Robert Laffont publie en décembre 1998 une anthologie de Noël pour Sol En Si (Solidarité Enfance Sida), Histoire d'enfance. On ne sait pas ce qu'ont touché ou laissé l'éditeur et les dix-sept auteurs (Max Gallo, Paulo Coelho, Claude Michelet, Jean d'Ormesson, Christian Jacq et al), mais on apprend dans Libération que Robert Laffont a mis les libraires à contribution d'office en réduisant leur marge de 10%.
Flammarion, repreneur de la librairie La Hune, aurait été fortement sollicité par des commerces de luxe pour céder l'emplacement du boulevard Saint-Germain. En attendant, l'entreprise négocie le passage aux trente-cinq heures sur fond de dénonciation de la convention collective de la librairie. Elle commande donc un audit à l'ISEOR, l'Institut de socio-économie des entreprises et des organisations. Les conclusions passent mal : résultat, trois jours de grève avant Noël. Il faut dire que, au-delà d'analyses économiques difficiles à apprécier au travers d'informations de presse, l'ISEOR préconise de limiter à cinq minutes maximum le temps consacré à chaque client et de limiter le fonds (Charlie Hebdodu 30.11.98, p. 16).
La nuit du 24 février est la folle nuit des soldes de livres pour les Suédois, qui peuvent se les procurer avec des rabais atteignant 80 °/o du prix public. Pour l'occasion, les éditeurs mettent sur le marché des rééditions à prix réduit, représentant jusqu'à un quart des ventes annuelles. On a vendu en Suède plus de 28 millions de livres pour 8,8 millions d'habitants en 1997. La production annuelle est de l'ordre de 12 000 titres (Libération du 26.2.99, p. 45).
Nous laisserons à l'usager mécontent de la Cité des sciences l'entière responsabilité des propos tenus dans un courrier publié par Science et Vie Micro (no168, février 1999, p. 36) :
« Voulant examiner rapidement un site, je demande où se trouvent les postes de consultation Internet en libre-service. Perplexité à l'accueil, où on m'oriente vers l'exposition "Cité coeur de réseau censée démontrer les possibilités des réseaux informatiques. On me propose gentiment de m'apprendre en deux heures la création de pages HTML. Le ton devient moins aimable quand je demande plus modestement de regarder seulement un site dont je connais l'adresse. On m'explique, en vrac, que ça ne peut pas être gratuit car Internet c'est cher ; que les employés en ont discuté entre eux et qu'ils sont contre ; enfin, qu'à cause de la pornographie il est hors de question de laisser le public surfer tout seul. Bref, j'entends en deux minutes tous les arguments stupides contre Internet de la bouche même de ceux qui initient le grand public aux réseaux. Finalement, on me renvoie à une liste des cybercafés de Paris. Devant mon insistance, on m'installe devan tun écran de "Cité coeur de réseau"... Il n'y a pas de clavier, mais seulement une boule de déplacement du curseur. Avant même d'avoir retrouvé le site, je me fais jeter par le système car je viens de dépasser le temps limite de consultation... En interrogeant la médiathèque, j'apprends qu'un projet existe, mais actuellement il n'y a pas de consultation d'Internet possible... »
Les collègues de la BM de Saint-Brieuc (22) nous signalent dans les Cahiers juridiques des collectivités territoriales (novembre 1998, p. 8-16) un modèle de règlement intérieur pour le moins curieux, dont voici quelques articles :
Article 1 : La bibliothèque est administrée par un comité d'inspection et d'achat composé de trois à cinq membres, non compris le maire, qui en est président de droit.
Article 2 : Le maire nomme le bibliothécaire et ses adjoints, et le conseil municipal fixe les émoluments à leur attribuer s'il y a lieu.
Article 4: Le bibliothécaire ne peut faire partie du comité, mais il assiste aux séances, où il a voix consultative.
Article 12: Le fonds de la bibliothèque se compose des ouvrages acquis par le comité et des ouvrages provenant de dons divers ou de concessions ministérielles.
Article 15 : Les livres doivent être pris et replacés dans les rayons par le bibliothécaire lui-même ou par ses adjoints.
