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Les rencontres interprofessionnelles droit, économie, édition, multimédia (RIDEM, 26-27 sept. 1997, Nice)

1998

    Les rencontres interprofessionnelles droit, économie, édition, multimédia (RIDEM, 26-27 sept. 1997, Nice)

    Compte-rendu

    Par Cécile Arnaud, BU de Paris-X - Nanterre

    Préambule

    Les tables-rondes

    Les Rencontres interprofessionnelles Droit, Economie, Edition, Multimédia ont été à l'initiative de la bibliothèque universitaire qui a su convaincre René Cristini, doyen de la faculté de droit, de leur intérêt pour l'ensemble de la communauté universitaire. C'est donc l'université qui a financé l'ensemble du colloque et a instauré un groupe de travail au plus haut niveau pour que les représentants des différentes composantes de l'université préparent en commun ces journées pendant plus d'un an. La conception fédératrice qui a prévalu dès le départ du projet s'est clairement traduite dans la programmation de ces journées. L'intérêt de ces rencontres a précisément résidé dans la réunion au sein du congrès des acteurs du monde juridique: universitaires, praticiens du droit (avocats, magistrats, agents des collectivités locales, etc.) et bibliothécaires.

    e L'exposition

    Les organisateurs du RIDEM se sont préoccupés très longtemps à l'avance des contacts avec les éditeurs. Le résultat a été à la hauteur des espoirs qu'ils formulaient: les éditeurs sont venus nombreux, comme l'atteste la liste jointe des exposants, et ont mis l'accent sur la démonstration de leurs produits électroniques. Dans ce cadre, l'URFIST de Nice a mis en oeuvre un atelier d'initiation à Internet qui a rencontré un franc succès.

    Les communications

    Table-ronde sur l'édition professionnelle et pratique

    • D. Fabiani a introduit la table-ronde en distinguant les besoins des praticiens du droit par rapport à ceux des universitaires. Il était particulièrement qualifié pour le faire puisqu'il est à la fois notaire et maître de conférence. Il est parti du constat que leurs besoins documentaires diffèrent puisqu'ils n'ont pas des objectifs identiques et n'adoptent pas les mêmes méthodes de travail. En utilisant la métaphore du clinicien, on pourrrait dire que le praticien du droit, à partir d'un problème juridique que lui soumet son client, observe le symptôme, établit le diagnostic et préconise le traitement : il part donc du concret pour aller à la théorie. L'information est donc recherchée en fonction d'un dossier. Il lui faut trouver dans la jurisprudence une argumentation qui permette d'étayer la thèse qu'il veut défendre, ce qui implique de consulter beaucoup de sources jurisprudentielles. En raison des conditions de travail et de la concurrence entre cabinets, le facteur temps est essentiel dans la recherche documentaire. Les universitaires répartissent leur temps de travail entre la préparation des enseignements et l'élaboration de savants commentaires de la loi, c'est-à-dire la conception de la «doctrine». Là aussi, ils ont recours intensément à la jurisprudence mais disposent d'un peu plus de temps que leurs collègues pour approfondir les questions.
    • * Madame F. Assus, avocate, a exposé ensuite la manière dont elle avait monté en 1995 une bibliothèque de droit pour le Centre de formation professionnelle des avocats (CFA) et l'Ordre des avocats de la région. Il s'agissait avant tout d'offrir une documentation fournie à plus de 600 clients qui n'ont pas toujours les moyens de consacrer un gros budget aux dépenses documentaires en augmentation constante. Elle constaté que la fréquentation de la bibliothèque qui a connu une nette progression depuis lors est due en grande partie aux jeunes avocats qui sont installés depuis moins de dix ans.
    • Madame M. Lavoue, responsable du Service de documentation du Conseil général, a indiqué qu'elle offrait dans son centre de ressources une information principalement d'ordre administrative qui devait toujours être actualisée. Elle a souligné la croissance des sources d'information dans ce domaine et la multiplication des produits électroniques. Elle a remarqué la croissance exponentielle des titres de périodiques sur les collectivités locales, ce qui l'oblige à effectuer des choix dans ses acquisitions. Elle a regretté la faiblesse des publications en droit des collectivités locales, à l'exception du droit applicable aux communes.
    • Monsieur C. Robin, directeur aux éditions Dalloz-Sirey, a fait un bref rappel de l'évolution de l'édition juridique. Les éditions Dalloz ont la particularité d'être positionnées sur les deux marchés, universitaire et professionnel. Les avocats ont organisé la réflexion sur le droit et ont favorisé l'exégèse. Ils ont eu la volonté d'ordonner le droit et d'en saisir les principes. Dès les années 1920, apparaissent les ouvrages destinés aux étudiants (mémentos, codes). L'ordonnancement des règles juridiques suit largement les règles académiques. Ainsi, le classement thématique par discipline est-il hérité de l'agrégation de droit. Il a noté que les professeurs ne tiennent plus le même rôle dans l'édition car ils sont attirés par des pratiques plus lucratives de consultant au point qu'il est parfois difficile pour les éditeurs de recruter des auteurs spécialisés qui font preuve d'une grande aisance de plume. Le rôle du rédacteur au sein d'une maison d'édition a pris de l'importance. En tout état de cause, l'édition juridique demeure le miroir grossissant du monde des juristes en France. Il a estimé que le modèle de l'agrégation de droit imprégnait jusqu'à maintenant complètement l'Université française. L'apprentissage juridique, très dominé par la préparation de cet examen, réclame selon lui de nouvelles approches et de nouveaux modes d'acquisition du savoir. Il envisage des changements à terme à l'instar de ce que l'on observe dans les pays européens et aux Etats-Unis où l'enseignement est beaucoup plus tourné vers la pratique qu'en France.

