Index des revues

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    Un Américain à Paris

    Par Philip D. Leighton
    Par Catherine Schmitt, trad

    Le rapport qui suit est le fruit d'une visite et d'une consultation effectuées durant la semaine du 29 juin au 3 juillet 1992, ainsi que des observations et considérations qui en découlèrent.

    Je suis très reconnaissant de cette occasion qui m'a été donnée de rencontrer le personnel de la Bibliothèque de France et de commenter le travail effectué sur le projet de bibliothèque. Ce projet constitue de toute évidence une entreprise d'une importance exceptionnelle. Son aboutissement apportera une contribution significative à la bonne conservation et à l'accessibilité du patrimoine historique national. Je ne puis qu'espérer que mes commentaires et observations aideront, de façon si modeste soit-elle, à atteindre cet objectif. [,.

    M Organisation des collections

    Je m'abstiendrai de commentaire sur la répartition des collections, si ce n'est pour souligner que cette répartition semble dans une large mesure liée à la forme du bâtiment et aux missions de la Bibliothèque de France. Etant donnée la forme du bâtiment, la répartition thématique telle qu'elle a été décidée par la Bibliothèque de France parait se justifier. Etant données les missions de la Bibliothèque de France, la séparation entre les salles de lecture chercheurs et tous publics semble aussi adéquate. L'idée de situer les documents les plus souvent utilisés aux étages inférieurs sur des rayonnages fixes s'avérera sans doute bonne (sauf en termes de capacité), et devrait permettre des délais plus courts d'acheminement vers les salles de lecture ainsi que quelques économies de personnel tout au long du processus de communication. Sur les croquis qui accompagnent ce rapport, j'ai pris la liberté de dessiner des rayonnages compacts, et non fixes, afin, simplement, de mettre en évidence la capacité potentielle de l'étage. On pourrait objecter que le surcroît de temps requis pour accéder aux documents dans des rayonnages compacts équivaut, même avec des systèmes d'acheminement automatisés, au fait de changer d'étage. Je pense cependant que les bibliothécaires seraient beaucoup plus à l'aise avec la communication des documents si la capacité de l'étage (1) était augmentée par l'utilisation de rayonnages compacts. Et, à quelques exceptions près, je doute que les limitations d'accès imposées par les rayonnages compacts créent des difficultés majeures. Quoi qu'il en soit, la première heure de la journée sera toujours assez mouvementée : aucun système de rayonnages ne supprimera entièrement cet état de choses.

    J'ai été très heureux d'apprendre que les surfaces dédiées dans les tours au stockage des collections avaient été augmentées (à chaque étage) par la suppression d'un couloir de circulation extérieur : ceci représente par rapport aux plans antérieurs une réelle amélioration en matière d'optimisation des surfaces pour le stockage.

    Je suis préoccupé par l'emplacement des quatre départements liés aux salles de lecture tous publics, en particulier du département incluant l'histoire, la philosophie et les sciences humaines et du département des sciences économiques, politiques et juridiques. Ces deux départements, situés en mezzanine sous le niveau Al (haut de jardin), seront fondamentalement moins accessibles que les deux départements situés au niveau Al. Ceci semble contraire au principe d'un système d'accès entièrement démocratique. J'ai demandé s'il n'était pas possible d'envisager d'accéder au niveau mezzanine par des escaliers mécaniques, afin de réduire cette inégalité d'accès, mais il m'a été répondu que cela était impossible. Etant donnée l'importance d'un accès égal à toutes les parties des zones de lecture tous publics, je me demande s'il ne s'agit pas là d'une question méritant un complément d'étude.

    Je trouve aussi matière à interrogation dans la disposition des salles de lecture du niveau recherche. Le plan actuel de disposition du mobilier crée de réelles difficultés de circulation des collections au sein même des salles de lecture, et la disposition des rayonnages ne fera que réduire la capacité du personnel d'observer l'usage fait des documents de la bibliothèque. Il m'a été dit que cette disposition, loin d'être définitive, n'était destinée qu'à illustrer la capacité des salles de lecture. Les schémas joints à mon rapport proposent une autre approche, améliorant la circulation des collections et pouvant faciliter tant la surveillance que la recherche d'une place libre.

