Depuis septembre 1994, la D bibliothèque centrale de l'Institut Pasteur est installée dans un nouveau bâtiment, le Centre d'information scientifique, dans lequel l'exploitation et la communication des ressources documentaires devraient être grandement facilitées. Depuis longtemps ces ressources sont riches et nombreuses : la bibliothèque centrale est née avec l'Institut Pasteur il y a plus d'un siècle et le fonds de la bibliothèque s'est constitué progressivement, d'abord par des dons, mais aussi, dès le début, par des abonnements de périodiques et des achats de livres. En 1890 la bibliothèque possédait 460 livres et brochures, et 19 collections complètes de revues. En 1994 elle possède 230 000 volumes, soit 30 000 titres de monographies et 2 350 collections de périodiques, dont 800 vivants.
La bibliothèque centrale de l'Institut Pasteur est une des plus importantes bibliothèques spécialisées dans le domaine de la microbiologie. Du fait de son histoire et de ce qui fut toujours sa double vocation - conservation et documentation - ses ressources vont du livre ancien et rare à une dernière version d'une base de données sur CD-Rom ou au transfert en temps réel d'informations textuelles par Internet.
La bibliothèque a donc vécu plus de cent ans dans ses locaux d'origine dont la pièce maîtresse était la Salle des actes du bâtiment principal, devenue la « Grande bibliothèque », à laquelle ont été ajoutés par la suite deux étages, dont un dans les combles, et des réserves de stockage en sous-sol. Dans la grande salle, aujourd'hui classée monument historique, une table recouverte de feutre vert servait il y a quelques mois encore de table de consultation. Nombre de lecteurs ignorent que c'est autour d'elle, et en présence de Louis Pasteur, que s'élaboraient les stratégies de la recherche biologique aux premiers temps de l'Institut.
Il arrive un moment où les lieux chargés d'histoire ne suffisent plus à créer la relation efficace et nécessaire avec les utilisateurs, encore moins à répondre vraiment à leurs besoins, tant en raison de l'inadéquation des locaux qu'en raison de l'organisation multiforme et inadaptée des collections. Pourtant cette bibliothèque avait su créer une - symbiose avec l'utilisateur : le chercheur, à proximité de son laboratoire, y trouvait un lieu de savoir, d'échange, d'accueil. Mais l'évolution rapide des techniques documentaires a nécessité, ces dernières années, des compétences accrues de la part des documentalistes qui ont dû répondre à une exigence croissante des chercheurs. Comment alors, dans des conditions matérielles difficiles, améliorer ce travail de médiation à l'heure des nouvelles technologies et de l'expansion des publications scientifiques ?
Envisager l'évolution et l'avenir de la bibliothèque, sans tourner le dos à son passé, supposait une réorganisation complète des locaux, et des moyens plus modernes d'accès aux collections et à l'information. La direction de l'Institut Pasteur, à la fin des années quatre-vingt, prit conscience de la nécessité de créer une véritable structure documentaire pour un établissement par ailleurs à la pointe de la recherche biologique. L'Institut Pasteur est un établissement de recherche fondamentale ayant un statut de fondation privée reconnue d'utilité publique. Sa vocation de production scientifique se traduit depuis toujours par une activité importante de publication scientifique et d'échanges. La documentation, la disponibilité et la valeur de l'information scientifique y sont donc fondamentales.
On fut donc amené à penser de nouvelles structures pour la bibliothèque et à mettre en chantier des installations plus conformes à l'expansion des collections ainsi qu'aux nouvelles méthodes de gestion et de diffusion de l'information. Malgré la richesse de son fonds la bibliothèque centrale ne parvenait plus à assurer correctement ses missions, ni en matière de conservation, ni en matière de développement des services documentaires. Or la gestion de l'information était devenue un enjeu majeur pour l'Institut Pasteur. La bibliothèque est le principal centre de compétences en matière d'information scientifique à l'Institut Pasteur. La maîtrise permanente de ces compétences et de leur évolution est donc une condition indispensable au maintien de la qualité des prestations documentaires, la bibliothèque s'adressant non seulement aux chercheurs de l'Institut Pasteur, mais aussi aux chercheurs extérieurs, médecins, étudiants de 3ecycle et stagiaires.