    Table-ronde sur la bibliothèque de droit-sciences économiques aujourd'hui

    • F. Petitou, Directeur du département droit, économie, politique de la Bibliothèque nationale de France, a présenté dans ses grandes lignes le nouveau département qu'elle a mis en place. Cette entité correspond à une orientation nouvelle de la bibliothèque qui vise à donner aux lecteurs les moyens d'appréhender le monde contemporain. Tout d'abord, il a fallu compléter les collections qui comprenaient des lacunes notamment en économie, en droit étranger, puis procéder aux acquisitions pour l'espace du haut-de-jardin où les documents sont en libre accès. Les acquéreurs ont eu le souci d'assurer une complémentarité entre acquisitions du haut et du rez-de-jardin. L'indexation des documents choisie est la Dewey aménagée. Les ouvrages sont achetés en un seul exemplaire puisque la bibliothèque n'a pas vocation au premier chef à être une bibliothèque universitaire même si le public qui fréquente cet espace se révèle être composé en grande majorité d'étudiants. La BnF a passé convention avec la BIU Cujas, qui est pôle associé.
    • B. Del Socorro, conservateur à la BIU de Montpellier, a profité de ce colloque pour annoncer le début effectif des travaux de la bibliothèque Richter qui se développera sur cinq niveaux et comprendra 15 000 m2. II y a la volonté de différencier les publics : en bas les premiers cycles et la présentation d'outils de références puis en haut les salles réservées aux chercheurs. L'accent sera mis sur l'utilisation des nouvelles technologies. Une salle d'actualité, des salles de conférence et d'exposition compléteront le tout. On note que jusqu'à présent les enseignants ne fréquentaient pratiquement pas la bibliothèque universitaire.
    • P. Fenart, conservateur en chef à la section droit-sciences économiques de la bibliothèque universitaire de Nice, esquisse le projet de réaménagement de la bibliothèque dans les locaux actuels. II appelle de ses voeux la construction de grandes bibliothèques centrales dotées de collections encyclopédiques comme celles qui existent sur les campus américains. Pour lui, le plan de financement du réaménagement n'est pas achevé mais les principes organisateurs sont définis. La bibliothèque couvrira 4 000 m2, sur deux grands plateaux, l'un dédié au droit, l'autre à l'économie. Les collections seront mises en libre accès et le nombre de places sera accru. Une étude du public effectuée par l'Observatoire de la vie étudiante montre que sur dix personnes fréquentant la bibliothèque, sept sont des étudiants de droit alors que trois sont en sciences économiques. L'hypothèse émise par P. Fenart est que l'étudiant ressent plus le besoin de fréquenter sa bibliothèque parce qu'il doit effectuer des recherches dans les grandes collections de références qui sont fort coûteuses. Afin d'attirer de nouveau le public enseignant dans la bibliothèque, une salle de travail lui sera réservée. La conception de la bibliothèque prendra en compte les nouvelles technologies. Un grand soin sera apporté à l'ambiance générale des salles, à l'acoutisque comme aux qualités thermiques du bâtiment.
    • L. Klee, directeur de la bibliothèque universitaire de Nice, a lancé le débat avec la salle. Une confrontation intéressante de points de vue s'est ensuivie, notamment sur les horaires d'ouverture, la tarification des services, le temps de communication des ouvrages, la place des chercheurs et des enseignants dans la bibliothèque universitaire, les classifications, la nécessité ou non de créer des salles de lecture spécialisées pour les enseignants, etc.