    M Protection contre l'eau

    Je n'ai pas étudié en détail la protection contre l'eau, mais mon impression générale est que cet aspect a été très soigneusement étudié, et que les différents systèmes et leur capacité à faire face à des problèmes d'eau présentent une redondance importante, incluant même des réservoirs géants destinés à recueillir les écoulements d'eau pendant une période très longue, au cas où tous les systèmes automatiques seraient défaillants. Mis à part le truisme selon lequel toutes les bibliothèques attirent l'eau, le fait qu'une grande partie de celle-ci soit en réalité enterrée ne devrait pas présenter de risque excessif. L'équipe de programmation doit continuer à montrer le même soin dans ses exigences et dans l'examen de toutes les questions relatives à la protection contre l'eau. Ainsi, par exemple, les modalités précises de protection contre l'eau sous les rues-jardins doivent faire l'objet d'un examen attentif, si l'on veut éviter des problèmes futurs. Par ailleurs, la tuyauterie du système d'extinction automatique d'incendie doit être conçue de façon à pouvoir être vidangée/drainée de temps à autre. [. . . | Ce type de problème n'est pas difficile à traiter, pour peu que l'on accorde une réelle attention à la protection contre l'eau .

    M Protection contre le feu

    Je suis très satisfait que la Bibliothèque de France ait choisi d'utiliser un système d'extinction automatique d'incendie par sprinklers. Je me dois toutefois d'exprimer quelques réserves sur le principe du système de sprinklers sous air et à déclenchement contrôlé. Je recommande généralement les systèmes de sprinklers standards, c'est-à-dire sous eau, avec des têtes à ampoules cassables, adaptées à des températures légèrement plus hautes que ce qui généralement requis (aux Etats-Unis, je recommanderais un niveau normal de température de 100° C). Je conseille aussi généralement l'installation d'un système de détection de fumée, comme vous le prévoyez de toute façon en renfort du système sous air. Avec le système de détection de fumée et les sprinklers haute température, vous devriez avoir jusqu'à 5 minutes entre le moment où le détecteur de fumée détecte les émanations du feu et celui où la chaleur a atteint un niveau suffisant pour déclencher les sprinklers. Avec un personnel formé à la lutte contre l'incendie, 3 à 5 minutes devrait suffire pour qu'un agent parvienne à l'emplacement du feu avant que le premier sprinkler ne se déclenche, et il est ainsi toujours possible de maîtriser un feu peu important avant qu'un sprinkler ne crache de l'eau.

    INDLR : Suit une comparaison des types de sprinklers, M. Leighton reprochant au système sous air sa complexité et ses contraintes de tests réguliers faisant alterner eau et air comprimé dans les canalisations]

    3 Techniques de rayonnages

    J'avais entendu dire que le coût d'un système de rayonnages en carrousel (2) (sur une hauteur de 6 m quand cela est possible ) était 20 fois plus élevé que celui d'un système de rayonnages compacts. J'ai soumis ce chiffre à un fournisseur de systèmes de stockage (Nordplan) qui m'a confirmé que le stockage en carrousel est en effet plus cher, mais le rapport n'est peut-être pas de 1 à 20. Nordplan l'estime plutôt de 1 à 5. Le représentant américain de Nordplan évalua, lors d'un appel pendant la rédaction de ce rapport, le coût d'un système de stockage en carrousel à 1 600 F environ par mètre linéaire. Le stockage en rayonnages compacts devrait, en termes budgétaires, avoisiner les 250 F par mètre linéaire, soit six fois moins que le carrousel. Il est clair, en outre, que le carrousel comporte plus de parties mobiles susceptibles de tomber en panne. Et, pour être efficace en termes d'économie de personnel, il doit être informatisé (ce qui, vu le pourcentage important de données informatisées que la Bibliothèque de France est sûre d'avoir, n'est sans doute pas une affaire). Un tel système nécessite des espaces suffisants pour permettre au personnel de l'entretenir : les gains de superficie du carrousel par rapport aux rayonnages compacts sont insignifiants. La seule justification possible du système carrousel serait une économie de personnel, et je doute que l'on puisse prouver que cette économie ait un sens, notamment s'il est avéré que les coûts de maintenance sont plus élevés.

