Index des revues

  • Index des revues
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Une journée d'étude de l'AENSB

    Les réseaux documentaires informatisés

    Par Dominique LAHARY

    L'Association des Anciens Elèves de l'ENSB organisait, le 9 mars dernier à Paris, une fort intéressante journée d'étude sur le thème : "Les réseaux documentaires informatisés ; la coopération à quel prix ?"

    Les solutions adoptées à Caen, Brest et bientôt à Saint-Etienne, ont été présentées, ainsi que le projet informatique de la Ville de Paris. Ce dernier, qui implique l'équipement "à l'essai" de deux établissements avant son extension à tout le réseau, s'accompagnera d'une centralisation complète du catalogage et du traitement des documents.

    Voici le résumé des interventions portant sur les expériences étrangères et sur les perspectives d'avenir :

    NEW-YORK ET LES RESEAUX BIBLIOGRAPHIQUES NORD-AMERICAINS

    par Susann HARRISSON, Assistant Director for technical services of the New-York Public Library

    La Bibliothèque Publique de New-York (NYPL) est une société privée indépendante, financée sur fonds privés et par la Ville. Elle comprend quatre bibliothèques de recherche et 82 bibliothèques publiques desservant trois des cinq borough de New-York, Brooklyn et Queens ayant leurs propres bibliothèques. La NYPL et la Bibliothèque de Brooklyn possèdent chacune leur propre logiciel et leur propre base de données mais leurs deux unités cen-traies sont installées dans le même bâtiment et elles partagent les frais de personnel informatique, d'entretien et de gestion. Il est prévu d'interfacer ces deux systèmes entre eux et avec celui de la Bibliothèque de Queens pour que tous les établissements des cinq borough de New-York soient accessibles avec une carte unique.

    Au début des années 1970, la NYPL s'est associée avec huit autres bibliothèques dont celles de Queens et de Brooklyn, pour créer le MILCS (Me-tropolitan Information and Library Cooperative System) et constituer une base bibliographique qui comprend au-jourd'hui 5 millions de titres et 17 millions d'exemplaires. Elle sert de catalogue collectif et est interrogée par d'autres bibliothèques de la région. Comme le MILCS, la plupart des réseaux bibliographiques nord-américains se sont constitués dans les années 1960 et 1970 sur format MARC. Leurs bases comprennent l'intégralité des notices de la Bibliothèque du Congrès et celles créées par les bibliothèques participantes. La plus importante est celle de TOCLC qui comprend 18 millions de notices accessibles à 10 000 terminaux. La majorité de ces réseaux sont des coopératives réunissant un nombre variable de bibliothèques, à public similaire ou non, qui ont décidé de réaliser en commun l'automatisation de la gestion des acquisitions, des périodiques, du prêt et de l'OPAC (1) . Chaque établissement se voit en général facturer le coût des périphériques et une partie du coût de l'unité centrale et du stockage sur disque, ainsi que les frais d'utilisation sur la base d'un montant forfaitaire par transaction, majoré d'une marge de 5 % destinée au financement des augmentations de puissance et des améliorations fonctionnelles. Certaines coopératives assurent des services non liés à l'informatique (acquisition et traitement des livres, prêt interbibliothèque, conseils aux usagers...).

    Quelques réseaux ont le statut d'organisation à but lucratif. Ils ont mis en place une bibliothèque qui propose ses services à titre payant, louant des terminaux et l'espace disque.

    Les bibliothèques publiques américaines, financées essentiellement par les collectivités locales, ont des ressources très inégales. Certaines participent à un réseau en n'utilisant que certains modules de logiciel et le nombre de terminaux qu'elles ont les moyens de payer. Au début des années 1980, les établissements fonctionnant en réseau devaient se conformer aux mêmes règles de prêt et de traitement des retards et aux mêmes formats d'affichage. Les systèmes "clés en main" proposés aujourd'hui permettent aux bibliothèques de partager systèmes et ressources tout en préservant leurs propres pratiques. De nombreuses coopératives avaient été constituées en raison des économies qu'entraînait le partage d'un système de gestion. Or, les fournisseurs ont, ces trois dernières années, mis sur le marché, de petits systèmes performants à bas prix (environ 50 000$pour un système fonctionnant avec 20 terminaux). C'est pourquoi, beaucoup d'établissements ont quitté leur coopérative et pris leur indépendance, d'autant que presque tous les fournisseurs proposent des passerelles permettant l'accès à d'autres bases. Un nombre croissant de bibliothèques s'intègre dans des réseaux locaux de télécommunication, ou dans de grands réseaux reliant des systèmes universitaires ou internationaux à des réseaux à longues distances. Une infrastructure informelle se développe ainsi rapidement dans la communauté universitaire.

