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    SIBIL

    Un réseau, une base, un système

    Par Maggy Pezeril, Président du réseau SIBIL FRANCE. Directeur Bibliothèque Interuniversitaire de Montpellier

    UN POINT D'HISTOIRE

    Les objectifs initiaux

    L'expérience pilote d'informatisation lancée en 1982 à la bibliothèque interuniversitaire de Montpellier, par une D.B.M.I.S.T nouvellement créée, n'avait pas pour seul objectif de tester l'adaptation du logiciel SIBIL au fonctionnement d'une bibliothèque universitaire française. Elle s'inscrivait dans un projet d'informatisation de l'ensemble des bibliothèques universitaires dont elle était avec d'autres expériences concomittantes, l'amorce. Le lancement de l'opération SIBIL à la BIU de Montpellier s'inscrivait donc d'emblée dans une approche réseau. Cela était rendu possible par les capacités du CNUSC (Centre de Calcul National et Universitaire Sud de Calcul) à être, pour cette application, le serveur d'un futur réseau des bibliothèques universitaires informatisées sous SIBIL. Le concept de réseau était donc bien présent au démarrage de l'expérience.

    Les problèmes de démarrage

    Les problèmes de mise en route de SIBIL, dûs principalement aux fortes contraintes d'équipement en matériel français ont duré de 1984 à fin 1986, freinant le développement de SIBIL : les matériels français existants ne correspondaient pas aux spécificités de l'application ; l'extension du réseau SIBIL aux autres bibliothèques universitaires ne date vraiment que de 1987.

    Pendant ces trois ans, et avant d'avoir pu véritablement tester l'intérêt et l'efficacité du système SIBIL en réseau, la DBMIST lançait concurremment des opérations d'informatisation sur micro-ordinateurs, jugées plus économiques et moins lourdes. Un projet comme SIBIL tournant sur gros système et nécessitant des ressources non négligeables s'est alors trouvé en concurrence avec des projets "micro" (les premiers "MOBI"). La "rentabilité" de SIBIL, évaluée à l'aune des coûts de la micro-informatique, était peu évidente dès lors que de gros moyens informatiques étaient mis en oeuvre au CNUSC. SIBIL supportait d'autant moins avantageusement la comparaison qu'à cette époque tout ratio coût/production ne pouvait qu'être extrêmement défavorable : le coût de revient de la création d'une notice sur la Base SIBIL était sans commune mesure avec la même information créée en local sur un micro. II en serait de même si l'on voulait comparer la rentabilité d'un autobus et celle d'un véhicule individuel, pour le transport d'un seul usager, en omettant de prendre en compte la capacité de transport en commun de l'autobus...

    L'histoire de l'implantation de SIBIL en FRANCE est avant tout celle d'une avancée, lente et parfois difficile, du concept de réseau pour l'informatisation des bibliothèques universitaires.

    Les évolutions de la politique des données et des réseaux

    A travers l'étude des réseaux Nord-Américains (OCLC, RLIN, UTLAS...) pour l'informatisation des bibliothèques et la production coopérative de données, on perçoit bien les enjeux, notamment économiques, d'une politique de réseaux. Le travail en réseau demeure le mode d'organisation le plus performant et le plus économique pour la création de données à côté du travail des agences bibliographiques nationales. Il permet des économies de moyens et contraint au respect des normes et des formats communs, garants de l'échange des données. La prise en compte de cette dimension par la DBMIST dans le cadre de son projet d'informatisation des bibliothèques, aurait pu signifier le développement du réseau SIBIL existant.

    Pourquoi n'en a-t-il pas été ainsi ? Une nouvelle donne venait d'apparaître : celle de la taille des "réservoirs" pour l'alimentation des bases par seule dérivation de notices. Les 1,2 millions de notices de la Base SIBIL de Lausanne, en ligne sur le CNUSC, se trouvaient mises en concurrence avec les 15 millions de notices de l'OCLC accessibles depuis Birmingham. Ironie du sort, les règles de catalogage de l'Association des bibliothécaires suisses n'étant pas complètement identiques à la norme AFNOR, des modifications devaient être apportées au million de notices de Lausanne avant dérivation dans la base française, générant un surcoût de travail non négligeable.

