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Les bibliothèques et les autoroutes de l'information

1995
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    Les bibliothèques et les autoroutes de l'information

    Projets artificiels

    Par Dominique Lahary, Bibliothèque départementale de prêt du Val-d'Oise

    Le G7 charge la France d'un projet de bibliothèque virtuelle

    Le sommet du groupe des sept pays les plus industrialisés, dit G7 (1) , qui s'est tenu à Bruxelles les 25 et 26 février 1995 était consacré au thème des autoroutes de l'information. Douze grands projets internationaux ont été retenus. Parmi ceux-ci, l'un, intitulé Bibliotheca universalis (2) , a été confié à la France et au Japon.

    L'objectif est de constituer à partir de programmes de numérisation existants une vaste collection virtuelle répartie des connaissances de l'humanité, accessible à un large public par l'intermédiaire des réseaux (3) . Il s'agit de renforcer les fonctions des bibliothèques et de permettre l'accès à l'échelle internationale à des ressources numérisées incluant les descriptions bibliographiques et les contenus eux-mêmes (texte, graphiques, images fixes ou animées et son), tout en favorisant la définition et l'adoption de normes. Il s'agit en outre d'établir en quoi les techniques de numérisation permettent la conservation à long terme en même temps que l'accessibilité immédiate et aisée.

    Les oeuvres retenues, laissées à l'initiative de chaque pays, seront proposées dans leur langue d'origine avec un environnement visuel et vocal. Elles appartiendront au domaine public. Gérées par des organismes locaux sous la responsabilité des autorités nationales, elles seront accessibles aux citoyens des États du G7 et du monde entier à travers les réseaux existants. Sont visés le grand public aussi bien que les chercheurs, les étudiants et les scolaires.

    La mise en oeuvre du projet reposera sur l'utilisation des normes et standards existants dans le domaine de la documentation, du texte, de l'image, du son et des protocoles de communication. Il impliquera l'utilisation d'une interface unique de recherche et d'outils de navigation, notamment en hypertexte. L'utilisateur final devra pouvoir accéder au service à partir d'un ordinateur personnel et naviguer dans la collection à l'aide d'outils conviviaux, multilingues et interactifs. Par exemple, il pourra passer d'un poème de Victor Hugo à ses dessins ou lier les grandes découvertes du XVIesiècle à un reportage sur les navettes spatiales.

    Les promoteurs du projet en attendent des effets socioculturels et technologiques. D'un côté, ils pensent que Bibliotheca universalis, en favorisant l'accès à un large public de l'héritage culturel et des connaissances rassemblées et acquises par les bibliothèques et d'autres institutions culturelles, sera une démonstration des impacts de la société de l'information sur le public. De l'autre, ils entendent contribuer au renforcement de la collaboration entre bibliothèques pour la constitution coordonnées de base de données distribuées et faire ainsi progresser les industries de l'information, notamment dans le domaine de l'édition électronique.

    En France, c'est le ministère de la Culture et de la Francophonie (DLL et BNF) qui est chargé de conduire le projet. Un comité de pilotage international en assurera la coordination, en examinant notamment les solutions techniques et en contrôlant la cohérence des collections numérisées. La France sera plus particulièrement chargée du corpus de textes et d'oeuvres graphiques, et le Japon des bases de données scientifiques et techniques, des brevets et des normes. L'Allemagne, le Canada, l'Italie, le Royaume-Uni, la Fin-lande et la Commission européenne devraient également participer à des titres divers à la mise en oeuvre du projet, qui devrait s'étaler sur deux ans et demi à trois ans.

    D'autres réalisations de bibliothèque électronique reposant sur la numérisation de textes ou ouvrages préexistants accessibles en ligne peuvent être citées. En France : la base Frantext (2 600 textes de la littérature française de 1600 à 1970), les 1 800 titres de périodiques numérisés à l'INIST, les 50 livres diffusés sur Internet à l'initiative de l'Association des bibliophiles universels et bien sûr la collection numérisée de la BNF ; à l'étranger : projet américain Gutenberg (400 textes actuellement dont tout Shakespeare en un seul texte), Digital library initiative (regroupant notamment six universités américaines), etc. Parallèlement sont mises sur le marché des éditions de textes sur CD-Rom ou sur disquettes.

    Le ministère de l'Industrie labellise Renater

    Après la remise au Premier ministre du rapport Théry sur les autoroutes de l'information, le ministre de l'Industrie, des Postes et des Télécommunications avait lancé un appel à projet sur ce thème le 23 novembre 1994 (4) . Il a reçu 635 réponses avant la date limite du 23 janvier 1995. Ces projets ont été après examen classés en quatre catégories : 49 ont été retenus pour une mise en oeuvre immédiate, 218 ont été reportés pour financement incomplet ou difficulté juridique (5) , 287 nécessitaient un approfondissement technique ou financier ou une recherche supplémentaire de partenariats, enfin 81 ont été jugés hors sujet. Dans un délai de six mois pourra être publiée une nouvelle liste de projets retenus dans la première catégorie. Une dotation budgétaire de 500 millions de francs est réservée sur deux ans.

