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    Bibliothèques en péril...


    Le comité de rédaction de fABF tient à informer ses lecteurs de la situation difficile de ces trois bibliothèques

    Une bibliothèque spécialisée menacée ou l'enfer des délocalisations est pavé de bonnes intentions

    La bibliothèque de l'INRP est, en France, la bibliothèque de référence en éducation. Créée en 1879 avec le Musée Pédagogique, elle a toujours eu une mission d'acquisition systématique de documents français et étrangers du xve siècle à nos jours, traités d'éducation, manuels scolaires, études historiques et statistiques, ouvrages sur l'organisation de l'enseignement et la psychologie de l'enfant. Au xxe siècle, le développement de la bibliothèque a accompagné la structuration progressive de la recherche en éducation. C'est la diversité des approches (historique, administrative, statistique, philosophique, didactique, etc.) et la continuité historique de ses fonds qui ont permis sa reconnaissance comme CADIST et plus récemment comme pôle associé de la Bibliothèque Nationale de France.

    La Bibliothèque de l'INRP offre près de 600 000 volumes dont 5 000 titres de périodiques et, en libre accès 30 000 documents et plus de 500 titres de périodiques.

    Il faut signaler parmi les fonds les plus précieux et remarquables : des livres anciens relatifs à l'éducation, parmi lesquels plusieurs incunables et plus de deux mille ouvrages du XVIe siècle, des revues pédagogiques du xvme siècle à nos jours, en provenance du monde entier, une collection unique de textes législatifs et réglementaires sur l'enseignement français et étranger. (cf : adresse électronique : http://www.inrp.fr)

    Les usagers (chercheurs, enseignants, formateurs, acteurs et futurs acteurs du système éducatif) soulignent très fréquemment l'importance de l'effet d'accumulation, ce phénomène de rassemblement permettant seul les études comparatives, historiques, et pluridisciplinaires.

    Profondément ancrée dans la communauté éducative et scientifique francilienne (les chercheurs de l'INRP ne représentent que 5 °/o de son lectorat), la bibliothèque est aujourd'hui menacée par un projet de transfert dans la bibliothèque de l'ENS de Lettres, (site de Gerland à Lyon).

    Proposé sans concertation ni avec les professionnels de la documentation, ni avec la communauté scientifique concernée, ce projet n'a fait l'objet d'aucune programmation. Il ne respecte ni l'adéquation de la carte documentaire des collections en éducation avec la répartition géographique des publics, ni l'environnement scientifique et largement pluridisciplinaire qui a présidé au développement de cette bibliothèque et qui ne se retrouveront pas dans la région Rhône-Alpes.

    La brièveté des délais annoncés par voie de presse uniquement (ouverture à Gerland échelonnée entre 2000 et 2002), alors que rien n'est préparé aurait pour conséquence, entre autre, de rendre les fonds inaccessibles pendant plusieurs années et de marquer un arrêt dans le développement des collections, qui serait ensuite réorienté sous l'influence d'une tutelle de fait et d'un lectorat nouveau.

    Obsédés par « l'opportunité » lyonnaise - qui est en réalité une captation de ressources - nos instances n'ont peut-être pas envisagé sérieusement jusqu'à présent les scénarios alternatifs franciliens.

    Puisque que nul ne cherche à contester la pertinence d'un développement multisite de l'INRP, il importe de concevoir le fonctionnement documentaire de l'Institut en réseau : sans nier la nécessité de développer un fonds documentaire sur moyens nouveaux à Lyon, des solutions doivent être trouvées à court et à moyen terme pour le maintien en Ile-de-France de ce qui reste, par-delà l'Institut qui l'a en charge, la Bibliothèque centrale de l'instruction publique, et encore aujourd'hui, la première bibliothèque en France et une des plus importantes dans le monde, pour l'éducation.

    Si l'on veut vraiment assurer la pérennité de cette bibliothèque, il faut donc que s'engage très vite une réflexion concertée qui étudie les conditions les plus favorables à son redéploiement par rapport à ses publics régional, national et international, son accessibilité, l'environnement scientifique nécessaire et, enfin, la complémentarité avec les centres de ressources propres à chaque région.

    Bibliothèque du Musée de l'Homme : quel sort pour la bibliothèque fondée par Yvonne Oddon et Paul Rivet ?

    Des commissions de professionnels sont en cours et aucune décision se sera prise avant leurs conclusions.

    Le futur musée du Quai Branly, dit « des Arts premiers », sera créé majoritairement à partir des collections d'objets du musée des Arts africains et océaniens d'une part et des collections du laboratoire d'Ethnologie du musée de l'Homme, d'autre part. Reste à savoir ce que deviendront l'actuel bâtiment du musée de l'Homme et les deux laboratoires restant d'anthropologie biologique et de préhistoire. Probablement retourneront-ils au sein du muséum, au Jardin des Plantes, dans le Ve arrondissement, encore que rien d'officiel n'ait été annoncé à ce sujet.

    La bibliothèque du musée de l'Homme, quant à elle, voit son sort fixé en quelque quatre lignes dans le compte-rendu de la réunion interministérielle qui s'est tenue à Matignon le 5 Mai dernier dans un débat sur le futur musée. Aucun des participants n'a contesté la décision de transfert des seules collections d'ethnologie ; aucun à l'évidence ne savait qu'un projet était indispensable à une bibliothèque, comme à un musée, fut-elle la médiathèque du même musée.