    Dans le même temps, le coût élevé des télécommunications conduit de plus en plus de bibliothèques à préférer mettre à la disposition de leurs utilisateurs des catalogues sur CD-Rom, chaque fois que la connaissance instantanée du statut du document et la mise à jour fréquente n'est pas nécessaire. Des bibliothèques d'Etats ont produit des CD-Rom servant notamment de catalogues collectifs pour le prêt interbibliothèque. De nombreux établissements ont investi lourdement dans les matériels de lecture de CD-Rom et ne sont pas prêts de migrer vers des systèmes en ligne.

    Certains espéraient qu'il serait possible d'associer les fonctionnalités développées par les différents fournisseurs en un seul système de gestion'de bibliothèque utilisant l'OSI pour interconnecter les applications. Mais les entreprises présentes sur le marché, se livrent à une concurrence acharnée et ne semblent nullement disposées à faciliter la connexion entre systèmes différents.

    LE RESEAU NEERLANDAIS PICA

    par Anton BOSSERS, Directeur-adjoint de PICA Centrum voor bibliotheek automatisering.

    Créé en 1969 par la Bibliothèque Royale et de nombreuses bibliothèques universitaires, le syndicat pour un programme de recherche dans l'automatisation du catalogue intégré (PICA) a connu un nouveau développement à partir de 1978.

    En 1986, l'Association coopérative PICA a été transformée en institut indépendant à but non lucratif. L'Etat couvre 7 % de son budget annuel, ses autres revenus provenant de la tarification des services aux bibliothèques. Il y a 120 bibliothèques participantes mais on peut considérer aujourd'hui que toutes les bibliothèques néerlandaises sont, d'une manière ou d'une autre, reliées à PICA. Tous les micro-ordinateurs et terminaux peuvent être reliés à toutes les fonctions centrales et locales, soit en direct, soit par l'intermédiaire du serveur local.

    Le système de catalogage commun automatisé, qui bénéficie notamment de l'apport de la bibliographie nationale des Pays-Bas produite par la Bibliothèque Royale, implique qu'une publication ne soit cataloguée qu'une seule fois dans le pays. La qualité de l'information est contrôlée et chaque participant peut compléter les notices avec les données locales qui sont stockées séparément. Le tout fonctionne en temps réel. Le système de prêt interbibliothèques permet la recherche et la localisation de notices. Le prêt proprement dit, n'est encore opérationnel que pour les périodiques. Le service de recherche en ligne permet au public des bibliothèques d'accéder aux notices de la base PICA selon deux procédures (pour usagers débutants et expérimentés) par de nombreuses clés d'accès. L'OPAC permet l'accès au catalogue local selon les mêmes procédures. Le système de gestion locale proposé par PICA comprend la gestion des acquisitions, la gestion du stockage et du prêt, et l'OPAC.

    LA BIBLIOTHEQUE DE FRANCE

    par Alain GIFFARD, Chargé de mission auprès du Président de la Bibliothèque de France

    Le projet initial de la Bibliothèque de France comprenait l'idée de "consultation à distance". Cette idée a été traduite en terme de réseau qui devrait se développer selon cinq axes :

