Index des revues

  • Index des revues

L'accueil des classes à la Médiathèque de la Cité des Sciences et de l'Industrie

1990
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    L'accueil des classes à la Médiathèque de la Cité des Sciences et de l'Industrie

    Par Patrick Ricou, bibliothécaire.

    La Médiathèque fait partie intégrante de la Cité des Sciences et de l'Industrie. Ouverte en mars 1986 comme la Cité, elle s'étale sur 9 000 m"d'espace public, avec 200 000 volumes en libre accès, 2500 films et 300 logiciels. La Médiathèque est organisée en unités thématiques autonomes, comprenant chacune une équipe d'une douzaine de personnes conduite par un chef de service. De la Médiathèque dans son ensemble ne sont perceptibles que l'unité de la Médiathèque des enfants et celle de la Didacthèque.

    L'accueil des classes n'est pas très originale au sein des bibliothèques, mais la Médiathèque tente de développer un partenariat à plusieurs niveaux avec l'Education nationale.

    La Médiathèque pratique deux types de visites de classes, d'une heure chacune :

    • Visites de classes simples
    • Visites de classes Villette

    La Médiathèque des enfants a inauguré les visites de classes, et est devenue rapidement l'unité la plus sollicitée par les scolaires.

    A la Médiathèque des enfants

    Les classes simples sont des classes qui prennent rendez-vous directement avec la Médiathèque pour venir tel jour. A charge pour elles de réserver en plus une visite à l'Inventorium - le musée des enfants, ou à Explora - le musée tout public, si elles le souhaitent. Les classes ne peuvent venir à la Médiathèque qu'une fois dans l'année scolaire, en principe. C'est peu par rapport aux visites mensuelles des écoles d'une commune à leur bibliothèque municipale. La bibliothèque est un service complémentaire proposé aux écoles, qui sont déjà à la charge des communes. Le prêt est souvent gratuit pour tous, il l'est toujours pour les écoles. C'est une action qui peut peser devant les électeurs de la commune.

    L'accès de la Médiathèque est gratuit, alors que tous les autres espaces de la Cité sont payants ; le service du prêt par contre reste payant. Située à la limite de Paris et de la banlieue nord, zone déjà bien pourvue en bibliothèques municipales, la Médiathèque des enfants se doit de montrer la spécificité de son fonds de livres et de films pour les enfants de la maternelle à la 6e. Après avoir démarché les écoles du 20e arrondissement, la Médiathèque a reçu ses premières classes en 1987, pour arriver en 1989 à un rythme de plus de 50 classes par an - hors classes Villette, en sachant que les classes ne viennent qu'une fois dans l'année scolaire. Les écoles du 19e et 20e arrondissement permettent également de tester les manifestations ponctuelles destinées aux enfants qui sont nombreux dans ces quartiers populaires. La Médiathèque des enfants s'est fixée une capacité moyenne d'accueil de 3 classes par semaine le mardi et le jeudi. C'est en cela que les visites de classes interviennent comme relais , afin que la Médiathèque se fasse connaître du grand public.

    Classes de découverte

    Parallèlement les classes Villette se mettaient en place. Elles constituent un produit pédagogique phare de la Cité des Sciences et de l'Industrie organisé par un service extérieur à la Médiathèque : le service Education. La Médiathèque est alors sollicitée au même titre que l'Inventorium, Explora, ou le Planétarium, etc...

    Les classes Villette sur le modèle des classes de découverte sont des classes transplantées dans l'univers scientifique et technique de la Cité. D'autres musées parisiens et même des entreprises peuvent être inclus dans leur visite. L'éventail des classes est le plus large possible, il va des classes maternelles aux classes de mathématiques supérieures. Ces séjours payants représentent environ 200 classes chaque année scolaire, dont la moitié de classes primaires. Logés en banlieue nord ou à Paris pour les provinciaux, les enfants à travers expositions et ateliers approfondissent un thème fédérateur : l'enfant et son corps, la lumière, l'espace-univers, l'infiniment grand et l'infiniment petit, la ville et ses habitants, etc... Ces séjours durent une semaine ou quinze jours. La Médiathèque des enfants figure à raison d'une heure de prestation dans ce séjour de formation. Le vendredi après-midi à la Médiathèque des enfants est consacré uniquement aux classes Villette.

    Importance d'un projet éducatif

    L'accueil des classes simples et des classes Villette n'est pas fondamentalement différent. Dans la classe Villette, nous sommes assurés d'un acquis préalable, puisque nous les recevons à la fin d'une semaine de séjour.

