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De "01 informatique" à "Zydowski instytut historyczny w polsce"

1993

    De "01 informatique" à "Zydowski instytut historyczny w polsce"

    Par Marion Mouchot, Conservateur en chef Centre de coordination bibliographique et technique.

    Le fichier d'autorité des collectivités de la BN

    Où peut-on faire des rapprochements cocasses tels que celui de la "confrérie de l'Adoration perpétuelle du Saint-sacrement et de la bonne mort" et de "la Confrérie de L'Ordre du Taste-vin de Schoutt" ? où peut-on trouver matière à sourire en découvrant l'existence de la "Tontine des sans-culottes", du "FOCU" (Fédération obrera central de Uncia), du "salop" (alias "Shrophire") ou du "Syndicat des planteurs de choux à choucroute de la région de Colmar" ?

    Contrairement aux apparences, ce n'est pas dans un recueil de Pierre Dac, ni dans un journal humoristique, mais dans le plus sérieux fichier d'autorité des collectivités de la Bibliothèque nationale, dont on peut espérer qu'il intéressera, outre les bibliothécaires, des chercheurs, spécialistes des institutions, voire sociologues.

    Un peu d'histoire

    Le fichier d'autorité des collectivités a déjà une longue histoire, puisqu'on en fait remonter l'origine aux années 1950. Déjà, vers 1936, la difficulté à retrouver et à rassembler dans les catalogues traditionnels, les publications des personnes morales, avait conduit à considérer toute collectivité comme un cas particulier d'auteur, et à en faire une "vedette" sur le modèle des vedettes d'auteurs personnes physiques. D'où la constitution d'un fichier bibliographique parallèle au fichier d'auteurs-personnes physiques et à celui des anonymes, formé de notices n'ayant en vedettes que des noms de collectivités. Mais étant donné la variété des noms utilisés par une seule collectivité sur ses publications, apparut alors la nécessité d'assurer la cohérence des vedettes attribuées : il ne fallait ni disperser une même collectivité sous plusieurs vedettes différentes, ni confondre sous une même vedette deux collectivités distinctes. En 1950, on commença la constitution d'un fichier de références, dit fichier d'autorité, commun à tous les services de catalogage de la bibliothèque. Dans ce fichier, chaque collectivité auteur faisait l'objet d'une fiche donnant, outre la forme unique sous laquelle son nom devait paraître sur les notices descriptives de ses publications, les autres formes de ce nom non retenues, quelques indications sur son activité, son histoire ou celle de ses publications, ou toute autre information susceptible de contribuer à son identification. Les formes non retenues étaient notées sur des fiches de couleur spéciale, qui renvoyaient à la forme retenue.

    L'informatisation du fichier

    une étape décisive fut franchie avec la mise en route d'un nouveau fichier de ce type, sur support informatique, non seulement constitué des notices supportant les vedettes des nouvelles collectivités auteurs, mais également enrichi du contenu des notices du fichier manuel, au fur et à mesure que les collectivités contenues par celui-ci faisaient paraître de nouvelles publications. Ainsi le fichier automatisé devrait-il être destiné, à terme, à se substituer au fichier manuel, réduit alors aux notices des collectivités disparues ou n'ayant plus d'activité éditoriale.

    L'informatisation a d'une part apporté une amélioration considérable dans la maîtrise de la signalisation bibliographique : dans la base nationale française, le chaînage entre notices d'autorité et notices bibliographiques permet en effet de reporter automatiquement dans toutes les notices bibliographiques attachées à une collectivité, toute correction apportée à la forme de la vedette dans la notice d'autorité.

    Elle a permis aussi l'enrichissement des notices d'autorité par l'existence d'un format de saisie ménageant des zones spécifiques pour de multiples informations sur les collectivités traitées.

    Le travail "d'autorité" sur les collectivités

    La création et la maintenance des notices d'autorité nécessitent un travail de recherche à la fois extrêmement précis et très diversifié qui s'exerce sur des catégories d'organismes très variées.

