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Maison d'écrivains et lieux de mémoire littéraire

1998

    Maison d'écrivains et lieux de mémoire littéraire

    Premières rencontres nationales à Bourges

    Par Robert Tranchida, Maison de Balzac

    Les Rencontres nationales des maisons d'écrivains et lieux de mémoire littéraire se sont déroulées à Bourges, les 4, 5 et 6 décembre 1997. Cette manifestation a été organisée, sous les auspices de la ville de Bourges, à l'initiative de plusieurs partenaires de la région Centre auxquels s'étaient associés La Direction du livre et de la lecture, l'Association des bibliothécaires français, l'Association des amis de Jacques Rivière et d'Alain-Fournier ainsi que les maisonsmusées J.-J. Rousseau, S. Mallarmé, G. Sand et Stendhal. Durant ces trois jours, se sont rassemblés les représentants de quelques quarante maisons d'écrivains et musées littéraires, de quinze fonds littéraires de bibliothèques et près d'une centaine de participants parmi lesquels figuraients des enseignants, des chercheurs, des propriétaires d'archives, des membres de sociétés d'amis d'écrivains ou de musées.

    Ces rencontres nationales s'inscrivaient dans un contexte général d'intérêt pour les lieux de mémoire littéraire, depuis que le ministère de la Culture avait annoncé, dans son Plan d'action pour le livre et la lecture d'octobre 1995, la nécessaire constitution d'un « réseau des maisons d'écrivains et des musées littéraires » :une journée d'étude de l'ABF, au printemps 1996 à Paris avait porté sur le thème des fonds et des maisons-musées littéraires ; à l'automne, une mission sur le sujet avait été confiée par le ministre à Michel Melot qui aboutit à un rapport préconisant une série de mesures pour réaliser une mise en réseau des lieux et des collections ; enfin, en octobre 1996, prélude à ces Rencontres nationales, la région Centre avait déjà provoqué un premier colloque autour des maisons d'écrivains d'une grande région Centre-Bourgogne-Limousin-Au-vergne. Venues d'un horizon encore plus large, les personnes qui s'y étaient retrouvées, propriétaires, associations gestionnaires, conservateurs, bibliothécaires, animateurs culturels, avaient amorcé une riche réflexion sur la diversité des lieux, leurs statuts, leurs collections, leurs activités et leurs publics. Dès lors, un rendezvous national avait été fixé en vue d'approfondir ces approches et un groupe de travail s'était engagé à mettre sur pied un projet de fédération susceptible de créer et d'animer un premier réseau.

    Le programme des Rencontres de décembre 1997 avait mis l'accent sur les problèmes concrets, parfois urgents, qui se posent aux responsables ou aux animateurs des lieux, que ce soit sur le plan juridique, technique, scientifique ou culturel. Les travaux étaient inaugurés, dès la première journée, par l'émouvante communication de l'écrivain Jacques Lacarrière, qui avait accepté de parrainer les Rencontres. Sa réflexion l'amena à proposer une définition évolutive de la maison d'écrivain selon qu'elle peut être à la fois un lieu réel ' puis rêvé puis créé. Les participants étaient invités ensuite à porter leur ' regard sur quatre sites européens : Karen Blixen Museet de Rungsted Kyst, Heinrich Heine Institut de Düsseldorf, Dickens House de Londres, Casa Garcia Lorca de Grenade dont les représentants évoquèrent les diverses expériences. A l'issue de son exposé, Marianne Virenfeldt-Asmussen, conservateur du musée Karen Blixen et membre du bureau du Comité international des musées littéraires (ICLM) de l'ICOM présenta les activités de ce Comité. En dernier lieu, les résultats d'une première enquête menée sur une cinquantaine de sites littéraires français devaient être portés à la connaissance du public. La synthèse des cinquante questionnaires rapportée par Robert Thiéry, conservateur du musée J.-J. Rousseau de Montmorency, livrait un premier panorama des patrimoines constitués, en devenir ou en transmission. Mais il fut convenu qu'une enquête rigoureuse et un inventaire scientifique des sites et des collections restaient à faire. Cependant certaines données chiffrées ont pu alimenter les échanges et les débats qui eurent lieu dans les ateliers de travail du lendemain. Les Actes des Rencontres, qui devraient paraître avant la fin 1998, inclue-ront les données les plus saillantes de cette enquête préalable.