Les savants juristes rédacteurs de ce texte, qui ignorent visiblement l'existence du libre accès et des statuts de la fonction publique territoriale, n'ont pas été victimes d'un simple recopiage d'un règlement de la fin du XIXe siècle, puisqu'il est question de photocopie payante. Ils ont travaillé dessus... Rappelons qu'il y a un modèle un peu plus à jour dans Le Métier de bibliothécaire.
Deux conservateurs des archives de la Ville de Paris sont sous le coup d'une enquête administrative, menacés de sanctions disciplinaires et éventuellement de poursuites pénales, pour avoir témoigné lors du procès intenté par Maurice Papon à l'écrivain Jean-Luc Einaudi à la suite de la mise en cause du premier comme ministre de l'Intérieur lors des massacres du 17 octobre 1961. Mme Lainé et son collègue n'auraient pas communiqué des archives soumises à restrictions, mais ont indiqué que 103 dossiers d'instruction concernant 130 morts ou disparus figuraient dans les collections, soit sensiblement plus que n'en admet la thèse officielle...(Libération du 25.2.99, p. 19). L'affaire rebondit début mars dans la presse et sur biblio-fr avec la condamnation des archivistes par l'Association des archivistes français, la défense (pugnace) des intéressés, et leur soutien par des chercheurs anglo-saxons qui formulent les plus vives critiques sur les dispositions françaises d'accès aux archives, jugées contraires aux conventions internationales, notamment pour le pouvoir régalien de la Direction des Archives de France. L'essentiel des pièces du débat est disponible dans les archives de biblio-fr. Madame Trautmann s'était engagée en octobre 1997 à ouvrir les archives de l'affaire Papon, mais il ne faut sans doute pas confondre ouverture et ouverture, portes et escaliers, et, à l'heure où nous bouclons cette rubrique, c'est toujours le silence Rue de Valois.
L'ambassade d'Algérie a demandé et obtenu du président de l'IMA, Camille Cabana, l'annulation d'un débat intitulé « Algérie, conflit d'interprétation » programmé dans les Jeudis de l'IMA avec la participation de Mohammed Harbi, d'Yves Lacoste et de l'éditeur François Gèze (ex-Maspero, La Découverte), qui semble s'être attiré les foudres du pouvoir algérien. Le directeur général de l'institution, M. El-Ansary, justifie cette décision par le souci « de ne pas gêner nos partenaires arabes ».
Le Monde du 17.3.99 (p. 34), Libération du 17.3.99 (p. 40) résument les conclusions du rapport remis par l'inspecteur général des bibliothèques Albert Poirot sur la Bibliothèque nationale de France. Il en est une de portée universelle, valable en tous lieux et pour toutes les tailles d'équipement : on ne peut pas faire de bâtiment satisfaisant sans s'appuyer sur une programmation préalable et sur une analyse des besoins par les utilisateurs...
La condamnation à une lourde amende de l'« hébergeur » alternatif altern-org, reconnu responsable du contenu d'un site privé attentatoire à l'image d'Estelle Hallyday, avec pour conséquence immédiate la fermeture des 47 000 sites Web installés gratuitement, dont sos-bibli, n'a pas seulement suscité la solidarité des internautes (y compris de |'ABF, qui a attribué une aide financière) et des commentaires divers dans la presse française : elle a également ému LeMatinde Liège et Le Soir de Bruxelles. Le grand quotidien liégeois consacre une page à la question dans sa parution du 1.3.99 en titrant : « La fin de l'Internet libre et gratuit ? Quand la liberté d'expression fait peur : danger pour la démocratie. » Benoît Gilson relève qu'« un nombre croissant de juristes voient en Internet un nouveau marché et tentent d'obtenir des condamnations d'un nouveau type » et estime que ce jugement « menace directement la survie des sites indépendants qui ne trouveront plus d'espaces d'hébergement libres et gratuits, et condamne ainsi la richesse et la liberté d'expression d'Internet ».