Les locaux de l'ancienne bibliothèque étaient devenus trop inadaptés pour même envisager une rénovation ou une réhabilitation en vue d'en faire une bibliothèque plus moderne. La dispersion des locaux (3 niveaux de locaux principaux et 6 lieux de stockage dont 3 dans les sous-sols d'autres bâtiments) avait amené la bibliothèque à un seuil de saturation totale. La surveillance était impossible ; il manquait un point central d'accueil et un véritable accès libre aux collections. De plus, le lieu principal de consultation étant un bâtiment classé, les possibilités d'extension s'en trouvaient inévitablement limitées, rendant en particulier très difficile l'informatisation de la bibliothèque. La voie était donc ouverte à la programmation d'une nouvelle bibliothèque, dont les fonctions essentielles seraient de rassembler et d'intégrer l'ensemble des collections dans un lieu unique et central (1) et de prévoir leur extension à long terme. Il fallait pour cela se doter d'espaces évolutifs et mettre en place un fonctionnement plus rationnel, tout en étendant les possibilités d'accueil en places assises et en augmentant les horaires d'ouverture. Privilégier le libre accès aux collections a été un point central du projet, en même temps que l'adaptation des locaux aux nouvelles technologies d'accès à l'information. Le but enfin fut d'en faire un lieu d'échange en matière scientifique et un lieu privilégié de formation permanente et d'auto-formation.
S'appuyer sur l'existant nous a paru de la première sagesse dans l'établissement du projet. La nature même des collections de la bibliothèque permettait de partir d'une base dont nous n'avions pas à rougir, surtout en ce qui concernait les périodiques. La bibliothèque recevait en 1991 environ 600 titres courants par abonnements, dons ou échanges. Un fichier complet des périodiques permettait une localisation des années dans les différents locaux. Le problème restait non seulement la dispersion des collections mais surtout le classement et la signalisation. En effet les périodiques étaient divisés en trois localisations : les cinq dernières années des périodiques courants en grande salle, classées par ordre alphabétique ; les années antérieures à partir de 1979 en étage, classées par thèmes ; les périodiques antérieurs à 1979 en magasin, classés par numéros d'inventaire... ce qui signifie que pour un même titre on pouvait trouver trois localisations différentes selon l'année recherchée.
La situation des monographies était plus grave en matière de contenu, puisque aucune acquisition récente significative n'était plus faite et que les rares ouvrages de référence étaient devenus obsolètes. En 1990, on comptait tout juste 150 titres nouveaux dont beaucoup de dons assez disparates. Pour l'ensemble des collections conservées s'étaient succédé des classements ou des localisations diverses. Aucun classement scientifique cohérent ne permettait de distinguer les ouvrages obsolètes des ouvrages récents encore viables sur le plan scientifique, ni les ouvrages à caractère historique des ouvrages de référence.
Devant cette situation il est vite apparu qu'un travail préalable de réorganisation s'imposait (refonte des fichiers, reclassement, indexation, remise à niveau des acquisitions, etc.) avant même le transfert de la bibliothèque, prévu environ trois ans plus tard, travail à poursuivre tout en menant de front la programmation, le suivi de la construction de la nouvelle bibliothèque et le recrutement de personnel qualifié.
Accompagnée pendant cette période de moyens supplémentaires, cette remise à niveau avait pour objectif d'amener les collections de monographies à environ 1 500 à 2 000 titres par an et les abonnements de périodiques entre 800 et 1 000 en tout (soit 200 à 400 titres supplémentaires sur trois ans). Une Commission des acquisitions composée de chercheurs fut mise en place pour aider la bibliothèque à définir les axes de sa politique d'acquisition.
