Index des revues

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    Echos

    Articles et informations ayant un rapport certain avec les bibliothèques et la documentation

    Par Hugues Van Bésien

    * PLURALISME

    Monsieur Gauthier-Gentès, Inspecteur général des bibliothèques, livre (à titre personnel) dans le numéro d'Esprit de février 1998 (pp. 21-39) une « lettre ouverte à une jeune bibliothécaire sur le pluralisme des collections ». L'article traite avant tout du pluralisme politique et de la position civique du bibliothécaire. Il est peut-être en cela limité car on peut redouter que les affaires directement suscitées dans ce champ par le Front National ne soient plus que des formes paroxystiques d'un conflit désormais beaucoup plus large, avec des acteurs multiples, en particulier les groupes de pression qui oeuvrent en faveur de l'établissement d'un ordre moral, de la limitation de la liberté d'expression. Les exemples qui suivent montrent bien le renouveau des interventions en faveur de la censure, par voie médiatique ou devant les tribunaux mais aussi, de manière souvent plus discrète, dans les bibliothèques. Les censures sur un prétendu « niveau culturel », souvent associées à une crispation identitaire sur la langue française, ne sont pas non plus à négliger... Le cas d'Orange et quelques autres ont montré qu'une pratique totalitaire était possible au sein même des institutions, que les garanties démocratiques étaient bien peu assurées par celles-ci. Et pourtant, quelle autre protection que l'État de droit ?

    * CENSURE/SEX

    Un site internet (http ://perso.wanadoo. fr/ecolhome/duralex.htm) ressuscite Marie Claude Monchaux et relance la croisade contre les livres pour enfantsjugés pornographiques. Il propose aux parents conscients de s'intéresser de près à la littérature jeunesse et aux bibliothèques municipales en faisant appliquer strictement la loi de 1949 sur les publications pour la jeunesse, qui permet effectivement de tout interdire ou presque pour peu qu'on confonde représentation et incitation, mention et apologie comme c'est généralement le cas. J. Gascuel rappelait dans un ouvrage récent (1) que cette loi avait été utilisée pour interdire Tarzan en 1952... L'École des loisirs est particulièrement visée, notamment pour le roman Sudie (coll. Médium) (2) . Les bibliothèques sont une cible accessoire pour ces militants dont les premières bêtes noires sont l'école publique « freudo-marxisée » et le dirigisme économique. Il s'agit, semble-t-il, d'une association prônant l'éducation à domicile pour soustraire les enfants à la corruption des moeurs, à l'irreligion et à l'embrigadement destiné à en faire dès l'âge de deux ans, des « futurs Komsomols ou Balillas de gauche », mais elle évolue dans une mouvance assez ramifiée.

    Extrait de la loi de 1949 obligeamment fourni :

    « Les publications ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés de crime ou de délit... »

    * MARCHAL LA REVOILÀ

    Santé Magazine W 266 de février 1998 publie sous le titre Des livres qui font mal (p. 70) un entretien avec Solange Marchai, ancien vice-président du Conseil de Paris, autre protagoniste des affaires de 1986, dans le but « de recommander aux parents et aux éducateurs une extrême vigilance » car Solange Marchai qui en tant qu'élue « s'est occupée des bibliothèques municipales », y a trouvé, « parmi d'excellents ouvrages, le pire : drogue, suicide, violence, sadisme, pédophilie, satanisme », sans parler des atteintes au bon français. Les satanistes désignés sont la bande dessinée Pierre Tombal et la collection Chair de poule. Dans l'éditorial, André Giovanni, Directeur de rédaction, enfonce le clou (« Pitié pour les parents » p. 7) et parle de « conspiration contre l'enfance ».

