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La politique éditoriale de la Bibliothèque nationale

1992

    La politique éditoriale de la Bibliothèque nationale

    Par Pierrette Crouzet-Daurat, Chef du Service des éditions Bibliothèque Nationale
    Les ouvrages édités par la BN dans le cadre de ses missions sont principalement et depuis l'origine, que l'on peut faire remonter au XVLLeme siècle (1) , des inventaires de collections, ouvrages scientifiques et instruments de travail de première nécessité qui permettent les recherches elles-mêmes. La Bibliothèque Nationale est non seulement éditeur scientifique dans le cadre de ses missions, mais également auteur et source documentaire lorsque ses collections sont reproduites par ou en collaboration avec des éditeurs privés. L'évolution des quatre dernières années a diversifié la production, illustré et enrichi les catalogues d'exposition et développé plus systématiquement le partenariat avec l'édition privée.

    La mission de publication de la Bibliothèque Nationale

    Définie par son statut, elle découle de l'ensemble de ses missions : "collecter, cataloguer, conserver en permanence, exploiter les documents soumis au dépôt légal, rassembler des documents de toutes sortes et en dresser le catalogue". L'institution doit conduire des recherches dans le domaine des sciences humaines et sociales et concourir aux missions du ministère de la Culture dans les domaines de la recherche, de la documentation, de la promotion et de la conservation du patrimoine national.

    Elle doit donner accès à ses collections et valoriser les documents conservés dans ses départements : Arsenal, Arts du spectacle, Cartes et Plans, Estampes et Photographie, Livres imprimés, Manuscrits (occidentaux et orientaux), Monnaies, Médailles et Antiques, Musique, Périodiques, Phonothèque et Audiovisuel. De ces missions découle une typologie des publications (cf. encadré) marquée par deux catégories distinctes : la publication des inventaires scientifiques et les publications de valorisation des collections.

    Parmi les responsabilités d'édition de la BN, il en est des prioritaires : la Bibliographie nationale française, les catalogues et inventaires de collections, les bibliographies et ouvrages de normalisation. C'est le devoir de l'Etat de les réaliser, il serait difficile d'en confier la responsabilité à des éditeurs privés qui hésiteraient probablement devant l'incertitude de rentabilité immédiate inhérente à des publications scientifiques dont la rotation est lente (20 ans parfois) même si elle est certaine à long terme.

    L'Etat doit continuer à protéger ce secteur éditorial difficile mais nécessaire, il doit s'en porter garant, ce qui ne dispense ni des efforts de rentabilité (optimisation des tirages, recherche de la meilleure forme éditoriale, économies de coûts, utilisation de la PAO, passages directs entre bases de données et produits éditoriaux...), ni du développement d'une bonne commercialisation (des études de marché seraient nécessaires dans ce secteur).

    L'édition au sein de la politique de valorisation

    Lors de sa création en mars 1989, la Direction de la valorisation et de la communication a cherché tout d'abord à ouvrir la BN à de nouveaux et plus larges publics, avec une politique de grandes expositions et d'événements comme la journée portes ouvertes dans les monuments historiques et la Fureur de lire.

    Dans le même temps, elle a voulu donner une cohérence globale à la déclinaison de l'image de la Bibliothèque Nationale. Elle a donc choisi une devise qui résume l'identité et l'ambition de la Bibliothèque Nationale : "La mémoire de l'avenir", puis un logo qui vient illustrer ce slogan en le signant et enfin une ligne graphique les englobant dans un même univers visuel. Le logo de la Bibliothèque Nationale, dessiné par Grafy'Studio, symbolise l'alliance des deux univers calligraphique et typographique. Il exprime à la fois l'art d'écrire, de peindre ou de dessiner, l'art de l'imprimé et les arts complémentaires dont la BN incarne le rapprochement. La ligne graphique appliquée aux éditions permet aujourd'hui d'afficher la personnalité et la marque des éditions "Bibliothèque Nationale" et de distinguer les différents types d'ouvrages et de collections (voir les illustrations ).

    Un des axes prioritaires de la Direction de la valorisation a consisté à rechercher pour la BN une meilleure intégration dans le milieu du livre et de l'édition, à resserrer les liens avec les éditeurs privés.

    Coédition et partenariat

    Tout en cherchant à mieux faire valoir sa vocation et ses capacités d'éditeur, la BN a ouvert la porte aux partenariats avec l'édition privée. Elle a mis au point une politique de coédition d'une part et d'autre part de "fausses coéditions".

    Lorsqu'il s'agit de publications qui n'entrent pas dans la mission de publication la plus stricte (inventaires, expositions), mais qui permettent de valoriser les collections, la Bibliothèque Nationale se place en partenaire des éditeurs privés dans des "fausses coéditions" : l'ouvrage est signé sur la couverture par les deux partenaires mais le copyright revient à l'éditeur privé qui l'a financé. En échangeant des ouvrages à revendre contre ses droits de reproduction photographique, son assistance scientifique et éditoriale, la Bibliothèque Nationale reste associée à la mise en valeur éditoriale de ses collections et se porte garant de leur bonne tenue scientifique. Le partenaire privé a l'assurance de la qualité scientifique des textes et de la fidélité des oeuvres reproduites grâce à la relecture des épreuves de photogravure par la BN. Il s'associe à une entreprise publique de renommée et la BN accroît son rayonnement éditorial.

