Index des revues

  • Index des revues

    Echos

    De bonnes feuilles signalées par les lecteurs du bulletin et assaisonnées par la rédaction

    Par Hugues Van Bésien, Collab
    Par Claudine Belayehe

    * EXTENSION DU DOMAINE DE LA LUTTE

    Qui n'a pas son avis sur Michel Houellebecq ? À la FNAC Montparnasse le 24 octobre, des « lycéens » interpellent le non Goncourt de 1998 : « Pourquoi cette violence gratuite, tant de scènes de sexe, ces masturbations à toutes les pages ?... Comprenez-vous que certains parents nous interdisent cette lecture ?... Adhérez-vous à votre utopie ? Si le désir ne fait plus sens, vous êtes donc un homme amorphe, une larve ?... » Au syndicat des chefs d'établissements scolaires, on se fend d'une circulaire (sic...) aux secrétaires académiques appelant à la vigilance car le roman : « peut choquer les jeunes lecteurs et leur famille. D'autre part, la personnalité de l'auteur et les thèses qu'il défend nous paraissent de nature à vous inciter à prendre quelques précautions... » (Le Monde du 8-10 novembre 1998, p. 10) Plus grave, les élus (Force Ouvrière) d'un comité d'établissement Air France ordonnent son retrait des collections de la médiathèque du CE de Roissy en affirmant une conception des rôles respectifs de l'élu et du bibliothécaire qui s'inscrit dans l'affirmation d'un pouvoir de censure : « Une simple lecture de la jaquette ainsi que le résumé du recueil que vous utilisez pour déterminer les commandes auraient dû retenir votre attention et vous amener à interroger votre hiérarchie sur l'éventuelle possibilité de faire figurer ce roman dans notre bibliothèque » (extrait de la lettre recommandée adressée au bibliothécaire, donné dans Libération du 21.11.98, p. 29), ou encore, de la part du secrétaire du CE, « Le bibliothécaire a commis un acte d'insubordination car nous tenons à ce que les ouvrages de la médiathèque soient tout public. »

    * REVALORISATION

    Dans Soixante millions de consommateurs de novembre 1998, (N°322, p. 29), en deux colonnes, pour ou contre le prêt payant en bibliothèque, Evelyn Tardel, secrétaire générale du Syndicat national des Bibliothèques (SNB-FEN-UNSA) est contre. Serge Eyrolles, président du SNE, est pour, et fixe son prix : un euro (environ 6,50 F) par livre emprunté. « Comme on emprunte en moyenne une vingtaine de livres par an, le paiement d'un droit ne serait pas ruineux. » Et pas d'exemption systématique pour les jeunes, contrairement à ce qu'envisage le rapport Borzeix, « car rien n'empêcherait qu'ils empruntent gratuitement pour toute la famille ». En attendant, c'est Soixante millions de consommateurs qui touche, car envoyer votre avis sur le Minitel 3615 60 Millions vous coûtera 2,23 F la minute. L'ABF devrait lancer des pétitions payantes.

    * ÉCHOS DU PASSÉ

    Monique Lambert a retrouvé pour les lecteurs du bulletin les premières motions (« voeux »), votées par les congrès. Cette pratique n'apparaît qu'en 1919, quand l'assemblée générale adopte à l'unanimité, à la suite d'une intervention de Charles Mortet au sujet des difficultés de recrutement, le texte suivant :

    « L'Association des Bibliothécaires Français réunie en assemblée générale émet le voeu que le programme des divers examens et concours prévus pour les différentes catégories de bibliothèques publiques soit unifié dans le plus bref délai, et, qu'en attendant cette unification, les commissions qui seront constituées pour ces examens et concours soient autorisées à admettre l'équivalence des stages faits par les candidats dans les bibliothèques publiques de Paris, les bibliothèques universitaires et les bibliothèques municipales classées. »

    De nouveaux voeux sont adoptés en 1922, pour demander au gouvernement de hâter le projet de loi sur le dépôt légal et pour demander la réunion annuelle de la Commission supérieure des bibliothèques, en sommeil depuis 1913, et en 1924, pour donner mandat au bureau d'insister sur « l'assimilation du personnel scientifique et technique des bibliothèques nationales au personnel de l'enseignement supérieur » et pour charger le président, alors Ernest Coyecque, de poursuivre « sans répit tant au Parlement que par le concours de l'opinion publique toutes les démarches utiles à l'obtention du statut d'État pour le personnel technique des bibliothèques municipales. »

    + INFOGUERRE

    C'est le titre d'une brève dans Le Monde Informatique du 10.10.98, qui fait état de destructions de sites web albanais du Kossovo et du blocage du site du quotidien croate Vjesnik par un groupe de pirates informatiques serbes baptisés La Main Noire (du nom d'une organisation nationaliste impliquée dans l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand en 1914). Des hackers croates auraient répliqué en imposant leurs messages sur le site de la Bibliothèque Nationale Serbe...

