Un jour de liberté à Phnom-Penh, pourquoi ne pas aller voir mon collègue M. P. à la bibliothèque municipale ?
J'enfourche mon vélo et pédale avec hardiesse au milieu de trois cents vélocipédistes khmers. Je repère l'établissement, une belle villa 1930, près du stade olympique. Je me faufile à mes risques et périls vers le trottoir. Je gare ma bicyclette. C'est bien la bibliothèque ; je jette un coup d'oeil par le fenêtre. Me suis-je trompée ? Plus de livre, plus d'étagères : des chemises sèchent sur un fil. Je recule, vérifie. C'est la bonne rue, la bonne adresse. La bibliothèque a du déménager. Je frappe, frappe encore. On m'ouvre. Utilisant mes quelques notions de khmer, je demande à voir le bibliothécaire. On ne comprend pas. Je demande le chef des livres. On me comprend.
« Non, c'est fini. Le restaurant ouvre dans quinze jours ; si vous voulez revenir...
Mais où sont les livres, où travaille M. P. ? « On ne sait pas.
Je réenfourche mon vélo et pars vers la mairie. Presque arrivée, la soif me tenaille, je m'arrête devant une petite échoppe à thé. J'entre et reconnais une employée de la mairie.
« Bonjour, vous allez bien ? Est-ce que vous pouvez me dire où se trouve la nouvelle bibliothèque ? »
Panique, son visage se ferme. Je ne devais pas poser cette question en public. Je lui propose de boire un thé dehors. Elle accepte avec un sourire, visiblement soulagée.
« Comment ? tu ne savais pas ? le Maire a vendu la bibliothèque municipale un bon prix. Ça lui a fait plein de dollars.
Et les livres ?
Oh, ils sont à la mairie dans des cartons.
Et le bibliothécaire ?
Oh, il est triste tu sais, très très triste... tu devrais aller le voir.