés ceux qui étaient les plus intéressants, d'autre part de faire don des ouvrages que la Bibliothèque Municipale aurait éventuellement en double. Après avoir réfléchi à la demande des retraités, nous avons décidé qu'il ne devrait pas s'agir d'une action ponctuelle se limitant à rassembler des livres mais que la Bibliothèque Municipale avait sans doute un rôle spécifique à jouer au sein du jumelage d'Angers avec Bamako (lequel date de 1974).
Avec l'accord du Maire d'Angers, j'ai accompagné le groupe de retraités dans son voyage - du 12 au 26 février 1987 - avec mission d'étudier sur place les besoins réels et les désirs des Maliens en matière de lecture publique.
J'ai trouvé au Mali, une structure de lecture publique existant depuis plus de 10 ans et fonctionnant de manière exemplaire malgré un budget très limité. L'Opération Lecture Publique qui avait mis en place des bibliothèques dans tous les cercles du Mali, les avait dotées en matériel et en livres grâce à l'aide de la France, avait formé des bibliothécaires avec la coopération des commissions locales du patrimoine, cherchait à cette date à se développer en ouvrant des bibliothèques dans toutes les communes de Bamako et notre offre de jumelage fut très bien accueillie.
Les besoins de notre partenaire ? Des livres bien sûr, mais des livres adaptés aux lecteurs d'un des pays les plus pauvres du monde où subsiste un fort taux d'analphabétisme. Pour nous aider à choisir des ouvrages susceptibles de répondre à leurs besoins, les responsables de l'Opération lecture publique nous ont donné quelques grandes orientations dont nous nous efforçons de tenir compte le plus possible :
D'autre part, les responsables de l'Opération lecture publique qui assurent la formation initiale et continue des bibliothécaires et qui, dans la mesure du possible, les envoient en France pour des voyages d'étude, nous demandaient d'accueillir un stagiaire à la Bibliothèque Municipale d'Angers.
A ce jour, 4 envois de quelques centaines de livres ont été effectués. Il s'agit notamment de doubles du Dépôt légal (la Bibliothèque Municipale d'Angers étant dépositaire du dépôt légal). Certains de ces ouvrages ont été en partie renforcés et équipés d'une couverture et d'une pochette de prêt. Ces envois sont plus ou moins réguliers car, en l'absence de moyens organisés, nous profitons des opportunités qui se présentent (chantiers d'été de jeunes Angevins, par exemple). D'autre part, pour mieux répondre à la demande de nos partenaires maliens, nous achetons chaque année, un certain nombre de livres dont l'Opération lecture publique nous a préalablement passé commande. En effet, nous trouvons rarement dans nos doubles des ouvrages d'auteurs africains ou traitant de l'Afrique. Ce n'est pas non plus une collecte auprès de particuliers qui peut répondre à cette demande prioritaire. Aussi en 1987, 1988, 1989, avons-nous transmis des commandes au CELF (Centre d'Exportation du Livre Français) qui se charge de l'acheminement des livres à Bamako.
Nous réservons tous les ans 1 % de notre budget acquisition (soit environ 10000 F.) pour cette opération.
Pour aider les bibliothécaires maliens dans leur choix de livres, la Bibliothèque Municipale envoie systématiquement les bibliographies sélectives par thème réalisées à l'occasion de ses animations.
Les responsables de l'Opération lecture publique ont accusé réception de ces envois et nous ont signalé l'ouverture d'un centre de documentation professionnelle à la Centrale de lecture publique de Bamako ;
en avril-mai 1989, nous avons accueilli, en stage, le responsable de la bibliothèque enfantine de Bamako, Mamadou Moustapha SENE.
Notre action, c'est aussi en direction des Angevins que nous la menons en organisant des animations autour de la littérature et de la culture malienne. Nous avons constaté lors de toutes les animations programmées par la Bibliothèque que les Angevins étaient très désireux de mieux connaître Bamako et le Mali. Si les réalités économiques de notre ville jumelle sont relativement bien connues de nos concitoyens, sa grande richesse culturelle est, par contre, un peu méconnue. Et la Bibliothèque Municipale, considérant qu'elle se doit d'aider à la diffusion et à la reconnaissance de cette culture, a déjà beaucoup travaillé dans ce sens. Quelques exemples des actions et animations que nous avons menées autour du Mali depuis 1987 :
Après avoir pris connaissance de ses livres, les lycéens ont rencontré M. M. Diabate à la bibliothèque pour échanger sur l'oralité et l'écriture en Afrique, sur le problème de l'édition et, plus largement, sur la culture malienne. M.M. Diabate a, d'autre part, parlé de la vieillesse et de la mort au Mali, devant un public de personnes âgées réuni par le Centre Communal d'Action Sociale.
