(1) Après une première action en 1991 concernant la fourniture d'ouvrages d'enseignement et de recherche et de photocopieurs pour une valeur totale de 5 millions de DM aux républiques baltes d'Estonie et de Lituanie, le programme d'aide aux bibliothèques a été délégué en 1992 au Deutsche Bibliotheksinstitut (DBI). Ce programme se poursuit depuis en coopération avec des maisons d'édition allemandes et s'est étendu à d'autres pays d'Europe centrale et orientale. Chaque bibliothèque sélectionnée peut ainsi effectuer une commande de livres.
Dans la présentation ci-dessous du déroulement pratique de ce programme, il faut souligner qu'il s'agit d'une action du ministère fédéral de l'Éducation et de la Science (BMBW) qui n'a pas prioritairement pour objectif la promotion de la langue allemande - il s'agit évidemment d'un effet secondaire souhaité, mais dans ce domaine c'est avant tout l'institut Goethe qui est actif - mais la défense et le développement de la coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur. Ceci a eu une incidence non seulement sur le choix des bibliothèques, mais aussi sur la répartition des moyens et la politique générale en matière de commande de livres.
Depuis 1992, 167 bibliothèques de 8 pays différents (Russie, Ukraine, Biélorussie, République tchèque, Pologne, Hongrie, Bulgarie, Slovaquie) ont pu bénéficier de livres pour une valeur de 13 millions de marks. L'année suivante trois autres pays (Albanie, Roumanie, Kazakhstan) ont rejoint le programme ce qui représente une augmentation de 4 millions de marks supplémentaires. Cela correspond à environ 50 000 nouveaux livres par an.
Le projet a reposé sur l'embauche d'une seule collaboratrice. Sa première tâche a été de réunir des informations sur les mutations des bibliothèques des pays concernés. Il n'a malheureusement pas été possible (et cela a été regretté) d'entreprendre des voyages d'études approfondis avant la phase de sélection des bibliothèques.
Cependant, des recherches bibliographiques approfondies, des correspondances avec les diplomates allemands, des rapports de collègues sur place, des entretiens avec des personnes ayant participé à des conférences dans les pays concernés et des échanges d'expérience avec d'autres organisateurs de programmes de dons ont fourni un matériau suffisant pour procéder à une présélection sur des critères solides. Cette présélection s'est également appuyée sur des questionnaires remplis par chaque bibliothèque qui faisait apparaître les points les plus importants.
La principale ligne directrice a bien sûr été de développer la coopération entre des établissements d'enseignement supérieur. Toutefois, d'autres bibliothèques scientifiques, au rôle affirmé de diffusion de la littérature scientifique et de recherche, ont pu être inclues dans le programme. Afin d'éviter les doublons, la sélection définitive s'est faite en concertation avec d'autres établissements allemands actifs en Europe centrale et orientale.
Le partage des moyens s'est ensuite fait suivant l'importance et la représentativité de chaque bibliothèque et la distribution a varié entre 10 000 DM pour une petite bibliothèque d'institut jusqu'à 300 000 DM pour une grande bibliothèque avec une mission de diffusion suprarégionale.
Les bibliothèques sélectionnées ont ensuite été informées par écrit du nombre de livres qui leur revenait et invitées à une séance d'information sur le déroulement du programme qui a eu lieu dans la capitale respective de chaque pays. Ce court séminaire a pu dans certains cas se tenir à l'occasion d'une foire du livre ou d'une manifestation propre à la bibliothèque ce qui a permis aux représentants des bibliothèques d'éviter des frais de déplacement supplémentaires. Ces séminaires ont été organisés en coopération avec une bibliothèque locale en mesure de jouer un rôle de coordination dans la suite des opérations.
Ceci s'est révélé le plus souvent indispensable car les communications entre l'Est et l'Ouest ont parfois été difficiles. Les lettres s'égaraient ou revenaient avec la mention inconnu, le fax pouvait ne pas fonctionner et les communications téléphoniques ne pas aboutir. Ainsi plus d'une bibliothèque a pu profiter de la mise en place de cet intermédiaire local pour bénéficier du programme-livres. Ces séances d'information ont été elles-mêmes très utiles, d'une part parce qu'elles ont permis de répondre directement aux questions posées, d'autre part parce qu'elles ont donné la possibilité à travers quelques visites de bibliothèques de se faire une idée précise de la situation dans le pays.
Le principe de base de ce programme a été la sélection des ouvrages par les bibliothèques elles-mêmes à partir des catalogues d'éditeurs les plus récents.
Cette confiance dans la compétence des collègues bibliothécaires de ces pays est un facteur important qui permet une meilleure sélection des ouvrages afin d'une part de combler les lacunes des collections et d'autre part de répondre prioritairement aux demandes de leurs utilisateurs. Dans toutes les grandes bibliothèques, le choix a été suivi par une commission d'acquisition composée de spécialistes et de bibliothécaires. Dans certains cas des professeurs allemands entretenant une coopération intensive avec les différents instituts concernés ont également été consultés au moment de la sélection des titres
La validité de cette approche est confirmée par les critiques renouvelées à l'égard des programmes de dons dans lesquels les pays donateurs choisissent eux-mêmes les titres des ouvrages, passant ainsi souvent à côté des besoins des bibliothèques et les encombrant d'envois inutiles.