    * CENSURE/DRUGS

    En marge des appels antiprohibitionnistes en faveur de la réforme de la législation sur les stupéfiants et d'un débat sur celle-ci, singulièrement compliqué par l'existence d'une disposition du Code de la santé publique qui fait un délit, sous forme d'incitation, de toute prise de position abolitionniste, un magistrat de Béthunes a fait saisir dans des librairies des livres édités par les Éditions du Lézard dont le responsable a été convoqué devant la justice. Agissant théoriquement dans le cadre d'une procédure ouverte après l'interpellation d'un jeune homme qui cultivait du cannabis en chambre et détenait un exemplaire des Très riches Heures du cannabis (3) , le magistrat a fait saisir tous les exemplaires de tous les titres publiés par cet éditeur dans toutes les librairies Furet du Nord et a exigé en vain du distributeur la liste des autres libraires distribuant les Éditions du Lézard ! Plusieurs mois après, les stocks n'ont toujours pas été restitués, et cette affaire a des conséquences économiques évidentes. (source : les Éditions du Lézard)

    Le magazine L'Éléphant rose a pour sa part été mis en liquidation après la condamnation et l'amende qui le frappèrent après avoir signé et publié un appel lancé par la Ligue des droits de l'homme pour « la dépénalisation du simple usage de drogues dans le cadre privé... et... l'abolition de l'article L 630, appliqué au mépris de la liberté d'expression et du droit à l'information ». (Le Monde 26 février 98)

    Courant avril, le livre à 10 francs du Collectif d'Information et de Recherche Cannabique (CIRC) (4) est toujours en vente libre en librairie. Onze des 577 députés qui l'avaient reçu avec un pétard de cannabis français ont porté plainte.

    Si assez peu de bibliothèques étaient abonnées à feu L'Éléphant rose, les Éditions du Lézard peuvent figurer dans vos collections dans la mesure où elles étaient normalement diffusées en librairie, par des représentants, et même présentes au Salon du livre de Paris. Leur production, quasi exclusivement consacrée aux psychotropes, compte des textes polémiques et autres manuels du consommateur mais aussi des documentaires qui comblent des lacunes des fonds sur des sujets très courus, notamment un livre sur l'ecstasy. (5)

    Si notre mémoire est bonne, pareille saisie de livre sans décision de justice n'a pas été observée depuis la guerre d'Algérie.

    * CENSURE/ROCK'N'ROLL

    Le Monde du 10 février 98 annonce la condamnation au franc symbolique du directeur de Hard Rock Magazine pour « propos antichrétien » à la suite d'une plainte de L'Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française. L'AGRIF, relayée par Présent, visait la présence dans le CD associé au numéro 20 de HRM d'une chanson intitulée « communion », interprétée par le groupe Eros nécropsique. Une autre chanson, « Le Pouvoir », par One-Eyed-Jack, que l'AGRIF estimait porteuse d'injure raciale contre les Français, n'a pas été sanctionnée. HRM fera appel.

    Il est clair qu'une partie du hard rock, en particulier du Death-metal et plus particulièrement des groupes Scandinaves, est explicitement sataniste, et qu'une certaine mouvance, en France même et dans d'autres pays, donne dans le néonazisme skinhead teinté suprématie blanche à l'américaine. Les néonazis et néopaiens radicaux disposent de plusieurs fanzines comme Deus mortus estou Napalm Rock. Hard rock magazine est vigilant à ce sujet et ce journal est un précieux outil de repérage pour les discothécaires. Il n'en reste pas moins que l'ordre moral poursuit cette musique en général depuis ses origines (Elvis et ses déhanchements « obscènes ») et qu'on ne saurait assimiler à du satanisme une longue tradition de folklore grand-guignolesque, de transgression et de provocation qui va de Black Sabbath et d'Alice Cooper à Sepultura et à Iron Maiden, voire aux Rolling Stones de « Sympathy for the devil ».

    À quand une condamnation de Georges Bataille ? Il y a dans l' Histoire de l'oeil un viol de prêtre assorti de sacrilège et de meurtre... À quand le rétablissement du délit de blasphème ?