    Table-ronde sur Internet et le droit

    II s'agissait de savoir quels services sont apportés par Internet aux juristes et aux praticiens du droit.

    • * J. Frayssinet, professeur d'université, a rappelé que l'université d'Aix-en-Provence été pionnière en matière de nouvelles technologies puisque la formation à l'informatique a été intégrée dans les cursus de droit il y a près de quinze ans déjà. Si l'objectif que l'université s'est assigné est de mettre à la disposition de tous les étudiants des postes donnant accès à Internet, il ne faut pas sous-estimer la difficulté de financer un projet qui concerne près de 8000 étudiants. L'université a accompagné progressivement l'implantation de bases de données, puis de cédéroms, enfin d'Internet aujourd'hui. J. Frayssinet a souligné néanmoins l'étroitesse du corpus documentaire actuellement en droit français sur Internet
    • S. Druffin-Bricca, maître de conférence à l'université de Nice, a exprimé la volonté de l'université de doter tous les étudiants d'un accès Internet, en commençant par les thésards. Il conviendra dans un second temps de convaincre les enseignants d'utiliser Internet comme outil pédagogique, c'est-à-dire de mettre à disposition des étudiants les cours et les cas pratiques sur le Web.
    • P. Petitcollot, chef du service de la documentation au Secrétariat général du gouvernement, a énoncé la déclaration de principe émise par L. Jospin l'été dernier concernant l'accès aux données publiques pour tous les citoyens. II a mis en avant les intérêts contradictoires qui s'opposent: le droit à l'information du citoyen et la démarche volontariste de 'Etat pour informer les citoyens de la loiqui s'applique à eux, la position des édi-teurs juridiques privés qui craignent unedéstabilisation du marché de l'éditionjuridique. Porter la loi à la connaissancedu citoyen implique que l'Etat assure lefinancement de ces supports d'informa-tion. La circulaire du 14 février 1994 défi-nit un cadre : l'Etat intervient directementuniquement si une carence dans la cou-verture documentaire apparaît demanière manifeste. On sait que les édi-teurs privés ont bien investi les domainesrentables tels que le droit fiscal, le droitsocial, etc. La position de P. Petitcollotétait que l'Etat avait choisi de concéderl'exclusivité de la diffusion des donnéesà ORT parce qu'il avait estimé que c'étaitla manière d'assurer la viabilité commer ciale de ce service. Le Journal officiel est disponible en ligne (avec une antériorité de 6 jours) gratuitement mais sans indexation.
    • M. Frangi, maître de conférence à l'IEP de Lyon, a considéré que les problèmes juridiques posés par Internet ne sont pas tout à fait nouveau. La question de l'interventionnisme économique de l'Etat est une vieille question qui réémerge une fois de plus à l'occasion d'Internet après les débats autour de l'édition de livres. II faut distinguer deux problèmes juridiques différents. La pratique de la concession de service public est une démarche bien connue désormais. En revanche, les problèmes liés aux libertés publiques sont difficiles à résoudre.

    A l'issue des communications, les échanges les plus vifs dans la salle ont porté sur le point de savoir si le citoyen avait besoin de connaître les textes juridiques, et en particulier le Journal officiel ou s'il fallait concevoir des produits éditoriaux qui lui soient particulièrement destinés.