    A titre d'illustration, selon le tableau ci-dessous, si nous admettons que les capacités données et les coûts, notamment le coût au m2, sont à peu près exacts, que la capacité au m2(indépendamment de la hauteur) est environ la même et que la différence de hauteur va de 1 à 3, alors le coût de stockage par document est 5 fois plus élevé dans un système de type carrousel. Si ces présupposés sont corrects, le choix devient un peu plus intéressant. Néanmoins, je donnerais pour ma part la préférence à la technologie reconnue des rayonnages compacts. Les économies de personnel pourraient être bien plus utiles dans d'autres secteurs du projet que dans les techniques de stockage. Et on ne peut négliger la maintenance! Néanmoins, si l'on devait inclure les hypothèses concernant le temps nécessaire au personnel pour aller chercher les documents dans chacun des deux systèmes (ce que je n'ai pas fait), le carrousel pourrait s'avérer réellement moins cher. Je procéderais donc avec une grande prudence, et je ferais le pari de la technique traditionnelle qu'est, à mes yeux, le stockage compact.

    1 Comparaison des coûts entre rayonnages compacts et rayonnages carrousels

    Présupposés : capacité opérationnelle = 90% de la capacité théorique

    nombre de volumes par mètres = 32 vol. en capacité théorique et 29 vol. en capacité opérationnelle.

    Vignette de l'image.Illustration
    Tableau de comparaison des coûts

    Sur le croquis représentant les rayonnages compacts, j'ai utilisé des tablettes de 25 cm de profondeur (de chaque côté de rayonnages doubles-faces), et j'ai laissé 2 cm entre les faces des épis. Les sections font toutes 90 cm de long. J'ai laissé un passage central d'une largeur supérieure à un mètre, en pensant que cet espace pourrait à l'occasion se transformer en deux allées de plus de 50 cm chacune. Bien que trop étroit pour être confortable, un tel passage peut servir en cas de besoin. Une allée plus large permettrait de ce point de vue une plus grande flexibilité. L'espace entre le mur et l'extrémité de la rangée permet à la fois à l'air de circuler, et à une personne située au fond de l'allée de s'échapper au cas où le système se mettrait par mégarde à bouger (ce qui ne devrait jamais arriver, mais rien ne doit être négligé avec la sécurité de tels systèmes).[., Comme je l'ai déjà laissé entendre, je suis un fervent adepte des rayonnages compacts. Toutefois, en faisant une telle déclaration, j'insiste vivement pour que différents facteurs soient pris en considération.

    Il existe deux types intéressants de rayonnages compacts : le premier est souvent décrit comme "mécanique", le second comme "électrique". Un troisième procédé implique de saisir simplement et de tirer la rangée montée sur rails. Ce troisième modèle n'est pas conseillé, car il ne dispose d'aucun contrôle de vitesse et a tendance à projeter les documents au sol. Les rayonnages dits mécaniques impliquent l'usage d'une manivelle pour déplacer les épis, tandis que les rayonnages électriques sont motorisés. Le modèle mécanique est facile à déplacer, et cette technique est très adaptée aux espaces publics ou aux zones auxquelles l'on n'accède que très rarement. En revanche, si l'accès aux différents points du dispositif est quotidien et constant, l'usage à longueur de journée de la manivelle peut être fatigant. Dans ce cas, je conseille en général un système entièrement motorisé, mais pourvu des dispositifs adéquats de sécurité.

    Il existe de nombreux dispositifs de sécurité adaptés aux systèmes électriques. Généralement, j'en recommande trois, et j'estime que deux constituent un minimum absolu.

    [NDLR : Suit une description très détaillée des principaux dispositifs de sécurité utilisés actuellement]

    Acoustique

    L'attention accordée aux détails de l'isolation acoustique est excellente. D'après les informations recueillies, le contrôle des effets de réverbération et d'absorption du son a également été bien étudié. Les matériaux acoustiques proposés pour les plafonds et les murs sont excellents : souhaitons que cette qualité ne disparaisse pas. Et le soin considérable avec lequel les systèmes robotiques ont été conçus, de façon à être les plus silencieux possibles, m'a beaucoup intéressé. Je crois comprendre que le critère retenu est d'offrir dans les espaces de lecture un niveau sonore d'ambiance inférieur à 35 décibels. Je recommande, à propos de ce critère, la prudence, car il est prouvé que l'on peut programmer des bibliothèques trop silencieuses, et je crois que tel est le cas avec l'environnement sonore prévu pour les salles de lecture de la Bibliothèque de France.