    Très précis : bien plus que les personnes physiques, les collectivités ont souvent une histoire longue et complexe, marquée par des changements de noms, des fusions, des scissions - partielles ou totales - et sont reliées entre elles par des liens d'association, de hiérarchie, etc. Tous ces avatars et ces vicissitudes doivent être élucidés, puis traduits de façon claire dans des notices ou dans un jeu de notices reliées entre elles. L'élaboration d'une notice peut requérir plusieurs ouvrages de référence, auprès des organismes eux-mêmes par téléphone ou par écrit, dans leurs publications précédentes ou dans d'autres sources de renseignements. Ces recherches sont spécialement approfondies lorsqu'il s'agit de collectivités gouvernementales, surtout françaises : à titre d'exemple, chaque remaniement ministériel français donne lieu à un relevé complet des décrets parus au journal officiel, destiné à déterminer le nom des nouveaux Ministères ou Secrétariats d'Etats, à préciser leurs attributions et à établir leur filiation avec les ministères précédents.

    Très diversifié : l'appréhension des collectivités traitées nécessite des intérêts différents selon qu'il s'agit de centres de recherches, d'universités, de syndicats, de lobbies industriels, d'associations ou d'autres formes communautaires. Les bibliothécaires chargés de ce fichier d'autorité doivent acquérir empiriquement, au fil des années, un minimum de compétence dans les domaines les plus divers.

    De plus, dans l'intérêt du catalogueur autant que dans celui de l'utilisateur, il est indispensable de maintenir une cohérence aussi grande que possible dans le traitement des collectivités et dans la représentation de leurs inter-relations : en particulier, les organismes ressortissant à une même catégorie doivent être traités de façon analogue.

    Ainsi l'élaboration de ce fichier exige-t-il à la fois esprit d'analyse et esprit de synthèse

    Un large réservoir d'informations, à possibilité infinies

    A l'origine, dans le fichier manuel, le support constitué par les fiches standard limitait par la taille même de ces fiches, la quantité des informations concernant les collectivités. Cependant, ces informations comprenaient au moins : le nom de chaque collectivité sous sa forme la plus "correcte", les autres formes de ce nom (intitulés historiques, variantes d'usage, sigles, nom transcrit dans d'autres langues, etc.), des éléments de son histoire, ses avatars ainsi que ses relations de collaboration ou de hiérarchie avec d'autres collectivités. Ces informations pouvaient être suffisamment copieuses pour nécessiter plusieurs fiches.

    L'informatisation du fichier d'autorité a entraîné sur ce plan de formidables possibilités : la longueur des notices est devenue quasiment illimitée et rien n'empêche plus maintenant le catalogueur de faire état de tous les éléments qu'il juge nécessaire de donner. Certains organismes font l'objet de notices très longues . on citera, à titre d'exemple, l'Union générale des cadres techniciens de la CGT, ou encore la Faculté de théologie protestante au Zaïre (cf : annexe). Enfin, les notices informatisées comprennent un certain nombre de données codées qui permettront des tris rapides (pays d'origine, langue utilisée, dates d'activité, etc.).

    Mais une des plus grandes originalités de ce fichier, sous ses formes manuelles ou automatisées, consiste moins dans l'importance quantitative des renseignements donnés sur chacune des institutions -il ne saurait rivaliser avec des ouvrages- que dans l'éventail extraordinairement large des différentes catégories d'institutions collectives recensées. Aucune sans doute de ces catégories n'est absente de la typologie générale : on trouvera des formes de vie collectives, françaises, étrangères ou internationales aussi disparates que :

    • La plupart des grandes institutions intergouvernementales ;
    • des collectivités religieuses ;
    • des organismes syndicaux, des institutions de recherche ;
    • des établissements d'enseignement ;
    • des associations amicales ou de défense d'intérêts, d'idées, etc. ;
    • des entreprises industrielles, commerciales, financières ;
    • des musées, archives et autres centres de documentation ;
    • des congrès et manifestations collectives de tous ordres ;
    • des organisations politiques, déclarées ou non ;
    • des sectes initiatiques, des mouvements "underground".