    En matinée, un premier atelier animé par Alain Rivière, propriétaire, et Emmanuel Pierrat, avocat, consacré aux « problèmes juridiques de la propriété intellectuelle » était organisé en trois temps : un exposé du cadre théorique régissant le droit d'auteur en Europe ; deux exemples d'application sur le droit de la photographie et celui des ayants droit et des éditeurs dans les maisons d'écrivains ; le cas particulier du multimédia. Parallèlement, un second atelier animé par Yves Jocteur-Montrozier, conservateur du musée Stendhal et de la Bibliothèque municipale de Grenoble abordait la question de la constitution des collections: acquérir, conserver". Des experts du marché du livre, des manuscrits et des ventes publiques en révélèrent quelques arcanes tandis que collectionneurs et conservateurs, dont Jean-Marie Arnoult, de l'Inspection des bibliothèques, échangèrent avec le public, les uns sur leurs passions, les autres sur leurs contraintes, tous sur les épineux problèmes de procédures d'acquisition et de financement auxquels ils sont régulièrement confrontés. L'après-midi, un troisième atelier se proposait de traiter des problèmes de l'inventaire et du catalogue des collections ou des fonds documentaires propres aux maisons d'écrivains, en relation avec les besoins de la recherche et de la diffusion publique : banques de données littéraires, mise en réseau, numérisation, informatisation dont les diverses solutions techniques et autres projets documentaires furent exposés, certains sur la base de démonstrations en ligne, par des spécialistes de ces domaines : Pierre-Yves Duchemin, de la Bibliothèque nationale de France, a pu amorcer une visite du site Gallica et Sylvie Le Ray, de la Direction du livre et de la lecture, évoquer l'important projet de Répertoire national des manuscrits littéraires français contemporains. Un quatrième et dernier atelier était réservé à l'accueil des publics dans les maisons d'écrivains. Plusieurs chargés d'action culturelle ou de service éducatif y firent part de leurs expériences concrètes menées essentiellement en direction des publics scolaires.

    Une troisième et dernière journée prévoyait un temps de débat sur un projet d'association répondant à l'un des aspects fondamentaux de la mise en réseau des lieux, comme moyen pratique de mener des actions sur le terrain et de susciter l'aide publique ou privée sur des projets précis (animations, sessions de formation, moyens de communication, itinéraires culturels...). Ayant convenu de débattre d'un projet de statuts, les participants assemblés étaient appelés, à l'issue des débats, à créer l'association et à élire son premier conseil d'administration. Avec l'annonce officielle de la donation à la médiathèque municipale de Bourges par Alain Rivière d'un important fonds d'archives et de correspondances de Jacques Rivière, directeur de la NRF entre 1911 et 1925, la création de cette structure a été le second événement des Rencontres. Bourges est également devenue le siège de la nouvelle association dénommée : Fédération nationale des maisons d'écrivains et des patrimoines littéraires. Celle-ci se propose d'aider à promouvoir et préserver des lieux ou des collections liés à des écrivains ou à l'oeuvre écrite d'un homme célèbre (maisons, musées, bibliothèques, centres d'archives...), d'organiser des travaux de recherche et de réflexion, de mener des actions de formation, d'échange, de coopération, de collecter et de diffuser des informations intéressant les lieux quels que soient leur taille, leurs moyens, leur importance. L'association est ouverte aux lieux privés, aux institutions et à tout professionnel en charge de gestion ou d'animation d'un patrimoine littéraire ainsi qu'à toute personne physique ou morale (en particulier les chercheurs, les associations professionnelles, les sociétés savantes...) intéressée par les activités et les buts de l'association.

    Les Rencontres devaient s'achever par la visite du domaine de George Sand, à La Châtre et à Nohant. C'est à la nouvelle Fédération qu'il reviendra probablement d'organiser de futures manifestations avec les maisons d'écrivains et autour du patrimoine littéraire.

    Les bibliothécaires, documentalistes, responsables de fonds littéraires devraient trouver, dans cette Fédération, un intérêt certain et pourraient y jouer un rôle essentiel, en particulier dans les domaines de la conservation, de l'inventaire et du catalogage des collections mais aussi de la formation professionnelle. Il serait également important que l'ABF propose son adhésion, s'y fasse représenter et participe activement à ses futurs travaux. Un prochain rendez-vous est d'ores et déjà fixé en novembre 1998 où la première journée statutaire de la Fédération sera probablement suivie d'une journée d'étude ou de formation.