    Les options SIBIL et OCLC en France ont parfois été présentées ou perçues comme concurrentes. Elles procédaient en fait d'un même objectif : la création de réseaux pour la production de données ; mais les deux options différaient profondément, et dans le concept même de "réseau", et par la taille du réservoir de données disponibles. De SIBIL à OCLC, il y avait le passage du catalogage partagé au catalogage dérivé. Le réseau SIBIL FRANCE a donc subi les contre-coups des évolutions importantes de la politique du ministère de l'Education nationale en matière d'informatisation. Ces évolutions, sans remettre vraiment en cause les objectifs initiaux du projet SIBIL, procédaient de stratégies différentes. Le réseau SIBIL, en plein développement, s'est ainsi trouvé confronté à un déplacement des enjeux : il ne s'agissait plus tant d'informatiser les bibliothèques que de mettre en place une politique de développement de la base avec pour objectif la réduction des coûts de catalogage et la progression de la production de données.

    Les contraintes étant sources de dynamisme, elles ont permis au réseau de se donner des objectifs nouveaux et un mode de fonctionnement autonome, mieux adaptés, car mieux adaptables, aux évolutions et aux exigences de son environnement. Ainsi l'Association réseau SIBIL France, créée en 1987 pour gérer la base, le système et le réseau, a permis une extension rapide du réseau, une prise en charge des besoins des membres, une meilleure articulation avec l'équipe REBUS et la mise en place d'une politique des données.

    Le réseau SIBIL-FRANCE, réseau de coopération entre bibliothèques

    Pour ces raisons historiques, et pour la survie du réseau, les bibliothèques participantes, et notamment celles des débuts de SIBIL ont accepté d'investir une part importante de leurs ressources humaines pour assurer ce développement. Une estimation récente évalue à l'équivalent de 11 postes les ressources humaines affectées au fonctionnement du réseau, dont 3.5 conservateurs, 2 bibliothécaires-adjoints et 0.5 administratif fournis par les bibliothèques. Cet important investissement des bibliothèques, s'il n'est pas sans poser problème, donne au réseau une dimension humaine et professionnelle particulière.

    Depuis l'étude de faisabilité jusqu'au suivi de l'informatisation et du catalogage, de la documentation à la formation, le réseau SIBIL FRANCE met au service de tous ses membres son savoir-faire et une assistance permanente. Malgré la charge induite, ce support réseau à toutes les phases de l'informatisation s'est révélé être l'un des facteurs, et non des moindres, de réussite.

    ETAT DU SYSTEME

    Développé à partir de 1971 pour la Bibliothèque Cantonale et Universitaire de Lausanne, SIBIL est un logiciel de gestion intégré en réseau : il informatise la totalité des fonctions des bibliothèques, bulletinage exclu.

    Chaque bibliothèque a la maîtrise des fonctions qu'elle souhaite informatiser, dans l'ordre qui lui convient. Entièrement interactif et en temps réel pour tout ce qui touche à la saisie, au contrôle et à l'interrogation des différentes données, le système gère en batch l'accroissement quotidien des fichiers, les procédures de validation et d'édition.

    Grâce aux ressources informatiques et aux capacités disques mises à disposition par le CNUSC, le développement rapide du réseau en 1988-90 a facilement été supporté ; le réseau SIBIL-FRANCE bénéficie du réseau de télécommunication et des lignes à haut débit qui relient le CNUSC aux universités du sud de la France, à Paris ainsi qu'aux centres de calcul universitaires français. Une liaison "cross demain" avec le SUNIST permet la consultation, depuis tout terminal SIBIL des fichiers gérés par le SUNIST.

    Les réalisations nouvelles en matière de logiciel sont trop nombreuses pour être détaillées. Maintenu en Suisse par une équipe permanente, le logiciel bénéficie d'une nouvelle version annuelle (la version 13 sera installée en France au début 1991).