Parallèlement à cette remise à niveau, il s'agissait de créer un plan de classement des monographies qui puisse fonctionner dans la future bibliothèque et permettre le libre accès aux collections récentes. Cela était inséparable d'un reclassement physique des collections, ce qui devait faciliter en partie l'organisation du déménagement, en conservant une séparation entre ouvrages récents en libre accès et ouvrages anciens en magasins. La séparation chronologique des années soixante-dix a été retenue. Les collections « récentes » ont été réunies selon un classement systématique inspiré de la classification de la National Library of Medicine d'une part, et des disciplines traitées à l'Institut Pasteur d'autre part (2) . La phase de rééquilibrage des collections se poursuit afin de combler des lacunes importantes dans les disciplines fondamentales.
Cet autre chantier visait à informatiser l'ensemble des fonctions de la bibliothèque : acquisitions, prêt, catalogage, indexation, bulletinage. Les fonctions documentaires sont prévues dans un deuxième temps (gestion du thésaurus, gestion des images, intégration des résumés ou des sommaires, etc.). Le système choisi a été le logiciel LORIS de la société Ever. La rétroconversion du fichier manuel a été confiée à OCLC avec le service Retrocon.
La bibliothèque assure un service de fourniture de documents, à la fois pour répondre aux demandes externes de photocopies d'articles et pour assurer les recherches de documents à l'extérieur pour ses lecteurs. Ses propres collections augmentant, la bibliothèque répond à des demandes externes croissantes, ce qui a appelé à une informatisation partielle de la gestion de ce service.
La bibliothèque propose par ailleurs un service d'interrogation de bases de données. Étoffer ce service fut également une priorité, les besoins étant immenses en la matière. Une formation hebdomadaire des utilisateurs permet de leur donner davantage d'autonomie sur la consultation des CD-Rom en libre service (3) .
En vue du transfert, la nécessité de commencer à opérer des regroupements s'est vite imposée. Faute de place supplémentaire de stockage pendant cette période intermédiaire et face à un accroissement rapide des collections, on ne put assurer qu'un grossier regroupement pour approcher au plus près de la répartition future dans le nouveau bâtiment. Mais la place manquait pour tout reclasser à l'avance. N'avoir qu'à transférer les collections d'une salle à une autre en conservant le même ordre tenait du rêve... Le plus délicat fut donc de prévoir le transfert avec reclassement simultané de certaines collections (4) .
La construction du bâtiment s'est déroulée sur deux ans, il s'est écoulé moins de trois ans entre l'acceptation du projet et l'ouverture de la bibliothèque (5) . Toute la phase de réorganisation préparait bien sûr le transfert mais celui-ci s'est concrétisé avec le choix de l'emplacement définitif des collections dans les différentes zones de stockage. Toute cette étude s'effectuant sur plans, il fallut attendre la fin du gros oeuvre pour pouvoir affiner ce travail dans l'espace. Il fut alors possible d'installer des prototypes de mobilier et de tester les mesures prévues (hauteurs, espacements entre étagères, entre travées, etc.).
La bibliothèque fut alors divisée en plusieurs zones : périodiques courants, ouvrages classés de A à F, ouvrages anciens, séries annuelles, littérature grise, collections antérieures à 1979 en magasin.
Une fois la répartition générale décidée et les rayonnages installés, il fut plus facile de préparer le déménagement. On pouvait alors étiqueter les rayonnages d'arrivée et surtout travailler au métrage des collections afin de prévoir une extension raisonnable collection par collection (pour les périodiques) ou cote par cote (pour les ouvrages).
L'étape suivante de cette préparation fut donc l'établissement d'un cahier des charges pour le déménagement et la consultation des sociétés spécialisées dans le transfert d'archives ou de bibliothèques.