    Les sujets de ces ouvrages-là peuvent être proposés par la BN à un éditeur ou par un éditeur à la BN. Ils sont parfois dus aux collaborations apportées par la BN à des expositions extérieures.

    Citons quelques exemples récents : Maria Callas photos prises par Roger Pic (éditions Nathan), La BN Mémoire de l'avenir (Gallimard Découverte), la collection "Mémoire des couleurs" (Le Cerf), la collection "Mémoire du regard" (Tchou) avec les fac-similés des gravures de Toulouse-Lautrec ELLES, Objectif Cipango (Paris Audiovisuel), Les Ballets russes à l'Opéra (Hazan), Le Voyage de Charles Magius (Anthèse), Séville le Livre Monde (Flammarion), De Pissaro à Picas-so (Flammarion/ Zimmerli Art Museum).

    Dans ses accords de partenariat, la BN fait valoir ses droits de reproduction sur les photographies de ses collections, qu'elle est seule autorisée à effectuer, et elle peut être investie également des droits d'auteur sur les oeuvres ellesmêmes, lorsqu'il s'agit d'inédits publiés à titre posthume dont elle est propriétaire ( comme certains manuscrits de Proust), sauf s'il s'agit d'un manuscrit antérieur à Gutenberg (article 23 de la loi de 1957) ou d'oeuvres déjà publiées dont elle possède tout ou partie des droits d'exploitation (par exemple certaines oeuvres de Roger Pic, Romain Rolland ou Gabriel Fauré...)

    Maintenant la poursuite des éditions scientifiques, dont elle a cherché à accroître le rayonnement et la diffusion, la BN a également diversifié et augmenté ses propres publications dont le but est de valoriser et de faire connaître les collections : cartes postales, posters, reproductions de documents et de textes, beaux livres illustrés (2) . Elles sont destinées à ce "plus grand public", qui, par exemple, depuis deux ans a découvert et fait le succès de la collection "La Mémoire de l'encre" en coédition avec R. Laffont. C'est le public qui s'est pressé aux portes d'expositions comme En français dans le texte, Mémoire d'Egypte, D'une main forte et Les Lautrec de Lautrec et qui fait actuellement le meilleur accueil aux splendides expositions Des livres et des rois, Trésors de l'écrit, Impressions de Chine et Monnaies de Chine. Ces manifestations ont bénéficié de plus en plus d'un mécénat et d'un partenariat avec l'édition privée.

    Les catalogues d'exposition ont évolué vers le livre-catalogue. Reproduisant les notices des documents exposés, ils furent longtemps très proches des inventaires de collections et les éditions anciennes sont des ouvrages de référence très prisés des spécialistes et dont certains sont vendus 10 fois leur prix chez des libraires d'anciens. Enrichis aujourd'hui de nombreuses reproductions couleurs et de textes de commentaires de portée générale de plus en plus développés, ils sont devenus de véritables livres d'art, livres d'histoire, ouvrages de référence illustrés. Cette orientation a été couronnée en 1992 par deux prix, le Prix Vasari du meilleur catalogue d'exposition pour D'une Main forte, et le Prix "Feuille d'or" de Nancy pour Des Livres et des Rois, Dieu en son royaume et à nouveau D'une Main forte. Le public de librairie leur a dans certains cas fait un accueil égal à celui du public des expositions.

    Dès lors que ces beaux livres se destinaient au public de librairie (que la BN ne touchait encore à peine puisqu'elle n'avait pas de diffuseur), la nécessité des coéditions avec le secteur privé s'est imposée.

    Les raisons de coéditer sont multiples et tiennent aussi bien à une certaine conception des relations de non-concurrence mais de complémentarité entre secteur public et secteur privé, qu'à la recherche des compétences que le secteur privé peut apporter à un établissement public dans les opérations de promotion et de presse, cession de droits de traductions et contrats de coproductions étrangères.

    Dans une coédition, la BN voit ses charges financières partagées donc diminuées, et pourra offrir à un public plus nombreux, grâce à une diffusion en librairie, un livre parfois plus richement illustré que celui qu'elle aurait fait seule et à plus bas prix, compte tenu d'un tirage plus fort. Dans le choix de ses partenaires, la BN s'efforce de ne pas privilégier un éditeur plus qu'un autre. La ligne de conduite qu'elle s'est fixée consiste à choisir l'éditeur qui, grâce à un catalogue confirmé dans les domaines traités, assurera le meilleur succès à l'ouvrage.

    C'est dans ces mêmes perspectives que d'autres éditeurs scientifiques publics, ayant les mêmes contraintes que la BN (RMN, CNRS, Ecole des Ponts et Chaussées, Sorbonne, Musée des Arts Déco, Centre G. Pompidou) ont développé depuis plusieurs années des politiques de coédition.