    Un plan de développement : 19871991

    Au delà de la maintenance annuelle, depuis 1987 un plan de développement du logiciel a été défini et mis en oeuvre par le réseau REBUS, pour adapter le système aux nouveaux besoins des partenaires du réseau. Les fonctionnalités du logiciel ont été améliorées, d'autres créées. L'effort de développement a porté principalement sur l'édition, les accès en ligne, les conversions de format, et plus globalement sur tous les problèmes d'import-export de notices. Les conversions USMARC-SIBIL-USMARC, SIBIL-UNIMARC sont actuellement réalisées, la conversion UNIMARC-SIBIL est en cours. Un logiciel de dédoublonnage complète ce dispositif pour l'importation de données. Les procédures de dérivation ou d'exportation, de télédéchargement sur micro sont en cours d'élaboration. L'ensemble de ces programmes permettra dès 1991 la dérivation de données étrangères, et leur traitement pour des opérations de catalogage rétrospectif ou courant.

    Vers un SIBIL 2000

    Cependant en dépit des maintenances et des développements nouveaux, le système SIBIL atteint un stade où il doit faire l'objet d'une évaluation de ses performances et de sa capacité à répondre aux besoins de ses usagers. Au moment où les bibliothèques universitaires et de recherche connaissent des évolutions rapides de leur fonctionnement, de leurs structures, de leurs missions, les options prises à un moment donné cessent d'être adéquates. L'environnement informatique a changé, SIBIL, même s'il tient encore bien la route, a besoin d'être évalué à la lumière des besoins et projets. Une réflexion fondamentale sur l'évolution et le devenir du logiciel, amorcée en 1989, se poursuit à travers un comité de pilotage et un groupe de projet, chargés de l'étude d'un SIBIL 2000. Cette approche témoigne de la volonté du réseau REBUS d'aborder les réévaluations indispensables du système tout en préservant les acquis fondamentaux : les données, le savoir-faire accumulé, le concept de réseau.

    ETAT DU RESEAU

    Au total en 1989, 25 organismes de documentation représentant 45 sections de bibliothèque ou unités documentaires participent au réseau SIBIL FRANCE. Ce sont en majorité des bibliothèques universitaires ou de recherche dont 18 bibliothèques universitaires ou interuniversitaires. Depuis 1987-88 le réseau s'est accru d'environ 10 bibliothèques (sections) par an, les statistiques de production des données, en catalogage courant, reflètent ce développement. Le décollage des données est particulièrement sensible en 1988-89. Les chiffres de 1986 à 1988 témoignent d'un doublement annuel de l'accroissement de la base, même si le nombre de données produites reste encore faible.

    Bien entendu par sa taille (221 000 créations et 316 000 localisations au 30/09/90) et sa "jeunesse" la base SIBIL ne peut se comparer aux grands réservoirs de données existant à l'étranger, mais elle constitue aujourd'hui une des bases de données d'origine universitaire consultable par MINITEL (36-15 SF).

    Un des paramètres intéressants dans l'étude du catalogage en réseau est le ratio : localisation/création. Ce ratio est de 20 % en 1987, de 30 % en 1988, de 65 % en 1989, de 80% en 1990. Sa progression témoigne de l'effet "réseau" conjugué à un rééquilibrage des différentes disciplines dans le réseau. Les taux de recouvrement donnent une indication plus positive encore de l'effet réseau. Etablis sur des échantillonnages de 200 à 500 notices, ces taux de recouvrement tournent autour de 70% (taux moyen étudié sur 15 bibliothèques).

    Les taux varient selon les secteurs, dans les secteurs Droit-Lettres-Sciences humaines, ils atteignent 80% ; ils sont supérieurs pour les BU par rapport aux bibliothèques spécialisées. Autre indicateur de recouvrement : le test réalisé par le cabinet Van Dyck dans le cadre du Schéma directeur de la Direction du livre et de la lecture : taux moyen : 62 % (test n° 2 du 15 novembre 1989 ).