    • 1. Relations avec les grandes bibliothèques internationales ;
    • 2. Diffusion de l'information bibliographique dans les conditions définies par le schéma directeur de la Direction du Livre : la Bibliothèque de France ne sera que producteur de l'information, un établisssement public industriel et commercial assurera la diffusion ;
    • 3. Catalogue collectif national. Un groupe de travail a été mis en place dès avril 1989. Il propose la création d'un établissement dont la Bibliothèque de France ne serait qu'un des partenaires, avec les grandes bibliothèques qui lui seront associées ;
    • 4. Partenariat pour la coopération documentaire et l'échange de services. Le domaine de la Bibliothèque de France étant défini (humanités, sciences sociales et humaines, rôle de la bibliothèque de référence pour les sciences exactes), elle pourrait coopérer avec les établissements dont les fonds sont complémentaires des siens ou qui sont plus spécialisés. En matière de services, il s'agirait d'utiliser en commun des équipements (postes de lecture assistée par ordinateur, transmission à distance). Quant au fonds de prêt, il ne devrait être utilisé qu'en dernier recours ;
    • 5. Réseau de circulation des documents. Cette entreprise, qui suppose la participation des éditeurs et des bibliothèques, reposerait sur la numérisation en mode image ou alphanumérique et des postes de lecture assistée par ordinateur. C'est toute une économie à construire, et des pratiques à inventer.

    L'OSI (Interconnexion des systèmes ouverts)

    par Catherine LUPOVICI, Présidente de la Commission nationale Informatisation et documentation de l'AFNOR et Christine DES-CHAMPS, Chef du bureau de la Modernisation des bibliothèques au Ministère de l'Education Nationale

    L'Open Systems Interconnexion est un cadre normatif permettant d'interconnecter des sytèmes différents fonctionnant sur des matériels et des systèmes d'exploitation différents, en passant par le réseau de télécommunications et sans avoir à développer, deux systèmes par deux systèmes, des interfaces spécifiques. L'OSI fonctionne comme une chaîne de protocoles hiérarchisés en sept couches, depuis les éléments purement physiques jus-qu'aux applications sur sites.

    C'est au Canada que la réflexion sur l'OSI est la plus poussée. On y a développé un protocole de prêt interbibliothèques. Aux Etats-Unis existe un protocole LST pour la production en coopération de notices d'autorité. Une trentaine de bibliothèques participant à l'OCLC participent à l'élaboration de notices proposées à la Bibliothèque du Congrès, qui les valide avant rediffusion.

    La Commission des Communautés Européennes a accepté de cofinancer sur trois ans, en collaboration avec les gouvernements néerlandais, britannique et français un programme pour l'interconnexion par l'OSI de bases bibliographiques des trois pays. Sont parties prenantes PICA, le réseau britannique LASER et la Sous-Direction des Bibliothèques du Ministère de l'Education Nationale. Il s'agira de mettre sur pied un système de prêt interbibliothèques concernant 46 bibliothèques des trois pays participants, tout en vérifiant la fiabilité de l'OSI.

    LE RESEAU NUMERIQUE A INTEGRATION DE SERVICES

    par Robert VEILEX, Docteur ès sciences, Direction des Affaires industrielles et internationales de France Télécom

    Le RNIS, (baptisé en France Numéris) est un réseau unique où peuvent transiter simultanément des signaux de nature très différente permettant de transmettre à très grande vitesse du texte, de l'image et du son. C'est un standard universel qui modifie complètement les ordres de grandeur de tranfert des données ; il a cent fois la puissance du minitel. Ce n'est pas un réseau parmi d'autres : c'est l'avenir du réseau de télécommunication. Sa mise en oeuvre en France sera d'autant plus rapide que notre réseau téléphone, qui souffrait d'un retard important, a maintenant l'avantage d'être numérisé à 70 %, contre 15 % en moyenne dans les autres pays développés. D'ici à la fin de cette année, n'importe quel abonné au téléphone pourra demander à bénéficier de Numéris. D'ores et déjà sont mises en oeuvre 28 applications industrielles et professionnelles dont la moitié concerne l'image, le reste concernant les documents et les données.

    Les applications de Numéris sont très nombreuses et on est loin de les entrevoir toutes. Elles concernent le son, l'image, les données et les textes. Elles fonctionnent avec des micro-ordinateurs, des imprimantes, des télécopieurs. Le terminal de décodage est encore cher (environ 30 000 F.) mais son prix devrait baisser rapidement.