Le numéro de décembre 1998 d' American Libraries (p. 16), bulletin de l'Association des bibliothécaires américains, annonce la cassation par une Cour supérieure de justice du New Jersey de la décision des autorités locales de la ville de Jersey qui confiait la gestion de la bibliothèque municipale à la société privée Library Systems and Services Incorporated (LSSI). L'action en justice avait été menée par le syndicat des fonctionnaires locaux et fédéraux et par le conseil municipal lui-même, insuffisamment associé à la décision par l'exécutif local. LSSI fait état de la satisfaction de l'encadrement de la bibliothèque vis-à-vis de la modernisation de la gestion introduite par sa société, qui, au cours de soixante-dix jours de gestion effective, avait entrepris d'informatiser le réseau d'annexes et d'augmenter les effectifs.
Dans le même numéro (p. 21), American Libraries donne une nouvelle liste de raisons idiotes d'interdire des livres : MobyDickà à Linsdale (Texas), car « ne correspondant pas aux valeurs locales » ; TarBeach, de Faith Ringgold, dans les bibliothèques scolaires de Spokane (Etat de Washington), « diététiquement incorrect » et porteur de stéréotypes raciaux car présentant une famille de couleur mangeant du poulet frit et des pastèques en buvant de la bière ; le Journal d'Anne Frank dans une bibliothèque scolaire de Corpus Christi (Texas), parce que l'auteur déclare quelque part dans l'édition anglaise « What a silly ass 1 am » (Je suis bête comme une paire de fesses, ou plus exactement comme un derrière, voire un c...) ; In theNightKitchen, de Maurice Sendak, dans des bibliothèques d'école du Minnesota, à la demande de parents qui trouvaient que ce livre « posait les fondations d'un futur usage de la pornographie » ; The Amazing Bone, de William Steig, dans une bibliothèque d'école du New Jersey, pour usage du tabac par des animaux.
Des échos glanés dans le n° 51 de B.u.B, le bulletin de l'association professionnelle allemande VBA.
Les bibliobus de la BM de Flensburg, sur la Baltique, portent désormais des panneaux solaires, qui suppléent la batterie du véhicule pour alimenter l'informatique de bord. Trop sollicitée, celle-ci défaillait par temps froid et connaissait une fin prématurée.
La fondation Bertelsmann a doté les bibliothèques municipales de Bochum et de Dresde d'une somme de 4,8 millions de marks (presque 15 millions de francs) à l'issue d'un concours dont le sujet était « Rendre les bibliothèques attractives pour le public ». La dotation servira à moderniser les bibliothèques de quartier. Il y a des jours où l'on souhaiterait presque que certains éditeurs français soient rachetés par le géant allemand, et ce jour arrivera sans doute s'ils persistent à analyser leurs difficultés économiques comme une conséquence du développement du prêt !
La bibliothèque municipale de Ludwigsburg (Bade-Wurtemberg, 85 000 habitants) offre depuis le début de l'année son catalogue sur Internet (recherches, prolongations et réservations) grâce à un module développé par la société Biber (www. shuttle. de/stadtbibliothek).
James Billington sur qui repose la bibliothèque du Congrès, s'interroge : « L'âge de l'information nous rend-il plus sages ? Ilne semble pas gêné par la perspective du rangement des documents selon leur format dans un nouveau magasin, car les rayons de la Bibliothèque débordent actuellement : 113 millions de documents existants, auxquels s'ajoutent quotidiennement 20 000 nouveaux apports. James Billington pense que la bibliothèque doit évoluer. Il a une vision d'une bibliothèque « sans murs, qui serait un catalyseur actif de la civilisation plutôt qu'un mausolée passif de vieux livres ». Mais il ajoute qu'il est significatif que nous parlions de l'âge de l'information et non de l'âge de la connaissance. James Billington déclare aussi que la bibliothèque a un rôle à jouer, en veillant à ce qu'Internet ne devienne pas le domaine des imbéciles, un simple rejeton de ce qu'il appelle la culture audiovisuelle. Internet, selon lui, réduit la durée d'attention, détruit la phrase, base de la langue anglaise. Quelqu'un peut naviguer sur Internet pendant des heures et ne jamais rencontrer un texte écrit avant 1995. « C'est fatalement un destructeur de la mémoire. Vous pensez avoir davantage d'information jusqu'à ce que vous découvriez que vous avez fait un pacte avec le diable. Vous avez été lentement transformé et êtes devenu un prolongement de la machine » (International Herald Tribune, 16.3.99).