    Permettez-moi d'expliquer ce qui peut à première vue paraître saugrenu. Lorsqu'une bibliothèque est trop silencieuse, les moindres petits sons seront clairement perçus, en particulier tous ceux émis à portée de vue de celui qui les entend. Dans un environnement de 35 décibels, le bruit des conversations, les pages qui tournent, le cliquetis des claviers d'ordinateurs, l'ouverture et la fermeture des portes, l'ouverture et la fermeture des casiers au bureau d'accueil, le bruit des pas sur le parquet prévu et mille autres sons viendront troubler le silence du lecteur concentré. Il y a plusieurs années à Stanford, nous recevions dans l'une des bibliothèques un nombre considérable de plaintes, et je décidai de mener une petite enquête. Ce que j'appris alors est tout à fait intéressant : la bibliothèque concernée par ces nombreuses plaintes à propos du bruit s'avéra, après mesure du niveau sonore, être la bibliothèque la plus calme de Stanford. Ce qui n'aurait du avoir rien de surprenant, car cette bibliothèque avait été spécifiquement conçue pour être calme. A l'intérieur de cette bibliothèque, tout s'entendait de façon nette, jusqu'à la chute d'un trombone. La bibliothèque préférée des étudiants était une annexe située dans un bâtiment où un roulement, dans l'un des blocs de ventilation situés au dessus du plafond d'une salle de lecture, était sur le point de casser. L'approche de cette panne de ventilation créait un bourdonnement constant qui portait le niveau sonore à 45 décibels. Dans cette salle précise, on pouvait observer des conversations silencieuses qui ne dérangeaient personne. Aucun bruit importun n'était produit par les transactions à la banque d'accueil et le bruit des pas ne s'entendait pas. Les étudiants affectionnaient cette bibliothèque parce qu'ils trouvaient qu'ils pouvaient s'y concentrer et mieux y travailler.

    Vignette de l'image.Illustration
    Département 1 : philosophy, history, human and social sciences

    Depuis cette constatation, nous avons toujours exigé, pour toute construction significative de bibliothèque, qu'un "bruit de fond" soit ajouté dans les salles de lecture. Keyes Metcalf parlait de "parfum acoustique". Notre bibliothèque de recherche, par exemple, est dotée d'un système de bruit de fond dans toute les zones de lecture. J'insiste pour qu'à la Bibliothèque de France soit envisagée, afin de pallier aux problèmes que je viens de décrire, la possibilité d'ajouter un bruit de fond : le cas contraire mènerait à une bibliothèque trop silencieuse, même si cela peut sembler difficile à croire. Au minimum, je recommande que l'on étudie la possibilité d'introduire ultérieurement (et silencieusement !) un système de bruit de fond.

    A propos de l'installation d'un système de bruit de fond, plusieurs points sont à souligner. Premièrement, assurez-vous que le système est réglable à votre convenance. Il s'avère que la plupart des ingénieurs acousticiens concevront un système que vous trouverez trop bruyant. Deuxièmement, faites en sorte que la répartition des hauts-parleurs soit assez régulière et invisible pour que l'usager normal de la bibliothèque ne sache jamais qu'un tel système existe. Troisièmement, n'en vantez pas l'existence : certains usagers trouveront à redire s'ils apprennent qu'un tel système existe ou est envisagé: Néanmoins, je puis vous assurer que ces systèmes, utilisés avec modération, peuvent créer un excellent effet. Dans le même ordre d'idée, tout système de bruit de fond doit être distinct de tous les autres dispositifs employant des hauts-parleurs (comme le système d'annonce, par exemple).

    M Eclairage

    Le niveau d'éclairage prévu est bon ; la protection contre les UV est bonne. Le programme montre qu'une attention sérieuse a été accordée aux questions d'éblouissement, de couleur, d'exposition à la lumière naturelle, d'utilisation d'éclairages d'appoint, etc. J'ai également constaté qu'un bon système d'interrupteurs était prévu dans les magasins (bien que je ne sois pas entièrement sûr de la répartition des interrupteurs individuels). Il était question d'installer des minuteries sur les interrupteurs des magasins; je m'interroge sur leur utilité dans des magasins clos et entièrement pourvus en personnel : ce personnel peut facilement être formé à éteindre les lumières, ce sera plus efficace, moins cher et moins décevant que les minuteries. Il est souvent proposé d'utiliser des procédés de détection de mouvement pour éteindre et allumer les lumières, mais j'ai peine à croire que ceux-ci représentent un progrès décisif par rapport aux bons vieux interrupteurs, et j'ai tendance à penser qu'ils coûtent plus cher, qu'ils sont source de problèmes et présentent généralement bien plus de risques que des interrupteurs ordinaires.