    Nul doute que le monde des bibliothèques trouvera rapidement comment utiliser ce nouveau moyen de communication. La BPI et la Bibliothèque Municipale de Lyon travaillent actuellement sur des projets en ce sens.

    L'AVENIR DES RESEAUX

    par Serge SALOMON, Ingénieur-Conseil à SILOGIA

    Quel est le paysage actuel du réseau des bibliothèques en France ? Sur le plan technique : des réalisations ou des projets dont on nous promet des bénéfices rapides. Sur le plan des réalités quotidiennes : des moyens financiers et techniques limités, une mosaïque de systèmes incompatibles. Sur le plan de la politique des bibliothèques, malgré les progrès importants des dernières années : des querelles entre institutions, des incertitudes dans l'attente des décisions majeures.

    Voici quatre points de repère incontournables pour atteindre l'objectif d'un vaste réseau de bibliothèques françaises interconnectées :

    1. La constitution de réservoirs bibliographiques et de localisation est la priorité. Il s'agit d'éviter la redondance des tâches de catalogage et d'offrir aux usagers des services performants en matière de localisation et de prêt interbibliothèques. Les Etats-Unis et plusieurs pays européens ont atteint cet objectif par les moyens suivants :

    • coexistence du catalogage partagé et de la gestion d'un catalogue collectif,
    • alimentation continue de la base commune par le producteur bibliographique national et par de grandes bases de données étrangères,
    • fidélisation des bibliothèques à ces ressources pour la récupération des notices,
    • normalisation forte des formats et des règles de catalogage,
    • masse critique importante de la base afin de créer la plus grande économie d'échelle possible,
    • environnement informatique de haut niveau.

    Il est clair que nous sommes loin, en France, d'atteindre ces caractéristiques.

    2. Pour passer du discours à la réalité, il y a lieu de répondre d'urgence aux questions suivantes, à la lumière des expériences étrangères et du bon sens des professionnels :

    • comment va-t-on créer la masse critique nécessaire ? Quelles seront les sources d'alimentation privilégiées ? Comment assurera-t-on leur cohérence ?
    • Comment va-t-on prendre en compte la réalité éclatée et hétérogène des systèmes de bibliothèques en France et de leurs catalogues automatisés ?
    • Comment évitera-t-on les redondances puisqu'il semble qu'on ait d'ores et déjà décidé de séparer la fonction de réservoir bibliographique du catalogue collectif de localisation ?
    • Comment va-t-on intégrer le rétrospectif, la partie déjà automatisée des fonds, les fonds anciens, les collections d'ouvrages français ou étrangers ?
    • Comment procédera-t-on pour dédoublonner les notices des catalogues de bibliothèques ?

    3. Peu de secteurs économiques connaissent une informatique aussi fermée et coupée des réalités techniques d'aujourd'hui. Les systèmes sont hétérogènes, incompatibles, peu évolutifs, obsolescents car conçus pour la plupart il y a plus de dix ans. Les fournisseurs, sur ce créneau étroit et très concurrentiel, sont fragiles.

    Les efforts entrepris dans le cadre de l'OSI resteront vains si le monde des bibliothèques ne s'ouvre pas aux évolutions technologiques :

    • systèmes d'exploitation standards de fait ;
    • bases de données relationnelles et réparties;
    • ateliers de génie logiciel et langages de quatrième génération ;
    • réseaux locaux ;
    • intégration des "micros", "minis" et "mainframe" dans un environnement distribué ;
    • stations de travail multifonctions, hypertexte ;
    • portabilité des applications sur un large éventail de matériel.

    Pour gérer dans les quinze prochaines années, les bibliothèques et leurs réseaux, il serait inimaginable de partir des systèmes existants.

    4. Ce chantier ambitieux, qui permettrait à notre pays de rattraper son retard et de participer réellement aux futurs réseaux bibliographiques européens, comprend des enjeux politiques, économiques, scientifiques, techniques et bibliographiques importants qui nécessitent un environnement et un "management" de caractère professionnel et industriel. Il doit être mené dans un délai très court : tout juste cinq ans. C'est encore possible, si tous les moyens et compétences sont associés sans tarder à ce projet.

    1. Online public acces enquiry (accès en ligne du public au calatogue) retour au texte