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    Le vidéodisque :"Vélins du Muséum"

    Par Monique Ducreux, Conservateur en chef Bibliothèque centrale du Muséum national d'Histoire naturelle

    Introduction

    La Bibliothèque centrale du Muséum national d'Histoire naturelle, riche d'un fonds patrimonial imprimé et manuscrit abondamment illustré, offre à son public de lecteurs, au monde de la recherche scientifique, artistique ou historique, à celui de l'édition ou de l'enseignement une mine quasiment inépuisable de documents reproduisant des plantes, des animaux, des minéraux, etc. Si la plupart sont aisément consultables, il n'en est pas de même de la prestigieuse série dite des "Vélins du Muséum". Conservée précieusement dans des portefeuilles de maroquin rouge eux mêmes enfermés dans des armoires, cette collection connue de quelques rares privilégiés, est constituée essentiellement d'aquarelles originales peintes sur vélin ou peau de veau mort-né. Initiée par Gaston d'Orléans frère de Louis XIII au début du XVIIe siècle, vers 1625, léguée à son neveu Louis XIV, continuée grâce à Colbert, elle trouva tout naturellement sa place à la Bibliothèque royale. A la Révolution, alors que le décret de la Convention du 10 juin 1793 venait de transformer le Jardin royal des Plantes médicinales en Muséum national d'Histoire naturelle, était parallèlement créée par le même décret, la Bibliothèque du Muséum, destinée à rassembler l'essentiel des collections d'Histoire naturelle.

    La collection des vélins confiée à la Bibliothèque du Muséum en juillet 1794, un an après sa création, prit alors un nouvel essor : aux plantes et oiseaux qui la composaient principalement, s'ajoutèrent mammifères, reptiles, coquillages et autres représentants actuels ou fossiles du règne animal. Les peintres de plantes ou d'animaux se succédèrent jusqu'à nos jours et cette collection encore vivante aujourd'hui, compte près de 7 000 pièces. L'ensemble est homogène, l'essentiel des planches est exécuté sur vélin, sensiblement au même format, (460 x 330 mm), la même technique de peinture, l'aquarelle, est employée. C'est afin de mieux conserver et protéger ces quelques 7 000 documents originaux accumulés pendant trois siècles, associant qualité scientifique et artistique, c'est aussi dans le but de mieux les faire connaître, que la Bibliothèque du Muséum, après étude des moyens technologiques disponibles sur le marché, opta à la fin de l'année 1985, pour la réalisation d'un vidéodisque. Ce support nouveau paraissait en effet allier une bonne qualité de restitution de l'image à des possibilités techniques tout à fait performantes. Le projet reçut immédiatement l'agrément de ces deux tutelles, le Muséum national d'Histoire naturelle d'une part, la DBMIST (Direction des bibliothèques, des Musées et de l'Information scientifique et technique) d'autre part. De même celles-ci assurèrent le financement de l'opération.

    Réalisation du vidéodisque

    Stocker des images sur un vidéodisque qui les restituerait le plus parfaitement possible, constituer une base de données scientifique évolutive, commercialiser le produit et éditer des sous-produits étaient les premiers objectifs de la bibliothèque du Muséum. Un vidéodisque pouvant contenir sur une seule de ses faces 54 000 images, la bibliothèque du Muséum, pensait utiliser une seule face et adjoindre aux 6 983 vélins, les 485 planches des "Oiseaux d'Amérique" du célèbre ornithologue Jean-Jacques Audubon. Le vidéodisque se serait alors intitulé "Vélins du Muséum, Oiseaux d'Amérique d'Audubon". Etant donné l'évolution du projet, les planches des "Oiseaux d'Amérique" seront éditées ultérieurement sur un autre support. Tel qu'il était conçu au départ, ce produit ne se distinguait pas des produits analogues déjà réalisés. Il s'agissait de porter sur un vidéodisque Laser vision la collection des vélins et de l'exploiter parallèlement à une base de données informatiques en environnement MS/DOS.