    + EXÉGÈSE: suite exégèse

    Pour suivre le débat sur la Bible des peuples (Fayard) signalé dans notre précédente parution, on pourra se reporter à la page entière consacrée à l'affaire par Le Monde (14.10.98, p.16), qui donne le point de vue de Michel Zaoui, avocat, président de la commission juridique de la LICRA, et ceux de Marc Leboucher, Jean-Louis Schlegel et Dominique Barrios, tous trois éditeurs de la Bible, respectivement pour les éditions Desclée de Brouwer, Le Seuil et Le Cerf.

    * INFORMATISATION

    Le taux d'équipement des foyers français en micro-ordinateurs a atteint un degré significatif, grimpant de 15°/o en 1996 à 18°/oen 1997 et 20% en 1998 (prévisions). Le trafic du courrier écrit entre en stagnation sous la concurrence de l'e-mail. La diffusion de l'informatique semble encore plus rapide que celle du magnétoscope ou de la télé couleur, qui avaient mis une quinzaine d'année à se généraliser à partir du début des années 1980 et à atteindre le point où le marché des appareils n'est plus soutenu que par les achats de renouvellement. L'entreprise semble jouer un rôle d'initiation important : 40 °/o des salariés travaillaient déjà sur un micro en 1995... : près de 80 % des cadres, 60 % des salariés intermédiaires et 50 % des employés. (données fournies par Science et Vie Micro de décembre 1998, pp. 61-65)

    * LIBRAIRIES VIRTUELLES

    Amazon.com, la première librairie virtuelle, fondée en 1995 par Jeff Bezos, 32 ans à l'époque, ex-financier, propose aujourd'hui en ligne un catalogue de trois millions de titres à des prix 40 % moins élevés ceux des libraires américains et a réalisé un chiffre d'affaires de 1,1 milliard de francs au cours du premier semestre 1998. Amazon.com a 3,14 millions de clients dans 160 pays. La riposte s'organise chez les grands groupes du livre : rapprochement entre Bertelsmann et Barnes et Noble (groupe de libraires américains : voir dans une parution précédente), dont le site totalise 720 000 clients, rachat du plus important grossiste américain, Ingram Books, par ce dernier. Du coup, Amazon rachète Telebook, le principal libraire en ligne allemand (335 000 titres) et Bookpages, son homologue anglais (1,2 million de titres) (adresses respectives : amazon.de et amazon.co.uk), prenant pied en Europe, et étend ses activités au disque (1 20000 références). (L'Expansion N° 585 du 19.11 au 2.12.98, pp. 94-95).

    Et si, en plus, ils se mettaient à fournir des notices en ligne, enrichies des illustrations de couverture et des présentations ? Et des livres façonnés pour les bibliothèques ? Qui les achèterait hors des frontières en formant des groupements d'achats ?

    Selon les milieux autorisés, la Direction du livre, toujours prête à financer les bonnes causes avec l'argent des collectivités locales et à maintenir haut l'exception française, envisage d'ajouter au droit de prêt, au droit sur l'utilisation privée des documents numériques et à la limitation des remises aux collectivités l'obligation, pour les bibliothèques, de se faire livrer en triporteur par un emploi-jeune coiffé d'un béret basque. Les petits Français que sont la FNAC, Extrapole, récemment racheté par Hachette, Alibabook (site SFL, alibabook.com) et Decitre sont promis à l'échec par le rédac'chef de Livres Hebdo (N°316, p. 11) : ça ne marchera pas en France, mon bon Monsieur... En complément, on lira dans Le Monde du 22.11.98 (p. 26) une analyse des tendances de l'économie du livre en 1998.