    Quand la classe arrive à la Médiathèque, elle est divisée en deux groupes pris chacun en charge par un bibliothécaire. Une promenade permet de découvrir l'espace documentaire. Un ou deux livres de chaque mini-bibliothèque thématique sont présentés. Nous décrivons les activités proposées au public individuel les mercredis, samedis et dimanches aux enfants de Paris ou de banlieue qui sont susceptibles de revenir avec leurs parents. Nous faisons l'économie d'une présentation approfondie avec les enfants de province. L'attention des élèves dépend souvent de la façon dont ils sont pris en charge par l'enseignant. Il est difficile de reprendre des enfants non motivés, voire agités. Le bibliothécaire se trouve dans une situation de dépendance vis à vis de l'enseignant mais paradoxalement le bibliothécaire doit veiller à s'associer à l'enseignant durant la visite, car en imposant trop fortement sa présence, il risque de créer chez l'enseignant un sentiment de mise à l'écart. Nous n'insisterons jamais assez sur la nécessité d'avoir un projet pédagogique pour venir en groupe à la Médiathèque, même pour des maternelles.

    Il faut que les enfants soient sensibilisés au thème qui va structurer leur recherche documentaire-Dans

    les classes simples nous pouvons avoir des enfants qui s'apprêtent à partir en classe de nature : les livres vont les aider dans leur stratégie de découverte.

    Ou au contraire après une classe de nature, les enfants apportent par exemple des échantillons de roches pour les identifier grâce aux livres de minéralogie, et avec l'aide d'une bibliothécaire disposant d'une formation ad hoc.

    Le livre documentaire devient outil de compréhension du monde qui nous entoure.

    On peut admettre que l'enfant aime les histoires, mais un documentaire, en plus d'une méthode, demande une réelle motivation, même si cette motivation naît parfois de la rencontre d' un livre qui va l'accrocher.

    Picotage documentaire

    Les élèves sont souvent comme une nuée d'oiseaux qui picorent partout. Le picotage documentaire peut être positif, c'est une façon de chercher. L'adulte plus calme pratique la flânerie documentaire - mais consciente - quand il feuillette des livres au hasard des couvertures qui le séduisent. A un degré zéro de motivation, la Médiathèque propose ses beaux livres. Des documentaires "se mettent en quatre" pour séduire l'enfant, ou plutôt en 3 ... dimensions.

    Les livres en relief ont un caractère palpable, avec leur réalité simulée, et aussi un côté diable à ressort, quand nous ouvrons les pages et bougeons les tirettes. Là un bateau toutes voiles dehors jaillit des pages, ailleurs un butor pointe son bec entre des roseaux. Ces livres donnent l'impression de vouloir faire oublier qu'ils sont des livres. Comme certains de ces documents portent sur le mimétisme animal, je me plais à imaginer que le livre lui-même sait pratiquer le camouflage pour se faire accepter.

    Les monstruosités du "Livre des re-cords" fascinent les enfants. C'est une façon de mesurer le monde et soi-même grâce à ces cas limites.

    La Médiathèque dispose de deux salles de projection, dont l'une à la Médiathèque des enfants. L'intérêt est de faire jouer ces différents supports entre eux, au plus grand bénéfice des enfants. Commencer par un film pendant une visite génère un questionnement. Par exemple, dans "L'étang", film canadien en vues réelles, des grenouilles deviennent pathétiques grâce à un montage rapide des plans et à des musiques bien choisies. La série "Comment c'est fait ?" est constituée de petits clips de trois minutes sur la fabrication industrielle d'objets aussi courants que les crayons, les chips, les petits gâteaux. Ces films vont susciter la lecture des livres documentaires. Le cinéma en s'adressant aux sens, offre sans effort un regard pointu sur les choses. Le film est un peu comme la réalité, il intrigue et fait naître des questions.

    Le livre a tout à gagner d'une confrontation à l'audiovisuel, il devient alors pour l'enfant un outil d'approfondissement qu'il peut reprendre à sa guise. L'enfant soumis à une surinformation des média doit apprendre à organiser ses connaissances fragmentaires grâce à des schémas et des dessins. Le livre à condition d'éviter la puérilité est le mieux adapté à l'aider dans cette tâche.

    Lire un documentaire demande un apprentissage

    Distinguons trois types de livres documentaires.

    • les livres de description et d'explication d'être vivants, de phénomènes naturels et de machines.
    • les livres d'action, pour réaliser des expériences : recueils de recettes de cuisines et manuels de bricolage.
    • les livres de réflexion, qui se rapprochent davantage du roman ou de la bande dessinée. Citons "Vieux john" de Peter Hàrtling sur le thème de la vieillesse.

    Mis à part les récits, lire un documentaire demande un apprentissage. L'enfant a tendance à ouvrir le livre documentaire au hasard pour trouver des informations. Il faut lui montrer qu'il a intérêt à parcourir d'abord la table des matières ou l'index pour gagner du temps, repérer les chapitres et les sous-chapitres, en étant attentif dans le texte aux différences de caractères typographiques.

    Ce sont les marques et repères qui vont baliser sa lecture. Enfin sa lecture elle-même doit écrémer le texte afin d'en tirer les informations recherchées. Ce travail se fait dans la durée. Sur une heure de visite, le bibliothécaire ne peut donner que quelques conseils in situ.

    Pour les petits, le conte ou la lecture d'album rassemblent facilement autour de l'adulte quelques enfants charmés par la voix. Le conteur interpelle et relance l'attention des enfants. Un film complète très bien une séance pour les petits.