Pour donner aux bibliothèques les moyens de se faire une idée du marché allemand du livre à travers les catalogues d'éditeurs les plus récents, on a demandé à chaque éditeur participant au programme d'envoyer son catalogue en quantité suffisante à une adresse unique en Allemagne. Là, les catalogues ont été réunis en paquets et envoyés à chaque bibliothèque intéressée. Comme environ 300 éditeurs ont consenti un rabais exceptionnel, ce sont 35 kg de documents d'éditeurs qui ont été envoyés à chaque bibliothèque.
Après un délai fixe de trois mois, les bibliothèques ont renvoyé leurs commandes, présentées sur un formulaire spécial. L'année dernière, on n'a pas pu vérifier à cette étape de la procédure si les catalogues étaient bien arrivés dans différentes bibliothèques de Sibérie. Cette année les 87 commandes - sauf une - sont parvenues dans les délais. Une bibliothèque russe avait en effet refusé de réceptionner les catalogues, n'ayant vraisemblablement pas reçu l'information relative au programme d'aide en livres. À présent une liaison a été établie entre le Deutsche Bibliotheksinstitut et le ministère russe de la Culture pour trouver une solution à ce problème.
Les bons de commande sont contrôlés à partir du dernier format VLB, copiés, triés, par éditeur et transmis ensemble à ces derniers avec une note explicative. De cette façon, les erreurs comme des ISBN faux ou manquants, ou des titres approximatifs peuvent être décelées.
Les livres non disponibles sont remplacés par d'autres titres figurant dans une liste complémentaire. Comme le financement du programme obéit aux règles de la comptabilité publique, les fonds doivent être dépensés avant la fin de l'année et on n'a pas le temps de faire des commandes complémentaires. Souvent apparaissent des commandes pour des éditeurs ne participant pas encore au programme. Dans ce cas, elles leur sont transmises avec un document d'information. La plupart décident à cette occasion de participer au programme.
Comme il y a une facturation séparée par bibliothèque, des tableaux sont établis laissant la place pour les opérations ultérieures. Ainsi, il est possible à tout moment de savoir quelle bibliothèque a commandé, pour quelle somme, à quel expéditeur et quel est le montant du crédit restant. Ainsi les différences sont immédiatement décelées et résolues. Ensuite une seule facture est établie, les livres sont emballés par bibliothèques destinataires et livrés au commissionnaire, qui procède à l'acheminement dans chaque établissement. Ce n'est que dans la bibliothèque destinataire qu'est effectué le contrôle final au vu du bon de livraison qui nous est renvoyé signé pour d'éventuelles réclamations.
Il faut souligner à quel point la collaboration entre l'éditeur, le commissionnaire, la bibliothèque et le DBI doit être bonne pour que le programme fonctionne. Seule la répartition de la tâche entre plusieurs personnes peut venir à bout des charrettes. Il peut naturellement toujours survenir des petits problèmes, et il n'est naturellement pas plaisant de passer trois jours dans un entrepôt glacial pour classer des cartons de livres non signalisés à l'aide des bons de commandes des bibliothèques, mais dans l'ensemble la coopération a bien fonctionné.
Les livres à expédier sont conservés dans l'entrepôt du commissionnaire jusqu'à ce qu'ayant reçu la facture le feu vert pour le départ puisse être donné. L'envoi s'effectue en une seule fois par pays ce qui permet des économies importantes sur les frais. Comme le chauffeur dessert individuellement chaque bibliothèque, la livraison des livres se fait en toute sécurité. Il y a eu quelques expériences malheureuses avec la douane malgré les certificats authentifiant le caractère caritatif de l'opération. Par exemple, un chauffeur avait pu atteindre Irkoutsk sans aucun problème - sous une très forte chaleur en mai (!) - mais il a ensuite été retenu plusieurs jours à la frontière d'un pays voisin. On lui réclamait presque chaque heure des taxes supplémentaires, ce qui a entraîné des communications téléphoniques plutôt tumultueuses entre la douane, le transporteur, le poste frontière et le DBI. Seule consolation pour nous : le chauffeur avait à sa disposition assez de lecture pour tuer le temps...
Comme on ne pouvait demander aux bibliothèques destinataires de payer des frais de douane ni la taxe à la valeur ajoutée pour des dons de livres, le problème a été réglé au niveau ministériel. Nous avons également pu bénéficier de procédures douanières simplifiées en recourant à une agence spécialisée dans le domaine de la coopération internationale.
En ce qui concerne les commandes, les bibliothèques observent au pied de la lettre les consignes transmises. Ainsi, pour les périodiques, seules ont été acceptées des commandes pour des collections annuelles complètes, puisque nous ne pouvions livrer qu'en une seule fois.