    Le système de panneaux mobiles de prises électriques et informatiques proposé pour les bureaux est intéressant, et je pense qu'il sera efficace. J'aime particulièrement la façon dont est conçu l'éclairage d'ambiance et d'appoint, qui devrait donner le meilleur éclairage possible dans un environnement où les ordinateurs sont très nombreux.

    Je m'inquiète cependant de l'ambiance lumineuse dans les salles de lecture, notamment depuis que l'on m'a dit que la source principale d'éclairage ambiant sera la lumière naturelle du côté jardin et une lumière artificielle indirecte du côté intérieur. Je m'inquiète notamment des effets produits par les variations de l'éclairage naturel (la nuit tombée ou en début de soirée en hiver) et par les différences de hauteur de plafond dues aux mezzanines où sont situés les carrels. Il a été proposé de faire une étude à ce sujet à l'aide des maquettes, et, tout en encourageant ce projet, j'ai le sentiment que les effets de distance seront mieux perçus par des calculs mathématiques ou par des expériences dans un bâtiment grandeur nature. Les programmateurs ne connaîtraient-ils pas un endroit présentant des conditions similaires d'éclairage où le personnel de la Bibliothèque de France pourrait faire quelques observations ?

    Les schémas que je propose pour l'aménagement des salles de lecture prévoient d'attribuer une partie importante de l'espace aux rayonnages. L'éclairage d'ambiance prévu ne conviendra sans doute pas aux zones de rayonnages, et il faudra peut-être y envisager un éclairage d'appoint. Celui-ci, avec l'éclairage d'appoint aux places de lecture, suffira sans doute dans la plupart des cas. Sur ces schémas, j'ai placé les terminaux informatiques le long de la cloison qui arrête partiellement la lumière naturelle, afin d'atténuer les difficultés que pose une répartition réfléchie des fonctions qui requièrent moins de lumière pour s'exercer dans de bonnes conditions. Il restera néanmoins des endroits où l'éclairage d'ambiance sera la principale source de lumière (autour des banques d'accueil, des rayonnages bas près des banques d'accueil, des fauteuils s'il en existe, etc) [...]

    M Revêtement de sol

    Le revêtement de sol proposé pour les magasins, un produit à base de résine d'après ce que l'on m'a dit, est excellent. Le dessous des plafonds de béton, qui sera visible, je l'imagine, dans les magasins, devra aussi être enduit, et les produits à base de résine sont excellents pour cela, car ils ne dégagent aucun gaz solvant et autre produit dangereux pour les livres. Dans tous les cas, toutes les surfaces de béton exposées aux circulations d'air devraient être enduites afin d'empêcher la production de poussière de béton.

    La moquette constitue un excellent revêtement de sol pour la plupart des zones de bureau et de lecture. Les matériaux devraient être choisis en fonction de leurs caractéristiques de neutralité chimique. Ceci s'applique particulièrement aux colles. Je conseille en général une moquette à poser d'une pièce, afin d'éviter la souplesse des plaques qui crée des difficultés aux chariots à livres et aux chaises roulantes. La qualité acoustique d'une moquette collée en bloc est un peu moindre, mais elle reste importante. J'ai cru comprendre qu'il y aurait quelques zones de plancher. Le seul souci à cet égard concerne la neutralité chimique du produit de finition comme du bois lui-même. Le bruit pourrait aussi poser problème avec les planchers de bois, mais comme ceux-ci sont peu étendus, il ne devrait pas y avoir de problème sérieux, surtout si vous disposez d'un bruit de fond suffisant. [ . . .|

    Il se peut qu'à certains endroits soit requis l'usage d'un revêtement plus résistant que la moquette. On conseille en général des sols en vynil ou en linoléum. Entre les deux, les conservateurs semblent préférer le linoléum pour ses qualités chimiques, sauf s'ils souhaitent précisément une qualité de sol spécialement étudiée pour les "salles propres" ou les salles informatiques dont les contraintes d'environnement sont importantes.