    Les limites d'une médiathèque

    Avec les médiathèques, la palette des bibliothécaires-médiathécaires s'est enrichie. Mais il manquera toujours l'expérience, par exemple celle avec l'eau que l'enfant a envie de faire sur place, cette recette de cuisine qu'il veut essayer tout de suite. Ceci pourrait plaider pour la présence de livres dans un lieu pour enfants, à fonctions multiples .

    La Médiathèque peut-elle être un laboratoire, une bibliothèque, un terrain de jeu, une vidéothèque ? Elle doit rester un lieu calme pour regarder, lire, parler et jouer. Les limites d'une médiathèque sont peut-être l'identification de plantes, de roches. La polyvalence de l'espace est limitée pour des raisons pratiques, avec des problèmes posés par des cohabitations difficiles : tout livre plongé dans l'eau est considéré comme perdu, l'expérience du principe d'Archimède lui est fatale. Pratiquer et lire exigent deux rythmes différents surtout au sein d'un groupe.

    La réalisation d'expériences, livre en main, ne peut se faire qu'en petits groupes très encadrés.

    A l'opposé, le bibliothécaire n'est pas seulement ce metteur en scène de l'ombre - celui qui choisit les livres, décide des rayonnages et de la signalétique -, c'est dans l'accueil et les animations que son travail prend une signification tangible.

    La Médiathèque des enfants en ouvrant prochainement tous les jours va pouvoir accueillir les classes Villette plusieurs fois, pendant leur séjour d'une ou deux semaines. A leur deuxième passage, les visites se dérouleront avec une plus grande autonomie, un peu dans les conditions d'une ouverture au public individuel. Familiarisés avec le lieu, les enfants pourront se l'approprier. Les livres et les films documentaires compléteront ce qu'ils auront vu et fait dans les expositions scientifiques. La science est faite de ce va et vient entre théorie et pratique.

    Toute une stratégie de la recherche documentaire pourra s'élaborer ainsi.

    Il est difficile d'évaluer l'impact des classes sur la fréquentation de la Médiathèque des enfants, le nombre d'emprunteurs inscrits chez les enfants n'étant pas significatif. Dans la fréquentation importante de cette section, le mercredi, samedi et dimanche, comment mesurer ce qui est dû aux retombées de l'accueil des classes ? Les enfants ne sont pas libres de traverser tout Paris pour emprunter des livres à la Médiathèque, et les parents ne sont pas toujours enclins à les accompagner. En revanche, un adulte fera un long chemin pour se procurer un livre sur un système expert ou des nouveaux matériaux.

    De nouveaux produits pédagogiques

    • La Médiathèque a décidé de sortir de ses murs de verre pour aller dans les classes. Des valises thématiques de documents et de jeux seront prêtées pour 5 semaines à des écoles maternelles et primaires.
    • Un Citédoc Médiathèque permettra une utilisation optimum des livres, des audiovisuels et des logiciels : Il s'agit de manuels d'utilisation avec propositions d'activités pour les groupes d'enfants et les familles qui traitent de thèmes d'expositions, plusieurs titres sont déjà parus sur l'Inventorium.

    Les visites de la Médiathèque des enfants gagneraient à être couplées davantage avec l'Inventorium, qui va s'appeler la Cité des enfants.

    A la Médiathèque tout public

    La Médiathèque des enfants, ouverte sur le secteur adulte, permet une transition douce, au rythme des besoins pour des classes charnières comme les 6e et 5e.

    Organiser des visites de présentation pour les classes de la 4e à la terminale nous apparaît indispensable, pour une utilisation optimum de la Médiathèque. Des projections de films en salle sur les thèmes des classes sont organisées.

    Grâce à des grilles d'analyses distribuées aux élèves, les projections sont l'occasion de leur faire appréhender les discours scientifiques qui se déroulent à l'écran.

    Selon les thèmes des groupes, les visites sont prises en charge par telle ou telle unité de la Médiathèque, y compris la Didacthèque qui peut initier des élèves à ses logiciels.

    Actuellement, aucune étude n'est disponible sur l'impact de ces visites sur le service du prêt. Nous ne pouvons que postuler son effet : ce public adolescent plus autonome est susceptible de revenir individuellement.

    La Médiathèque utilise la logistique de la Cité en matière de communication pour se faire connaître :

    • Un livret "Guide des partenaires de l'Education" distribué sur toute la France.
    • Soirées "enseignants" en début d'année : accès gratuit à la Cité sur invitation.
    • Mercredis "enseignants" : accès gratuit après réservation sur Minitel.
    • Présentation en une heure de la Médiathèque des enfants à des normaliens et des instituteurs en formation.

    La Cité des Sciences et de l'Industrie dont fait partie la Médiathèque a été conçue pour développer et stimuler la culture scientifique et technique. La Cité non seulement se sert des écoles, collèges et lycées comme relais pour remplir sa mission, mais elle leur propose des produits (payants) comme les classes Villette et des stages pour les enseignants. La Médiathèque, à vocation nationale, tente d'éviter l'écueil d'être une bibliothèque de quartier, tout en ayant besoin des enfants et des écoles d'alentour pour vivre.