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    La base

    Secteurs et domaines linguistiques couverts

    Tous les secteurs et disciplines universitaires sont couverts. Actuellement une légère prédominance des données du secteur Droit-Sciences Sociales-Lettres reflète la supériorité numérique de ces sections aux débuts du réseau, l'importance du volume d'acquisition et de création de données de bibliothèques comme celle de la Sorbonne. La prochaine intégration des 70.000 notices du fichier de la Bibliothèque de l'Ecole Polytechnique, l'entrée des Bibliothèques interuniversitaires de Médecine et Pharmacie de Paris, renforcera la base du côté des Sciences exactes et du secteur Santé. La base SIBIL France a quelques secteurs spécifiques, peu représentés statistiquement mais qui constituent néanmoins des pôles intéressants : un secteur des sciences religieuses et un secteur livres anciens. L'entrée prochaine de plusieurs bibliothèques d'instituts représentera sans nul doute un apport de données complémentaires des fonds des bibliothèques Universitaires.

    L'étude de la répartition linguistique des données montre un fichier composé à 65% de documents en français, contre 15% en anglais et 3% en allemand. Les autres langues européennes sont chacune aux environs de 1%. Ces statistiques sur la répartition linguistique des données dans la base fournissent des indications intéressantes sur les stratégies, à court et moyen terme, d'achat de données.

    L'ECONOMIE DU RESEAU

    Vers la clarté des coûts : faute d'une grille satisfaisante d'analyse des coûts, cette étude ne peut être qu'approximative, elle s'appuie sur les données budgétaires connues au 31/12/89.

    Nombre de terminaux : état au 1er janvier 1989 = 140, état au 31/12/89 = 190 (plus de 650 terminaux en Suisse). En 1987, le nombre moyen de notices localisées par terminal de catalogage était de 715 par an. En 1990 le nombre moyen de notices par terminal de catalogage sera de 1150 par an, soit une progression de la "productivité" du poste-catalogage de 60%. Ces chiffres incluent les opérations de relecture, correction des données, les consultations du fichier Rameau et de la base SIBIL en ligne. Les gains de productivité en terme de nombre de notices par terminal sont accompagnés de gains de productivité par catalogueur : à effectifs constants, après la première année de formation et de démarrage, la production en notices d'une section donnée croît d'environ 15% l'année suivante et d'environ 30% ensuite.

    Le coût moyen annuel de fonctionnement par terminal

    Il s'établit en 1989 à 17 300 F ; 21 300 F en imputant l'amortissement du matériel, sur 5 ans. Ceci inclut tous les coûts directs hors personnel et mobilier supportés par la bibliothèque, tous les coûts informatiques, toutes les éditions. Le coût par notice créée ou localisée est estimé à partir du nombre de notices par terminal et par an. Calculé sur la base de 1000 notices, il serait de l'ordre de 18 F par notice, hors espace disque. Globalement en prenant en compte les coûts d'espace disque au CNUSC, une notice SIBIL revient aujourd'hui à 20 F.

    Le catalogage en réseau, une économie des coûts

    Compte tenu de ces coûts, et du coût humain, 10 fois supérieur environ, le gain de productivité des catalogueurs doit être encore augmenté. Le réseau élabore donc actuellement une politique de "dérivation" de données dans le cadre d'opérations rétrospectives ou courantes. Pour le catalogage courant, des fichiers réservoirs peuvent, comme celui du réseau romand, être installés sur le CNUSC et rendus accessibles en ligne pour la dérivation. Les problèmes majeurs ne sont plus tant techniques qu'économiques : le réseau étudie les conditions et les coûts d'achat, de chargement, de stockage de notices externes. Il se préoccupe également d'assurer une gestion plus centralisée de la base, sinon son accroissement rapide par des sources hétérogènes risquerait d'entraîner une perte de qualité et des problèmes de cohérence du fichier. Un gestionnaire de base vient d'être nommé pour assurer cette gestion centralisée. Un poste de gestionnaire de réseau le sera prochainement.

    Du catalogage partagé au catalogage dérivé en réseau

    "Tous pour un, un pour tous" : pour la production des données, la philosophie du catalogage partagé, qui a été au départ celle de SIBIL, prend en compte les procédures de dérivation, tout en conservant les "principes fondateurs du réseau" : le réseau SIBIL FRANCE ne se positionne pas comme "vendeur", son seul objectif restant de mettre un fichier de plus en plus important à disposition de ses membres.