    - Table-ronde sur l'accès à la documentation européenne

    • J. Rideau, professeur à l'Institut universitaire de France, a introduit la table-ronde regrettant que les sources documentaires européennes soient encore mal connues des praticiens du droit et des professionnels malgré les progrès notables qui ont été enregistrés ces dernières années.
    • Albrecht Berger, représentant de l'Office des publications officielles des Communautés européennes, a annoncé le principe de la gratuité d'accès aux sources du droit réglementaire qui a été arrêté très récemment. Désormais, sera mis sur Internet un important corpus de textes réglementaires «brute» : le Journal officiel des Communautés européennes sur une période limitée, les textes intégraux de la législation en vigueur accompagnés des travaux préparatoires, la jurisprudence. La base Célex sera mise sur Internet et bénéficiera d'une ergonomie tout à fait améliorée. Le cédérom du Journal officiel des Communautés européennes paraîtra au premier semestre 1998. En dépit de la gratuité d'accès aux textes européens qui est affirmée, les produits éditoriaux qui bénéficient d'une valeur ajoutée (commentaires, etc.) restent payants.
    • Flavien Mariatte, administrateur à la Cour de justice des Communautés européenne a rappelé que les textes produits par cette instance sont accessibles gratuitement. La Cour de justice doit tenir compte de l'OPOS chargé de la publication de toute la documentation européenne. La Cour s'efforce de trouver un équilibre entre une diffusion large des données et le contrôle d'informations confidentielles. Le volume énorme de textes publiés par la Cour pose un problème d'ordre technologique. Les conditions d'accès à la jurisprudence de la Cour sont limitées par les délais inhérents aux traductions des arrêts en onze langues différentes. Aujourd'hui, seul le Recueil de la jurisprudence de la Cour est en mesure de faire foi mais il faut compter environ six mois de délai de parution. On peut se procurer néanmoins les décisions récentes auprès du greffe de la Cour qui diffuse les « ronéotés Pour des raisons de rationalisation des coûts, il est prévu que les ronéotés soient remplacés par des textes diffusés sur Internet. De même, le catalogue de la bibliothèque devrait être prochainement implanté sur Internet.
    • P. Petitcollot, est intervenu ici comme représentant du gouvernement français pour la préparation d'un rapport sur le recensement des sources documentaires européennes. Les préconisations formulées dans ce rapport sont les suivantes : enrichissement de la base Celex, établissement de liens sur le Web entre les listes bibliographiques et les bases de données comprenant les textes intégraux, chaînage de toutes les banques de données juridiques avec le même logiciel d'interface, offre d'un point d'accès unique, mise en place d'une normalisation entre les différentes banques de données européennes. La politique tarifaire vis-à vis-de l'accès à la documentation européenne reste de la compétence de chaque Etat-membre.
    • P. Daillier, professeur de droit à l'université de Paris-X- Nanterre, est à l'origine du cédérom Thucydide qui recense la jurisprudence en droit européen et internationale. Son projet est né du besoin de faciliter les recherches de jurisprudence pour les étudiants. II a relevé la difficulté de trouver la documentation européenne sur le Web vu la dispersion des sites.
    • Denys Simon, professeur d'université et rédacteur en chef de la revue Europe a souligné les besoins d'information du grand public et des chercheurs qui ne sont pas identiques. L'accès du grand public à ces informations relève du contrôle démocratique des institutions par les citoyens. Les chercheurs, quant à eux, estiment qu'il est nécessaire d'avoir une documentation prétraitée. Le coût de la documentation reste un véritable problème notamment pour les praticiens. II a insisté sur l'urgence d'une codification en droit européen. II a relevé les lacunes qui existent dans certains bases de données et les conséquences dangereuses qu'elles induisent. II a rappelé la complexité de la démarche documentaire en droit européen : il est nécessaire de se référer non seulement au texte national de transposition mais aussi à la directive et à la réglementation nationale.

    Conclusion

    Ces journées ont permis de présenter une synthèse des principales questions d'actualité influant sur l'élaboration et la diffusion de l'information juridique. En définitive, le paysage documentaire juridique connaît de singuliers changements et appelle de nouvelles réponses de la part tant des bibliothécaires, des éditeurs, que des universitaires et des praticiens du droit. Il nous reste à émettre toutefois un regret : les grands absents de ces rencontres étaient les étudiants - non représentés à la tribune - qui sont pourtant les principaux destinataires des services offerts par les bibliothèques universitaires. Pour les bibliothécaires qui sont quotidiennement confrontés aux demandes d'une masse importante d'étudiants, ne serait-il utile d'approfondir cet aspect du débat? Ne serait-ce pas une piste de réflexion pour le prochain RIDEM qui se tiendra dans deux ans ?