    Elaboration du projet

    Cette opération ne fut pas, hélas, menée aussi rapidement que la bibliothèque avait pu l'envisager au départ. Effectivement commencée en 1986, elle vient seulement de s'achever. En février et septembre 1992 ont été respectivement livrés à la bibliothèque les 200 exemplaires pressés au format PAL et les 100 exemplaires au format NTSC, accompagnés de leur pochette et du guide bilingue d'utilisation.

    En 1986, la Bibliothèque du Muséum, soutenue et conseillée par la DBMIST, contacta plusieurs sociétés et procéda au choix des prestataires. Furent finalement retenus, le "Studio de la Comète" pour la campagne photographique, la Société TRIBVN pour la fabrication du disque.

    Parallèlement, la bibliothèque élaborait un cahier des charges destiné à obtenir le financement de l'opération. Il présentait le projet, en décrivait les objectifs, envisageait la commercialisation du disque donc son édition aux formats européen (PAL) et américain (NTSC), abordait le problème de la préservation des images, estimait les besoins en personnel, donnait le chiffrage global de l'opération, précisait le phasage des travaux.

    Le personnel

    Pour ce qui est du personnel, il faut préciser ici que la bibliothèque centrale mobilisa ses propres effectifs et que l'équipe constituée sur place, menée par un conservateur, assura sans apport extérieur si ce n'est un vacataire engagé pour quelques mois, les différentes opérations lui incombant. A elle seule, la bibliothèque effectua successivement, la double analyse de la collection, opération qui incluait le choix des cadrages intéressants sur le plan scientifique ou éventuellement artistique et le contrôle des fichiers existants (deux fois 6 semaines), la première vérification de la nomenclature des espèces, l'assistance au studio de prises de vues, la saisie des données dans la base, le comptage des images.

    Campagne photographique (Studio de la Comète)

    Réalisée sur place à la bibliothèque centrale par le Studio de la Comète, assisté de l'équipe de la bibliothèque, la campagne photographique fut rondement menée. Entre le 5 Octobre 1987 et le 20 décembre de la même année, près de 30 000 prises de vues au format 24 x 36 mm furent exécutées.

    Saisie des données numériques.

    Il s'agissait pour la bibliothèque d'entrer les données numériques (numéro de volumes, nombre de zooms, numéro d'ordre, numéro du vélin, numéro de la première image, numéro de la dernière image) sur micro-ordinateur, afin d'établir la concordance entre les originaux et les diapositives. Le photographe pouvait ainsi à tout moment contrôler son travail et le personnel de la bibliothèque déceler les erreurs ou les oublis. Il faut tout de même dire ici que le programme s'étant avéré inutilisable, le conservateur chef du projet, a du effectuer les comptes manuellement !

    Transfert- Pressage (Société TRIBVN)

    Une fois la saisie photographique terminée, les diapositives furent envoyées après contrôle par la bibliothèque, au Laboratoire de transfert de la Société TRIBVN. L'originalité de ce laboratoire réside dans sa capacité à extraire les fichiers numériques des images qu'il traite simultanément au report sur bande magnétique 1 pouce pour la fabrication de vidéodisque. La numérisation s'effectue à la norme 4.2.2.

    Les prises de vue sont transmises à un système de traitement d'image délivrant un signal analogique passant ensuite dans un convertisseur numérique où il est transformé en signal numérique. Chaque image y est découpée en 720 x 576 points, le poids d'une telle image avec 16,7 millions de couleurs simultanées est de 840 Koctets. Les 30 000 prises de vues qui figurent sur le vidéodisque du Muséum, sont archivées sur des cassettes numériques de 2,3 Gigaoctets, dont chacune d'entre elles contient 2 000 images.

    Ce système d'archivage numérique est particulièrement performant puisque le signal ne se dégrade pas, contrairement au signal analogique. Ce sont surtout les grandes facilités de manipulation des fichiers numériques et la qualité de l'image restituée qui ont incité le Muséum d'histoire naturelle à adopter le système de TRIBVN (1) .

    Constitution de la base de données.

    Elle a été conçue et réalisée par la bibliothèque centrale sur un programme préparé par la Sté TRIBVN et construit par une maison de sous-traitance. Plusieurs saisies ont été nécessaires, le programme initial s'étant révélé imparfait. A partir des champs crées, des index ont été conçus. La base se veut évolutive et des champs peuvent être rajoutés.

