Index des revues

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    Editorial

    Par Claudine Belayche, Présidente de l' ABF

    Cette livraison de notre Bulletin, que vous découvrirez au retour d'une période estivale, est en grande partie consacrée au Congrès national de juin 1996, qui s'est tenu à la Bibliothèque nationale de France, dans le bâtiment de Tolbiac.

    Ce furent, pour les participants, quelques jours de découverte privilégiée de nouveaux locaux, grâce à l'accueil de l'équipe de la BNF, aux visites commentées du site, mais aussi de présentation des différents services et de leur fonctionnement futur. Des jours propices aussi à la rencontre de collègues de partout et représentatifs encore plus que d'habitude d'établissements variés - près de 900 inscrits auxquels s'étaient joints d'éminents collègues étrangers.

    Mais cet été a été aussi celui d'inquiétudes fortes, que nous connaissions déjà, et dont la presse nationale s'est largement fait l'écho, concernant les pressions auxquelles certains de nos collègues sont soumis dans l'exercice de leur métier, et particulièrement dans cette activité fondamentale qu'est la mise en oeuvre d'une politique d'acquisitions de livres.

    Depuis plusieurs mois, nous suivions, avec nos collègues en région, la révision importante de la politique culturelle en cours dans certaines communes, suite à des changements de majorité municipale. Je dis plus globalement « politique culturelle ", car les difficultés rencontrées dans les bibliothèques sont très rarement isolées d'un contexte plus global, où sont remises en cause les aides publiques à la création artistique et à sa diffusion. C'est bien là que se pose une question de fond : une politique publique (de l'État et/ou des collectivités locales) d'aide à la création et à la diffusion culturelle a-t-elle sa place en France aujourd'hui ? en Europe aujourd'hui ?

    Nous nous sommes habitués depuis longtemps en France à l'existence d'un ministère chargé des Affaires culturelles, au fait que la puissance publique intervienne comme régulateur du marché - de plus en plus présent - des produits culturels. Au-delà de l'habitude, c'est une question de société qu'il s'agit de poser : dans le contexte social et économique des années quatre-vingt-dix, la réalité de l'ap-plication de la Constitution de la République française suppose uneintervention publique dans l'aide à la diffusion, du livre en particu-lier, dont on sait combien le marché est fragile et dans le soutienaux structures publiques de cette diffusion, c'est-à-dire les biblio-thèques publiques qu'elles soient universitaires, territoriales ounationales. Une aide publique est destinée à tous, et respecte lesprincipes forts du service public : continuité territoriale, laïcité,neutralité et égalité d'accès. Inscrire les bibliothèques publiquesdans la loi française, c'est d'abord affirmer fortement que ces éta-blissements sont des services publics, soumis à ces obligations.L'assemblée générale, réunie au congrès, en a réaffirmé la néces-sité, et les défendre sera une de nos actions prioritaires cetteannée.

    D'autant plus que les discussions en cours à Bruxelles ne nous incitent pas à l'optimisme sur le rôle que l'Union européenne entend jouer dans l'aide aux bibliothèques. La doctrine, là, est résolument à l'ouverture des marchés, toute la place est donnée à la contractualisation des relations entre fournisseurs (de produits, d'information) et « clients », ces clients fussent-ils des bibliothèques publiques. Les textes en cours de discussion mettent en cause la libre disposition, même en consultation, sur place, de documents numérisés. Nous maintenons la même position que celle que nous avons défendue sur la mise en place d'un « droit de prêt » sur les livres : on ne peut à la fois, comme le déclare l'Unesco, ou le Conseil de l'Europe dans une publication récente, poser les bibliothèques publiques comme des éléments fondamentaux de la démocratisation de la société, de la diffusion des connaissances et de l'alphabétisation, ... et faire peser sur ces établissements de telles charges financières qu'ils ne pourront que limiter leur offre documentaire, ou augmenter de façon rédhibitoire les droits d'accès, ce qui reviendrait à les réserver aux publics privilégiés. À la lecture des textes d'experts internationaux, les contradictions se mettent au grand jour : d'une part des aides publiques, des programmes internationaux sont mis au point pour le développement des bibliothèques publiques, de l'accès à la documentation, de l'autre et très exactement en même temps des directives européennes imposent des charges élevées à ces établissements.

    Nous avons dénoncé le risque de bibliothèques sans bibliothécaires qualifiés (dans le rapport d'orientation 1996), les bibliothèques publiques joueront-elles encore un rôle d'information de diffusion culturelle dans la société de l'an 2000 ?

    Le libre-accès à l'information est certainement le sujet qui sous-tendra nos réflexions et actions dans les prochains mois.

    Le Bulletin d'informations de l'Association des bibliothécaires français est ana-lysé dans la base PASCAL produite par l'INIST et dans la base LISA. Ce numéro esttiré à 4 400 exemplaires.