    Parmi les dossiers retenus comme immédiatement réalisables figure le projet Renater II. Il s'agit de la continuation et de l'extension du réseau Renater (6) , mis en oeuvre depuis 1992 par un GIP (7) comprenant notamment le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, le CNRS et l'INRIA (8) et dont l'opérateur est France-Télécom. Fédérant des réseaux régionaux construits notamment avec le soutien des conseils régionaux, Renater est relié à Internet dont il constitue un maillon français. Un grand nombre d'établissements d'enseignement supérieur, avec leurs bibliothèques et centres de documentation, y sont connectés via un réseau régional.

    Renater 11 (9) sera capable de transporter la voix et l'image animée à usage professionnel. Il permettra le développement et l'exploitation des techniques reposant sur la visioconférence entre postes de travail, pour des usages tels que l'enseignement à distance, les télé-séminaires, les télécollaborations, la té-lémédecine, la téléexpertise. Renater II pourra servir aussi bien à l'accès à distance aux ressources des grandes bibliothèques et des musées qu'à des serveurs de rediffusion d'enregistrements de cours ou de séminaires à la demande. Il transportera des données volumineuses produites par les grands appareils scientifiques, les satellites et les superordinateurs.

    Sur le plan technique, Renater II reposera sur la fibre optique et l'ATM (10) afin d'atteindre de hauts débits (vers le Gbit/S (11) ). Afin de préserver les investissements existants, ATM cohabitera avec IP (12) pendant un certain nombre d'années. Dans un premier temps, le réseau Renater II sera juxtaposé au réseau actuel et reliera certains réseaux régionaux ainsi que des plaques métropolitaines. Éléments majeurs du démarrage puis de l'extension de Renater II, ces plaques, construites autour de grands regroupements de campus, d'organismes de recherche ou de développement technologique, regrouperont les sites utilisateurs de Renater dans un rayon de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres. Elles seront préparées et mises en place sur l'initiative des utilisateurs et des collectivités territoriales concernées, en concertation technique avec le GIP Renater. Les sites pourront y être raccordés en ATM ou en IP.

    Selon l'un des scénarios envisagés, les plaques métropolitaines à partir desquelles se ferait le déploiement de Renater II seraient celles d'Ile-de-France Sud, Rouen, Grenoble, Toulouse, Sophia-Antipolis, Caen et Valenciennes-Mons. Cette dernière plaque, par exemple, pourrait connecter trois pôles universitaires, un anneau culturel de Valenciennes, un réseau industriel et un réseau câblé. Elle serait reliée à Renater I (IP) via le réseau régional Noropale, et directement à Renater II (ATM).

    Enfin, une politique volontariste serait menée pour faire évoluer vers les hauts débits (dizaines de Mbit/s au moins) ses liaisons internationales, notamment avec l'Allemagne, l'Angleterre, les États-Unis et le Canada.

    1. Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni. retour au texte

    2. Source des informations ci-dessous : DLL, Jacques Faule, télécopie: (1) 40 15 74 04; E-Mail: faule@opera.culture.fr ou bequet@opera.culture.fr. retour au texte

    3. Extrait du communiqué officiel de la conférence ministérielle de Bruxelles du 26 février 1995. retour au texte

    4. Voir la note de lecture sur Les Autoroutes de l'information de Gérard Théry dans le Bulletin d'informations de l'ABF n° 166. retour au texte

    5. En particulier, les projets des câblo-opérateurs incluant des services téléphoniques ont été jugés prématurés. Rappelons que l'Union européenne a fixé au 1er janvier 1998 la fin des monopoles nationaux de télécommunication. retour au texte

    6. Renater : réseau national de télécommunication pour la technologie, l'enseignement et la recherche. retour au texte

    7. GIP : Groupement d'intérêt public. retour au texte

    8. INRIA : Institut national de recherche en informatique et en automatique. retour au texte

    9. Les informations ci-dessous sont tirées, parfois littéralement, du document suivant : Renater II. - Version 1, 31 mars 1995. - 4 p. - Paris : GIP Renater [université Pierre-et-Marie-Curie, 4, place Jus-sieu, 75252 Paris cedex 051, 1995. E-Mail : Rensvp@Renater.fr. WWW : http ://web.urec.fr/Renater. retour au texte

    10. ATM: Asynchronous transfer mode. Technique permettant d'optimiser les réseaux à hauts débits. Ses performances seraient cent fois supérieures à celles de la technologie IP (voir note n° 12). Elle est présentée comme la technologie majeure permettant le déploiement des autoroutes de l'information. retour au texte

    11. Un Gbit (gigabit) vaut environ un milliard de bits, un Mbit (mégabit) environ un million de bits, un Kbit (kilobit) environ un millier de bits. Le bit est l'unité élémentaire d'information (0 ou 1). A titre d'exemple, le RERIF (réseau régional d'Ile-de-France relié à Renater) propose des connexions allant de 64 Kbit/s à près de 2 Mbit/s, tandis que l'épine dorsale Paris-Lyon-Marseille est opérationnelle à 34 Mbit/s. retour au texte

    12. IP : Internet protocol. Protocole de communication par paquet utilisé dans le réseau Internet. retour au texte