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    Il tourne... le bibliobus de Phnom-Penh

    Par Françoise Danset, BDP du Val-d'Oise

    Le bibliobus en provenance du département du Tarn a été offert à l'État du Cambodge par le ministère français de la Culture, lors d'une remise officielle le 11 mai 1995. La constitution du service a été préparée dans le courant de l'été, grâce à la présence pendant trois mois et à la compétence d'une collègue franco-khmère. Elle a assuré la formation du personnel, la préparation du fonds documentaire y compris la traduction en langue khmère de nombreux livres pour enfants et l'organisation des tournées.

    Le bibliobus a pris la route pour la première fois le 2 octobre 1995. Les lieux de stationnement sont situés dans des pagodes qui jouent, au Cambodge, outre leur rôle de lieu de culte et d'études religieuses, un rôle de centre socioculturel et d'éducation. Beaucoup d'écoles primaires sont situées à proximité des pagodes, voire dans leur enceinte même. Le bibliobus dessert donc une pagode par jour à proximité de la ville de Phnom-Penh, cinq jours par semaine. Il y revient chaque semaine.

    Le service Bibliobus n'existe pas vraiment, son personnel dépend directement du ministre de la Culture et des Beaux-Arts. Il a été doté d'un local dans une annexe du ministère, mais ce local n'a jamais été aménagé ni meublé. Aussi le camion est-il le seul lieu dans lequel se fait à la fois le travail de la desserte et le travail interne. Tous les livres y sont stockés, de même que les petites fournitures et le matériel de cuisine. Le bibliobus, comme lieu de vie, et tout cela dans un ordre impeccable !

    Quatre personnes y travaillent, elles ne sont pas toutes les quatre très assidues. Heureusement serait-on tenté de dire, car l'espaces est restreint. Cependant le chauffeur et l'une des bibliothécaires sont particulièrement actifs, gais, attentifs aux lecteurs et en particulier aux enfants.

    Le fonds documentaire est constitué d'environ 2 000 volumes, dont un certain nombre d'ouvrages édités sur place en langue khmère. Il n'y a officiellement pas d'édition au Cambodge, pas d'ISBN, pas de dépôt légal, mais c'est sans doute le pays au monde dans lequel on rencontre la plus forte concentration d'ONG, et certaines d'entre elles éditent des ouvrages pour la jeunesse. Citons l'Unicef, le SIPAR, L'Unesco, le JSRC, ONG japonaise, le PASEC, financé par la Communauté européenne, etc. Ces ouvrages sont en général de petits albums, illustrés en couleurs pour certains, avec un graphisme local, et les textes sont pour la plupart tirés du corpus de contes traditionnels du Cambodge.

    Le fonds comporte aussi un certain nombre de jeux éducatifs, fabriqués localement par l'ONG japonaise JSRC. Ce sont des puzzles, des lotos, des jeux de construction en bois, etc. Ces jeux font l'objet d'un usage intensif et portent des marques visibles d'usure, mais si le chauffeur a dû refaire quelques pièces de puzzle, dans leur ensemble les jeux sont restés complets.

    Le véhicule a fait l'objet d'une nouvelle décoration extérieure, très réussie. Il s'appelle bibliobus - en français - du ministère de la Culture et des Beaux-Arts - en khmer. Le départ a lieu tous les matins à 7 h 30 avec à bord tout le personnel présent. Selon la destination le trajet dure de 20 à 60 minutes, la ville est très embouteillée, et, dès que l'on sort de la ville, les routes ou chemins ne sont pas en très bon état, en particulier en fin de saison des pluies.

    Le public touché est très varié. Les enfants des écoles sont le premier public cible. Ils y viennent en groupe pendant les inter-cours. Ils reviennent individuellement après l'école. Rappelons que la plupart des écoles du Cambodge fonctionnent avec un groupe d'élèves le matin, un autre groupe l'après-midi. Outre les enfants, on rencontre dans le bibliobus, des groupes de bonzes ou des soldats comme à Vat Poun Phnom ou encore de femmes vaquant en même temps à leurs occupations : surveiller les enfants ou les boeufs, faire du crochet. A Vat Kien Khléang, le bibliobus stationne prés de l'embarcadère d'un bac, les passagers en attente, pour la plupart des jeunes gens sortant du collège, empruntent des documents quelques instants, et lisent. Tous, sans distinction d'âge, utilisent toutes les ressources du bibliobus, c'est à dire non seulement les livres, mais aussi les quelques journaux et revues même largement périmés, et les jeux éducatifs.

    Quelques prêts sont effectués (entre 20 et 40 par jour). Au moment de la mise en service du bibliobus, il avait été décidé de ne pas faire de prêt dans la crainte de disparition de documents. En réalité, l'expérience semble prouver que les usagers sont fidèles et que les documents empruntés reviennent.

    En observant les pratiques de lecture, on constate que ce qui plaît le plus aux petits comme aux grands, ce sont les petits albums édités par les ONG locales de contes khmers ainsi que tous les jeux et les journaux. On ne va pas volontiers vers les albums des éditions françaises, même ceux qui sont traduits, et qui ont souvent de fort beaux graphismes, mais de goût occidental.

    Les deux animateurs du bibliobus racontent, montrent des nouveaux livres, des images, remettent les livres à l'endroit, entre les petites mains, et initient aux jeux. On reste étonné de la discipline des enfants qui sont parfois 50 ou 60 à la fois dans le bus ou sur les nattes qui ont été étalées à leur intention. Ils rentrent et sortent les livres et les jeux avec précaution. Même si les enfants sont parfois eux-mêmes fort sales, les documents sont peu abîmés.

    A noter que le chauffeur et la bibliothécaire se montrent fort bons cuisiniers et que le repas préparé par leurs soins sur un brasero n'est pas le moment le plus désagréable de la journée.

    Au demeurant l'observateur étranger que j'étais n'a pu que regretter de ne pouvoir communiquer directement avec les usagers du bibliobus. Comme tous les enfants du monde, ces enfants-ci s'amusent, chahutent, s'étonnent de ma présence. Tous en profitent un peu pour demander d'autres livres, d'autres jeux, d'autres bibliobus.