    Le fichier du réseau romand est de même mis gratuitement à la disposition de SIBIL FRANCE avec mises à jour mensuelles : 1,3 millions de notices cela se négocie ailleurs...

    Car le réseau fonctionne sur une base de coopération dont le catalogage partagé n'est qu'un des aspects. Aux débuts de SIBIL en France, les fichiers sources comme la Base BN n'étaient pas disponibles ; le catalogage partagé, en réseau, a donc constitué la solution la plus économique au problème de la création de données.

    Il reste encore la solution qui permet de maintenir l'homogénéité d'un fichier. Il nécessite en contre-partie un important travail de formation, de normalisation, de contrôle des procédures et de contrôle des données, qui n'est pas sans susciter, ici ou là, des résistances ou des prises de pouvoir. Inévitable en l'absence de réservoirs adéquats et disponibles de données faisant "autorité", le catalogue partagé tend à céder du terrain devant une stratégie de dérivation de données. Dès lors que des fournisseurs de données sont capables de fournir, dans un rapport qualité/délai/prix acceptable et dans des formats et des normes compatibles, des fichiers réservoirs de qualité, sur CD ROM ou sur bandes, la question qui se pose au réseau SIBIL devient économique. A terme, les bibliothèques membres devraient être en bonne partie soulagées du travail actuel de création de données qui, même partagé, reste assez lourd ; il faudrait parvenir à un catalogage original résiduel d'au maximum 15%. La principale préoccupation du réseau est donc bien cette économie du catalogage, à laquelle il n'y a pas aujourd'hui de réponse simple.

    A quel coût une notice achetée pour le réseau est-elle plus "avantageuse" qu'une donnée créée en catalogage partagé ?

    Cette approche économique du catalogage ne doit pas exclure l'approche qualitative qui s'impose dans la perspective de la constitution d'un catalogue national.

    D'HIER A DEMAIN, OBJECTIFS ET ENJEUX

    Pour le catalogage du rétrospectif, outre des problèmes de rédaction de cahiers des charges, souvent laissés à l'initiative du fournisseur ou du prestataire de service, des problèmes juridiques préalables se posent. Le domaine du droit en matière de données informatiques, bien qu'encore flou, ne doit pas être ignoré. La mise en oeuvre d'une opération rétrospective suppose des négociations d'ordre juridique incontournables que les partenaires ont souvent tendance à sous-estimer. Il convient aussi de se garantir contre toute réutilisation ultérieure par le prestataire de la base de données dérivées ainsi constituée.

    Big is not (forcément) beautiful

    La taille des fichiers réservoirs est l'argument commercial le plus fréquemment mis en avant pour de telles opérations. Il faut y regarder de plus près. Pour les opérations de catalogage courant tous les taux de recouvrement que nous avons calculés montrent que ce n'est pas tant la taille du réservoir qui importe que l'adéquation des notices du réservoir aux fonds de la bibliothèque et à ses acquisitions, surtout quand celles-ci se comptent tout au plus en dizaine de milles. Dérivez 10 000 notices de 1,4 millions ou de 15 millions, le résultat final en terme quantitatif ne sera pas très éloigné. En terme qualitatif les écarts sont parfois considérables. La qualité et l'homogénéité des notices, la conformité des accès, la présence d'une indexation "conforme", le degré de "fraîcheur" des notices, ne sont-elles pas plus décisives pour les BU que la taille du fichier source ? La stratégie de dérivation, si elle semble la seule envisageable pour du rétrospectif, doit aussi s'accompagner d'une sérieuse étude des coûts et des objectifs notamment qualitatifs.