    M Couleur

    Même si nous n'avons pas parlé de couleur, je ferai quelques observations à ce sujet. La couleur est intimement liée à l'époque : il semble qu'à chaque décennie corresponde une gamme différente de coloris admis. Les couleurs de la décennie précédente tombent alors en désuétude. Les seuls coloris qui semblent transcender ces frontières temporelles sont ceux des matériaux "naturels" : le métal, le bois, le béton, les tissus "naturels", le verre, la pierre, la brique, etc. Mais même parmi ceux-ci, certains matériaux "à la mode" aujourd'hui peuvent devenir "démodés" à l'avenir. Aux Etats-Unis, le noyer très sombre était le bois "à la mode" des années 60. Puis ce fut le chêne. A présent, il semblerait que ce soit plutôt un genre d'érable au grain très fin. Quoi qu'il en soit, tous ces bois, utilisés à bon escient, restent plus séduisants que les moquettes "orange brûlée" ou les meubles danois "modernes" des années 50 et 60. Ceci s'applique aussi, dans une certaine mesure, aux années 90 : les couleurs que vous choisissez aujourd'hui vieilliront dans les dix ans à venir.

    Pour cette raison, je conseillerais que l'on s'en tienne, à quelques exceptions mineures près, à des coloris relativement neutres. Bien sûr, un peu d'éclat est souhaitable, et je ne voudrais surtout pas affadir la bibliothèque au point de lui ôter toute personnalité.

    Voici quelques "trucs" en matière de couleurs. Les livres sont en général assez sombres. En réalité, ils sont faits de couleurs plutôt agréables, mais absorbent beaucoup de lumière. Si les rayonnages sont aussi foncés, les livres ressortent comme éléments les plus visibles. Les rayonnages de couleur vive ou assez claire ont tendance à ressortir plus que les livres. Les rayonnages sombres laissent apparaître la poussière, mais cela ne paraît pas nécessairement négatif : cela signifie, simplement, qu'il faudra se soucier du ménage et du filtrage de l'air. Les rayonnages clairs laissent apparaître les éraflures et les taches. Il faut pour cette raison éviter le jaune. Je préfère pour ma part les rayonnages plutôt sombres, mais à condition que l'éclairage soit adapté, car ils ont tendance à assombrir l'atmosphère.

    Le sol devrait être assez clair, notamment dans les magasins. Il est beaucoup plus facile de se repérer sur les étagères du bas si le sol renvoie la lumière. Un sol sombre en magasin serait une erreur.

    Les effets d'éblouissement doivent être étudiés en relation avec la couleur. L'idéal serait que l'intensité de la surface située derrière un écran d'ordinateur soit proche de celle de l'écran lui-même. Il s'agit là, sans doute, plus d'une question de lumière que de couleur, mais les couleurs extrêmes sont à éviter. Les plans de travail ne devraient être ni trop sombres, ni blancs. Le blanc tend à provoquer une sensation d'éblouissement. Mais il ne faut pas oublier que le papier est clair, et que si les surfaces environnantes sont sombres, le contraste entre la clarté du papier et le dessus sombre du mobilier peut aussi entraîner une forme d'éblouissement. Les surfaces sombres sont en général plus pratiques à entretenir (ou à garder en bon état). Je pense que le noyer foncé des années 60 était trop sombre pour être utilisé en bibliothèque. Le chêne de ces dernières années, l'érable et les couleurs non agressives sont souvent un bon compromis entre clair et foncé.

    Certains débattent des avantages des couleurs froides ou chaudes. Je pense que les différences sont essentiellement culturelles et que ce que j'avancerais à ce propos peut s'avérer faux pour la France.

    Les surfaces qui doivent être peintes peuvent recevoir des traitements qui les rendent plus durables. Pensez par exemple aux angles des murs et des colonnes où passeront souvent les mains : peuvent-ils être facilement nettoyés? Leur couleur laissera-t-elle rapidement apparaître les traces ? Pensez aux revêtements de murs en vynil (après avoir vérifié leur neutralité chimique) pour les surfaces menacées d'usure comme les couloirs ou les halls d'ascenseurs. Pensez aux moyens de protéger les murs et les angles de murs des dégâts dus aux chariots à livres et autres appareils roulants.[...]