Il a aussi été prévu que seuls peuvent être commandés des livres spécialisés ou d'études, pour lesquels il y avait une demande urgente, ainsi que des ouvrages de références bibliothéconomiques.
L'équipement de chaque bibliothèque est très variable à l'intérieur d'un même pays. Les commandes reflètent les besoins de chaque bibliothèque. Si une bibliothèque est spécialisée dans un domaine déterminé, cela transparaît dans sa commande. Partout sont demandés des ouvrages de référence, des dictionnaires et des bibliographies. Les mots management et marketing apparaissent de plus en plus fréquemment parmi les titres demandés.
À côté de méthodes d'apprentissage des langues avec cassettes audio sont également recherchés des manuels scolaires de littérature allemande. Les sciences naturelles et physiques sont plus recherchées que les sciences humaines, mais cela peut varier énormément d'une bibliothèque à l'autre. Parmi les domaines les plus demandés on peut citer l'histoire, la linguistique, les études littéraires allemandes, la philosophie, l'économie, la sociologie et les sciences politiques. Fréquent est aussi l'intérêt pour les nouveaux médias : ainsi une bibliothèque a commandé, pour plus de la moitié des crédits qui lui étaient impartis, plusieurs ouvrages de référence sur CD-ROM et a demandé pour l'autre moitié de la somme un lecteur de CD-ROM.
Les besoins en matériel technique sont importants dans la plupart des pays mais les coûts sont trop élevés. Ainsi, la bibliothèque universitaire de Wroclaw (Pologne) possède, à côté d'un fonds de plus de trois millions de volumes (dont 1 million de livres en allemand), seulement trois photocopieurs, dont aucun ne se trouve dans le bâtiment principal. C'est pourquoi il a été envisagé de conserver une partie des moyens accordés pour le BMBW à l'équipement technique des bibliothèques. Au vu des questionnaires, les bibliothèques particulièrement sous-équipées et les plus fréquentées ont été sélectionnées pour recevoir un photocopieur. Il s'agit d'appareils particulièrement robustes, livrés avec un stock suffisant de papier et d'encre. Les frais d'entretien pour les douze premiers mois ont été également pris en charge. Quarante-deux bibliothèques ont obtenu jus-qu'ici un appareil neuf. Trois autres bibliothèques ont pu recevoir le matériel nécessaire à la constitution ou l'extension d'un réseau informatique en collaboration avec l'université de Bielefed, le Land de Saxe-Anhalt et le département informatique du DBI. Cet équipement apporte à coup sûr un complément essentiel à la fourniture d'ouvrages occidentaux.
Dans chaque pays a eu lieu une seule remise officielle des livres, par un représentant du BMBW. Cette manifestation organisée dans une bibliothèque sélectionnée et qui représente pour l'occasion toutes les autres bibliothèques du pays, a un caractère festif. À Prague, par exemple, l'organisation a été parfaitement menée par la bibliothèque de l'Académie des sciences. La manifestation a commencé par de la musique de chambre et s'est terminée par un buffet froid. Dans une partie du local où elle s'est déroulée, avaient été exposés des titres provenant de la dotation en livres. À côté de la presse et de la télévision avaient été invités toutes les bibliothèques participant au programme ainsi que des représentants de l'ambassade allemande et de l'institut Goethe.
Toutes les bibliothèques ont jugé utile ce programme de don de livres et ont exprimé leurs remerciements. Le motif de satisfaction le plus grand a été la possibilité donnée à chaque bibliothèque de choisir les livres elle-même. Les bibliothèques partenaires souhaitent vivement que ce programme soit poursuivi - ce qui n'est malheureusement pas possible dans le cadre de ce programme exceptionnel. Il a été toutefois regretté qu'il n'ait pas été possible de souscrire des abonnements à des périodiques en cours, car il donnent accès aux travaux scientifiques les plus récents.
Du soutien à la coopération - c'est sous cette devise que s'est tenue une conférence pour les bibliothécaires de l'Ouest et de l'Est, au début de l'année, à Stras-bourg. Pour plaisanter, un collègue slovaque a déclaré : « Nous pourrions aussi vous proposer un séminaire, dans lequel nous ferions part de notre expérience sur le thème: comment diriger une bibliothèque en période de pénurie. Une nouvelle piste est lancée pour illustrer la réciprocité dans les politiques d'aide...
Le programme décrit ci-dessus vient juste de s'achever par la dernière livraison de livres au Kazakhstan. Satisfaits des résultats obtenus, le ministère allemand de l'Éducation et de la Science et le Deutsches Bibliotheksinstitut (DBI) songent aujourd'hui à donner une suite à ce programme de coopération entre bibliothèques allemandes et bibliothèques des pays de l'Est. Des abonnements gratuits à des périodiques pourraient être envisagés. Si ce nouveau programme est lancé, le DBI aura un rôle central à jouer dans les trois prochaines années.