La réunification de l'Allemagne a profondément diminié les ressources des collectivités locales allemandes, appelées à faire des sacrifices pour soutenir l'activité des nouveaux Lânder. Tel est du moins le discours officiel.
Les restrictions budgétaires, qui doivent se traduire dans une ville comme Hanovre par la suppression de la moitié des postes de l'administration communale dans les cinq prochaines années, touchent de plein fouet des bibliothèques. Cette situation dramatique a fait l'objet de plusieurs débats au sein du congrès de Leipzig.
La situation de Berlin a particulièrement retenu l'attention, grâce notamment à la diffusion d'un dossier et aux ventes de parapluies en soutien à la lutte de nos collègues berlinois, dont le slogan est : "Berlin a besoin de bibliothèques."
En 1992, 109 postes de travail ont déjà été supprimés dans les bibliothèques berlinoises. Pour la période 1993-1997, ce sont 300 postes qui doivent disparaître. Mais, comme le remarquent à juste titre les bibliothécaires du VBB, les établissements culturels et sociaux doivent consentir un effort trois fois plus important que les autres secteurs de l'administration. Si toute l'administration berlinoise devait être saignée dans les mêmes proportions, dans l'hypothèse où l'effort serait réparti équitablement, cela se traduirait au total par la suppression de 71 000 postes soit trois fois plus que prévu.
La suppression des 300 postes amènera la fermeture de 100 bibliothèques sur les 256 que compte actuellement Berlin. Plus de la moitié des bibliothèques pour enfants et des bibliothèques scolaires sont amenées à disparaître. Dans certains quartiers il n'y aura plus d'équipement de proximité.
La fermeture de ces bibliothèques entraînera le pilonnage de 3 300 000 livres, disques compacts, cassettes vidéos, et autres documents, soit une perte sèche de 70 millions de mark (environ 245 millions de francs) et de 80 à 90 millions de mark (environ 315 millions de francs) de patrimoine mobilier et immobilier.
Cela se traduira également par une régression du nombre de livres mis à la disposition de la population berlinoise (1,5 par habitant au lieu de 2,5 actuellement) et une baisse de 2 500 heures d'ouverture par semaine et de 5 millions de prêts par an.
Les bibliothécaires berlinois ont engagé une riposte importante contre le projet du Sénat de Berlin qui s'est traduit par une journée de manifestations, le 21 janvier 1993 ; un colloque sur les bibliothèques le 18 mars et une campagne de signatures sur une carte postale ainsi libellée :
Berlin a besoin de bibliothèques !
J'exige:
En soutien à cette campagne de carte postale, l'écrivain Dietler Hildebrandt écrivait dans le TagesSpiegel du 11 janvier dernier : "C'est un scandale car il n'y aura jamais assez de bibliothèques. Elles sont le foyer de la tête, la station service de l'esprit. Mais voilà : les bibliothèques ont bien des salles de lecture, mais elles n'ont pas de lobby. C'est pourquoi le lecteur est toujours perdant. Celui qui emprunte des livres est face à lui-même. Dans une salle de lecture traditionnelle on se tait."
Les bibliothécaires berlinois ont finalement su se faire entendre. Le plan de suppression de 300 emplois a été ajourné pour les années 1994-1995. Rien ne garantit bien sur que la capitale allemande ne connaisse dans l'avenir de nouvelles difficultés financières dans le domaine de la lecture publique, mais la menace de démantèlement de son réseau de lecture publique est pour le moment écartée.