Le séjour angevin de M. M. Diabate s'est terminé par une veillée-contes où il a rencontré notre poète patoisant Emile Joulain. Cette soirée interculturelle fut fort sympathique pour les deux protagonistes et le public qui les écoutait.
De l'Opération lecture publique, nous recevons la revue enfantine "Les Enfants d'abord", et des cassettes de tradition orale.
L'une des activités principales confiées aux bibliothécaires maliens, est, en effet, de recueillir auprès de la population locale, les éléments essentiels du patrimoine culturel du Mali. (histoires, contes, devinettes, chansons, pharmacopée, etc...).
Cette tradition orale collectée constitue, dans les bibliothèques de cercle, des cassettothèques en langues nationales qui complètent les fonds de livres le plus souvent de langue française.
Les cassettes en bambara que nous avons reçues, nous avons décidé de les faire traduire par Gérard Dumestre, Professeur à l'Institut des Langues Orientales à Paris (et qui a déjà édité "La Geste de Ségou", chez Armand Colin). C'est ainsi que très vite, est née l'idée de l'édition d'un livre bilingue bambara-français qui, diffusé très largement dans les écoles maliennes et françaises, pourrait permettre, entre autres, de développer les jumelages entre les écoles, tout en évitant la "déculturation" des jeunes écoliers maliens.
Une collaboration étroite s'est ensuite instaurée entre G.Dumestre, la Bibliothèque et la Faculté des Lettres d'Angers (en la personne de Mme E. Gardaz, Professeur de littérature comparée et spécialiste du conte).
Finalement, un tiers des textes qui composent notre recueil, proviennent des cassettes envoyées par les bibliothécaires de l'Opération lecture publique auxquels nous sommes heureux de pouvoir ainsi rendre hommage. Et nous nous sommes accordés sur le projet d'un livre original, bilingue, susceptible de répondre aux attentes d'un public varié : Au Mali, les écoles maliennes "traditionnelles" (où l'enseignement se fait en français) et les nouvelles classes ouvertes en langue bambara. En France, les écoles, les bibliothèques, les associations... désireuses d'aborder une culture et une littérature inconnue des enfants; tout public souhaitant connaître le Mali de l'intérieur par sa tradition orale ;
Cette édition, hormis une bourse (de 25 000 F) octroyée au chercheur par le CNL, a été entièrement financée par la Ville d'Angers. Un "grand" éditeur parisien, d'abord intéressé par la démarche, s'étant rétracté après étude du dossier financier, un imprimeur de la région s'est chargé de la fabrication du livre.
Le budget global tient dans une enveloppe de 100 000 F - pour un tirage de 2 000 exemplaires - qui se répartissent comme suit :
Toutes les villes françaises, toutes les bibliothèques publiques jumelées avec des villes ou des bibliothèques maliennes ont reçu des bulletins de souscription, les incitant également à acheter des exemplaires pour les bibliothèques ou les écoles (le recueil peut faire office de livre de lecture, dans les classes où souvent, n'existe aucun livre !) de leur ville jumelle.
A Angers même, nous avons lancé une "opération-solidarité" - à laquelle les-Angevins ont massivement répondu - : 100 F = 2 livres achetés, le 2eexem-plaire sera envoyé à Bamako par les soins de la Bibliothèque Municipale.
Si le bilan de notre coopération avec l'Opération lecture publique peut sembler relativement satisfaisante, il ne faut pas occulter les difficultés :
Les actions de coopération dans le domaine du livre sont encore peu connues (ou reconnues) et ceux qui tentent de mettre en place des actions de ce type, surtout en province, se sentent isolés et démunis. Au sein même de notre profession et parce que nous sommes tous pris par de nombreuses tâches, il n'est pas non plus facile d'échanger et de coopérer.
C'est pourquoi nous soutenons le projet de création du réseau "Bibliothèques partenaires" proposé par l'Association Culture et Développement dont deux des objectifs nie paraissent absolument prioritaires :