    Pour ces opérations, le facteur "coût humain" est de loin plus onéreux que le facteur "coût d'achat" de la notice dérivée. Si la quantité de notices dérivables est un facteur important pour une telle opération, la qualité des notices dérivées et leur degré d'homogénéité par rapport au fichier "cible" à alimenter devraient être déterminants. Une étude menée en 1989 sur une livraison de bandes de la LC "BOOKS ENGLISH" indiquait 1 notice sur 4 à reprendre en terme d'accès par rapport au fichier du réseau romand. Ce n'est pas rédhibitoire, ce n'est pas non plus complètement négligeable. Aucune société de service "rétrospectif" ne saura harmoniser convenablement des accès, ni même "traduire" une collectivité auteur d'un système de référence dans un autre. Si l'opération rétrospective ne sert qu'à alimenter le fichier propre d'une bibliothèque, les dommages sont limités et sans doute "rattrapables" localement. Mais lorsque ces données sont reversées dans un catalogue collectif, les risques de perturbation doivent être mesurés.

    Les problèmes d'indexation du rétrospectif

    Pour les BU la présence d'une indexation RAMEAU, est un des critères importants de choix du fichier source.

    Les autres sources impliquent soit l'absence d'indexation, soit la recréation de l'indexation ce qui est inenvisageable dans le cadre d'une conversion rétrospective, vue la lourdeur de l'indexation sous RAMEAU. La charge de l'indexation est déjà considérable dans le catalogage courant, elle absorbe plus des 2/3 du travail de création de la notice, et fait perdre le gain de productivité induit par l'informatisation du catalogage. Mais, si les conséquences pratiques et économiques du système d'indexation des BU pèsent lourdement sur le circuit du catalogage courant, les opérations rétrospectives en sont rendues plus difficiles encore. La reprise de "l'indexation maison" préexistante sur les fichiers à saisir, envisageable pour du rétrospectif, n'est pas compatible avec un système d'autorité de type Rameau et induirait des perturbations importantes dans la base cible, a fortiori dans un catalogue collectif.

    Cependant y a-t-il une autre solution qu'un système unique d'indexation pour la réalisation des catalogues collectifs ?

    Rétrospectif et réseau

    Enfin pour le réseau SIBIL l'approche "réseau" est prioritaire. Y a-t-il, en dehors de celle des profits des sociétés de service, une logique aux projets qui s'annoncent ici et là de catalogage rétrospectif de bibliothèque dont les fonds, sauf fonds spéciaux, se recouvrent à plus de 70% ? Est-il judicieux de payer des données pour une seule bibliothèque alors qu'elles sont "partageables" par tout un ensemble de bibliothèques ? Des opérations rétrospectives devraient prioritairement porter sur des fonds très spécialisés ou de très grande taille, pour que les données "récoltées" apportent à leurs réseaux respectifs et à la collectivité une quantité importante de données "d'intérêt national", réutilisables sans surcoût par les membres de leur réseau.

    A-t-on les moyens en France aujourd'hui de financer ici et là des projets de rétrospectifs qui, en dépit de leur indéniable intérêt local, ne s'inscriraient pas dans une logique de réseau et de catalogue collectif ? Il faut craindre que, dans ce secteur comme dans celui de l'informatisation, les bibliothèques n'abordent les problèmes de rétrospectif qu'au travers des offres, elles, parfaitement formulées et convaincantes des fournisseurs.

    L'OPAC

    Un autre enjeu de SIBIL était de rendre la base accessible aux usagers autrement que par les microfiches et catalogues divers qu'éditait le système, les accès professionnels en ligne n'étant de toute évidence pas adaptés aux interrogations des usagers. L'OPAC, nouvelle version, offre un accès par menu, plus convivial, aux données, doublé d'un accès Minitel en France depuis 1988.

    Pour répondre aux besoins locaux spécifiques, des OPAC locaux, notamment multi-fichiers, ont été réalisés et interfaces avec SIBIL : OPAC GRACE à la BIU de Bordeaux (sous TEXTO) OPAC de la BU de Paris X Nanterre réalisé par la société ISL...

    Les approches croisées : réseau local/réseau Sibil se multiplient pour les OPAC et pour certaines fonctions locales (prêt, acquisitions, gestion des périodiques).

    C'est la solution composée, ce terme désignant le déchargement de données issues du réseau sur un système local complètement ou partiellement intégré.