    Le cabinet du premier Ministre a confié au ministère de la Recherche le soin de « lancer en urgence une étude scientifique pour définir la ligne de partage des fonds d'ethnologie, de préhistoire et d'anthropologie biologique de la bibliothèque du musée de l'Homme, l'EPMQB (1) conduisant parallèlement une étude de faisabilité de ce transfert »

    Il a été précisé ultérieurement que la bibliothèque du musée de l'Homme serait séparée en trois fonds ainsi dénommés :

    • « l'ethnologie de l'Europe »
    • « l'anthropologie des quatre autres continents »
    • « la préhistoire et l'anthropologie biologique »

    Chacun de ces fonds aura une destination différente, la seconde seule étant destinée au musée du Quai Branly. Pour ce faire, un groupe de travail composé de scientifiques (2) et de bibliothécaires est constitué et devra étudier la ligne de partage des collections, leur destination, et la ré-affectation éventuelle du label CADIST (3) .

    La bibliothèque du musée de l'Homme a prévu depuis le début du projet, son transfert vers le Quai Branly, pour y constituer une médiathèque qui regrouperait la photothèque et les documents son et film du musée de l'Homme, ainsi que la bibliothèque et la collection de photographies du musée des Arts africains et océaniens, le MAAO : un projet ambitieux et séduisant de regroupement de collections. Un groupe de travail, « Documentation » mis en place en 1998, a émis un certain nombre de recommandations qui devaient être les premiers éléments d'un cahier des charges de la future « médiathèque ». Il recommandait en particulier de veiller à l'importance des collections conservées, ainsi que de veiller à conserver le rôle et la mission de l'actuelle bibliothèque du musée de l'Homme.

    Aujourd'hui, la décision prise à Matignon vient très gravement altérer cet ambitieux projet. Ambitieux par la taille et par les moyens à mettre en oeuvre quant aux surfaces, au personnel et au statut de collections d'origines diverses. Mais, plus grave, il démantèle un outil scientifique indispensable à une communauté de chercheurs, sans le remplacer. Notons qu'il n'a d'ailleurs pas été jugé utile de nommer un chef de projet pour cette entité dans le futur musée. Ne parlons pas des coûts du chantier à mettre en oeuvre, des coûts de catalogage à plusieurs niveaux, OCLC, SU, catalogue collectif du muséum national d'Histoire naturelle. La délocalisation et la relocalisation des notices est un traitement lourd. Parions qu'un bon nombre d'ouvrages uniques en France se trouveront sans doute inaccessibles voire perdus pour plusieurs années.

    La décision prise à Matignon est-elle le résultat

    • d'une dispute entre les 2 musées ?
    • d'un simple problème de place dans le futur musée : trop peu d'espace pour assurer le développement d'une bibliothèque de cette envergure ?
    • la méconnaissance des disciplines ?
    • la méconnaissance du réseau documentaire dont fait partie cette bibliothèque d'envergure nationale servant un public plus vaste que sa propre institution ? ou de ces quatre raisons additionnées ?

    Certes on ne construit pas une bibliothèque mais un musée. Mais pourquoi l'une devrait-elle pâtir de l'autre ? N'y a t-il pas place pour deux projets complémentaires ? La mission d'un musée est-elle comparable à celle d'une bibliothèque ? En l'occurrence, la bibliothèque ne peut-elle couvrir un plus grand champ disciplinaire que le musée qui l'abrite ?

    Si l'ambition du futur musée se réduit à une bibliothèque coïncidant strictement à ses collections muséales, alors pourquoi ne pas la créer de toutes pièces à partir du fonds du MAAO, sachant que sa bibliothèque compte environ 20 000 ouvrages spécialisés, en y ajoutant un choix d'ouvrages dont la bibliothèque du musée de l'Homme possède des exemplaires multiples ; enfin une part d'acquisitions complèterait un programme de politique documentaire dûment élaboré.

    Que faire alors de la bibliothèque du musée de l'Homme ? reste la question à résoudre. Question purement matérielle de locaux, mais dans le grand chantier parisien que représente U3M, il y a sûrement une place pour une collection de recherche de 300 000 unités. Pourquoi ne pas créer une grande bibliothèque de sciences humaines dont elle serait un premier pan ?

    // apparaît aux professionnels de la bibliothèque du musée de l'Homme, indispensable de conserver l'intégrité du fonds constitué patiemment au fil du dernier siècle, quelle que puisse être sa localisation physique, pour le maintien de la satisfaction de ses usagers.

    Visitez le site de la bibliothèque du musée de l'Homme. http://www. mnhn. fr/bmh/ et le Catalogue commun des bibliothèques du muséum national d'Histoire naturelle : http://www. mnhn. fr/muscat

    À l'heure où nous mettons sous presse, nous apprenons que la bibliothèque de l'institut catholique de Toulouse a subi de graves avaries dues à des inondations durant le mois d'août. Sur un fonds de 250 000 livres, 22 000 sont sévèrement détériorés, dont 4 à 5 000 éditions anciennes. Le Directeur de la bibliothèque demande conseils et assistance à tous ceux qui ont pu connaître dans leur carrière de tels dommages.

    1. Établissement public du Musée du Quai Branly. retour au texte

    2. En l'absence de ceux du Musée de l'Homme. retour au texte

    3. Centre d'acquisition pour l'information scientifique et technique, en ethnologie et en préhistoire. retour au texte