    Les projets réalisés portent autant sur des ouvrages scientifiques coédités avec des institutions comparables à la BN que sur des beaux livres réalisés avec de grands éditeurs privés : Autour des routes de poste avec le musée de la Poste, la collection "Le Siècle d'or de la photographie" avec Hoëbeke, Dieu en son royaume avec les éditions du Cerf, Roman Provincial Coinage, avec British Museum Press., Des Livres et des Rois avec Edima Quai Voltaire, Yves Bonne-foy avec le Mercure de France, Regards sur le livre avec le Sorbier, et enfin la collection "La Mémoire de l'encre" : Les Plus Beaux Manuscrits des poètes français puis Les Plus Belles Lettres manuscrites de la langue française avec Robert Laffont.

    Chacun connaît aujourd'hui le débat entre certains éditeurs d'art et la Réunion des musées nationaux à qui il est reproché de "monopoliser" l'édition d'art et surtout d'attirer un immense public dit "captif" et, partant, de bénéficier d'une clientèle en croissance exponentielle. Dans ce débat, la BN affirme avec ferveur son choix de la coédition avec le secteur privé. Cette différence de politique est due peut-être aux différences de structure entre un établissement public à caractère industriel et commercial et un établissement public administratif , et d'autre part à la différence quantitative des collections et à leur différence de nature, la BN ayant une vocation à la fois encyclopédique et multimédia.

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    Les dépenses de publications de la BN 1990 et 1991

    La diffusion et la commercialisation

    Le public des éditions scientifiques de la BN est majoritairement institutionnel (bibliothèques, universités, centres de recherche, sociétés savantes, librairies spécialisées) mais aussi individuel (enseignants, universitaires, spécialistes, érudits, collectionneurs, "curieux éclairés"). L'essentiel de la diffusion s'est fait par correspondance et sur place pendant de nombreuses années. Actuellement la BN diffuse encore elle-même ses publications : plus de la moitié est vendue par correspondance (2 rue Vivienne, 75084, Paris Cedex 02) et le reste sur place :

    • Hall d'accueil, 58 rue de Richelieu, 75002 Paris, ouvert de 10 h à 17 h du lundi au samedi
    • Boutique Colbert, 6 rue des Petits-Champs, 75002 Paris, ouvert de 10h30 à 18h30 du lundi au samedi
    • Librairie Colbert, 6 rue des Petits-Champs, 75002 Paris, ouverte de 10 h à 19 h du lundi au samedi

    Le catalogue complet des éditions de la BN comprend près de 600 titres et s'accroît de près de 20 titres par an. Il est disponible sur demande écrite ou par téléphone.

    La Bibliothèque Nationale, qui avait confié à Armand Colin depuis 1989 la diffusion en librairie de la Revue de la BN, a signé quelques contrats ponctuels récents qui ont permis de constater l'opportunité d'une diffusion en librairie : avec Le Seuil pour D'une Main forte, Vilo pour Les Lautrec de Lautrec, Impressions de Chine, Monnaies de Chine et Voies océanes. Elle étudie le choix, pour 1993, d'un diffuseur unique pour l'ensemble de ses publications.

    L'imprimerie interne

    Outre les publications destinées à la vente, la BN édite des documents internes destinés à la communication dans les salles de lecture et à la documentation des services ainsi que des publications institutionnelles, le plus souvent gratuites, qui font connaître l'institution (son fonctionnement, ses missions, les services qu'elle propose). Il s'agit du Guide du lecteur, du catalogue de vente des publications, des dépliants de présentation des départements et services, des informations distribuées à l'accueil, et bien sûr de la Lettre d'information interne. Leur diffusion peut être assez large, comme pour le rapport annuel d'activité présenté par l'Administrateur général au conseil d'administration, ou presque exclusivement interne (état du personnel, annuaire téléphonique...).

    La plus grande partie d'entre elles sont réalisées par l'imprimerie interne de la Bibliothèque Nationale qui en 1991 a consommé 21,5 tonnes de papier et effectué 3,4 millions de passages machines (offset et photocopies).

    Le service des éditions

    Composé de 4 personnes (2 ingénieurs d'études, 1 bibliothécaire-adjointe principale et un maquettiste), il développe la politique éditoriale de la BN en liaison avec le comité éditorial, dont il assure le secrétariat.

    Il assure la programmation, la mise en forme et le suivi de fabrication des publications, leur promotion et diffusion en accord avec le Service commercial. Avec le Service des expositions, responsable de la réalisation des catalogues d'exposition, il met en place coéditions et contrats de diffusion. Il est responsable, avec le Service juridique, des relations de partenariat avec les éditeurs pour les publications dont la B.N est éditeur et auteur (coéditions, échanges de droits...). Responsable de l'imprimerie interne, le service des éditions supervise la fabrication des publications institutionnelles et internes en liaison avec l'administration et les départements.

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    Typologie des publications de la BN

    1. CF : E.-G.Ledos, Histoire des catalogues des livres imprimés de la Bibliothèque Nationale, Paris, Editions des bibliothèques nationales, 1936. retour au texte

    2. La Bibliothèque Nationale s'est également lancée dans l'édition d'une superbe gamme d'objets-cadeaux qui n'est pas abordée ici puisque nous nous cantonnons aux publications. retour au texte