    Pour illustrer ce caractère encyclopédique, on peut aussi simplement relever dans le fichier manuel les mots génériques : on aboutit alors à une liste très surréaliste, à l'image de la variété des intérêts et activités collectifs de la société humaine : "Abbaye, Académie, Agence, Amicale, Amis, Archives, Assemblée, Association, Banque, Bénédictins, Château, Club, Collège, Colloque, Comité, Commission, Compagnie, Confédération, Conférence, Deutsche Akadémie, Ecole, Eglise, Etablissement, Exposition, Fédération, Foire, Franc-maçonnerie, Frères, Front, Galerie, Groupe, Historical association, Hôpital, Institut, International association, jésuites, journées, Laboratoire, Library, Lycée, Maison, Observatoire, Office, Ordre, Organisation, Paroisse, Parti, Polska, Rassemblement, Réunion, Saint, Salon, Secrétariat, Séminaire, Société, Staatliche, Forschung, Symposium, Syndicat, Théâtre, Université, Verein, Workshop".

    Il est certain qu'un tel "pot" peut donner naissance à toutes sortes d'études de caractère sociologique, sur un type ou un autre de collectivités. Dans un système informatique performant, un chercheur peut constituer sa propre typologie, soit en rassemblant les collectivités par un des mots de leur nom, soit en effectuant un tri sur les zones codées des notices pour isoler les collectivités ressortissant à une même nationalité, publiant dans une même langue, ayant le même domaine d'activité...

    Il faut signaler aussi que ce fichier est probablement le seul endroit où l'on pourra trouver la mention d'institutions modestes, d'un ressort ou d'une notoriété limités, dont l'existence ne peutêtre connue à un plus haut échelon que par l'édition d'un seul bulletin ou revue: comment, si elles n'avaient fait un dépôt légal à la Bibliothèque nationale, aurait-on pu soupçonner que vivaient des associations comme "la société du chapelet des enfants" ou "l'association des futurs rescapés de l'école" ?

    Enfin, un autre intérêt de ce fichier, et non des moindres, est de signaler à l'historien d'une institution, ou d'un groupe d'institutions, les sources de première main que sont les publications de ces institutions, puisque celles-ci apparaissent dans les fichiers bibliographiques immédiatement derrière les intitulés de collectivités.

    Un fichier en partie confidentiel

    La partie automatisée (environ 60 000 notices travaillées) est accessible à la fois en ligne, au sein des bibliothèques partenaires de la base de la bibliothèque nationale (BN elle-même, Bibliothèque Sainte Geneviève et quelques 16 bibliothèques universitaires), et sous forme de microfiches, éditées de façon cumulative deux fois par an, et vendues par la Bibliothèque nationale sous le titre Bibliothèque nationale, fichier d'autorité des collectivités auteurs de la base BN-OPALE, Microfiches.

    Il n'en est malheureusement pas de même pour la partie manuelle, qui comprenait en 1992 environ 152 000 notices. Ce fichier manuel, unique, se trouve au Service du fichier d'autorité des collectivités du Centre de coordination bibliographique et technique, et pour partie au Service des publications Officielles.

    Les "conversions retrospectives" (chargement dans la base des notices bibliographiques des fonds antérieurs à 1970, avec versement des zones vedettes dans le fichier d'autorité) ne sauraient remplacer la saisie volontaire des notices d'autorité, puisque seul figurera alors dans le fichier, l'intitulé retenu du nom des collectivités, à l'exclusion des variantes et formes rejetées de ce nom, comme de toutes autres informations. Comment alors sauvegarder la richesse que constitue ce fichier ?

    La solution la plus facile et la plus économique -mais non la plus satisfaisante-consisterait à microficher les fiches telles qu'elles se présentent ; c'est-à-dire en partie manuscrites, avec des mentions souvent peu lisibles, constituées selon des normes obsolètes, et articulées selon une structure logique pas toujours compatible avec celle de la recherche documentaire moderne. Il nous semble évident qu'il faudrait opter résolument, en se dotant des moyens nécessaires, pour la continuation et l'achèvement du travail de saisie entrepris au Centre de coordination bibliographique et technique, ce qui reconstituerait l'unité et la cohérence originelles de ce fichier, ainsi que sa qualité scientifique, et ce avant l'ouverture de la Bibliothèque de France. La question est peut-être encore ouverte...