    [NDLR : Suivent ici un chapitre très détaillé de comparaison entre les différents systèmes antivol existants, ainsi que le passage où M. Leighton commente ses propres suggestions concernant l'aménagement des banques d'accueil]

    L'aménagement des salles de lecture

    La plupart des schémas joints à ce rapport font état de propositions d'aménagement pour les dix salles de lecture du niveau Recherche. En dessinant ces plans, j'ai appliqué les principes suivants :

    • Chaque fois que cela était possible, j'ai prévu, à proximité des banques d'accueil, quelques éléments de rayonnages bas. Ces rayonnages sont toujours orientés dans l'axe de la salle de lecture, soit horizontalement sur les croquis. J'ai adopté des éléments à trois étagères et des étagères larges de 90 cm. J'ai basé mes calculs de capacité sur une moyenne de 50 volumes par face de section. J'ai prévu des circulations de 90 cm minimum, ce qui est étroit, mais possible avec des rayonnages bas. Je préférerais des allées d'environ 1,20 m à 1,40 m, mais je ne pense pas que vous puissiez disposer d'un tel espace tout en conservant les capacités requises.
    • Les rayonnages présentant la collection générale sont tous orientés de façon verticale sur les plans, c'est-à-dire en travers de la salle de lecture. Ces rayonnages sont disposés par modules permettant des allées de 1,30 m (les étagères faisant 25 cm de profondeur de chaque côté de la rangée). Cette largeur est généreuse, mais raisonnable dans le cas d'une collection très consultée, comme celle-ci devrait l'être. Elle permet en outre d'introduire çà et là des éléments de rayonnage grande largeur sans difficulté excessive. L'ajout d'une rangée par module réduirait les allées à 94 cm (toujours avec des tablettes de 25 cm), ce qui est techniquement possible, mais très étroit pour une zone où les collections sont très consultées. Vous pourriez opter pour cette disposition plus serrée afin d'atteindre les capacités souhaitées, mais pour ma série d'illustrations, j'ai limité les rayonnages au profit d'un aménagement plus spacieux. Cette disposition plus aérée est celle que l'on recommande généralement pour les salles de référence des bibliothèques universitaires. Tous les rayonnages comportent 6 étagères, larges de 90 cm chacune. J'ai utilisé, pour mes calculs de capacité, une moyenne de 150 volumes par face de section. Ce chiffre peut s'avérer optimiste pour certaines collections, notamment si les sections ne comportent que six étagères.

    Rappelons qu'il est essentiel, lorsque les collections sont classées de façon thématique (comme celles-ci le seront sûrement), de différencier la capacité absolue (utilisée pour le stockage de collections classées par numéros d'ordre) de la capacité opérationnelle. La capacité opérationnelle ne devrait en principe pas dépasser 86% de la capacité absolue. La différence d'espace doit permettre d'enrichir les collections sans avoir à les déplacer massivement. Elle est indispensable à une gestion raisonnée des collections, et doit être maintenue. Je suggère-rais de démarrer avec des collections représentant environ 71% de la capacité absolue, et de prévoir un taux d'accroissement de 2,5% par an. Ainsi, d'ici environ six ans, vous aurez à sélectionner les documents devant être éliminés ou transférés vers un autre site de stockage. Et ce choix devra être équivalent à celui concernant les documents à mettre en service; autrement dit, pour chaque livre ajouté à la collection, un livre devra être éliminé ou conservé ailleurs (3) . Ce travail de sélection coûte cher ! Pour cette raison, vous pouvez choisir de démarrer avec un espace encore moins rempli que ce que je viens de proposer ! D'une certaine façon, le fait de savoir que les rayonnages peuvent être resserrés vous permet, dans ce contexte, de garder un atout dans votre manche : l'addition de quelques rayonnages (en ajoutant 4 ou 5 rangées par module, ou 25%) devrait être possible à l'avenir. Voilà qui est bien !

    La disposition des rayonnages en blocs discontinus, orientés de façon uniforme, est volontaire. Une telle disposition est indispensable pour faciliter l'utilisation et la circulation des collections entre les rayonnages. De ce point de vue, le déploiement des rayonnages tel qu'il apparaît sur vos esquisses n' est pas bon. Je vous déconseille vivement de disposer les rayonnages comme sur ces esquisses : vous n'atteindriez de toute façon pas les capacités que vous souhaitez (4) !

    J'ai, selon mon habitude, disposé les terminaux d'ordinateurs le long des faces vitrées des salles de lecture. Lors du chapitre précédent sur l'éclairage, cette zone est apparue propice à ce genre de fonction. Je crois, en outre, que les effets acoustiques des terminaux peuvent être traités de façon efficace. L'utilisation des collections pour séparer ces postes de consultation des places de lecture traditionnelles devrait, de ce point de vue, constituer un avantage. De plus, l'essentiel des allées et venues entre l'entrée de la salle de lecture et les collections aura sans doute lieu le long de ces places assises, et fera de toute façon de cette zone une zone sonore. Enfin, la consultation de l'OPAC étant située le long de ce mur, l'usage de l'informatique sera définitivement instauré !

