Index des revues

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    Hommage à Paule Salvan

    Par Paul Roux-Fouillet, Conservateur en chef honoraire

    Mademoiselle Paule Salvan, décédée le 13 mai 1997, reste très vivante dans la mémoire des quelque mille élèves de l'Ecole nationale supérieure de bibliothécaires dont elle a dirigé la formation professionnelle.

    Elle est née le 25 septembre 1901 dans le Larzac où elle a gardé une famille très fidèle. Licenciée ès lettres, diplômée d'études supérieures d'histoire et de géographie en 1926, elle passe dès 1927, manifestant ainsi une véritable vocation, le Certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire. Ayant d'abord exercé celles-ci à Clermont-Ferrand de 1928 à 1932, puis à Montpellier de 1933 à 1935, elle fut mutée en 1936 à la bibliothèque de la Sorbonne où elle fut chargée, entre autres, du classement des thèses étrangères et de la refonte du catalogue «méthodique».

    Sa forte personnalité qui s'était déjà manifestée lors de la création de la Direction des bibliothèques en 1944, l'excellence et l'orientation de ses travaux, sa connaissance des langues étrangères incitèrent Julien Cain et Monsieur Pierre Lelièvre à l'appeler en juin 1949 au Service technique de la Direction des bibliothèques, puis à la nommer l'année suivante adjointe au Chef de ce service, Paul Poindron. Elle y était plus spécialement chargée des bibliothèques universitaires et participa activement à la création en 1956 du Bulletin des bibliothèques de France et à de nombreuses journées d'étude. Elle joua un rôle essentiel dans la rédaction des Instructions sommaires pour l'organisation et lefonctionnement des bibliothèques publiques qui couvraient :

    • le traitement des livres et des documents en 1954 ;
    • l'établissement des catalogues en collaboration avec Mademoiselle Ruyssen ; deux éditions, l'une en 1954, la seconde en 1958.

    Il faut y ajouter son cours multigraphié Les Classifications pour les étudiants du Diplôme supérieur de bibliothécaire en 1954.

    Elle participa avec de nombreux conservateurs, en particulier Madame Honoré, aux réunions pour l'établissement de plusieurs normes de l'AFNOR. Elle avait aussi dans ses attributions la supervision de l'Enseignement préparatoire au diplôme supérieur de bibliothécaire.

    En 1961, elle fut promue conservateur en chef et chargée de la formation professionnelle. Il lui fallait, à partir de moyens très précaires, attirer et former les conservateurs nombreux que réclamaient le développement de la lecture publique et l'essor de l'enseignement supérieur.

    En 1963, la Bibliothèque nationale réservait à l'Ecole qui devait ouvrir des bureaux, trois salles de travaux pratiques et la disposition d'une salle de conférences de quelque 90 places dans le nouvel immeuble du 2, rue Louvois. Il fallut pendant un an vivre d'espoir, essuyer les plâtres et offrir des postes de contractuel à une partie des candidats plus nombreux, ce qui était déjà un réel succès.

    Le décret créant l'Ecole nationale supérieure de bibliothécaires, pour lequel Julien Cain et M. Pierre Lelièvre avaient tant lutté, fut enfin signé le 29 juillet 1964. Encore ne prévoyait-il que douze mois d'études pour les élèves titulaires qui, reçus à un concours d'entrée, avaient le statut d'élèves fonctionnaires de catégorie A, et des élèves associés français et étrangers ayant le statut d'étudiant.

    Après cette période difficile, mademoiselle Salvan réalisa tous les projets formés pour l'Ecole :

    • d'abord le renforcement des structures : création d'un service de l'intendance à côté du secrétariat ; nomination de conservateurs attachés à l'Ecole à titre de professeurs ou de bibliothécaires ; personnel passant de 5 à 40 personnes.
    • le développement des enseignements et leur adaptation aux techniques modernes ; place beaucoup plus grande faite à l'administration et surtout à la bibliothéconomie rapprochée de la documentation avec les premières applications de l'informatique ; responsabilité affirmée de Louise-Noëlle Malclès sur les cours de bibliographie générale et spécialisée, cependant que Monsieur Henri-Jean Martin révolutionnait l'enseignement de l'histoire du livre ; application stricte des normes de l'AFNOR pour le catalogage; stage de deux mois en septembre-octobre dans les bibliothèques parisiennes, suivant l'option retenue.

    Elle mit en pratique les réformes positives proposées en 1968 : contrôle des connaissances en cours d'année, effort de mémoire limité pour les épreuves du Diplôme supérieur de bibliothécaire, rédaction d'un petit mémoire.

    De plus sous son autorité, l'Ecole avait pris la responsabilité des formations au niveau du baccalauréat, certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire et concours de sous-bibliothécaire, avec l'organisation de centres régionaux de plus en plus nombreux et dont l'effectif total des inscrits était de l'ordre de 2 000 par an.

    En 1970-1971, dernière année de la direction de mademoiselle Salvan, l'Ecole elle-même recevait 90 élèves titulaires, atteignant avec les élèves associés un effectif de 120 que les locaux ne permettaient pas de dépasser. Il fallait, aussi avec l'obtention d'une scolarité de deux ans, qu'elle puisse accueillir deux promotions en même temps. Mademoiselle Salvan s'y employa activement : conception et réalisation de la bibliothèque de Massy prévue comme second centre de l'Ile-de-France, faute de bibliothèque d'application ; étude avancée de projets de locaux plus grands d'abord à Châtenay-Malabry, puis devant l'opposition de la DATAR, à Lyon. Bref, en dix ans, un développement prodigieux des enseignements face aux besoins et, à partir de 1967, de l'afflux des candidats.

    Mademoiselle Salvan gardait tout de même du temps pour participer aux activités nationales et internationales des bibliothèques. Elle rédigea de nombreux articles et comptes-rendus pour le Bulletin des bibliothèques de France. Elle fut avec André Masson l'auteur d'un Que Sais-je ? sur les bibliothèques et publia en 1967 une Esquisse de l'évolution des systèmes de classification. Son ouverture d'esprit tourné vers l'avenir lui permettait une participation active aux réunions internationales et en particulier à celles de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires. Elle recevait de nombreuses personnalités étrangères, marquant un attrait particulier pour les conceptions et réalisations anglo-saxonnes.

    Mademoiselle Salvan faisait preuve d'une ferme et calme autorité en toutes circonstances, avec des qualités de diplomatie qui se manifestèrent particulièrement lors des événements de 1968. Sa vive intelligence pragmatique savait simplifier les problèmes et régler rapidement les difficultés. Son jugement perspicace des personnes, son équité, sa bienveillance, sa compréhension, sa bonne écoute des suggestions, l'ambiance consensuelle qu'elle faisait régner lui valurent un profond attachement de son personnel.

    Elle recevait volontiers professeurs et élèves, et particulièrement dès leur arrivée, les étudiants étrangers de toute nationalité ; peu après sa retraite, elle fut accueillie au Japon par d'anciens élèves.

    Malgré la modestie qui la marqua jusqu'à ses obsèques volontairement discrètes, Mademoiselle Salvan a été une forte personnalité reconnue en France et peut-être plus encore à l'étranger. Elle a créé une Grande école.