    *DÎME

    En réponse à une question parlementaire posée le 19.11. 98, Catherine Trautmann a évoqué la possibilité de créer une taxe forfaitaire sur les abonnements à Internet et sur les CD vierges pour compenser le manque à gagner causé aux producteurs par le développement de la diffusion gratuite de musique en ligne. Le Syndicat national de l'édition phonographique n'est pas content et refuse, même à titre transitoire, ce qu'il considère comme un simple droit (forfaitaire) à rémunération pour les copies privées numériques (droit de copie) : il préférerait une rémunération de l'usage assise sur le marquage des documents numériques qui permettrait aux ayants droit de gérer leurs droits (droits d'auteur), comme au bon vieux temps. Le Syndicat des producteurs de phonogrammes informatiques n'est pas content non plus et invoque la convention de Berne (art. 9), « qui prévoit des exceptions au monopole des auteurs pourvu que la reproduction ne porte pas atteinte à l'exploitation de l'oeuvre normale... » (Libérotion du 4.12.98, p. 27).

    Les esprits forts objecteront peut-être qu'il passe aussi sur Internet de l'écrit, des photos, de l'image animée, des correspondances privées et des ratons laveurs, lésant, dans cette interprétation, par leurs usages privés, d'innombrables catégories d'ayants droit, ou n'ayant aucun rapport avec eux. Et qu'il y a bien d'autres supports d'enregistrement possibles, sans parler de ceux qu'on peut acheter à l'étranger. La contrebande de supports vierges est-elle une activité d'avenir ?

    * DERNIER COUAC

    Le Collectif des Ouvrages Actuellement Censurés à Orange, qui regroupait des auteurs et éditeurs jeunesse concernés par les censures municipales à la médiathèque d'Orange, et qui avait édité l'affiche orange, s'est dissous, semble-t-il sur le constat qu'il n'arrivait pas à élargir son assise. La mobilisation des auteurs et des éditeurs sur cet aspect des choses avait toujours été limitée...(/?os l'front N°60, p. 11)

    DROITS CONSTITUTIONNELS AU SEXE EXPLICITE

    La décision de mettre en place, dans les ordinateurs d'une bibliothèque connectée à Internet, des logiciels de filtrage rendant impossible l'accès aux sites au contenu sexuel explicite " porte atteinte au premier amendement de la Constitution américaine ». Dans Libération du 27.11.98, (p. 33), Luc Lamprière fait état de l'annulation par la Cour Suprême de diverses mesures prises par les États pour instaurer des censures sur Internet. L'Association des bibliothécaires américains (ALA) a dépensé 1,5 million de dollars en frais juridiques pour éviter, à l'époque antérieure, que des bibliothécaires ne soient jugés responsables des usages délictueux d'Internet qui auraient été faits à partir des postes publics...

    * SANS PAPIERS: DOCUMENTATION

    Les bibliothécaires confrontés à des demandes de renseignements sur les droit au séjour consulteront utilement le Guide des Étrangers en Fronce . Publié par la CIMADE (service oecuménique d'entraide) en septembre 1998 dans la collection Les guides des causes communes, en vente au prix de 100 francs à la CIMADE 176 rue de Grenelle, 75007 PARIS: (tel. 01 44 18 60 50). On y trouve l'ordonnance fondatrice du 45-2658 du 2.11.1945, les circulaires dites Chevène-ment, les accords binationaux franco-algériens, la référence des autres accords binationaux introduisant des exceptions aux dispositions générales, les textes sur le droit d'asile, ceux relatifs aux mesures d'éloignement, aux recours, aux naturalisations, etc. et enfin les dispositions relatives à l'accès aux documents administratifs. Il existe de plus deux sites web spécialisés dans les démarches de régularisation qui proposent de nombreuses références, des modèles de démarche et de l'aide juridique en ligne : www.sosnet.eu.org et le site du Groupe d'information et de solidarité avec les travailleurs immigrés, gisti@ras.eu.org, association qui édite par ailleurs un guide annuel et diverses brochures, les Notes pratiques du GISTI 14 84 84), contenant à la fois les textes précités et des informations sur les stratégies de démarche. Enfin, le Que Sais-je N°3437 de Denis Alland consacré aux Textes du droit d'asile est sorti en décembre 1998. Il contient les textes essentiels et une jurisprudence fournie :