    Ceci dit. je songerais aussi au moyen de câbler, à une date ultérieure, l'ensemble des autres places de lecture (5) , car le jour viendra sans doute. où pratiquement chaque lecteur voudra accéder à votre collection numérisée autant qu'aux collections sur papier. A ce propos, je m'interroge sur le système de sol modulaire proposé . J'imagine bien la façon dont les câbles passeront sous le plancher, mais moins celle dont on pourra à l'avenir ajouter des câbles d'alimentation (ou même des paquets de câbles informatiques). Les panneaux de parquet ne m'ont pas paru, dans cette optique, particulièrement faciles à soulever du sol. En outre, l'alimentation électrique devrait être séparée du câblage informatique par l'utilisation de gaines ou de tubes distincts. Un sol surélevé plus traditionnel, avec des panneaux amovibles, rend à coup sûr cette opération plus aisée. Je pense, en outre, qu'il peut supporter des rayonnages de bibliothèque, et, avec des dalles de moquette, offrir d'excellentes qualités acoustiques. Bien que n'ayant pas eu l'occasion d'étudier cette question en détail, j'espère que l'équipe de la Bibliothèque de France le fera. A moins que je n'aie simplement pas compris les facilités d'accès qu'offre le système de sol proposé, vous devriez peut-être revoir ce système, afin d'assurer à l'avenir la flexibilité du câblage.

    • - Je me suis efforcé de proposer une gamme très variée de places assises, allant des fauteuils aux postes de travail informatiques, des tables de lecture collectives aux carrels individuels (nous utilisons le mot carrels, même s'ils ne sont pas fermés : un carrel est pourvu de côtés qui se prolongent au dessus de la surface de travail, il comporte en général une tablette au dessus du plan de travail et parfois une lampe d'appoint fixée sous ou sur la tablette). J'ai joint quelques croquis représentant le mobilier. Les tables pour quatre personnes y font 2 m sur 1,20 m. Je considère qu'il s'agit là d'un minimum pour un environnement de recherche. Les tables pour deux personnes sont plus confortables à 1,50 m par 1,20 m. Les carrels font au minimum 1 m sur 0,75 m. Les carrels informatiques de 1,20 m sur 0,75 m sont mieux, mais ils prennent bien sûr plus de place. Les places de lecture ne sont pas, d'une manière générale, démesurées : je serais ravi si elles pouvaient être un peu plus grandes. [...]

    L'espace entre les sièges est relativement modeste. Je doute, au fond, que vous puissiez faire tenir des sièges supplémentaires. Dans chacune des salles, j'ai dessiné plus de sièges que n'en requiert votre programme. Il sera peut-être possible de réduire judicieusement leur nombre, ou de leur substituer d'autres éléments de mobilier tels que des casiers à atlas ou des meubles plans à cartes. Une autre alternative consisterait à espacer les sièges. Je ne l'ai pas expérimentée, mais elle peut s'avérer pratique.

    IXDLR : Suit le commentaire des dix plans proposés, dont nous ne reproduisons qu'un seul. à titre d'exemple]

    En conclusion, ce fut un grand plaisir de travailler avec la Bibliothèque de France sur ce rapport, et surtout de pouvoir rencontrer directement les équipes pendant ma visite. Je suis absolument convaincu que le personnel de la Bibliothèque de France travaille avec le plus grand soin à la réalisation de la meilleure bibliothèque possible, et je suis sûr que dans le cadre fixé, l'essentiel de ces ambitions sera atteint. Je vous souhaite les plus grandes réussites possibles dans cette aventure, la plus excitante du monde des bibliothèques.

    1. Il s'agit des étages de magasins du socle, situés à l'arrière des salles de lecture (note Bdf). retour au texte

    2. Système de rayonnages à rotation verticale (ndlr). retour au texte

    3. Il ne s'agit évidemment que des collections en libre-accès, et non du dépôt légal (note BdF). retour au texte

    4. L'implantation des mobiliers a, depuis ce rapport, fait l'objet d'une nouvelle étude qui donne un résultat plus satisfaisant (note BdF). retour au texte

    5. Le câblage de toutes les places de lecture est d'ores et déjà prévu (note BdF). retour au texte