    * POCHEITE SURPRISE (aimablement communiqué par M. Pringuet)

    La médiathèque de Pontault-Combault devait accueillir une exposition de sculpture commune de trois artistes plasticiennes intitulée Libérez les caissières fff Las, lors du déballage, les bibliothécaires s'émurent tant d'une oeuvre en forme de fontaine intitulée Les Règles de l'art qu'elles en demandèrent son retrait. Après quelques péripéties, c'est la médiathèque de Mitry-Mory qui a finalement accueilli les oeuvres... Les artistes déclarent :

    « Nous ne sculptons pas pour qu'une élite vienne consommer nos sculptures dans des lieux convenus. Nous sculptons entre autres pour résister aux idées reçues et à la bonne moralité.

    C'est d'ailleurs pourquoi le lieu public qu'est une médiathèque nous semblait un endroit propice pour susciter autour de nos sculptures une réflexion... » (Libération du 10 mars 1998)

    * CENSURE/DLVERS

    Un dossier dans Le Monde de l'Éducation d'avril 1998 (pp. 59-66) avec notamment un entretien avec Pascal Ory et un maigre rappel des textes en vigueur, un autre dans Lire N° 264 du même mois, avec un entretien avec Jean-Jacques Pauvert, qui privilégient tous les deux une approche historique optimiste un rien assoupie...

    * NECHO DES SAVANES (aimablement communiqué par C. Belayche)

    Ouest-France du 12 février 1998 donne la parole à madame Corinne Lebreton, responsable d'une enquête dans les bibliothèques rurales du pays de Segré. Le bilan est d'une rude franchise : « Il n'y a aucun livre sur l'éducation sexuelle, pas de Coran ni de livres trop engagés, très peu de journaux et de périodiques... Les bibliothèques fonctionnent souvent avec des dons. Quand elles achètent, le choix est fait par des bénévoles, des dames respectables mais un peu trop âgées... ». Et la journaliste de conclure « L'autocensure règne dans les campagnes ». Solutions? Recruter des professionnels, former les bénévoles, faire circuler les acquisitions d'un site à l'autre. Quid de la Bibliothèque départementale ?

    * LE SAIT-ON ASSEZ ? : BIBLIOGRAPHIE

    La Recherche (N°308 d'avril 1998) épingle une fois de plus les PUF pour leurs accointances d'extrême-droite. Dans un article de Jean-Paul Demoule sur le mythe indo-européen (pp. 40-48), l'auteur critique les thèses du Que-Sais je N°1965, Les Indo-Européens, de Jean Haudry, universitaire à Lyon III et à l'École pratique des hautes études, membre du « Comité scientifique » du FN, et relève une référence bibliographique à deux ouvrages de H.F.K. Gunther : Étude raciale du peuple allemand (1933) et La race nordique et les indo-européens dasie (1934) (voir pp. 123-124 de l'édition de 1985 du Que Sais-Je ?, réédité en 1992). Gunther était un des principaux théoriciens officiels de la pseudo-science raciale nazie...

    * MAUVAIS GENRE

    La S-F semble se relever d'un marasme de deux décennies. Elle renoue avec les succès de librairie, les éditeurs se multiplient, les adaptations cinématographiques aussi et les revues réapparaissent. Trois d'entre elles méritent d'être signalées. Le Visage Vert (6) (éd. Joelle Losfeld), la plus confidentielle, publie des inédits contemporains et des textes anciens ou oubliés (Bram Stoker et Mary Shelley dans les premiers numéros) des biographies et des bibliographies, avec notamment, la participation de Francis Lacassin. Cyberdreams (7) , est plutôt une anthologie de nouvelles françaises et étrangères où alternent, à raison de trois nouvelles par numéro thématique, auteurs « en cours » et « classiques » nord-américains. Le rédactionnel est réduit et consacré à la S-F écrite. Bifrost (8) est la plus complète.