    «...la circonstance que cet officier a été condamné à mort par un tribunal militaire, à la supposer établie, n'était pas de nature à la faire regarder comme entrant dans l'un des cas (de persécution)... prévus par la convention de Genève... »

    * MÉDIATION

    Le numéro 220 (1998/3) de Musées : collections publiques de France (revue de l'Association des conservateurs des collections publiques de France), intitulé Patrimoine et public en rupture, un défi pour les musées, livre entre autres articles intéressants l'état de la réflexion d'Élisabeth Caillet, chef du Département du développement artistique à la Délégation au développement et aux formations au ministère de la Culture sur la question de la médiation (pp. 9-13).

    L'auteur relève les limites des foisonnements de dispositifs... on s'aperçoit qu'il faut des spécialistes pour travailler auprès de ces publics et on va avoir un spécialiste des adultes, un spécialiste des enfants faciles, un spécialiste des enfants difficiles... C'est à dire qu'on va dans une espèce de perversion dans laquelle on ghettoise les publics difficiles. Puisqu'ils vont être traités de façon particulière, à la limite des jours particuliers, par des personnels spécifiques qui auront reçu une formation particulière... et on va trouver des financements spécifiques... On en arrive finalement dans les années 90 à des « sites Toubon », des « sites Guy Drut », des « sites Douste-Blazy ». Jusqu'à se dire un jour... mais finalement, ce que l'on fait pour les handicapés, c'est ce qu'il faut faire pour tout le monde... et qu'on ne ferait plus de nouveaux dispositifs. L'article se termine sur l'idée d'un recours aux emplois jeunes non pas pour coordonner partenariats et dispositifs... à moins de trouver quelqu'un qui corresponde à cela et qui accepte d'être payé fort peu... mais pour servir de correspondants locaux aux coordinateurs haut de gamme en les installant dans les structures culturelles dans le cadre de collectifs de ressources d'éducation artistique et culturelle constituant des projets d'activité culturelle.

    (en langue de bois dans le texte)

    * BIBLIOTHÉCAIRES BOUSCULÉS

    Les bibliothécaires municipaux bousculés par les nouvelles technologies et le virus des livres : portrait de Nathalie Ravenel, bibliothécaire à Montvilliers (Seine-Maritime) : dans Le Monde du 9 décembre 1998 (p. 8). Notre problème de recrutement n'a pas vraiment été perçu par le journaliste...

    * INCOMPÉTENT ET TENDANCIEUX

    L'affaire remonte à l'entrée de l'Autriche dans l'Union européenne en 1995, qui a fait tomber la question de la libre concurrence, donc de la liberté des prix du livre germanophone, dans le domaine international, donc dans les attributions du très libéral commissaire à la concurrence Karel Van Miert. Partisan déclaré de la liberté des prix dans tous les domaines, celui-ci a commandé à l'officine londonienne Euromonitor un premier rapport étrillé par le Syndicat des éditeurs allemands. C'est pourquoi, quand le Conseil des ministres de la Culture de l'Union a eu besoin d'éclairer sa lanterne, il a de nouveau été fait appel au même cabinet, qui a rendu The economic and cultural aspects of books and reading, dit Euromonitor 2, en octobre 1998. 200 pages de statistiques mal compilées où l'on apprend entre autres que les importations de livres en Allemagne s'élèvent annuellement à 900 grammes par personne. Additions de torchons et de serviettes, erreurs et omissions flagrantes, citations tronquées : rien n'y manque, jusqu'à cette sublime unité de mesure bibliométrique. Le BerlinerZeitung du 17.11.98 (p. 11), qui relate l'histoire, juge le rapport « incompétent et tendancieux ». Il ne dit pas s'il a été payé très cher, cela va sans doute de soi. Le Syndicat des éditeurs allemands a confié la rédaction de la riposte à Ulrich Everling, ex-juge à la cour de justice européenne. Les partisans du prix unique iront à la bataille en invoquant l'article 128 du traité de Maastricht, qui impose à la Commission de considérer les conséquences culturelles de ses décisions. Le tout nouveau ministère allemand de la Culture demande de nouvelles études.

    Rappelons en tout cas que la rubrique Échos est une revue de presse, et qu'elle est donc tributaire du sérieux des informations publiées ailleurs, que nous ne pouvons pas toujours vérifier.