    La solution composée répond notamment à des besoins spécifiques que le système SIBIL dans son état actuel ne peut satisfaire ou à des projets de catalogues collectifs locaux, tout en préservant le catalogage en réseau. Les études comparatives des coûts des solutions composées restent cependant à faire. Comparer la solution composée au système intégré, fait partie de la réflexion fondamentale SIBIL 2000.

    REALISATIONS ET PROJETS

    Trois objectifs prioritaires ont guidé jusque là le réseau SIBIL dans son développement :

    • 1) étendre et renforcer le réseau (géographiquement et thématiquement). Pour faire bénéficier réellement les membres de "l'effet réseau", il fallait dépasser un seuil critique ; au delà de 20 bibliothèques le réseau a trouvé son assise et justifie les investissements lourds initiaux ;
    • 2) développer la Base : c'est l'objectif prioritaire 1990-92. Dans cette perspective s'inscrivent les réalisations des conversions de format nécessaires pour l'import-export de données de et vers les autres systèmes ou réseaux.

    Le problème de l'écrasement des niveaux en sortie une fois résolu, il reste à régler les problèmes posés par le maintien des niveaux en interne. Une étude comparative du marché des données a été réalisée par REBUS et servira de guide aux choix du réseau français, les problèmes de copyright restent cependant encore flous dans le cadre d'une exploitation des notices en réseau. Il restera, et non des moindres, les problèmes d'indexations et d'uniformisation des accès.

    Les enjeux actuels et leur problématique

    L'enjeu aujourd'hui n'est pas de supplanter tel ou tel système ou réseau, ou de rechercher une situation de monopole pour l'informatisation des BU ; il est d'être en position de recevoir et d'échanger des données, d'alimenter le ou les catalogues collectifs nationaux ; d'être capables de se situer dans des réseaux de données locaux ou de communiquer avec un autre système local, de mettre en place des solutions composées ; de collaborer sur le plan national à tout programme et à toute réflexion qui vise à faire communiquer les données et les réseaux et de contribuer à la création de données bibliographiques "franco-françaises" ; réfléchir aux besoins des usagers de demain et aux missions de nos établissements à l'horizon des années 1996-2000.

    La stratégie d'extension mise en place entre 1987 et 1989 cède donc le pas à une stratégie de gestion de la base et du réseau centrée sur les problèmes de données. La recherche de moyens nouveaux pour mettre en oeuvre cette stratégie sera, demain comme aujourd'hui, au coeur des préoccupations du réseau SIBIL FRANCE.

    RESEAU VERSUS SYSTEME: PRIORITE RESEAU

    Bien qu'ayant parfois pris fait et cause pour la survie du système SIBIL proprement dit, le Réseau a toujours parié et parie encore sur la prééminence des données et des réseaux sur les systèmes.

    Les systèmes évoluent ou sont remplacés, les fonctionnalités d'un système informatique, adéquates à un moment donné cessent de l'être complètement au bout de quelques années l'état de l'art en informatique évolue encore plus rapidement. Les maintenances des logiciels ont leurs limites et leurs coûts ; ils sont souvent à la traîne des nouvelles exigences des usagers.

    Enfin le facteur coût, de mieux en mieux cerné, amène parfois des révisions de choix informatiques, qui n'ont pas besoin d'être déchirantes. Les débats sur les systèmes ne sont certes pas périmés, car ils sont nécessaires dans ce contexte d'évolution de la demande et de mise en concurrence de l'offre.

    Mais ils ne sauraient faire oublier aux partenaires en présence les véritables enjeux de l'informatisation de structures documentaires lourdes comme le sont les bibliothèques universitaires : la mise en réseau pour la création de données utilisables par la collectivité. Le réseau des BU existe, il est un des acteurs importants de l'accès à l'information et au document primaire ; l'enjeu d'une informatisation ne peut être ramené au seul enjeu local, même si les besoins locaux sont souvent perçus comme prioritaires.

    La mise en réseau des bibliothèques universitaires, pour la production de données, reste l'enjeu majeur. Le réseau SIBIL FRANCE qui contribue à cette mise en réseau des bibliothèques et des centres de documentation universitaires est l'un des acteurs d'une politique nationale. C'est dans cette perspective que se situent ses projets et ses priorités pour la période 1990-92.