    On y trouve des feuilletons, des études (par exemple un dossier sur la S-F. jeunesse en trois parties dans les numéros 6,7,8), des entretiens avec des auteurs, de longues critiques couvrant tous les supports et tous les sous-genres (bandes dessinées, man-gas, cinéma, télévision, jeux, cédéroms etc.) et cette revue est un excellent outil d'acquisition en même temps qu'un magazine d'actualité pour le public. Bifrostest largement l'émanation des jeunes auteurs français publiés chez Fleuve Noir, qui s'avèrent de grands lecteurs sans aucun sectarisme : Serge Lehman, Francis Valéry (par ailleurs redac'chef de Cyberdreams), Richard C. Wagner.

    Bifrost est plutôt destiné au coin des périodiques tandis que Cyberdreams sera avantageusement traité comme une monographie, au numéro, avec 3 ou 4 auteurs par numéro à rendre accessible par les entrées auteurs des OPAC.

    * CAPITALE

    Le Monde du 27 mars 98 (Le Monde des livres p. 8) annonce que la Ville de Paris n'est pas sûre de bénéficier cette année de l'aide du CNL pour les fonds thématiques, faute d'avoir fait toutes les démarches nécessaires et d'atteindre le seuil minimum de dépense d'acquisition par habitant. A contrario, ladite Ville de Paris semblait en bénéficier jusque-là dans des conditions à faire pâlir d'envie n'importe quelle bourgade...

    On appréciera particulièrement l'argumentation de la Direction des affaires culturelles de la capitale, qui fait remarquer que le CNL ne prend pas en compte les 5 millions de francs consacrés à l'achat de documents pour les bibliothèques scolaires et minore donc l'effort accompli...

    * C.N.F.P.T.

    Élu président de la région Bourgogne avec les voix du Front National, Jean-Pierre Soisson a été acculé à démissionner de son mandat de président du CNFPT par la réaction des élus, des syndicats et des personnels. La commune de Villeneuve-d'Ascq (59) avait même menacé de suspendre le versement de ses cotisations. (Directions Hebdo, La Lettre de l'employeur territorial N° 625 du 26 mars 1998).

    * KONZERN

    Le groupe multimédia allemand Bertelsmann (France Loisirs, Géo, Capital, Voici, Gala, une partie de M6, RTL et Fun radio en France) devient le numéro un de l'édition de langue anglaise en rachetant l'éditeur américain Random House, lui-même leader de son secteur avec un chiffre d'affaires de 1,3 milliard de dollars et annonce le projet de développer avec America On Line une librairie virtuelle mondiale en plusieurs langues rivale d'Amazon.com en mettant à profit son expérience de la vente par correspondance. Aux États-Unis, les rapports de force dans l'économie du livre sont très différents de ce que nous connaissons : les éditeurs sont en position de faiblesse car ils ne maîtrisent pas les droits de publication, exercés par des agents, et ils sont confrontés à de puissantes chaînes de librairies qui pèsent d'un poids comparable à celui de la grande distribution dans d'autres secteurs. (Libération 2 avril 98)

    1. Revues et magazines: guide des périodiques à l'intention des bibliothèques publiques. - Cercle de la Librairie, 1997. - (4e ed.) retour au texte

    2. Sudie/Sara Flanigan. - L'Ecole des loisirs, 1993. retour au texte

    3. LesTrès riches heures du con/iob/s/PHYX Éditions du Lézard, 1995. Curieusement signalé comme non disponible dans A la page alors qu'il est toujours au catalogue du Lézard. retour au texte

    4. Cannabis, lettre ouverte aux législateursIORC - L'Esprit Frappeur, 1997. retour au texte

    5. E. comme ecstosy/Nicholas J. Saunders. - Éditions du Lézard, 1996 retour au texte

    6. Le visage vert 180 F pour deux numéros par an. Éditions Joëlle Losfeld 106, bd Saint-Germain 75006 Paris retour au texte

    7. Cyberdreams :240 F pour 4 numéros par an. DLM éditions Mas Blanes 66370 Pezilla-la-rivière retour au texte

    8. Bifrost: 230 F pour quatre numéros par an. Éditions du Belial 57, rue Grande 77250 Moret-sur-Loing site Internet http://www.chezcom/bifrost/ retour au texte