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Le droit de prêt dans les bibliothèques

1993
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    Le droit de prêt dans les bibliothèques

    Par F. D

    A la suite de la directive du 19 novembre 1992 du Conseil de la Communauté Européenne, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, les bibliothécaires français pouvaient raisonnablement penser que la législation nationale prendrait acte du paragraphe 3 de l'article 5 de la directive : "les Etats membres peuvent exempter certaines catégories d'établissements du paiement de la rémunération prévue aux paragraphes 1 et 2 de la circulaire. Cependant, des intérêts divergents apparaissent et le document de préfiguration du Xle plan prévoit l'instauration d'un droit de prêt dans les bibliothèques. Au même moment, dans un article paru dans Livres-hebdo, les représentants de la Société des Gens de Lettres et certains éditeurs réclament haut et fort la mise en place d'une telle législation, arguant du fait que tout livre emprunté dans une bibliothèque, est un livre non vendu, donc une perte pour l'auteur, l'éditeur et le libraire.

    Le 26 octobre 1992, une journée d'étude organisée par la FFCB (Fédération française de coopération entre bibliothèques) et la CFPPA (Comité français de pilotage du plan d'action pour les bibliothèques de la Communauté européenne) faisait le point sur la directive en invitant les représentants de trois des quatre pays de la communauté européenne : le Royaume Uni, les Pays Bas, l'Allemagne, dans lesquels un droit de prêt est en vigueur.

    Il ressortait de ces exposés que dans chacun de ces pays, la situation était relativement différente... parfois confuse et en tout cas, en règle générale, non satisfaisante et qu'aucun d'entre eux ne pouvait nous offrir un modèle à imiter.

    Soucieuse d'entendre les points de vue des différents acteurs de la chaîne du livre, l'ABF a, lors de son dernier congrès à Chambéry, organisé une brève table ronde pour donner la parole à des représentants des éditeurs, des auteurs, des libraires et des bibliothécaires. Les administrations, DLL et DPDU, se sont prononcées sur ce sujet lors de leur intervention du dernier jour.

    Pierre Noguier, responsable du service juridique de la Société des Gens de Lettres, a tout d'abord rappelé que le droit français comportait déjà le droit exclusif qui permet à l'auteur d'autoriser ou d'interdire les différents modes d'exploitation de son oeuvre. Ce droit est actuellement peu utilisé.

    P. Noguier a exprimé avec force que chaque auteur a droit à une rémunération sur la lecture de son oeuvre et que même si la directive européenne introduit une possibilité de dérogation dans le cas de prêt gratuit et public, la SGDL demande la mise en place du droit d'exclusivité et du droit à rémunération.

    Serge Eyrolles, président du Syndicat National de l'Edition, a indiqué que le monde du livre traversait actuellement une période difficile et que cela justifie une prise de conscience collective et un travail en interprofession. Le problème le plus préoccupant pour les éditeurs est, en ce moment, celui de la photocopie. Les bibliothèques semblent être prospères en France et l'on peut craindre qu'il ne se prête autant de livres qu'il ne s'en vend. Le SNE trouverait donc juste la mise en place d'une rémunération pour les auteurs.

    S. Eyrolles pense qu'il faut donc discuter de ces problèmes, avancer vers une meilleure connaissance des pratiques des bibliothèques et de leurs lecteurs, avant de mettre sur pied une législation française.

    L'Observatoire de l'économie du livre ayant proposé de prendre en charge la réalisation d'une étude d'impact de la lecture dans les bibliothèques, le SNE soutiendra la réalisation de cette étude.

    Ludovic Plaquevent, représentant l'Union des libraires de France, a indiqué qu'il était, lui, partisan de la dérogation au droit de prêt au nom du principe de gratuité prôné par l'UNESCO dans son manifeste sur les bibliothèques publiques.

    L. Plaquevent a rappelé aussi que la loi de 1957 indique que la destination des oeuvres ne doit pas être prise en considération : le droit d'auteur s'appliquerait bien à la seule vente du livre, et non à l'usage qui en est fait par la suite.

    Il a fait aussi référence à la complication des systèmes connus de perception de rémunération des auteurs à partir des prêts en bibliothèques, rappelant l'imperfection de ces systèmes, et rappelant aussi qu'en France le CNL apporte déjà une aide directe aux éditeurs et aux auteurs.

    C'est à la directrice de l'Association Européenne EBLIDA, Emmanuelle Giavarra, que nous avons demandé de donner le point de vue des bibliothécaires. Constituée au moment des discussions préparatoires à la directive, Eblida a fortement pesé à Bruxelles pour l'introduction de la clause de dérogation applicable aux bibliothèques publiques.

    Emmanuelle Giavarra a rappelé que les bibliothécaires sont contre le droit d'exclusivité, et contre le droit de prêt, tout en reconnaissant qu'il était possible, sinon nécessaire, de prendre en considération la demande de rémunération des auteurs. Elle a indiqué qu'il semblait important de réfléchir aux problèmes posés par les nouvelles technologies et l'utilisation des supports numériques, et insisté sur le fait qu'il fallait distinguer les problèmes posés par la reprographie, et par les supports numériques, de ceux posés par le prêt de livres imprimés.

    Les points de vue de toutes les professions du livre étaient ainsi exprimés ; le lendemain Daniel Renoult, sous-directeur des bibliothèques à la DPDU, rappelait son opposition à la mise en place d'un droit de prêt dans les bibliothèques et Serge Kancel, représentant le Directeur du livre et de la lecture, annonçait que la DLL allait incessamment se saisir de ce problème.