Le cahier des charges doit comporter au moins :
La description détaillée des sites de départ et d'arrivée est primordiale pour éviter toute mauvaise surprise le jour J, de même que la description des accès (ascenseurs, hauteurs de plafond, fenêtres, escaliers, etc.). Le noeud du cahier des charges est la proposition d'un planning prévoyant l'ordre des interventions dans les différents sites. Il s'agit d'éviter toute interférence des équipes sur deux sites de départ dont les collections, par exemple, arrivent sur un seul site. Le respect total du planning est donc une garantie à obtenir absolument, sans quoi le transfert risque d'être complètement désorganisé.
Le planning, affiné ensuite avec les responsables de la société de déménagement lors des réunions de préparation, se présentait sous la forme d'un tableau avec les éléments suivants :
Le planning est resté le document de liaison permanent entre les équipes de déménagement (2 équipes de 6 personnes) et les équipes de bibliothécaires qui les doublaient. Chaque équipe était elle-même divisée en deux groupes : départ et arrivée.
Le travail de préparation a duré environ un an, par réunions hebdomadaires d'un petit groupe de travail de trois personnes. La conclusion est qu'il est raisonnable de s'y prendre à l'avance!... Une année entière fut nécessaire, en effet, pour établir les inventaires, les plans d'extension et d'implantation précis, les métrages, l'étiquetage et le planning. Puis juste avant le déménagement il a fallu décider des repères visuels par couleurs qui seraient utilisés pour faciliter l'acheminement des caisses. Certaines collections étaient scindées au moment du transfert, il fallait donc installer des séparateurs à l'intérieur des collections. Les déménageurs devaient intervenir plusieurs fois dans un même local à des moments différents du planning, suivant l'affectation des tranches de collections.
En cas de reclassement deux solutions étaient envisageables : soit opérer un « picking " au départ (on prend les collections en suivant une liste, par exemple par numéros, par ordre alphabétique ou autre, correspondant au classement d'arrivée) ; soit remettre dans l'ordre du nouveau classement à l'arrivée (on replace les collections à l'aide de listes, à condition que l'étiquetage ait été soigneusement préparé). C'est cette deuxième solution que nous avons adoptée, dans la mesure où il était plus aisé de se déplacer d'un rayonnage à l'autre dans les nouveaux locaux plutôt que dans les anciens où les normes d'espacement entre travées étaient loin d'être respectées !...
La nouvelle bibliothèque triple la surface de l'ancienne. Elle dispose de plus de 10 000 mètres linéaires, aérés en vue d'une extension sur dix à quinze ans sans grosses éliminations, et répartis en plus de 3 000 mètres linéaires en libre accès et 7 000 mètres linéaires (dont la moitié occupée aujourd'hui) en stockage mobile.
La nouvelle bibliothèque occupe les trois quarts d'un bâtiment qui comprend par ailleurs d'autres services dont la vocation est liée à la diffusion de l'information : service de presse, colloques, informatique scientifique, archives scientifiques. Elle s'étend sur quatre niveaux dont deux publics et offre 130 places assises. La superficie actuelle permet de présenter les deux tiers des collections actuelles en libre accès, notamment quinze années de toutes les collections vivantes de périodiques. Une zone de consultation informatique évolutive a été créée avec des espaces de formation en petits groupes. Dix postes informatiques, dans un premier temps, sont mis en service pour la consultation des bases de données, et cinq postes de consultation du catalogue (OPAC). Les laboratoires de l'Institut Pasteur seront bientôt connectés au catalogue et auront progressivement accès à d'autres services reliés à la bibliothèque, ainsi qu'aux bases de données en réseau.
Dans l'élaboration de cette bibliothèque, outre le travail d'équipement qui a donné lieu à une collaboration particulièrement efficace avec les architectes, les efforts ont porté sur la reconstitution d'un fonds documentaire qui avait accumulé des lacunes et sur les moyens d'accès à ces fonds. Toute la conception de la bibliothèque vise à lier les différentes pratiques des chercheurs en matière d'accès à l'information, tant primaire que secondaire. L'informatique tient une place centrale dans ce dispositif. Tous les développements futurs y sont liés. L'outil est là, mais beaucoup reste à faire...