    En même temps qu'étaient alimentés les champs par le personnel de la bibliothèque centrale, le chef du projet constatait de graves erreurs de nomenclature. C'est alors que s'est établie une étroite collaboration entre le monde de la recherche et les bibliothécaires. Pendant près de neuf mois, une quarantaine de chercheurs du Muséum, émanant des laboratoires de zoologie, de botanique, de cryptogamie, de minéralogie, etc... ont vérifié, image après image, les appellations portées sur les planches. Parfois même, des comparaisons ont été faites entre les planches de vélins et les animaux ou les plantes conservées dans les collections des laboratoires, herbiers ou bocaux renfermant des spécimens ou des individus encore vivants ou disparus.

    Réalisation du produit final

    C'est alors que s'est opéré un virage très important dans la réalisation du disque. Un projet bien plus ambitieux fut progressivement mis au point par la Sté TRIBVN. Il s'agissait d'organiser toutes ces images de façon à les rendre accessibles directement en mode autonome, c'est à dire sans l'ordinateur de pilotage et seulement en utilisant la télécommande du lecteur. Sur place, la bibliothèque centrale dispose du système complet, comportant la base de données chaînée au vidéodisque, le vidéodisque et son lecteur, le téléviseur PAL/Secam, l'imprimante couleurs. Mais le même disque, peut être consulté sans la base de données puisqu'une partie des informations entrées dans la base ont été reprises et inscrites sur le disque.

    La Société TRIBVN a donc développé un véritable outil numérique d'édition de vidéodisque organisé, le "livre optique". Pour accéder au plus vite au document recherché, pour organiser une plus large consultation, pour permettre de feuilleter le disque, près de 25 000 pages placées au début du disque sont consacrées aux informations et au choix.

    Ce vidéodisque qui comporte près de 30 000 images et 25 000 pages d'informations constitue une véritable encyclopédie scientifique avec ses différents moyens d'accès, les index, son texte et ses images.

    Comment utiliser le disque ?

    On peut accéder à n'importe quelle planche du vidéodisque à partir de l'un des cinq index bilingues français-anglais, placés au début du disque : index des auteurs, des noms scientifiques, index des noms vulgaires français, index des noms vulgaires anglais, index par numéros de volumes. Après consultation des index, on accède à la banque d'images.

    A un vélin correspond un "dossier", comprenant une fiche d'identité, le vélin pleine page, des détails , une fiche "retours". La fiche d'identité placée en tête du "dossier" comporte le nom de l'auteur, la catégorie, la famille, le nom vulgaire, le nom scientifique, une photo d'identité qui représente un détail significatif. La fiche "retours" permet d'accéder indifféremment aux vélins du même auteur, aux vélins portant le même nom scientifique, à ceux ayant le même nom vulgaire français, à ceux ayant le même nom vulgaire anglais, à ceux inclus dans le même volume.

    La seule manipulation de la télécommande permet d'accéder à l'index de premier niveau où s'effectue le choix d'une initiale ou d'un volume ; on entre ensuite dans l'index de deuxième niveau permettant de choisir un nom (scientifique, vulgaire anglais, vulgaire français, auteur), enfin l'index de troisième niveau permet de choisir une "photo d'identité" et d'entrer ensuite dans la banque d'images.

    Ces développements réalisés par la Sté TRIBVN ont transformé la banque d'images des vélins en un produit d'édition. Grâce à ce système les institutions, les bibliothèques, les particuliers français et étrangers équipés d'un simple lecteur de vidéodisque peuvent accéder aux richesses de l'exceptionnelle collection des "Vélins du Muséum".

    Cette alliance entre l'histoire et les technologies de pointe est le pas vers de nouvelles aventures enrichissantes pour les acteurs comme pour les spectateurs.

    1. La bibliothèque du Muséum pendant plus de deux ans et consécutivement au retard pris par le prestataire, n'a disposé que d'un disque de démonstration. Il s'agissait d'un disque de verre relié à la base de données constituée par la bibliothèque. Pendant ce temps la Sté TRIBVN devait travailler à la fabrication des index retour au texte